Crise capitaliste et nécéssité du communisme

(«le prolétaire»; N° 492; Févr. - Mars - Avril 2009)

 

Un G20 en trompe-l’oeil

 

Les représentants des vingt plus grandes puissances mondiales se sont donc réunies à Londres afin de trouver le remède à la crise qui secoue le système capitaliste. Tous les médias de la planète ont salué la bonne nouvelle: les participants sont tombés d’accord pour injecter des milliards dans l’économie afin de relancer la machine productive, pour refuser le protectionnisme économique (c’est-à-dire la guerre commerciale), pour mettre fin aux pratiques bancaires douteuses, aux paradis fiscaux et aux salaires excessifs des banquiers.

 Mais il ne s’agissait en réalité que d’un show médiatique adroitement orchestré. Le «communiqué final», d’ailleurs publié dans la presse avant même que commence la fameuse réunion (!) est un catalogue de voeux pieux qui, par exemple, additionne les plans de relance déjà annoncés depuis des mois dans tous les pays, pour arriver aux sommes impressionnantes qui ont fait la une des médias. Le seul résultat tangible est la décision d’augmenter les ressources du FMI pour qu’il puisse mieux faire face aux difficultés prévisibles de nombreux Etats.

Derrière l’unanimisme et les congratulations de rigueur, percent les rivalités et les affrontements d’intérêts entre les divers capitalismes nationaux ou blocs de capitalismes nationaux. Comme lors de chaque récession, mais avec une insistance plus grande en raison de la gravité plus grande la crise actuelle, les Etats-Unis et la Grande Bretagne voudraient que l’Europe fasse plus pour relancer son économie et serve de locomotive de l’économie mondiale en relais de la locomotive américaine en panne.

Mais les pays européens, derrière l’Allemagne, n’ont aucune envie d’essayer de tirer les marrons du feu aux profits des capitalistes yankees; leurs plans de relance sont d’une ampleur nettement moins grande et ils cherchent à ne pas accroître démesurément les déficits comme le font au contraire les Américains (et les Britanniques): c’est le prix à payer pour maintenir la zone euro qui est un de leurs atouts-maîtres dans la période troublée qui a commencé. Le pourtant très pro-américain président Tchèque dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’Europe, l’a dit de façon peu diplomatique avant le G20: les Etats-Unis nous mènent à la catastrophe (1).

C’est pour la même raison que, à la suite de l’Allemagne, les Etats européens ont refusé la proposition secrète du FMI de faire passer immédiatement à l’euro les pays d’Europe centrale et de l’Est qui sont menacés de banqueroute: ils ont jugé que les risques d’affaiblissement de la zone euro étaient trop grands. Tant pis pour ces pays!

De son côté la Chine avait fait mine de demander le remplacement du dollar comme principale monnaie internationale par un panier de devises. Grâce à l’importance de ses exportations la Chine est en effet devenue, devant le Japon, le pays qui détient le plus de dollars dans ses caisses (2): fin mars ses réserves se montaient à un million et demi de milliards d’euros, dont 70% en dollars; elle n’apprécie guère de voir cette masse se dévaluer chaque fois que le dollar perd de sa valeur en même temps que s’accroît le déficit budgétaire américain. Elle ne peut cependant pas faire grand chose: commencer à vendre ses dollars serait précipiter la chute de cette monnaie et rendre ainsi encore plus difficile la vente de ses marchandises sur le marché américain! On n’a donc pas parlé de monnaie au sommet de Londres, même si tout le monde y pensait...

 

Approfondissement de la crise économique

 

Après le G 20 les bourses mondiales ont retrouvé l’optimisme; elles ont recommencé à monter, espérant non seulement que l’économie avait touché le fond, mais aussi que la détermination des gouvernements à assurer le sauvetage des établissements financiers ouvre des opportunités fructueuses aux spéculateurs (3)

Mais les chiffres de l’ «économie réelle» montrent la réalité d’un approfondissement ininterrompu de la crise. Les statistiques dont nous disposons au moment où nous écrivons, début avril, portent en général sur février (4). Si on regarde les données pour la production industrielle, l’indice le plus significatif pour ce qui est de l’évolution de l’économie, on a pour les Etats-Unis, une baisse sur l’année précédente de 11,8% tandis que le Japon, la deuxième économie mondiale, connaît un véritable effondrement: -38,4%! Pour les autres grands pays les chiffres sont les suivants: Russie: -13,2%; Allemagne (le premier exportateur mondial): - 23,2%; Grande-Bretagne: -12,5%; Italie: - 20,7%; France (janvier): -13,8%; Espagne: -23,9%. Si l’on s’intéresse à d’autres pays importants, on constate qu’au Brésil nous avons: -17%; Argentine: -14%; Mexique: -11%; Turquie: -23%. En Asie, seules font exception à ce tableau l’Inde: (janvier): -0,5% et surtout la Chine, le seul pays à annoncer une croissance de sa production industrielle: + 3,8%!

En janvier les commandes à l’industrie avaient baissé en moyenne de plus de 30% dans la zone euro: Allemagne: -37,7%; Espagne: -33,5%; France: -30,9%, Grande-Bretagne: -11% (la baisse de la Livre est passée par là, favorisant les exportations de la perfide Albion!).

Un autre indice, corollaire de ces derniers, est celui des exportations. L’Allemagne, premier exportateur mondial, a vu celles-ci diminuer sur un an de 23,10% en février (diminution un peu plus marquée vers la zone euro: -24%); la Chine, deuxième exportateur mondial a enregistré en février une chute de 25,7% (on connaît déjà les chiffres de mars: - 17%; mais comme les importations ont encore plus diminué, à -25,1%, le pays a annoncé un nouveau surplus de sa balance commerciale!).

Mais encore une fois, c’est le Japon qui a connu la plus mauvaise situation, avec un effondrement des exportations en février de 49,4%! C’est le secteur automobile qui a le plus souffert, essuyant une chute de 72,9%, les télévisions ne baissant «que» de 63%, les ordinateurs de 54%, etc... Pour tenter de sortir de la surproduction qui étouffe le pays, le gouvernement a annoncé un nouveau plan de relance afin de développer le marché intérieur pour suppléer à l’engorgement du marché mondial: plus de cent milliards d’euros devraient être injectés dans l’économie cette année; des emplois devraient être créés par millions dans les énergies nouvelles ou l’aide aux personnes âgées. Mais il est douteux que cela puisse résoudre le problème des constructeurs d’automobiles, des sidérurgistes ou des fabricants d’électronique japonais...

Quant aux Etats-Unis, ils ont enregistré une baisse de 16,9% de leurs exportations en février. Leurs importations ayant baissé bien davantage en raison du marasme du marché intérieur (-28,8%), le déficit de leur commerce extérieur s’est fortement réduit.

En ce qui concerne les autres pays qui sont en concurrence sur le marché mondial nous n’avons pu disposer des chiffres que pour certains d’entre eux: France: -20,9%; Italie (janvier): -25,8%; Grande-Bretagne (janvier): -6,5%.

En conséquence de ce fort ralentissement des exportations et des importations de la plupart des pays, la baisse du commerce mondial devrait atteindre un degré sans précédent depuis la fin de la guerre mondiale. L’Organisation Mondiale du Commerce envisage une baisse de 9% en volume pour l’année 2009 tandis que l’OCDE, pourtant toujours prudente, estime que la baisse atteindrait 13%

Les prolétaires sont les premiers à payer le prix de la crise du capitalisme, en commençant par la perte de leur emploi. Aux Etats-Unis le taux de chômage est passé en un an de 4,8% à 8,5% (mars). Si l’on prend en compte les personnes découragées de chercher un emploi et celles qui sont obligées de travailler à temps partiel ou de façon temporaire, on arrive à un chiffre de 15% de travailleurs qui ont connu au cours des derniers mois au moins une diminution de leur emploi. Sans doute ce n’est pas encore un chiffre «record» (lors de la crise de 1974-75 le taux de chômage avait atteint 9%, et 10,8% lors de celle de 1980-82), mais même les plus optimistes des économistes avouent que le chômage va encore continuer à augmenter dans les mois qui viennent. On sait ce que cela signifie pour un nombre croissant de prolétaires: la perte du logement et en général la misère. C’est ainsi qu’en janvier on a enregistré un chiffre record de prolétaires qui, pour se nourrir avaient recours aux bons alimentaires (Food stamps) accordés par l’Etat aux nécessiteux: 32,2 millions de personnes. De plus en plus nombreux sont les bourgeois ou les institutions qui disent redouter en conséquence des émeutes de la misère aux Etats-Unis (5)...

Pour les autres pays, on a les chiffres officiels du chômage suivants: Allemagne (mars): 8,1%; Espagne (février): 15,5%; :France (mars): 8,6%; Grande-Bretagne (janvier): 6,5%; Italie (mars): 6,7%.

Le Japon a déclaré pour février un chiffre de 4,4% seulement, mais on sait que pour beaucoup de spécialistes, en raison du mode particulier de cet indice dans l’archipel nippon, il faudrait doubler les chiffres japonais du chômage pour qu’ils puissent être comparés à ceux des autres pays.

La Chine annonce également un taux de chômage très bas; mais les autorités elles-mêmes ont déclaré qu’à la fin de l’année 2008, 20 millions de «travailleurs migrants» (soit 15% du total) avaient déjà perdu leur emploi et étaient retournés à la campagne: ce seul chiffre suffit à indiquer l’ampleur du chômage de masse dans un pays où 300 000 entreprises auraient fermé leurs portes en 2008 (6).

 

Un mode de production basé sur le profit et non sur la satisfaction des besoins humains

 

Les économistes avouent eux-mêmes - mais pas publiquement! - qu’ils ignorent comment va évoluer l’économie; cela ne les empêche pas d’affirmer publiquement que les choses vont un peu mieux: ils sont payés pour cela! Mais plus généralement les bourgeois et leurs spécialistes divers ne peuvent évidemment pas admettre que les crises soient inhérents au système capitaliste, jugé par eux le meilleur, le plus naturel des systèmes; ils ne peuvent pas comprendre qu’elles sont dues à ses insurmontables contradictions internes et qu’elles annoncent la catastrophe finale vers laquelle il se dirige inexorablement: son renversement par la révolution prolétarienne internationale ou un plongeon à nouveau dans une guerre mondiale dévastatrice, seule à même d’éliminer pour une longue période le fardeau toujours plus écrasant de la surproduction.

Marx a expliqué la cause des crises dans de nombreux passages du «Capital»; on peut lire par exemple (7):

La contradiction de ce mode de production capitaliste réside dans sa tendance à développer absolument les forces productives, qui entrent sans cesse en conflit avec les conditions spécifiques de production, dans lesquelles se meut le capital, les seuls dans les quelles il puisse se mouvoir.

On ne produit pas trop de subsistances proportionnellement à la population existante. Au contraire. On en produit trop peu pour satisfaire humainement et décemment la masse de la population.

On ne produit pas trop de moyens de production pour occuper la fraction de la population apte au travail. Au contraire. Premièrement, on produit une trop grande fraction de la population qui effectivement n’est pas capable de travailler, qui par les conditions dans lesquelles elle vit, n’a d’autre ressource que d’exploiter le travail d’autrui, ou est réduite à des travaux qui ne peuvent être tenus pour tels que dans le cadre d’un mode de production misérable. Deuxièmement, on ne produit pas assez de moyens de production pour permettre à toute la population apte au travail de travailler dans les conditions les plus productives, donc pour permettre de réduire son temps de travail absolu grâce à la masse et à l’efficacité du capital constant employé pendant le temps de travail.

Mais on produit périodiquement trop de moyens de travail et de subsistances pour pouvoir les faire fonctionner comme moyens d’exploitation des ouvriers à un certain taux de profit. On produit trop de marchandises pour pouvoir réaliser et reconvertir en capital neuf la valeur et la plus-value qu’elles recèlent dans les conditions de distribution et de consommation impliquées par la production capitaliste, c’est-à-dire pour accomplir ce procès sans explosions se répétant sans cesse.

On ne produit pas trop de richesse. Mais on produit périodiquement trop de richesse sous ses formes capitalistes, contradictoires.

La limite du mode de production capitaliste apparaît dans le fait que:

1. Avec la baisse du taux de profit, le développement de la force productive du travail donne naissance à une loi, qui, à un certain moment, entre en opposition absolue avec le propre développement de cette productivité. De ce fait le conflit doit être constamment surmonté par des crises.

2. C’est l’appropriation de travail non payé et le rapport entre ce travail non payé et le travail matérialisé en général, ou pour parler en langage capitaliste, c’est le profit et le rapport entre ce profit et le capital utilisé, donc un certain niveau de taux de profit qui décident de l’extension ou de la limitation de la production, au lieu que ce soit le rapport de la production aux besoins sociaux, aux besoins d’êtres humains socialement évolués. [La production] stagne, non quand la satisfaction des besoins l’impose, mais là où la production et la réalisation de profit commandent cette stagnation.

 

Constitution du parti de classe

 

L’absurdité du mode de production capitaliste apparaît à l’évidence dans les crises, de même que l’absurdité encore plus grande des divers remèdes qui prétendent résoudre les crises en réformant le capitalisme, en le purgeant de ses «excès», en le «démocratisant» ou en le faisant «contrôler» par l’Etat. On ne peut réformer ou contrôler le capitalisme pour lui faire servir les besoins véritables de l’espèce humaine; sa survie n’est pas possible sans crises à répétition, sans guerres, sans misère croissante de populations entières, y compris dans les pays les plus riches, et sans ravages toujours plus destructeurs de la nature; elle met de plus en plus en danger l’avenir de l’humanité. La société capitaliste devra nécessairement être remplacée par une nouvelle société et un mode de production qui ne soient plus basés sur la recherche du profit mais sur la satisfaction des besoins de tous, une société sans classes ni exploitation de classe, sans misère ni oppression: le communisme.

Cependant pas plus que les modes de production et les organisations sociales antérieures, jamais le capitalisme ne cédera la place sans combattre jusqu’au bout. Le conflit des forces productives et, en l’espèce, de la plus puissante d’entre elles, le prolétariat, devra être assumé et mené lui aussi jusqu’au bout contre le système politique qui protège le capitalisme et assure son fonctionnement: c’est-à-dire jusqu’à la prise violente du pouvoir, la destruction de l’Etat bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat, passage indispensable non seulement pour réprimer la réaction bourgeoise mais aussi pour déraciner progressivement le capitalisme et réorganiser toute l’économie.

Mais cette tâche titanesque, le prolétariat, seule classe révolutionnaire dans cette société, pourra l’accomplir à la condition qu’il ait eu, au préalable, la force, pour reprendre les mots du Manifeste Communiste, de s’organiser en classe, donc en parti.

Travailler dès aujourd’hui à la constitution du parti de classe, telle est la tâche que pose objectivement la crise capitaliste aux prolétaires d’avant-garde!

 


 

(1) «Le secrétaire au Trésor américain parle d’une action permanente et, à notre conseil [européen- ndlr] du printemps nous avons été tout à fait alarmés par ça. Les Etats-Unis répètent toutes les erreurs des années trente (...). Toutes ces initiatives, leur combinaison et leur permanence sont la voie de la catastrophe», cf «Financial Times, 26/3/09.

(2) Une bonne partie de ces réserves se trouvent sous forme de bons du trésor américain. Lors de son voyage en Chine, Hillary Clinton a adjuré les Chinois de continuer à en acheter (ce qui est nécessaire pour financer le déficit budgétaire US) en leur disant: «nous sommes dans le même bateau». Le problème pour les Chinois, c’est qu’ils n’ont aucun contrôle sur la direction que prend le bâteau, c’est-à-dire sur la politique économique américaine...

(3) Le plan Geithner de sauvetage des banques lourdement endettées a été ainsi baptisé «plan pour les fonds vautours». Selon l’hebdomadaire économique américain «Business Week» (13/4/09), les Hedge Fund et les Banques d’investissement sont déjà à pied d’oeuvre pour exploiter au mieux ces opportunités spéculatives.

(4) Les chiffres sont tirés pour l’essentiel des séries statistiques publiées par l’hebdomadaire britannique «The Economist».

(5) Par exemple, en novembre dernier l’Institut des Etudes Stratégiques du Collège Militaire de l’armée américaine a publié une étude sur les risques d’une «violence civile généralisée» à la suite d’un «effondrement économique»: les bourgeois se préparent à des périodes difficiles.

(6) Selon «Business Week», 13/4/09.

(7) cf Marx, «Le Capital», Livre III, ch. XV (Ed. Sociales 1976, p 251-252).

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

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