La rupture avec l’électoralisme est une nécessité pour la lutte ouvrière!

(«le prolétaire»; N° 482; Oct.-Nov.-Déc. 2007)

 

 

Les prochains mois vont s’écouler sous le signe de l’intoxication à dose massive des prolétaires par l’opium électoral, à en juger par ce que nous avons déjà connu ces dernière semaines: le grand spectacle de la désignation du candidat du PS retransmis par les chaînes de télé. Le sujet brûlant de l’actualité pour tous les médias n’était plus les risques de nouveaux affrontements dans les banlieues, ni la chasse aux travailleurs sans-papiers, ni la «découverte» de la persistance et de l’aggravation des inégalités sociales, ni la croissance du nombre des RMIstes, mais l’intronisation de la candidate du PS, présentée comme une nouvelle venue dans la politique où elle apporterait grâce et fraîcheur...

Merveille de la démocratie! Lénine expliquait déjà dans son ouvrage sur «L’Etat et la révolution», en citant Marx, que son essence était de «décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement».

La «nouvelle façon» de faire de la politique de Ségolène Royal est de ne faire jusqu’ici aucune promesse d’amélioration sociale aux travailleurs. Outre ses déclarations très commentées par exemple sur le rétablissement de l’ordre, elle a laissé entendre qu’elle ne remettrait pas en cause des lois votées par la majorité actuelle; ces déclarations-là ont eu moins d’écho, et pour cause: elles étaient à destination des milieux capitalistes qui avaient inspiré ces lois et qui veulent être certains qu’un changement à la tête de l’Etat ne les léserait en rien. La candidate du PS a rassuré les cercles bourgeois dirigeants qu’elle saurait défendre leurs intérêts autant qu’un Sarkozy, qu’elle saurait être aussi répressive que celui-ci, tout en risquant moins de déclencher des explosions sociales.

Mais en réalité les bourgeois n’avaient pas besoin d’être rassurés; des années de gouvernement de gauche ont fait la démonstration, si elle était nécessaire, que les partis de gauche sont des gérants non seulement loyaux mais efficaces du capitalisme; qu’ils sont capables de «faire le sale boulot» antiprolétarien (comme l’avait déclaré Fabius quand il était premier ministre) que la droite n’arrive pas à faire sans risquer de déclencher de grandes luttes prolétariennes: après les affrontements en 1979 dans la sidérurgie, après les grèves de 1995, etc. C’est cela qui explique ces «étranges» phénomènes où, pour éviter de fortes flambées de luttes ouvrières, on a vu des forces politiques de droite faire gagner les élections à la gauche (en 1981, en 1996) ou l’inverse (en 1978, quand le PCF décida de faire gagner la majorité giscardienne).

Tout cela est évidemment inexplicable selon l’idéologie démocratique qui persuade les prolétaires que les élections sont le moment de l’expression de la «souveraineté du peuple» et que chaque «citoyen» a la faculté de changer la politique de l’Etat en glissant un bout de papier dans une urne.

L’électoralisme est ainsi la plus puissante arme bourgeoise contre la lutte prolétarienne; tant que les prolétaires croient en effet qu’avec des bulletins de vote ils peuvent changer leur sort, tant qu’ils pensent que l’Etat est neutre et au dessus des classes et qu’il obéit à ces bouts de papier, pourquoi se lanceraient-ils dans la lutte directe contre les capitalistes et l’Etat bourgeois?

 

Le mensonge démocratique

 

 L’essence du mensonge démocratique consiste à faire croire qu’il n’existe pas de classes sociales (ou que ces classes sociales ne sont pas en lutte) mais qu’il existe seulement des individus, des citoyens, tous libres et égaux en droit; le bulletin de vote du plus exploité des prolétaires a le même poids que le bulletin de vote de son patron; les deux individus ont donc le même pouvoir politique, selon le mensonge électoral démocratique.

En réalité derrière cette égalité fictive, un petite minorité d’individus qui possèdent toutes les richesses de la société - une classe sociale - dominent la société: la plus démocratique des républiques bourgeoises, expliquait encore Lénine, n’est pas autre chose que la dictature de la classe capitaliste dominante, dictature qui s’applique au moyen de l’Etat. Ou, comme disait le vieux marxiste Lafargue: «le parlementarisme est la forme gouvernementale que revêt la dictature sociale de la classe capitaliste».

Pour éviter que les prolétaires s’attaquent réellement à leur dictature, pour éviter qu’ils entrent réellement en lutte pour se défendre contre l’exploitation capitaliste, les bourgeois répandent continuellement parmi les prolétaires les mensonges démocratiques et électoralistes, avec l’aide irremplaçable de leurs valets réformistes de toutes les nuances. Ces derniers ont eux aussi tout intérêt à participer à la diffusion des illusions électorales et du mensonge démocratique pour la bonne raison qu’ils ne veulent surtout pas renverser l’ordre social existant, mais seulement le défendre et y creuser leur trou: ils craignent donc le réveil de la lutte prolétarienne au moins autant que les bourgeois!

On a vu, par exemple, le ministre «socialiste» du Travail allemand déclarer en octobre dernier, à propos de statistiques révélant l’ampleur de la pauvreté dans ce pays: «Il n’y a pas de classe sociale en Allemagne. Il y a des hommes et des femmes qui ont des difficultés, qui sont plus faibles. (...) Mais je m’oppose à ce qu’on répartisse (les gens) en couches sociales».

 Ou, lors des lutte des de ce printemps, François Hollande, le dirigeant du PS, déclarer que la loi sur l’Egalité des chances et le CPE allaient être appliquée puisqu’elle avait été votée, et qu’il ne restait donc qu’à attendre un changement électoral à l’issue des élections de 2007.

Mais les jeunes, n’étant pas intoxiqués par l’opium électoral au point d’attendre sagement que des élections leur apporte éventuellement la satisfaction de leurs revendications, ont continué et amplifié leur lutte; et si, à cause de l’action de sabotage des appareils syndicaux, ils n’ont pas obtenu gain de cause sur tout ce qu’ils revendiquaient, ils ont au moins obtenu le retrait du CPE - que ne leur aurait probablement pas accordé un nouveau gouvernement de gauche, à se fier aux déclarations de Ségolène.

La démonstration a été faite ainsi pour des dizaines de milliers de participants au mouvement, non seulement qu’il existe une alternative à la voie électorale, mais que la voie de la lutte ouverte est la seule qui soit efficace, non illusoire, pour se défendre face aux patrons et à l’Etat.

Le rôle des prolétaires d’avant-garde est de le rappeler constamment, de combattre sans relâche les mensonges démocratiques, de combattre l’électoralisme paralysant. Il leur faut en permanence rappeler aux prolétaires qu’ils peuvent se défendre, défendre leurs intérêts, non par les compétitions électorales dans le cadre du système politique bourgeois, mais, en dehors et contre ce système politique, uniquement par le retour à la lutte de classe contre leurs exploiteurs.

Il leur faut aller plus loin, sans doute, en montrant aussi la nécessité de l’organisation pour cette lutte, sur le plan de la lutte de défense «immédiate», quotidienne, comme sur le plan plus large de la lutte générale et politique, c’est-à-dire alors la nécessité de l’organisation politique, du parti de classe, unifiant, centralisant et dirigeant la lutte prolétarienne vers l’assaut contre la dictature bourgeoise et l’instauration de la dictature prolétarienne.

Mais la condition première pour que le difficile effort de retour à la lutte révolutionnaire de classe puisse demain se concrétiser et être fructueux, est la rupture sans attendre avec les illusions démocratiques et électoralistes.

 

Particommuniste international

www.pcint.org

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