A Lampedusa, une tragédie dont le capitalisme est responsable

(«le prolétaire»; N° 509; Sept. - Oct. - Nov. 2013)

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Au large de l’Italie, le détroit de Sicile est devenu depuis plus de vingt ans un cimetière marin où se sont engloutis des milliers d’émigrants et de réfugiés fuyant la misère et les guerres qui touchent tour à tour des pays d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie. Poussés par la nécessité d’échapper à des conditions de vie bestiales existant dans leurs pays d’origine, essayant de rejoindre des contrées plus sûres, des pays où tout espoir d’avenir n’a pas encore disparu, nombreux sont qui au bout du voyage ne trouvent que la mort. Ce n’est pas là une fatalité; c’est une des conséquences du mode de production capitaliste qui dévore les territoires et les êtres humains pour croître et préserver son système basé sur la quête perpétuelle du profit, quel qu’en soit le prix en termes de souffrances et de vies humaines.

Dans les ports de Tunisie, de Libye, d’Egypte, des barques attendent d’être remplies à ras-bord d’êtres humains par de modernes négriers qui, après les avoir dépouillés de leurs biens les envoient vers les côtes italiennes, et en particulier de Sicile où se trouve le port de Lampedusa. Ces «voyages du désespoir» sont le reflet des conditions que le capitalisme réserve à la plus grande partie des êtres humains, dans des pays dont les gouvernements sont soutenus par les impérialismes européens. Plein d’illusions envers une démocratie lâche et sanglante, les migrants sont mus par l’espoir d’arriver dans des pays qui ont été hier les colonisateurs les plus brutaux de leurs pays d’origine et qui aujourd’hui élèvent toutes sortes de barrières devant eux: l’Europe bourgeoise n’accueille pas, elle expulse!

Traités comme les bêtes promises à l’abattoir, désignés comme «clandestins» et traqués par les polices de tous les pays, entassés dans des lieux de rassemblement sur les côtes africaines où ils sont soumis à toutes formes de vexations et de violences avant d’être entassés comme des sardines dans des embarcations, ils prennent la mer sans aucune garantie d’arriver vivants à destination; et quand ils y arrivent, ils sont entassés dans des prisons, parfois à ciel ouvert, qui dans la très civilisée Italie sont appelés significativement Centres d’Identification et d’Expulsion.

L’Italie est depuis quelques décennies la destination la plus recherchée par ces réfugiés et migrants qui par tous les moyens fuient l’Asie ou l’Afrique, par voie de terre et surtout maritime. Qu’ils soient de droite de gauche ou du centre, les gouvernements successifs ont toujours eu la même attitude: contrôler et limiter par la force, par des lois et des actions de police, la venue de migrants, acceptant seulement une petite partie jugée utile comme main d’oeuvre à bas coût et laissant la plus grande partie dans l’illégalité, condamnée au travail au noir voire à la criminalité.

En dépit de tous ses discours sur des droits de l’homme, la bourgeoisie n’a en réalité aucune considération pour la vie humaine; c’est ce que démontrent tant les continuels accidents du travail que les guerres incessantes, l’exploitation toujours plus poussée du travail humain comme de toutes les ressources naturelles avec leurs conséquences désastreuses sur la santé et la vie des populations: pollutions de toutes sortes, diffusion de maladies diverses, etc. Ce mépris de la bourgeoisie pour la vie humaine ne l’empêche pas de mettre sur pied, à des fins de propagande et de contrôle social, des organismes d’aide de tout type, d’ailleurs fondée de plus en plus sur le volontariat, cette moderne forme d’exploitation de la main d’oeuvre mobilisée par la compassion, et souvent gérée par des associations religieuses. En définitive tout cela ne fait que renforcer la domination économique et sociale du capitalisme et donc de la classe bourgeoise qui le personnifie et le défend à tout prix.

Si au cours des derniers mois une myriade d’embarcations plus ou moins de fortune transportant hommes femmes et enfant sont traversé la mer, pour jeter leur malheureux chargement humain plus particulièrement sur les côtes italiennes, la même chose se produit aussi sur les côtes espagnoles, grecques, chypriotes ou maltaises. Jamais les marines militaires des 62 pays qui sillonnent la Méditerranée n’ont porté secours aux naufragés (1).

Fuir la misère, la faim, l’oppression, la répression et les guerres pour essayer de trouver ailleurs une vie moins horrible a toujours été le sort de millions de migrants. La société capitaliste ne pourra jamais faire disparaître tous ces maux car elle n’est pas motivée par la satisfaction des besoins de la vie sociale de l’humanité, mais par le marché, le capital, la propriété privée, la loi de la valeur, c’est-à-dire tout ce qui engendre précisément l’oppression politique et sociale dans le monde entier. L’oppression exercée par le pouvoir politique de la classe capitaliste est nécessaire à cette classe pour monopoliser les ressources et les richesses, et c’est pourquoi elle défend son pouvoir par tous les moyens, des plus illusoires et hypocrites aux plus nocifs et mortels, mettant de fait la plus grande partie de l’humanité en esclavage!

Pour que l’homme vive, le capitalisme doit mourir. Pour que naisse la société du genre humain, en totale harmonie avec elle-même, il faut que disparaisse cette société qui se nourrit de chair humaine; pour que l’homme puisse arriver à un rapport harmonieux avec la nature, il faut révolutionner de fond en comble l’organisation sociale qui détruit l’homme et la nature. La solution pour échapper aux horreurs du capitalisme, qui se mesurent en fin de compte en millions de morts, n’est pas dans la perspective d’une atténuation des effets les plus catastrophiques de ce mode de production, ce qui est d’ailleurs possible dans certaines régions du monde et pour un certain laps de temps – sans que jamais disparaissent la misère et l’exploitation la plus bestiale sur le reste de la planète et pour la majorité de l’humanité; la solution réside dans la lutte contre l’esclavage salarié, c’est-à-dire dans la révolution anticapitaliste, communiste, seule capable d’en finir à jamais avec toutes ces horreurs en abattant la dictature politique de la bourgeoisie et en supprimant le système économique capitaliste.

 

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En octobre 2013 on a dénombré plus de 376 morts aux environs de Lampedusa: 13 parce qu’un trafiquant a obligé de jeunes erythréens à sauter à l’eau à 50 mètres de la plage de Catane alors que beaucoup ne savaient pas nager; puis le 3 octobre un bateau de pêche où étaient entassés plus de 500 réfugiés erythréens, somaliens et syriens se renverse à quelques centaines de mètres du rivage, causant 363 morts dont de nombreux enfants. Les chiffres des dernières années sont terribles: 2352 morts en 2011, 590 en 2012, 695 en 2013 jusqu’à la mi-octobre. Selon les macabres statistiques établies par la Forteresse Europe, il n’y aurait pas eu moins de 19.372 morts depuis 1988 à ses frontières, et plus de 7000 dans le détroit de Sicile, sur les routes venant de Tunisie, de Libye et d’Egypte depuis 1994 (2).

Le compte tragique des morts, auquel il faudrait ajouter le nombre inconnu de disparus en haute mer, ne suffit pas à décrire les tourments des migrants, qui s’ils réussissent à toucher terre, tombent entre les mains d’une administration cynique qui n’est pas là pour les accueillir mais pour les soumettre à la répression policière, les condamner en tant que criminels (le défaut de papiers est un délit!) et pour les renvoyer d’où ils viennent, y retrouver la misère, l’oppression, la guerre: l’Italie bourgeoise n’accueille pas, elle emprisonne et elle expulse!

La propagande bourgeoise continue son oeuvre cynique de mystification, parlant de revoir les lois sur l’immigration (comme la loi Fini- Bossi – 2 ministres d’extrême-droite – passée sous le gouvernement Berlusconi), de nouveaux accords au niveau européen, de réglementation des flux migratoires – comme si les êtres humains étaient des marchandises, et dans ce cas des marchandises à entreposer avant de s’en débarrasser!

La compassion et la solidarité qui a poussé spontanément les habitants de Lampedusa à porter secours aux naufragés est une démonstration du désintérêt de l’Etat bourgeois vis-à-vis du sort des migrants: ce qui l’intéresse, c’est le contrôle de ses frontières, le renforcement des moyens et des techniques militaires pour empêcher l’arrivée aujourd’hui de milliers de réfugiés et demain de soldats ennemis dans une période où la guerre redeviendra à l’ordre du jour. Ce n’est pas hasard en effet si les ressources économiques mises à disposition par l’Etat servent le dispositif «Frontex», c’est-à-dire les dispositif de défense militaire européen des frontières maritimes!

Nouvelle démonstration, s’il en était besoin, de la façon dont la bourgeoisie traite la «question de l’immigration» – question en réalité entièrement prolétarienne, de classe, parce que ce sont les sans-réserve, les prolétaires quelle que soit leur origine, qui sont obligés de fuir le pays où ils sont nés pour chercher ailleurs de quoi vivre.

L’indignation devant ces tragédies est une réaction naturelle; mais la solution ne se trouve pas dans la compassion ou la charité humaine; elle se trouve dans la solidarité entre prolétaires, dans la solidarité de classe, dans la lutte contre l’esclavage salarié, contre la concurrence entre prolétaires alimentée par la bourgeoisie et ses laquais opportunistes.

Solidarité qui doit venir des prolétaires des pays les plus riches, des prolétaires d’Italie, d’Espagne, de France, d’Allemagne et d’ailleurs et qui ne peut s’exercer que sur le terrain de la lutte de classe, parce que c’est seulement par la lutte de classe qu’il est possible de répondre à la lutte menée quotidiennement par les bourgeois contre les prolétaires, qu’il est possible de résister à l’exploitation et à l’oppression capitalistes!

 

-Aucun prolétaire n’est étranger, tous sont des frères de classe!

-Non à la détention et à l’expulsion des migrants!

-A travail égal, salaire égal pour tous les travailleurs, italiens ou immigrés!

-Salaire intégral à tous les chômeurs, quelle que soit leur nationalité!

-Pour une organisation classiste unique de défense économique et sociale regroupant les travailleurs italiens et immigrés!

-Pour la reprise de la lutte de classe solidaire, internationaliste et internationale!

-Pour la renaissance du parti communiste révolutionnaire dans le monde entier!

 


 

(1) cf http://espresso.repubblica.it/inchieste/2013/10/14/news

(2) cf htpp://fortresseurope.blogspot.it

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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