Contre le sabotage de la mobilisation par les appareils syndicaux, organisation et lutte indépendante de classe!

(«le prolétaire»; N° 519; Mars-Avril-Mai 2016)

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Après les manifestations du 31 mars et du 9 avril contre la loi El Khomri qui ont été des succès indéniables avec des dizaines de milliers de participants, l’Intersyndicale regroupant la CGT, FO, la FSU, Solidaires, et les organisations étudiantes et lycéennes UNEF, UNL et FIDL ont décidé d’organiser une nouvelle journée d’actions pour le... 28 avril.

 

Il faudrait être bien naïf ou n’avoir aucune mémoire pour s’étonner que les syndicats dits «contestataires» (par opposition à ceux dits «réformistes» comme la CFDT qui approuvent l’attaque anti-ouvrière de la dite «loi Travail»), décident de casser la mobilisation en laissant tout le temps nécessaire au gouvernement pour multiplier les manoeuvres afin de faire tomber la pression. C’est exactement la même tactique de sabotage de la lutte qu’avaient employé, malheureusement avec succès, ces organisations contre la réforme Sarkozy des retraites.

Ces appareils syndicaux ne sont pas des organisations de lutte de classe, mais des organisations de collaboration de classe. Si elles sont contraintes de défendre les revendications des travailleurs (ou plus généralement de faire mine de les défendre), c’est uniquement à condition que ces revendications restent compatibles avec la bonne marche de l’économie nationale ou de l’entreprise – objectif qu’elles placent toujours au premier rang – ou dans le but d’éviter l’apparition d’un mouvement de lutte «incontrôlable», dangereux pour l’ordre établi.

L’UNEF et les organisations de jeunes se sont donc prêtées aimablement à la manoeuvre de «concertation» organisée par le gouvernement – qui, comme tous les gouvernements de la Ve République, redoute d’éventuels débordements des lycéens et étudiants, parce que parmi eux l’encadrement par les organisations collaborationnistes est très faible. L’UNEF s’est déclarée satisfaite des concessions annoncées par Valls, tout en affirmant, bien sûr!, ne pas renoncer à obtenir le retrait de la loi.

Ce que valent les concessions et les sourires du gouvernement envers les jeunes peut se mesurer à la répression policière qui s’abat sur eux: matraquages, gardes-à-vue, condamnations expéditives à des peines de prison, ou au fait que sous la pression du MEDEF il soit presqu’immédiatement revenu sur une partie de ce qu’il avait promis, comme la surtaxation des CDD (mesurette censée favoriser l’emploi non précaire).

 

La complicité de l’«extrême» gauche

 

 La politique de sabotage des luttes menée par les appareils syndicaux se mène avec la complicité des groupes qui se prétendent révolutionnaires. On chercherait en effet vainement dans leur presse, leurs tracts ou leurs communiqués, la moindre critique de l’action de l’Intersyndicale, la plus petite opposition à la pratique du saucissonnage des luttes et des vaines manifestations-processions rituellement organisées par les syndicats.

Ce n’est pas étonnant: ces organisations soi-disant d’extrême- gauche se sont peu à peu intégrées jusqu’aux plus hauts niveaux des appareils syndicaux (au point d’y remplacer souvent les anciens bonzes du PCF ou du PS), épousant inévitablement au cours de ce processus la pratique et l’idéologie réformistes du dialogue social qui y fleurissent. Elles ne vont donc pas combattre une politique dont elles partagent la responsabilité!

Elles sont devenues les rabatteurs les plus efficaces des grandes manoeuvres syndicales, comme, sur un autre plan, elles sont depuis longtemps les rabatteurs les plus acharnés du cirque électoral et du soutien politique au réformisme.

 

Nuit debout,  Prolétaires à genoux?

 

Leur suivisme par rapport au réformisme les a aussi naturellement conduit à soutenir «Nuit debout», à l’exception de Lutte Ouvrière qui a parlé de «l’ambiguïté d’un mouvement». Mais le mouvement Nuit debout, qui, ce n’est pas par hasard, a été largement répercuté par les médias, est tout sauf ambigu! Interclassiste par nature, avec une forte participation petite-bourgeoise, ce mouvement se revendique ouvertement réformiste. En témoigne, par exemple, son appel à une «journée de séparation entre le Medef et l’Etat» le 23 avril. Voilà qui devrait ravir LO qui, à l’instar de tous les réformistes, se plaint que l’Etat est accaparé par les capitalistes! En réalité il est aussi impossible de séparer l’Etat bourgeois des capitalistes que de transformer un nuitdeboutiste en lutteur de classe.

Le mouvement Nuit debout est de même nature que celui il y a quelques années des Indignés en Espagne ou d’ Occupy aux Etats-Unis: réformiste, légaliste et... antiprolétarien. Idéologiquement petit-bourgeois il s’imagine être au dessus des classes et des partis, soucieux uniquement de l’ intérêt général, alors qu’il est en réalité l’expression de la soumission aux impératifs bourgeois.

Il ne peut en aucune façon être un point d’appui pour la renaissance de la lutte de classe, qu’il cherche au contraire, consciemment ou non, à exorciser; c’est ce qui explique son refus des partis politiques (ce qui n’empêche pas les tentatives de récupération, de droite ou de gauche) et sa croyance aveugle dans la démocratie citoyenne.

Confrontés à la perspective d’une nouvelle défaite consciemment organisée par les appareils syndicaux et leurs complices d’extrême gauche, il est peu probable que beaucoup de prolétaires se laissent abuser par la diversion des nuideboutistes. Ils ne vivent pas au pays des bisounours; les faits leur ont enseigné que ce ne sont pas les bons sentiments et les idées fumeuses, mais le rapport des forces qui est déterminant face aux patrons.

Il leur reste à apprendre qu’ils disposent potentiellement de la force capable de faire plier tous leurs adversaires, dès lors qu’ils rompent avec les méthodes défaitistes des appareils syndicaux pour se placer sur le terrain de classe, retrouvant les méthodes et les moyens de lutte classistes, qui sont les seuls efficaces.

C’est la leçon qu’il faut tirer des impasses d’aujourd’hui si l’on veut préparer les victoires de demain: la rupture avec le sabotage des appareils syndicaux collaborationnistes et l’organisation indépendante de classe est une nécessité pressante de la lutte ouvrière.

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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