Aéroport de Notre-Dame-des-Landes: un «grand projet inutile», résultat normal des lois du capital

(«le prolétaire»; N° 521; Septembre-Octobre 2016)

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Le manque de place nous avait obligé à reporter la publication de cet article. Nous le publions ici car l’épisode du référendum sur la construction du nouvel aéroport n’a pas supprimé son intérêt; il a confirmé seulement que la démocratie bourgeoise et les élections servent toujours à la bourgeoisie, au-delà des résultats contingents des consultations.

 

 

Depuis 40 ans, les notables de l’Ouest de la France – du baron gaulliste Guichard à l’actuel ministre Ayrault – se sont faits les promoteurs de la construction d’un nouvel aéroport en Loire-Atlantique, qui en comprend actuellement deux liés à l’industrie aéronautique présente à Nantes et Saint-Nazaire.

Aucun argument sérieux ne vient étayer la nécessité de sa construction car l’aéroport actuel est largement suffisant pour le volume de passagers accueillis.

Les motifs réels de ce projet sont simples: la multinationale Vinci à qui l’État a concédé la construction veut engranger le maximum de profits, et les collectivités locales – qui fonctionnent comme des entreprises capitalistes – veulent attirer des investisseurs mais aussi spéculer en transformant l’actuel aéroport en terrains constructibles.

La mise en œuvre de ce projet provoquerait de nombreux dégâts sur des milieux fragiles, en particulier sur les zones humides où sera construit l’aéroport mais aussi sur le lac de Grand-Lieu qui subira la poussée urbaine de Nantes. S’il est aberrant, le projet de Notre-Dame-des-Landes n’est qu’un aspect de la dévastation générale que le capitalisme fait subir aux milieux et à l’homme.

Cette situation est parfaitement normale dans le capitalisme. Dans cette société, ce ne sont pas les besoins humains qui déterminent la production, mais les lois de l’accumulation capitaliste. Les grands aménagements ne sont donc en aucun cas une réponse à une demande sociale mais le résultat des lois du capital.

Le capital ne peut pas fonctionner autrement et les dégradations de l’environnement sont la conséquence logique de la nature anarchique du capitalisme. Les forces productives sont en même temps des forces destructives, l’accumulation du capital repose sur la destruction et la dilapidation des ressources naturelles, de l’environnement et du travail humain.

 

L’écologisme au secours du capitalisme

 

Pour les écologistes, la contradiction entre les besoins humains et les progrès techniques (dont le transport aérien) serait inhérente à la «société industrielle», et constituerait la conséquence de la « technique » et de la « science » elles-mêmes.

En réalité, elle est inhérente au capitalisme, parce que le but de toute l’activité capitaliste est et ne peut être que la reproduction élargie du capital. Dans son développement, et particulièrement dans la situation de crise actuelle, le capitalisme ne pourra qu’aggraver la pollution générale, aggraver les risques de toutes sortes (technologiques ou «naturels») qu’il fait courir. Il est donc à la fois illusoire et profondément défaitiste de prétendre lutter simplement contre l’installation d’un aéroport, d’un barrage ou d’une ligne à grande vitesse si on ne lutte pas pour détruire tous les rapports capitalistes de production.

Illusoire, parce que cela sous-entend que le capitalisme pourrait exister sans détruire la nature, parce que cela sous-entend que le capitalisme pourrait trouver un état d’équilibre, alors qu’il ne peut fonctionner que par une perpétuelle fuite en avant, qui implique un accroissement constant de la production et une exploitation croissante de la classe ouvrière, une prolétarisation croissante des classes moyennes, une aggravation générale des conditions de vie et une oppression sociale croissante. Parce que cela sous-entend que la destruction de l’environnement tout comme l’exploitation et l’oppression ne sont pas inhérentes au capitalisme, mais en sont des aspects contingents, accidentels, ou encore dus à la bêtise ou à la cupidité des bourgeois, et que par conséquent on pourrait très bien les supprimer sans toucher aux fondements du capitalisme. Ce qui est faux.

Défaitiste, car cela revient non seulement à donner à la volonté de lutter contre la pollution, l’exploitation et l’oppression, un objectif impossible, la réalisation d’un capitalisme propre, harmonieux, pacifique et au service de l’homme, mais à détourner l’indignation légitime suscitée par les méfaits du capitalisme de ses causes véritables. Car cela revient en même temps à empêcher toute lutte réellement efficace contre le capitalisme et à empêcher la constitution de la force de classe capable de l’abattre.

 

Le NPA dans le bourbier écologiste

 

Fidèle à l’orientation de l’ancienne LCR, le NPA participe à toutes les luttes environnementales sur des bases écologistes – interclassistes et petites-bourgeoises. C’est le cas à Notre-Dame-des-Landes comme sur la question du nucléaire. Les «anticapitalistes» se fixent des objectifs dans le strict cadre du système capitaliste. Le NPA proclame ainsi «Nous avons besoin d’une agriculture paysanne, de construire et d’isoler nos logements plutôt que de pistes d’aéroports, de transports collectifs publics gratuits plutôt que d’avions et de TGV, d’emplois durables plutôt que de bénéfices pour les multinationales parasites comme Vinci» («Nous garderons Notre-Dame-des-Landes. Ni expulsion, ni travaux: abandon définitif du projet!», 15 février 2016, npa44.org). C’est le degré zéro du réformisme !

Cet aplatissement total devant les lubies petites-bourgeoises est renforcé par l’alliance qu’a noué ces dernières années le NPA en Bretagne. Aux élections européennes de 2014 et aux régionales de 2015, les «anticapitalistes» ont fait liste commune avec Breizhistance – Gauche indépendantiste bretonne. Cette organisation d’ «extrême» gauche nationaliste bretonne donne comme objectif à la mobilisation d’ «inverser la tendance en tentant d’inventer de nouveaux modèles de solidarité, de reprendre possession de nos moyens de production économique, d’en inventer de nouveaux à dimensions humaines et capables de répondre au défit climatique et à l’appauvrissement des ressources» («Comme à Plogoff et au Carnet, le peuple breton a toujours gagné! Manifestons contre l’aéroport de NDDL le 22 février à Nantes», 18 février 2014, breizhistance.tv). Un rêve typiquement petit-bourgeois et anticommuniste!

 

Le Front anticapitaliste 44: discours radical et illusions réformistes

 

Ce Front a été initié par des organisations anarchistes (Alternative Libertaire, Fédération Anarchiste, Organisation Communiste Libertaire et Confédération nationale du Travail) et les maoïstes de Voie Prolétarienne. Il a réussi à organiser dans les manifestations des cortèges qui ont regroupé plusieurs centaines de personnes.

Ce cartel a un discours plus radical que le NPA. Il dénonce un «projet capitaliste»: les «capitalistes cherchent sans cesse à redéployer leurs capitaux pour assurer la reproduction de ces derniers. Peu importe les dégâts sociaux et écologiques occasionnés».

Mais loin de voir dans ces grands aménagements, le résultat normal des lois du capital, le Front n’y voit que «l’intérêt économique d’une poignée de puissants» jugeant que «les seuls bénéficiaires de ce projet, […] sont les actionnaires, banquiers et dirigeants de Vinci» («Vers la lutte finale», 25 février, alternativelibertairenantes.fr).

Une fois de plus, c’est la dénonciation d’un mauvais fonctionnement du capitalisme qui serait dominé par la finance et non pas une réelle remise en cause d’un système qui ne peut que générer la destruction de l’environnement, l’exploitation et l’oppression.

Cela ressemble, sans le dire, une version «révolutionnaire» du discours anti-libéral qui cible la finance pour épargner le capitalisme. 

 

Les spartacistes volent au secours de l’aéroport

 

Par rapport au reste de l’ «extrême  gauche, les spartacistes – représentés en France par la Ligue Trotskyste de France (LTF) et au niveau international par la Ligue Communiste Internationale (LCI) – se singularisent.

Le journal Le Bolchevik a publié un court mais virulent article («Les apôtres de la décroissance en pèlerinage à Notre-Dame-des-Landes», mars 2016) contre les opposants à la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes qu’il accuse d’être des «primitivistes» (!?).

La LTF défend le droit des «habitants de la région (plusieurs millions dans le périmètre d’attraction de l’aéroport potentiel) [d’] avoir accès à un véritable aéroport international». Une nouvelle revendication qui pourrait sans doute rejoindre la longue liste du catalogue transitoire des trotskistes!

Pour cette variété de trotskistes, la capitalisme serait donc capable de répondre aux besoins humains et serait même encore progressiste face aux «primitivistes». C’est une position totalement réactionnaire.

De plus, dans le même article, la LTF montre que sa conception du socialisme est également anti-marxiste. Elle affirme que «Lorsque les ouvriers seront au pouvoir, les travailleurs de l’aéroport actuel, ceux des usines aéronautiques et autres travailleurs de la région, et secondairement le reste des riverains concernés par l’aéroport, pourront décider ce qui est dans l’intérêt des masses travailleuses de la région, dans le cadre d’une planification socialiste internationale d’une économie collectivisée». La planification revendiquée laisse place au fédéralisme dans lequel chaque région décide au coup par coup des aménagements utiles à toute la société!

A leur décharge, cette position des spartacistes est logique pour un courant qui confond capitalisme sauvage à la sauce chinoise avec une forme d’économie socialiste.

 

Une nécessité: lier la lutte contre les saccages de l’environnementales à la lutte de classe anticapitaliste

 

Les révolutionnaires communistes ne doivent pas se désintéresser des luttes contre la dégradation de l’environnement, rester indifférents à la répression qu’elles rencontrent, sous le prétexte que ce ne sont que des luttes contre les effets inévitables du capitalisme ou qu’elles sont par définition interclassistes. Il ne faudrait pas les abandonner à des forces qui, même si elles sont indéniablement combatives, restent prisonnières d’orientations qui seront inévitablement récupérées par l’adversaire de classe. Il s’agit de démontrer que les grands projets d’aménagement ne sont qu’une des manifestations désastreuses que connaît le système capitaliste dès son origine: comme disait Marx dans Le Capital: «le capitalisme est né suant le sang et la boue par tous ses pores». Il s’agit de montrer que pour freiner, voire faire reculer, les énormes intérêts des grands groupes impérialistes et capitalistes et de leurs Etats, l’intervention d’une force puissante serait indispensable, cette force étant le prolétariat révolutionnaire, dont le but final est d’une bien plus grande portée que la correction de quelques méfaits du capitalisme.

Aujourd’hui cette force n’existe pas, le prolétariat étant encore ficelé par les mille liens tissés par le collaborationnisme, anesthésié par la propagande démocratique et pacifiste bourgeoise. Seule un petite minorité des participants à ces luttes, peut être sensible aux positions communistes parce qu’ils sont des prolétaires; seuls quelques rares éléments peuvent comprendre qu’ils doivent lier leur combat au combat fondamental contre l’exploitation capitaliste; mais ce n’est pas une raison pour renoncer à défendre les orientations communistes!

Ce n’est qu’en détruisant le capitalisme, en imposant sa dictature à la bourgeoisie, que le prolétariat pourra arrêter les projets inutiles et dangereux, supprimer les productions antisociales, arrêter la course folle à la production pour le profit et centrer la nouvelle économie sur la satisfaction des besoins de l’humanité toute entière, y compris des générations à venir.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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