A bas la civilisation du capital !

(«le prolétaire»; N° 516; Juin - Juillet - Août 2015)

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Après les attentats, le même jour, de Tunisie (38 touristes assassinés à Sousse) du Koweït (26 chiites tués dans une mosquée) et la décapitation de son patron par un employé d’une usine de la région lyonnaise, Le premier ministre Valls, recueillant l’approbation des politiciens de droite, a déclaré le 28 juin que nous étions entrés dans une «guerre de civilisation».

Reprenant les discours sur la «guerre contre le terrorisme» qui fleurissent aux Etats-Unis depuis les attentats 11 septembre, Valls a poursuivi en affirmant que cette guerre serait «longue», Daech (l’ «Etat Islamique») voulant «mettre fin» à «nos valeurs, qui sont des valeurs universelles»: «c’est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons»; de son côté, Hollande appelait à «l’unité et au rassemblement de la nation».

Ces déclarations ne sont pas seulement des phrases rituelles de circonstance; elles manifestent le caractère profondément conservateur, antiprolétarien, du gouvernement, qui utilise les attentats pour renforcer l’ordre établi capitaliste, non seulement sur le plan «idéologique» mais aussi sur le plan on ne peut plus concret du renforcement des forces et mesures répressives. Le plan Vigipirate qui est en vigueur pratiquement sans discontinuité depuis son instauration par Jospin en...1995, il y a vingt ans! (1), a été porté à son niveau maximal en Rhône-Alpes pendant les jours qui ont suivi.

Ce fameux plan n’a jamais empêché aucun attentat, mais son but réel est tout autre. Selon les autorités, Vigipirate doit «rassurer la population» en montrant que les militaires la «protègent»; en fait il faut l’habituer à un déploiement militaire qui lui montre la toute-puissance de l’Etat: Vigipirate a fondamentalement pour fonction d’intimider tous ceux qui seraient tentés de se révolter, à commencer bien entendu par les prolétaires; il s’inscrit dans une tendance à la militarisation et au quadrillage des zones urbaines où les forces armées assurent le maintien de l’ordre en sus des forces de police classiques. C’est ainsi qu’après les attentats contre Charlie Hebdo et un supermarché kasher, plus de 10 000 militaires avaient été mobilisés (dont 4000 en région parisienne) pour monter la garde en divers points.

La mobilisation de près du tiers des effectifs de l’armée entraînant, parmi d’autres problèmes, d’ordre logistique et financier (l’opération coûtant un million d’euros par jour), un affaiblissement des capacités d’intervention militaire extérieure de l’impérialisme français, le nombre de soldats impliqués devait être progressivement réduit à 3000; mais fin avril Hollande a annoncé que ce chiffre serait maintenu à 7000 «de manière durable», de nouveaux crédits (4 milliards sur 4 ans) étant attribués aux armées, notamment pour couvrir les dépenses occasionnées à ce sujet...

Ce renforcement continuel des mesures répressives, véritable blindage de la démocratie, est un phénomène qui date de plusieurs décennies; on le constate dans les plus grands et les plus riches pays capitalistes, et pas seulement dans les pays les plus pauvres en proie à de fortes crises politiques et sociales. Il est en effet le reflet de l’accroissement inexorable des tensions sociales au fur et à mesure que se développe le capitalisme, même si pendant des périodes plus ou moins longues de prospérité la paix sociale semble solidement installée grâce à de multiples amortisseurs sociaux: ce n’est pas un hasard si le plus grand et plus puissant pays capitaliste de la planète, les Etats-Unis, est aussi le pays qui compte le plus d’emprisonnés (et, avec l’immense Chine, de condamnés à mort), le pays de la militarisation à outrance de la police, le pays où des forces paramilitaires sont régulièrement mises en action pour réprimer des émeutes, comme on l’a vu encore récemment.

La répétition des crises économiques de plus en plus profondes, en obligeant les capitalistes à s’attaquer toujours plus durement aux conditions de vie et de travail des prolétaires (que ce soit par des baisses des salaires réels, des licenciements, ou des réductions des dépenses et mesures sociales en tout genre, etc.) et même à s’attaquer à certaines couches petites-bourgeoises plus ou moins parasitaires (dernier exemple en date: la loi Macron), pour maintenir leur taux de profit, ne peut qu’accentuer cette montée des tensions sociales. Tensions sociales qui s’expriment aujourd’hui encore le plus souvent de façon diffuse et individuelle, sous une forme contradictoire voire même réactionnaire ou en apparence incompréhensible, comme dans le cas de ces jeunes à qui la société bourgeoise ne peut offrir de perspectives ou d’avenir qui sont séduits par des idéologies religieuses et partent faire le djihad (guerre sainte) au Moyen-Orient.

Il ne faut pas gémir devant ce phénomène, mais comprendre qu’avec l’affaiblissement du contrôle social bourgeois qu’il démontre, il annonce que s’approche l’hure des grandes confrontations sociales, du gigantesque combat à la vie et à la mort entre bourgeois et prolétaires. Les capitalistes et leurs hommes politiques en sont bien conscients, c’est pourquoi ces derniers ne cessent de renforcer les dispositifs de répression et de surveillance et de lancer des appels à l’union nationale entre les classes et à la défense de la civilisation bourgeoise: la menace contre celle-ci n’est pas constituée par des attentats y compris les plus meurtriers, par les activités de quelques dizaines ou centaines de djihadistes, mais par les millions de prolétaires qui seuls possèdent la force potentielle de la détruire, dès qu’ils retrouveront leurs orientations de classe!

 

Les valeurs de la civilisation bourgeoise

 

Défenseurs français de la civilisation contre les travailleurs en lutte à Douala (Cameroun) en septembre 1945«Le capital, écrit Marx, est venu au monde suant le sang et la boue par tous ses pores» (2). Il s’est développé en mettant la planète à feu et à sang, en développant de façon industrielle l’esclavage, en massacrant et pillant les peuples coloniaux, en plongeant le monde dans deux guerres mondiales et d’innombrables guerres locales, en semant la terreur et en écrasant régulièrement les luttes et les révoltes de ses propres prolétaires. Il se dirige inexorablement vers une troisième guerre mondiale pour trouver une nouvelle jeunesse dans un gigantesque bain de sang si la révolution internationale ne l’arrête pas avant; il ne reculera devant rien, devant aucun forfait, devant aucun crime de masse, devant aucun «crime contre l’humanité» pour se maintenir en vie. Voilà quelles sont les valeurs de la civilisation capitaliste dont tous les bienfaits et progrès ont été payés et sont encore payés au prix du sang et de la misère des innombrables masses prolétariennes et prolétarisées du monde.

Les terroristes de Daech et cie – tout comme ceux de Bachar El Assad –, appartiennent à cette même civilisation du capital et ils obéissent à ses lois. Dans les territoires qu’ils ont conquis, la chari’a moyenâgeuse cède le pas à la quête du profit. Et d’ailleurs si Daech est aujourd’hui décrit comme l’ennemi de la civilisation, certains Etats de cette même civilisation l’aident ou l’ont aidé et quelques voix commencent à s’élever aux Etats-Unis pour envisager demain un éventuel accord avec lui, s’il arrive à stabiliser une structure étatique: quant à ses crimes, qui n’en a pas commis et qui n’en commet pas (3)? Pour les bourgeois c’est un détail qui n’entre pas en ligne de compte...

Marx écrit encore, toujours dans Le Capital, que à mesure que se développe le capitalisme «s’accroissent la misère, l’oppression, l’esclavage, la dégradation, l’exploitation, mais aussi la résistance de la classe ouvrière sans cesse grossissante et de plus en plus disciplinée, unie et organisée par le mécanisme même de la production capitaliste (...). La socialisation du travail et la centralisation de ses ressorts matériels arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans leur enveloppe capitaliste. Cette enveloppe se brise en éclats. L’heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés» (4).

Telle est la perspective, tel est l’objectif!

 

A bas la civilisation du capital, a bas les valeurs bourgeoises!

Non à l’unité nationale, oui à la lutte de classe!

 


 

(1) En fait il a été «suspendu» pendant 2 mois en 1996...

(2) Le Capital, Livre Premier, ch. 31, Editions Sociales 1976 p. 555

(3) cf L’article de la prestigieuse revue américaine Foreign Policy (10/6/15): «Que faire si l’Etat Islamique gagne? Vivre avec lui». Traduit partiellement dans Courrier International n°1286.

(4) Le Capital, Ibidem, ch. 32, Ed. Sociales 1976 p. 557

 

Photo ci-dessus:  Défenseurs français de la civilisation contre les travailleurs en lutte à Douala (Cameroun) en septembre 1945

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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