Après les attentats  à Bruxelles

La réponse prolétarienne n’est pas la solidarité avec les gouvernements et les bourgeois mais la lutte de classe contre toutes les manifestations du capitalisme, terrorisme petit-bourgeois compris !

(«le prolétaire»; N° 519; Mars-Avril-Mai 2016)

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Le 22 mars à 8 heures du matin deux kamikazes se font sauter à l’aéroport Zaventem de Bruxelles; un peu plus d’une heure plus tard autre explosion a lieu dans le métro à la station Maelbeek, proche du bâtiment de l’Union Européenne. On dénombre 34 morts et plus de 300 blessés dont 61 très graves, ce qui fait le nombre de morts pourrait s’accroître.

«On s’y attendait!» ont déclaré les dirigeants belges après les attentats; en vérité non seulement le gouvernement belge mais les gouvernements français, allemand, italien, britannique ou espagnol s’y attendaient depuis longtemps. Après les attentats de Paris, Hollande avait déclaré, au nom de tous les gouvernements impérialistes occidentaux: «Nous sommes en guerre!». En guerre, mais contre qui ?

 La guerre que conduit chaque capitalisme est une guerre de concurrence sans merci, c’est une guerre qui se déroule simultanément à différents niveaux : économiques, politiques, financiers et de façon toujours plus fréquente à travers des interventions militaires, pour l’instant dans les pays de la «périphérie» lointaine ou immédiate de l’impérialisme selon les intérêts en jeu. Une guerre que le terrorisme «djihadiste», rejeton du terrorisme grand-bourgeois des métropoles impérialistes a repris à son compte en menant ses attaques y compris suicide, au cœur des métropoles impérialistes: New-York, Madrid, Londres, Paris et aujourd’hui Bruxelles.

Bruxelles, capitale des institutions européennes, était devenue dans les derniers temps une cible privilégiée du terrorisme islamique. Avant le massacre actuel, le 23 décembre 2011 un djihadiste ouvrait le feu dans une rue de Liège, faisant 5 morts et 125 blessés; le 24 mai 2014 l’attentat au musée juif de Bruxelles faisait 4 morts; le 15 janvier à Verviers était démantelée une cellule djihadiste qui préparait une série d’attentats en Europe.

Par ces attentats le terrorisme petit-bourgeois de matrice islamique, pas toujours directement lié à Al Quaïda ou au Califat noir de Al Baghdadi, entend répondre aux puissances occidentales qui durant des décennies ont terrorisé les populations en bombardant ou occupant tel ou tel des pays du Moyen ou d’Extrême Orient. La situation plus récente en Irak et en Syrie est caractérisée par l’intervention militaire impérialiste – à laquelle participe la Belgique avec son aviation – et par une massacre continu des populations par les bombardements, les attaques des milices et des gouvernements soutenus par les impérialismes; cela a donné une vigueur plus grande à des forces qui ont accumulé des expériences militaires et qui prospèrent dans le chaos des guerres en cours en se taillant des parcelles de pouvoir sur des villes et des territoires qu’ils mettent en coupe réglée et dont ils tirent des profits par le trafic d’armes ou d’êtres humains, de pétrole ou de drogue.

Pour attirer des jeunes prêts à se mettre à leur service contre les forces de grands pays comme les Etats-Unis ou les pays européens, ces organisations n’ont pas besoin seulement de soutiens financiers et de fournitures d’armes; elles ont aussi besoin d’idéaux. Le fondamentalisme islamique le leur en fournit en poussant à des gestes héroïques, comme l’immolation et le sacrifice de sa vie dans les attentats jugés nécessaires pour se «purifier» et «purifier» un monde corrompu et dégénéré.

Ce type de terrorisme ne recrute pas ses adeptes uniquement parmi les jeunes désespérés par le chômage et la misère; il les recrute aussi parmi des couches petites-bourgeoises d’où émergent des éléments qui, pour donner un sens à une vie rythmée par la quête quotidienne de l’argent nécessaire pour vivre, par la morgue des plus riches, par les vexations quotidiennes de type raciste ou religieux, se raccrochent au mythe d’une justice divine qui devrait s’imposer à la justice terrestre et dont ils sont prêts à devenir les instruments de vengeance.

Ce n’est pas par hasard si ces attentats ne sont pas dirigés contre des personnes précises, contre les représentants de puissances politiques ou économiques jugés coupables d’actes déterminés, mais contre la foule anonyme, contre des gens se trouvant par hasard dans un endroit donné et à un moment donné ; attentats qui sèment la mort parmi des «gens innocents», comme sont innocents ceux qui meurent sous les bombardements en Irak, en Syrie, en Libye, croyant pouvoir ainsi changer le cours des choses.

En réalité ce terrorisme petit-bourgeois n’est que l’autre face du terrorisme grand-bourgeois, du terrorisme des grands Etats qui par leurs guerres de rapines, ou celles menées par procuration par des Etats plus petits, perpétuent leur domination et surtout alimentent la domination du capitalisme et de ses lois sur la planète. Après les attentats de Paris, et surtout après la série d’attentats réussis ou ratés, il était clair pour tout le monde que le terrorisme islamique pouvait facilement se diffuser en Belgique –pays européen créé artificiellement par les puissances de l’époque, surtout l ’Allemagne et la France, comme «Etat-tampon», pays où il n’y a jamais eu de réelle intégration «nationale» entre groupes de différentes origines, Wallons, Flamands, Allemands et où, à part la monarchie, il n’existe pas de véritable centralisme gouvernemental du pays.

Le «on s’y attendait» des dirigeants belges ne signifiait pas qu’ils se préparaient à cette éventualité; c’était une déclaration de faiblesse telle qu’elle équivalait à une demande de tutelle d’un Etat plus puissant et mieux organisé; et dans les faits c’est l’Etat français qui s’est mis en avant, ne serait-ce que parce que les terroristes de Paris en novembre et en janvier venaient de Bruxelles et en particulier du quartier de Molenbeeck où la police belge n’ose pas entrer.

La presse bourgeoise elle-même déclarait, avant les attentats de Bruxelles, que la Belgique était un  Etat en faillite», un Etat faible construit sur un «sentiment national» précaire. Un pays où de nombreuses raisons objectives expliquaient la formation d’un humus fertile pour la naissance de groupes djihadistes: communauté musulmane nombreuse et très peu intégrée avec un fort taux de chômage des jeunes, facilité de se procurer des armes, inefficacité de la police, mal équipée et divisée par différents niveaux d’autonomie administrative et de rivalité entre Flamands et Wallons (1).

Et c’est précisément parce que l’unité nationale belge était précaire qu’elle avait été choisie par les grands Etats européens pour être le siège des institutions européennes: la France n’aurait jamais accepté que ce siège soit en Allemagne et l’inverse était vrai. Bruxelles apparaissait comme suffisamment insérée dans le front de défense des intérêts impérialistes européens (comme en témoignait son histoire coloniale) mais avec un nationalisme trop faible pour contester les intérêts des grands Etats: elle a ainsi pu être «naturellement» choisie pour devenir la capitale institutionnelle de l’Europe.

Mais les prolétaires belges, qu’ils soient Wallons ou Flamands, immigrés ou naturalisés, ne peuvent se faire des illusions : la démocratie et les autonomies reconnues dans les villes et les quartiers de Belgique ne sont pas des éléments permettant une vie civile harmonieuse . Si jamais ils devaient se soulever en se lançant dans la lutte de classe anticapitaliste, ils se trouveraient face non seulement aux forces de l’ordre de l’Etat «en faillite», mais aussi aux forces militaires de Paris ou de Berlin, face à des Etats plus puissants et aguerris qui se substitueraient à l’Etat belge pour défendre un régime bourgeois face au péril d’une brèche classiste qui risquerait de se propager aux pays voisins.

L’exploitation qui caractérise toujours et partout le mode de production capitaliste ne s’arrête jamais parce que c’est de l’exploitation des travailleurs que le capital tire son profit. Cette exploitation fait partie d’une guerre qui n’est jamais déclarée ouvertement, une guerre dissimulée, masquée en général sous le voile de la collaboration de classe au nom de la défense de l’entreprise et de l’économie nationale, de la civilisation et de la démocratie – mensongère affirmation d’une prétendue souveraineté populaire qui ne sert qu’à consolider les chaînes liant les prolétaires de toute nationalité, de toute race ou de toute religion au système productif capitaliste.

Quand le sort de leurs profits est en jeu, les capitalistes n’hésitent jamais à rogner sur les mesures de sécurité, à licencier, à participer à l’exploitation de prolétaires d’autres pays, à intervenir militairement aux quatre coins du monde; si la participation à une alliance de brigands rend nécessaire la participation aux bombardements en Irak, ils font décoller les F16 et ils bombardent; les médias ne montreront jamais les visages de ceux qu’on est allé bombarder. Le capital commande, les capitalistes obéissent; et dans leur noble mission d’assurer la valorisation du capital et de sauver les profits, ils agissent avec tout le cynisme dont est capable le monde bourgeois.

Nous sommes dans une période où les prolétaires d’Europe intoxiqués par des décennies de démocratie et jouissant de conditions notablement supérieures à celles des prolétaires des pays de la périphérie de l’impérialisme, ne sont pas encore conscients que la bourgeoisie ne permettra jamais que sa domination politique soit remise en cause; une période où la bourgeoisie impérialiste peut encore vanter la prétendue supériorité de sa civilisation en cachant le brigandage réel qu’elle mène aux dépens de la grande majorité de la population du monde, pour faire croire à une communauté de valeurs et d’intérêts qui uniraient les prolétaires aux capitalistes au nom de la «patrie» : en réalité des générations entières de prolétaires ont été contraints de verser leur sang au nom de la patrie, de la paix, de la liberté, de la fraternité, sans rien obtenir en échange que la perpétuation de leur exploitation! Une période où les multiples forces du collaborationniste peuvent encore dénaturer les intérêts prolétariens en les truffant des valeurs bourgeoises de la démocratie, de la nation, de la paix – paix que les contradictions mêmes du capitalisme ne garantiront jamais!

La réaction terroriste petite-bourgeoise est, elle aussi, au service de la domination générale du capital, parce qu’elle obéit aux mêmes lois, la seule différence étant que c’est au profit de fractions bourgeoises qui veulent arracher des territoires aux fractions bourgeoises dominantes . Bourgeois contre bourgeois, ils se font la guerre pour s’emparer de richesses qui ne sont pas autre chose que le produit du travail humain, du travail salarié de générations de prolétaires.

La guerre des bourgeois impérialistes contre les bourgeois «terroristes» n’est pas une guerre à laquelle les prolétaires doivent participer et pour laquelle ils doivent sacrifier leur vie, leurs intérêts, leur cause.

Leur cause, c’est-à-dire la cause d’une classe qui produit toutes les richesses de la société mais dont s’empare l’ennemi de classe, la bourgeoisie capitaliste. La cause de la classe prolétarienne est historiquement antagoniste à celle de la classe bourgeoise : ce n’est pas là une croyance idéologique, mais une réalité que démontre chaque jour la société capitaliste.

Le prolétariat devra le reconnaître, il devra apprendre que pour affirmer ses intérêts de classe il lui faut s’affronter aux forces de la conservation bourgeoise qui se déchaîneront contre lui chaque fois qu’il essayera d’échapper à l’exploitation à laquelle il est voué, non par choix, mais par la contrainte sociale d’une domination bourgeoise qui à cette seule condition réussit à extorquer la plus-value du travail salarié.

La réponse des prolétaires aux attaques terroristes ne peut pas consister à s’unir avec les capitalistes et leurs gouvernements pour défendre un système politique qui est fondamentalement antiprolétarien.

La réponse prolétarienne ne peut se mener que sur le terrain de la lutte de classe, en s’organisant pour la défense exclusive des intérêts de classe et en ne reconnaissant comme alliés et frères de classe que les prolétaires des autres pays.

Cette perspective peut sembler aujourd’hui utopique et bien peu « concrète » ; mais elle est en réalité la seule qui pourra concrètement être assumée par la reprise de la lutte prolétarienne, centrée sur les intérêts de sa propre classe, sur sa propre cause historique qui consiste à mettre fin une fois pour toutes au système d’exploitation de l’homme par l’homme, au système capitaliste qui n’a d’autre but que le capital, la valorisation du capital, et qui oblige tous les êtres humains à satisfaire ses impératifs, les impératifs du marché, et non les besoins de l’humanité.

 

Aucune solidarité avec les capitalistes et leurs gouvernements sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme !

Aucune solidarité avec les impérialismes, entités terroristes mondiales qui tiennent dans leurs griffes des populations entières qui massacrent et ravagent pour s’enrichir!

Aucune justification aux actes du terrorisme petit-bourgeois sous quelque forme qu’il se présente!

Organisation de classe pour la défense exclusive des intérêts prolétariens anti capitalistes!

Pour la reprise de la lutte de classe dans tous les pays!

Pour la révolution communiste mondiale, seule solution historique pour l’émancipation de l’exploitation salariée et de toutes les oppressions bourgeoises!

 

27/3/2016

 

 


 

 

(1) Cf http:// www.politico. eu/ article/ belgium- failed- state- security- services-molenbeek- terrorism/, in http:// www. ilpost.it/ 2016/ 03/ 27/ problemi-belgio/

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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