Meurtre policier à sivens

(«le prolétaire»; N° 513; Octobre- Novembre 2014)

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La mort du militant écologique Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive «non létale» de la police qui lui a arraché une partie de la colonne vertébrale et de la moelle épinière, n’était pas une bavure selon le ministre de l’intérieur: c’était donc un meurtre.

 Le premier ministre a affirmé au parlement, sous les applaudissements unanimes des députés du PS et de la droite, qu’il n’accepterait pas «une mise en cause des policiers et des gendarmes, qui comptent de nombreux blessés dans leur rang». Le meurtre policier était ainsi validé par Valls, en quelque sorte comme une action légitime au cours d’une bataille: le gouvernement a donc endossé la responsabilité du meurtre.

Selon le site Médiapart, il y a eu «mensonge d’Etat», car pendant 2 jours les autorités ont tenté de brouiller les pistes et fait semblant d’ignorer ce qui s’était passé: on parlait alors d’un «manifestant trouvé mort» En fait elles ont été immédiatement mises au courant de ce qui s’était passé et de la responsabilité d’un gendarme.

Nous n’entrerons pas dans la discussion de savoir si les grenades offensives (23 ont été tirées selon cette nuit là, selon le patron des gendarmes) ont été utilisées conformément au règlement par les gendarmes; selon le syndicat policier Sud-Intérieur «Lancer une grenade offensive sur des civils n’est pas un acte de policier ou de gendarme. C’est un travail de tueur. Ceux qui prétendent le contraire confondent l’administration et la mafia» (1). Et d’ailleurs, après avoir répété que les grenades offensives étaient quasiment inoffensives, le ministère de l’intérieur a finalement décidé d’interdire leur utilisation...

Le meurtre de Rémi Fraisse a provoqué une vague d’indignation qui s’est traduite par des mouvements spontanés de grèves et de blocages dans les lycées; elle s’est traduite aussi par l’organisation dans différents villes de manifestations de protestation contre la violence policière.

Le gouvernement a répondu en interdisant des manifestations dans certaines villes (Paris, Toulouse, Rennes...) et en les réprimant avec la sauvagerie policière coutumière: démonstration encore une fois que la violence des gendarmes à Sivens n’était pas une bavure, mais s’inscrivait dans une politique répressive bien déterminée du gouvernement, qu’on a vu à l’oeuvre en d’autres occasions. L’année dernière le ministère de l’intérieur s’inquiétait quasi-officiellement des «risques d’explosion sociale» et Valls, qui n’était pas encore premier ministre, avait donné aux services de renseignement de police d’ «anticiper une éventuelle radicalisation des mouvements sociaux. Des policiers sont postés autour des usines» (L’Expansion, 2/2/2013).

Mais cela fait des années que, sous les divers gouvernements de droite et de gauche, tous défenseurs empressés du capitalisme, la répression policière relayée par la justice, frappe de plus en plus fort: se rappeler, pour ne pas remonter plus haut, à la répression des manifestants lycéens lors du mouvement sur les retraites; cela fait des années que la police a vu son arsenal répressif s’accroître avec des armes soi-disant «non létales» qui ont provoqué de graves blessures à des manifestants ou même la mort de personnes interpellées (les dites «bavures policières», qui sont en réalité la conséquence inévitable d’une politique toujours plus répressive, ont fait 127 morts depuis l’an 2000) et que des lois répressives sont votées les unes après les autres.

Cette tendance de fond n’est pas due à la méchanceté particulière des gouvernements, mais à l’aggravation continuelle des tensions sociales auxquelles tout gouvernement bourgeois répond par la carotte et le bâton, autrement dit en conjuguant la répression avec des concessions pour calmer les mécontentements. Mais lorsque les concessions à accorder aux prolétaires et aux masses en général sont de plus en plus rares, la répression devient inévitablement plus indispensable pour «maintenir l’ordre».

 L’ordre bourgeois consiste en des rapports sociaux basés sur une violence fondamentale: pour vivre, ceux qui ne possèdent rien – les prolétaires – sont obligés de vendre leur force de travail à la petite minorité qui possède tout et qui récolte le fruit de ce travail – les capitalistes. Cet ordre ne peut être imposé et défendu que par la violence, même quand cette violence est seulement virtuelle, incarnée dans la peur du gendarme, la soumission à la loi, bref dans le respect de l’Etat, monstrueux système ramifié de violence concentrée.

 Contester concrètement, sur le terrain, des intérêts bourgeois, y compris limités comme ceux liés à la construction d’un petit barrage, c’est violer l’ordre bourgeois et alors la répression la plus brutale s’abat.

Le meurtre de Rémi Fraisse comme toutes les brutalités policières ont valeur d’avertissement pour les prolétaires: les hommes politiques bourgeois même les plus démocrates, de droite ou de gauche, ne reculent devant rien pour défendre des intérêts capitalistes. Et lorsqu’il s’agira demain de défendre l’existence même du capitalisme, ils déchaîneront toute la violence à leur disposition, comme il l’ont fait hier dans l’histoire contre le prolétariat insurgé, et comme le font quotidiennement leurs confrères de tous les pays.

Le prolétariat devra répondre sur ce terrain en opposant la violence révolutionnaire à la violence réactionnaire des loups et des chiens de la vieille société; par sa victoire il vengera toutes les innombrables victimes du capitalisme, mode de production le plus criminel de toute l’histoire de l’humanité.

 


 

(1) http://www.sudinterieur.fr/2014/11/05/les-forces-de-lordre-ne-sont-pas-faites-pour-tuer-ni-brutaliser-des-manifestants/#more-541 Ce syndicat dénonce «l’approche de classe» dans l’action de la police au nom d’une orientation démocratique qui la mettrait «au service des gens». En «infiltrant les milieux dangereux» au lieu de tout miser «sur la surveillance systématique des populations pour des raisons d’économie budgétaire», la police pourrait alors garantir «la forme démocratique de la République». Bref une police démocratique à la Sud, misant sur les mouchards, serait plus efficace pour défendre l’ordre bourgeois...

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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