8 Mars

Pour la femme prolétaire, une seule issue: la lutte de classe anticapitaliste et donc anti-bourgeoise et anti-démocratique

(«le prolétaire»; N° 523; Février-Mars-Avril 2017)

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La Conférence internationale des Femmes de Copenhague en 1910 décida l’organisation d’une journée de lutte internationale pour les revendications des femmes prolétaires, tant sur le terrain économique que sur le terrain polique (la date du 8 mars fut définitivement fixée en juin 21lors de la conférence des Femmes comme préambule du IIIe Congrès de l’Internationale Communiste, en hommage aux ouvrières de Petrograd qui étaient entrées en grève le 8 mars 1917 pour cette journée).

Cette Conférence, qui réunissait des femmes membres des partis socialistes, avait comme orientation que la situation très difficile dont souffraient (et souffrent) les femmes prolétaires sous le capitalisme ne pouvait être surmontée que par la lutte révolutionnaire.

Au cours des décennies précédant cette Conférence un courant interclassiste était apparu dans tous les pays capitalistes, et particulièrement dans les pays les plus développés, qui se situaient à l’avant-garde du progrès économique, où les forces productives étaient les plus développées et où, surtout, la force de travail était la plus complètement soumise au salariat, obligeant la plus grande partie de la population, y compris une partie grandissante des femmes à travailler pour un salaire; ce courant professait parmi les femmes prolétaires l’abandon de la lutte spécifiquement prolétarienne pour laquelle la suppression du système capitaliste est la condition pour en finir avec les oppressions qu’il engendre comme avec les oppressions qu’il a héritées des sociétés antérieures, et l’alliance avec les femmes bourgeoises qui voulaient simplement obtenir des droits politiques dans le cadre de la société bourgeoise.

En opposition à cette orientation, la Conférence avait été convoquée pour réaffirmer la nécessité que les femmes prolétaires s’intègrent pleinement dans la lutte socialiste, abandonnant le rôle secondaire qu’elles y avaient jusque-là. La Conférence ne niait pas que l’obtention des droits politiques dont toutes les femmes étaient privées, en particulier le droit de vote, était une exigence immédiate que les prolétaires des deux sexes devaient défendre en permanence. Mais elle plaçait cette exigence dans les justes termes historiques : à l’exploitation capitaliste dont les femmes prolétaires souffraient au même titre que les hommes, s’ajoutait la privation complète de tout droit politique et en outre l’oppression quotidienne qui la rendait victime des violences, du mépris et des humiliations particulières produites par une société divisée en classes. La femme bourgeoise souffre aussi en partie de cette situation, elle souffre d’avoir un statut de seconde catégorie dans un monde où la propriété privée s’est développée et transmise par voie essentiellement masculine; mais cette situation, qui est d’ailleurs en grande partie compensée par le fait d’appartenir à la classe dominante, peut être modifiée par de simples réformes politiques. Il en va différemment pour la femme prolétaire: l’exploitation qu’elle subit ne peut être modifiée par un changement de statut social, elle reste main d’œuvre salariée et reproductrice de main d’œuvre salariée d’où les capitalistes tirent la plus-value indispensable au fonctionnement du système. Pour elle, la conquête de droits politiques, comme le droit de vote, qui signifie la fin de son infériorité politique, ne peut être qu’un jalon dans un objectif bien plus large, la destruction du système capitaliste qui la relègue toujours dans une situation terrible. La Conférence internationale des Femmes, suivant les positions historiques du marxisme révolutionnaire sur la question féminine, défendit l’exigence que, dans la lutte pour les droits politiques, les femmes prolétaires maintiennent une position indépendante des courants politiques des femmes bourgeoises; de plus cette lutte était comprise comme un entraînement nécessaire pour pouvoir participer sur un plan d’égalité à la lutte générale pour la révolution socialiste.

Alors que les courants politiques bourgeois appelaient les femmes prolétaires à chercher des améliorations uniquement dans le cadre du système capitaliste, le marxisme révolutionnaire les appelait à combattre pour leurs revendications avec la pleine conscience que leur oppression subsisterait tant que subsisterait l’exploitation salariée – dont bénéficiait y compris les femmes bourgeoises les plus combatives sur le plan de la lutte pour les droits politiques.

Tandis que les courants politiques bourgeois appelaient donc les femmes prolétaires à rester à l’écart de la lutte de classe des hommes prolétaires et à ne défendre que des objectifs compatibles avec les fondements du mode de production capitaliste, c’est-à-dire à rompre avec le puissant mouvement socialiste, les socialistes de la Conférence, Clara Zetkin à leur tête, les appelaient à organiser leur lutte aux côtés de celle de leurs frères de classe, la coordonnant avec elle tant sur le terrain économique que sur le terrain politique et plaçant leurs organisations dans le cadre du mouvement de la classe prolétarienne.

Les féministes, appartenant à la classe bourgeoise et défendant ses intérêts, affirmaient aux femmes prolétaires qu’une lutte pour l’égalité juridique était suffisante pour en finir avec l’oppression des femmes, autrement dit qu’il suffisait que la loi déclare l’égalité des sexes pour que le capitalisme réalise cette égalité. La Conférence internationale des Femmes dépondit, comme l’avait fait le Manifeste du Parti Communiste 60 ans auparavant, que l’égalité juridique était une fiction qui cachait l’inégalité sociale réelle, résultat de la place de chaque classe dans la production capitaliste; par conséquent pour les prolétaires, hommes ou femmes, l’objectif final de la lutte n’était pas l’égalité, mais la suppression de la société divisée en classes.

Aujourd’hui, la Conférence internationale des Femmes, ses thèses, sa lutte politique et ses mots d’ordre sont tombés dans l’oubli le plus complet. C’est normal. Le prolétariat, après avoir lancé son plus puissant assaut contre la société capitaliste fut battu durant les années 20 du siècle dernier, sous l’action de la bourgeoise et de ses agents au sein des rangs ouvriers: la social-démocratie et le stalinisme. Aujourd’hui la classe ouvrière est complètement soumise aux exigences de la bourgeoisie qui lui affirme que le seul moyen pour améliorer ses conditions d’existence passe par l’acceptation du cadre de la démocratie, le respect de l’Etat bourgeois et la participation à la farce électorale. Avec sa défaite la classe prolétarienne a perdu ses biens les plus précieux: sa doctrine, le marxisme révolutionnaire, et son parti de classe. Et avec eux elle a perdu la capacité théorique et politique d’affronter les situations qui affectent son existence, de comprendre les phénomènes de la société bourgeoise, d’y répondre politiquement sur la base de l’indépendance de classe; c’est particulièrement aigu dans une question comme celle de la lutte des femmes prolétaires, où dominent les courants bourgeois contre lesquels le marxisme révolutionnaire a combattu en indiquant une perspective passant par la rupture de la conciliation entre les classes.

Pour commencer ces courants ont transformé la journée de lutte de la femme travailleuse en une aseptique «journée de la femme» en général, que la bourgeoisie ne redoute pas parce qu’elle n’est pas dirigée contre elle; ils ont obtenu que la femme prolétaire abandonne la défense de ses intérêts de classe dans une alliance avec les femmes bourgeoises, qui participent pleinement à son exploitation. Le résultat est que l’émancipation des femmes se résume à l’obtention de petites mesures symboliques qui ignorent la réalité d’exploitation et d’oppression de la femme prolétaire dans la société bourgeoise, réalité présentée comme une fatalité qui ne pourrait être corrigée que par l’intervention de l’Etat bourgeois.

Mais la situation qui avait conduit aux revendications de la Conférence des Femmes aurait-elle disparu? La réponse, évidemment, est négative. En réalité les décennies qui se sont écoulées depuis ont confirmé toutes ses thèses: l’égalité juridique a été pratiquement acquise dans les pays capitalistes les plus avancés; est-ce que cela a entraîné la fin de l’oppression des femmes prolétaires que promettaient les féministes bourgeoises? Est-ce que cela a entraîné la fin de son exploitation brutale au travail? Est-ce que la vie domestique a cessé d’être pour elle une charge supplémentaire à sa journée de travail? Est-ce qu’elle ne souffre plus de la violence quotidienne de la société capitaliste sous la forme de mauvais traitements et assassinats?

Tant que le capitalisme continue à exister, tant que subsiste la société divisée en classes, l’exploitation et l’oppression dont souffrent les femmes ne disparaîtra pas. La bourgeoise peut essayer de cacher que la cause ultime de cette situation est le système social dont elle est la classe dominante, mais la réalité continuera à démontrer jour après jour qu’elle ne peut offrir aux femmes prolétaires que plus d’oppression, plus d’humiliation, plus de violence. 

Les femmes prolétaires ressentent dans leur chair cette violence; elles connaissent les bas salaires, les discriminations dans tous les domaines de la vie sociale comme les brutalités et les meurtres domestiques. Mais elles sentent aussi que les solutions que leur offre la bourgeoisie, ses fêtes du 8 mars démocratiques et interclassistes, ses revendications creuses, ne conduisent nulle part. Elles voient la bourgeoisie être à la tête d’un mouvement prétendument commun et se rendent compte qu’on se moque d’elles. Elles écoutent les ministres du Travail parler de l’égalité des salaires et elles savent que même avec un salaire égal au salaire minimum que touchent les hommes, cela ne permettrait pas de vivre. Elles voient les patrons des entreprises parler d’égalité et elles savent que l’égalité sur le poste de travail est foulée aux pieds par les chefs quand les besoins de la production l’imposent. Elles voient que la présence des femmes au parlement et au gouvernement n’empêche pas les gouvernements et les parlements de travailler jour et nuit pour la défense des privilèges de la bourgeoisie.

Si les femmes prolétaires veulent en finir avec cette situation, elles devront rompre d’abord avec les discours qui les appellent à l’alliance avec les bourgeoises; elles devront reprendre le chemin de la lutte de classe, de la défense intransigeante de leurs conditions d’existence, de la lutte contre les mille oppressions dont elles souffrent du fait d’être des femmes; elles devront le faire grâce à leur organisation indépendante, non en tant que femmes, mais en tant que prolétaires, reprenant les méthodes et les moyens classistes leur permettant de se défendre dans la lutte quotidienne sur le lieu de travail et dans les quartiers comme sur le terrain de la lutte politique contre l’ennemi à abattre, la source de l’exploitation et de toutes les oppressions: le système capitaliste.

 

Pour le retour à la lutte de classe des prolétaires des deux sexes !

Pour la défense intransigeante des conditions de vie prolétariennes !

Pour la reconstitution du parti communiste international !

 

8 mars 2017

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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