Italie

Alitalia: la lutte doit rompre avec l’emprise du collaborationnisme et du chantage patronal !

(«le prolétaire»; N° 490; Août-Octobre 2008)

 

Les premiers mois du nouveau gouvernement dirigé par Berlusconi ont été marqués sur le plan social par la question du sort de la compagnie aérienne nationale Alitalia, à la quelle il avait promis d’apporter une solution rapide, sans douleur et.... spécifiquement italienne. Mais c’est seulement à la fin de l’été que s’est fait jour un tel projet, autour de la banque Intesa San Paolo (la deuxième banque italienne) et d’un groupe hétérogène d’investisseurs et de capitalistes (dont les patrons de la petite compagnie aérienne Volare qui devraient en être les bénéficiaires immédiats).

Ce projet était bien loin des mirifiques promesses électorales de Berlusconi: la future Alitalia sera ramenée à la dimension d’une compagnie régionale, avant de rejoindre dans quelques années le giron de l’une des grandes compagnies qui luttent pour la suprématie mondiale: Air France, Lufthansa, ou British Airways; entre-temps les travailleurs doivent subir des milliers de licenciements, des fortes pertes de salaires et une augmentation importante de la charge de travail. Ce plan a été adopté presqu’immédiatement par les syndicats les plus collaborationnistes (avec la demande de certains d’entre eux d’être protégés contre la colère des minorités jusqu’auboutistes!), mais il a suscité une résistance spontanée de la part de beaucoup de travailleurs, pilotes y compris. Lors des manifestations et occupations on a pu entendre le slogan à destination des repreneurs: «Meglio failliti che entre le mani de questi banditi» (Mieux vaut la faillite que tomber entre les mains de ces bandits!). Mais finalement, sans perspective après le ralliement des syndicats traditionnels à ce plan et l’abandon des petits syndicats prétendument «combatifs», c’est la mort dans l’âme qu’ils durent se résigner à accepter la défaite constituée par ce «sauvetage» d’Alitalia.

Nous publions ci-dessous un tract diffusé par nos camarades d’Italie.

 

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La crise de l’Alitalia conduit inexorablement à son redimensionnement, qu’elle soit rachetée par d’autres compagnies aériennes ou qu’elle fasse faillite et soit vendue au prix de liquidation. Depuis au moins dix ans la compagnie nationale est dans une situation critique, non pas parce que les pilotes, les assistants de vol ou le personnel au sol seraient surpayés - comme le sont au contraire les grands dirigeants et les conseillers en tout genre, mais parce que chaque groupe politique a voulu se tailler sa part de pouvoir, de prébendes et des possibilités de clientélisme, comme cela se passe dans toute entreprise publique.

Comme chacun sait, la crise de l’Alitalia a été un argument électoral utilisé par le centre-droit, par Berlusconi et la Ligue en particulier, pour démontrer leur attachement à l’honneur patriotique du capitalisme national: la compagnie nationale devait rester sous les couleurs italiennes!

La vente à Air France-KLM a été ainsi violemment condamnée dans laquelle tous les 20 000 salariés n’auraient pas été repris; le projet prévoyait que l’Etat italien prenne à sa charge la montagne de dettes accumulées par Alitalia, les 3500-4000 travailleurs jugés en surnombre par l’acquéreur, et que les salaires soient révisés à la baisse. Air France aurait repris la partie la plus rentable de l’entreprise italienne en laissant de côté la partie déficitaire.

 Le gouvernement [de centre gauche] Prodi qui utilisait lui aussi la crise de l’Alitalia pour sa campagne électorale en soutenant la solution de la vente à Air France; mais les patrons français demandaient un accord solide tant avec le gouvernement sortant (Prodi) qu’avec l’éventuel nouveau (Berlusconi); ce dernier refusa, ce qui provoqua l’échec de la vente, bien plus que le refus temporaire des syndicats à cet accord. Il était par ailleurs donné comme établi qu’Alitalia ne devait plus rester une entreprise d’Etat, mais devait être vendue à des investisseurs privés.

La droite assura qu’un groupe d’entrepreneurs italiens étaient prêts à se substituer à Air France, Alitalia pouvant ainsi... rester italienne, non grâce à l’Etat mais grâce à l’entreprise privée.

Comme toutes les promesses électorales, cette promesse devait misérablement faire faillite. Pendant plusieurs mois, la «cordée d’entrepreneurs italiens» est restée invisible, jusqu’à ce qu’apparaissent les habituels vautours et combinards sans scrupules de la haute finance italienne: la CAI. Ils se sont présentés avec la mine impitoyable des usuriers classiques: l’Alitalia devra être démantelée, les réductions d’emplois atteindront les 7000, les salaires seront diminués de 20 à 30%, tous les syndicats devront signer cet accord: à prendre ou à laisser!

Que le gouvernement Berlusconi soutienne ce projet est naturel, il ne veut pas perdre la face. Qu’il soit soutenu par les Confédérations syndicales CISL, UIL, UGL et quelques syndicats minoritaires est également évident, étant donné que l’argument: mieux vaut sauver 12-13 000 emplois que risquer 20 000 licenciements, est le raisonnement désormais systématiquement utilisé par les syndicats collaborationnistes.

Mais il ne faut pas s’étonner que la CGIL fasse de la résistance: d’un côté il faut bien que quelqu’un joue la comédie de la résistance aux patrons (il y va du peu de crédibilité qu’ont encore parmi les travailleurs les syndicats tricolores); d’un autre côté, la CGIL veut jouer la carte de la négociation jusqu’à la dernière seconde pour des raisons de concurrence vis-à-vis des syndicats moins trouillards; enfin la CGIl plaide de façon bruyante la cause de la Lufthansa (concurrent européen majeur d’Air France) qui a déjà commencé à «sauver» en partie l’aéroport milanais de Malpensa (autre point particulièrement cher à la Ligue du Nord).

Que l’Alitalia soit achetée par la CAI italienne, Air France, la Lufthansa ou British Airways, cela ne changera pas grand chose pour les travailleurs de la compagnie; celle-ci sera démantelée dans tous les cas, comme cela est déjà arrivé pour les Chemins de fer; il y aura des milliers de suppression d’emploi, des baisses de salaire, une augmentation de la charge de travail, parce que la priorité sera d’augmenter la productivité! Les capitalistes raisonnent de la même manière quelle que soit leur nationalité. Ils veulent faire du profit au plus vite; plus augmente la concurrence sur le marché international et plus ils deviennent exigeants et impérieux, sans se soucier le moins du monde des milliers de travailleurs qui restent sur le carreau sans travail et sans salaire!

Pour se défendre et combattre les licenciements, les travailleurs salariés n’ont pas beaucoup d’alternative; il leur faut lutter sur le seul terrain qui peut les unir effectivement en leur donnant la force d’obtenir les meilleures conditions dans l’affrontement avec les patrons: le terrain de la lutte de classe, où le plus important est de surmonter la concurrence entre travailleurs, concurrence que syndicats tricolores et corporatifs se font d’ailleurs entre eux.

Tant que les travailleurs feront dépendre leur sort d’une lutte pour la défense de l’entreprise, en croyant que la bonne santé de celle-ci signifie une bonne situation pour ses employés, ils n’arriveront pas à lutte de manière indépendante: ils resteront à la merci des hauts et des bas du marché et des chantages patronaux (et gouvernementaux).

Si les travailleurs ne veulent pas être soumis à une intensité et à des rythmes de travail toujours plus pesants comme le veut la course à la productivité exigée par les patrons, s’ils ne veulent pas être traités comme des marchandises dont les patrons se débarrassent quand elles ne leur servent plus, il leur faut relever la tête et se réorganiser en dehors des politiques et des pratiques collaborationnistes et corporatistes!

Vive la lutte des travailleurs d’Alitalia contre le chantage des patrons d’hier et des patrons de demain!

Que la lutte de classe pour la défense exclusive des conditions de vie et de travail prolétariennes redevienne l’objective de tous les travailleurs!

21 septembre 2008

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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