Catastrophe de La Nouvelle Orléans :
Le capitalisme, économie du malheur !

(«le prolétaire»; N° 478; Septembre-Octobre 2004)

 

Les Etats-Unis d’Amérique, la plus grande puissance impérialiste du monde, la source la plus importante de science et de technologie, l’écrasante machine de guerre à laquelle aucun pays ne peut résister, sont à genoux. Morts par milliers, réfugiés par centaines de milliers, destructions en tout genre, impuissance générale: ils n’ont rien pu faire face au cyclone Katrina!

De tout côté on a crié à la fatalité, à la nature qui se venge des dommages causés par l’homme et qui arrive à faire plier l’orgueilleuse Amérique. Mais en même temps les accusations ont commencé à pleuvoir contre le gouvernement Bush, si prompt à faire la guerre en Irak et à dépenser des milliards de dollars pour ce conflit, mais si réticent à investir dans la protection contre les inondations, les cyclones et les dommages - prévisibles et prévus - que peuvent causer les forces de la nature.

Les pays qui donnent sur le golfe du Mexique, des îles caraïbes à Cuba jusqu’aux Etats américains (Floride, Alabama, Mississippi et Louisiane) sont naturellement exposés à la furie des ouragans qui se forment dans l’Atlantique avant de se heurter à la terre ferme avec toute leur violence; depuis toujours! Mais face à Katrina les puissantes ressources gigantesques du capitalisme américain n’ont rien pu faire. Malgré les prévisions des météorologistes, des géologues, de branches entières de la science, malgré les plans de protection civile étudiés jusque dans le moindre détail, malgré les projets de travaux sur les marais, les digues, les canaux, l’impavide machine à profit a échoué de manière criminelle: la catastrophe avec ses milliers de morts à la Nouvelle Orléans et dans ses environs (1) a un responsable: le capitalisme! La vertigineuse course au profit immédiat qui avait été la cause principale des presque 300.000 morts du tsunami de décembre dernier, est également la cause de l’épouvantable holocauste - surtout de prolétaires noirs! - du cyclone. En outre, les maigres dépenses prévues pour l’entretien des digues de la Nouvelle Orléans en particulier, avaient été utilisées pour les dépenses de la guerre en Irak...

Katrina a mis en pleine lumière une réalité cachée des Etats-Unis: la profonde misère des classes prolétariennes et déshéritées, bestialement exploitées et systématique rejetées aux marges de la vie civile. Au courageux «sauve qui peut» lancé par le pétroprésident américain quelques jours avant que ne s’abatte le cyclone, a fait écho ensuite l’instauration de la loi martiale et son ordre de tirer à vue sur les pillards donné aux dizaines de milliers d’hommes de la Garde nationale et aux 40.000 soldats envoyés au bout d’une semaine pour défendre l’inviolabilité de la propriété privée! Mais pendant des jours et des jours des centaines de milliers de personnes qui n’avaient pu échapper au cyclone par manque de moyens, bloquées dans les villes inondées, sont restées sans électricité, sans nourriture et sans eau, isolées parmi les décombres et les morts ou entassées dans le cloaque répugnant du superdome. Abandonnés à leur destin pendant des jours, condamnés à mourir de faim, de soif, de maladie, les plus téméraires se sont jetés sur les magasins ou les supermarchés pour y «voler» de quoi manger et boire.

En réalité les véritables pillards, ce ne sont pas eux, mais les capitalistes, les financiers, les pétroliers, les gros commerçants et industriels qui, par soif de profit ont détruit les défenses naturelles du territoire et contraint le Mississippi à suivre un cours qui n’était pas le sien.

C’est ainsi qu’avec l’absence d’organisation préventive pour l’évacuation des habitants prolétariens de la ville et l’incurie complète des secours, les ravages du cyclone ont été décuplés par l’action du capitalisme: le fleuve a repris son cours millénaire, les digues qui protégeaient les quartiers noirs ont rompu faute d’entretien, et avec elles ponts et routes. Imprévoyance? Déjà lors d’un cyclone précédent en septembre 2004 qui, par chance, avait au dernier moment évité la ville, les autorités avaient été critiquées parce qu’elles n’avaient rien prévu pour évacuer les habitants plus pauvres. En réaction, la municipalité avait produit... 30.000 cassettes vidéos à destination des quartiers populaires qui avertissaient, en cas de cyclone: «N’attendez pas l’intervention de la municipalité, n’attendez pas l’intervention de l’Etat, n’attendez pas l’intervention de la Croix Rouge (...), partez» (2). Difficile de dire plus clairement que les autorités de l’Etat et de la ville ne se souciaient pas le moins du monde du sort des prolétaires. Peut-être d’ailleurs est-ce pour cela que ces cassettes n’ont même jamais été distribuées...

Un journaliste américain venu dans la ville pour faire un reportage sur l’arrivée du cyclone témoigne: «Comme je demandais à l’officier de police posté à l’Hôtel où je résidais qui était encore en ville, elle répliqua: “les seules personnes qui sont encore à la Nouvelle Orléans sont pour la plupart des criminels que nous essayons de faire sortir de la ville depuis des décennies. Si les digues cèdent, Mère Nature portera un insigne de shériff!”» (3). Un député de Bâton Rouge (la capitale administrative de la Louisiane) n’a pas craint d’affirmer publiquement: «Enfin, les cités de La Nouvelle Orléans ont été nettoyées. Ce que nous n’avons pas su faire, Dieu s’en est chargé», affirmation à laquelle fait écho celle du maire de la Nouvelle Orléans (un riche patron noir): «Pour la première fois, notre ville est débarrassée de la drogue et de la violence, et nous entendons bien la conserver dans cet état» (4).

Massacre annoncé ! Capitalisme assassin !

Mais ce qui est arrivé pour toutes les catastrophes passées, arrive aussi pour la catastrophe du cyclone Katrina: banques, sociétés immobilières et entreprises de construction après avoir fait rapidement le compte des dégâts, se précipitent maintenant pour établir des projets de reconstruction où il y aura des milliards à gagner (on évoque le chiffre de 200 milliards de dollars pour la reconstruction): le business ne doit pas s’arrêter!

Le capital ne verse que des larmes de crocodile pour les morts; de toute façon il était trop préoccupé à remettre au plus vite en état les forêts de plate-forme pétrolières, les raffineries, les pipelines ou les installations portuaires de la Nouvelle-Orléans (le premier port américain en tonnage), pour s’intéresser au sort de la population (dont les survivants sont aujourd’hui expulsés manu militari pour laisser place nette aux reconstructeurs, parmi lesquels l’entreprise dont le vice-président Cheney était un dirigeant, semble, comme en Irak avoir emporté la plus grande partie des contrats déjà passés)...

L’économie du malheur
 

Sous le capitalisme, et en particulier quand la concurrence internationale se fait plus aiguë à tous les niveaux, il n’y a pas de digue qui puisse tenir, il n’y a pas de canal qui puisse supporter la puissance de fleuves en crue, il n’y a pas de protection possible aux phénomènes naturels de grande ampleur: tout simplement parce que tout cela représente pour le capital des dépenses improductives dont le poids pèse de façon intolérable sur les profits.

La catastrophe qu’a connue la Nouvelle-Orléans et ses environs était depuis des années officiellement décrite comme le risque n°1 de catastrophe aux Etats-Unis, avant un tremblement de terre à San Francisco.

La région a déjà connu des inondations catastrophiques du Mississippi en 1927. Alors, pour épargner les quartiers bourgeois et «sauver le commerce» de la ville, les dirigeants de la Nouvelle Orléans décidèrent de faire sauter les digues à la dynamite, afin que le flot s’écoule dans les zones basses; mais c’étaient les zones d’habitation de la population noire, petits paysans et travailleurs agricoles employés sur les plantations. 2000 personnes environ périrent noyées, sacrifiées aux intérêts bourgeois, tandis que des milliers d’autres devinrent du jour au lendemain des sans-abris et furent contraintes de quitter la région pour trouver du travail et un logement.

80 ans plus tard ce sont toujours les intérêts bourgeois, les intérêts immédiats du capital qui dictent les décisions des autorités au mépris complet des besoins et des intérêts des masses déshéritées et prolétariennes.

Après des années et des années de discussion sur la façon de se protéger de graves inondations qui tôt ou tard devaient se reproduire selon l’avis général, un projet de protection de toute la Louisiane avait fini par être adopté en 1998.

Mais il n’a pas eu le moindre début de réalisation car il aurait coûté, en tout, sur une dizaine d’années 14 milliards de dollars: dépense trop importante et trop improductive pour le capital, même si elle aurait permis d’épargner quelques milliers de vie prolétariennes! Pourtant ce chiffre, important sans aucun doute, est à mettre en rapport avec les dégâts causés par l’ouragan qui sont estimés à plus de cent milliards de dollars; ou aux profits des 4 plus grandes sociétés pétrolières opérant dans la région pour la seule année 2004: près de 73 milliards de dollars, soit cinq fois plus, ou aux coûts de la guerre en Irak, évalués selon certaines estimations à près de 5 milliards de dollars par mois! Les crédits pour l’entretien des digues n’ont au contraire pas cessé d’être réduits au cours des dernières années, en même temps que croissaient les bénéfices des entreprises capitalistes dans tout le pays - et le nombre de pauvres.

De même que les intellectuels bourgeois intelligents avaient prévu depuis longtemps ce qui est arrivé, de même aujourd’hui d’autres avertissent qu’avec le réchauffement de la planète ce genre de catastrophes risque de se reproduire; et ils préconisent comme solution le recours à des sources d’énergie dites renouvelables, moins polluantes, ainsi qu’à des accords internationaux entre gouvernements de bonne volonté pour diminuer ces risques. Evidemment ils ne disent pas un mot du mode de production qui est à la base des politiques économiques des différents Etats. C’est la vieille chanson du capitalisme à visage humain qui pourrait concilier soif du profit et satisfaction des besoins humains, exploitation des ressources naturelles et respect de l’environnement...

Mais tant que les lois qui régissent la société sont les lois du capital, les lois du marché, de l’argent, du salariat, elle ne peut échapper aux destructions, aux gaspillages et aux pillages, à l’exploitation et à la loi de la jungle comme le démontre toute l’histoire de cette société bourgeoise: histoire d’oppressions et de guerres, de catastrophes et de saccage de la nature.

Il n’y a pas d’autre solution que la destruction de cette société, la destruction d’un mode de production qui aiguise les antagonismes entre les classes, qui engendre les rivalités entre entreprises, institutions et Etats, qui a édifié un pouvoir politique et militaire destiné à la défense des réseaux d’intérêts des diverses fractions capitalistes; un pouvoir politique aveugle aux besoins vitaux de l’écrasante majorité de la population mondiale parce qu’il est l’instrument de la défense des privilèges de la classe dominante bourgeoise.

La révolution des opprimés, des prolétaires, est la seule voie pour que l’humanité échappe à l’interminable série des catastrophes et des guerres que lui inflige le capitalisme, pour qu’elle en finisse à jamais avec ce mode de production criminel et instaure une société sans classes, sans exploiteurs ni exploités, et en harmonie avec la nature:

le communisme !
 



(1) Les autorités de Louisiane avaient avancé à un moment l’estimation de plus de dix mille morts. Cette estimation a par la suite disparu et au moment où nous mettons sous presse on ne parle plus officiellement que d’un millier de morts. Cependant on peut relever dans la presse des indications qui laissent penser que le chiffre exact est bien plus élevé; c’est ainsi que le maire d’une petite ville des environs de la Nouvelle Orléans affirme que le nombre des victimes est dans sa ville 4 fois plus élevé que le chiffre officiel.

(2) cf «Un capitalisme de catastrophe», Le Monde Diplomatique, octobre 2005

(3) «Le Monde 2» n° 82, 10-16 septembre 2005.

(4) Le Monde Diplomatique, op. cit. L’auteur écrit: «nul n’ignore que les élites économiques locales et leurs alliés de l’Hôtel de ville ne rêvent que d’expulser les plus pauvres, auxquels ils attribuent le taux élevé de délinquance», bien entendu pour réaliser des opérations immobilières fructueuses.

 

Particommuniste international

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top