Énergie, ports, plantations: Flambée de combativité au Sri Lanka

(«le prolétaire»; N° 526; Oct. - Nov. - Déc. 2017)

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Le Sri Lanka est une petite île au Sud de l’Inde peuplée par une vingtaine de millions d’habitants. Le pays occupe une position géostratégique qui intéresse les différents impérialismes car il est au cœur des routes maritimes qui relient l’Asie à l’Europe, au Moyen Orient et à l’Amérique du Nord. La Chine est particulièrement intéressée dans le cadre de ses ‘’nouvelles routes de la soie» ou de ce que les autorités américaines surnomment le ‘’collier de perles» chinois.

Longtemps le pays a été ravagé par une guerre civile qui opposait le pouvoir central à la minorité tamoule du Nord. Cette guerre s’est achevée en mai 2009 avec la victoire du pouvoir central.

Cette nouvelle stabilité politique a permis au pays de connaître une forte croissance économique (plus de 6 % par an en moyenne) et de devenir l’État le plus développé d’Asie du Sud. Malgré sa croissance, le pays a fait appel à «l’assistance financière» du FMI en échange de la mise en œuvre de «réformes structurelles» (un catalogue d’attaques antiprolétariennes et d’ouverture économique).

Si le Sri Lanka a connu un certain développement industriel et touristique, il reste majoritairement rural et la misère demeure gigantesque. En témoigne l’effondrement d’un tas d’ordures, le 14 avril, qui a fait une trentaine de morts dans la décharge à ciel ouvert de Kolonnawa, où s’entassent 23 millions de tonnes d’ordures, dans une ville située au nord-est de Colombo, la capitale sri-lankaise. Une pile de déchets de 91 mètres de haut, fragilisée par des pluies torrentielles et un incendie, s’est écroulée en ensevelissant les habitations d’un bidonville.

 

Une vague de luttes prolétariennes

 

Ces dernières années ont été marquées par des luttes prolétariennes dans beaucoup de secteurs.

Les travailleurs portuaires ont mené des luttes importantes l’année passée pour défendre leurs conditions de travail menacées dans le cadre des programmes de privatisations. Les portuaires d’Hambantota ont fait grève en décembre 2016 pour demander l’embauche des précaires sur des emplois permanents. Ceux de la capitale, Colombo, ont fait de même en février 2017 pour demander des garanties sur le maintien des emplois après la cession de 85 % du port à la China Merchants Port Holding Company. Dans les deux cas, la réponse gouvernementale a été la répression. A Hambantota, les prolétaires ont eu à affronter l’hystérie médiatique, les sanctions judiciaires, le recours aux briseurs de grève puis l’intervention de l’armée et une chasse aux sorcières contre les ‘’meneurs». A Colombo, les flics ont tiré des gaz lacrymogènes et utilisé les canons à eau contre les manifestations ouvrières.

En juillet, les ouvriers de la Ceylon Petroleum Corporation (CPC) se sont également mis en grève contre les risques sur les conditions de travail et l’emploi que font peser la vente de certaines installations à des entreprises indiennes ou chinoises mais aussi pour la rénovation de la raffinerie de Sapugaskanda. La grève a fortement touché la distribution d’essence et de gasoil dans le pays. Là encore le gouvernement a eu recours à l’armée pour briser la grève.

En février, les travailleurs du Ceylon Electricity Board (CEB) se sont mobilisés pour l’augmentation des salaires qui ne permettent plus de vivre à peu près correctement en particulier à cause de la dévaluation de la monnaie et de l’augmentation de diverses taxes. Ces travailleurs se sont mis en grève en septembre, ce qui a provoqué des coupures d’électricité. A la revendication d’augmentation des salaires s’en sont ajoutées d’autres: la fin de la répression antisyndicale et une prime de risque pour les électriciens qui y sont exposés. Le gouvernement a menacé de licencier les grévistes.

Les ouvriers agricoles des plantations de thé sont également victimes des politiques capitalistes qui cherchent à réduire leurs dépenses de personnels pour faire face à la concurrence sur les marchés internationaux. L’objectif des patrons du thé est d’externaliser la main d’œuvre : les prolétaires perdraient leur statut de salariés (et deviendraient des «travailleurs indépendants» et l’ensemble des (maigres) acquis qui vont avec en termes de pensions, de prise en charge médicale, d’aide au logement. Avant même la mise en place de ce nouveau système, les rémunérations ont baissé passant par exemple de 58 à 51 roupies par kilogramme de thé récolté ou avec des retenues sous prétexte d’une mauvaise qualité de la production. Enfin, certains patrons, pour dégager un profit immédiat, transforment des parcelles de thé en parcelle de maïs plus rémunératrices. Toutes ces attaques entraînent des réactions ouvrières sous forme de grèves et de manifestations. Fin décembre 2016, un gros millier de travailleurs précaires de la Sri Lanka Telecom ont fait grève pour leur embauche définitive.

A ces luttes spécifiquement prolétariennes s’ajoutent celles d’autres catégories de travailleurs et de couches pauvres. Les infirmières se sont également mobilisées pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Les étudiants ont mené des journées de grève contre la privatisation du système éducatif.

Des paysans pauvres ont lutté pour obtenir les aides dues par l’État, et des pêcheurs contre un projet de construction d’un port qui menace les ressources halieutiques.

 

Syndicats et extrême-gauche: des obstacles aux luttes

 

L’organisation des masses prolétaires sur leur terrain et avec leurs objectifs, est ici comme ailleurs un urgent besoin.

Les syndicats ont détourné les luttes d’objectifs classistes. Ils ne se sont pas battus pour les intérêts ouvriers mais ont (dés)orienter les prolétaires en dénonçant le changement de propriétaires des entreprises (les privatisations) ou l’influence des intérêts économiques indiens ou chinois. Ni la nationalité ni le caractère public ou privé de l’exploiteur n’ont un quelconque intérêt pour les prolétaires. Un exploiteur est un exploiteur et il doit être combattu! Les prolétaires n’ont que leurs intérêts à défendre et pas ceux de l’entreprise ou de l’économie nationale!

L’organisation de classe ne pourra également se faire qu’en franche rupture et claire opposition avec les forces «révolutionnaires» qui n’ont à offrir que des perspectives purement bourgeoises. Les pseudo-communistes du JVP («Front de Libération Populaire») veulent «protéger le pays et le développer». Les maoïstes du New-Democratic Marxist-Leninist Party militent pour une «République Démocratique Populaire» et ceux du Parti Communiste de Ceylan (Marxiste-Léniniste) mettent en avant une «lutte révolutionnaire pour la démocratie et la liberté». Leurs frères ennemis trotskistes loin de combattre le capitalisme entendent combattre les «politiques néolibérales» (l’United Socialist Party membre du Comité pour une Internationale Ouvrière) ou «l’influence des multinationales» (NSSP, membre de la Quatrième Internationale-SU). Ceux du Socialist Equality Party (membre du Comité International de la Quatrième Internationale) se font les chantres d’un «gouvernement ouvrier et paysan» qui nationalise «sous le contrôle démocratique des travailleurs». Un ensemble de recettes antiprolétariennes qui sont des objectifs bourgeois et des obstacles à la lutte classiste.

 

 La priorité des priorités

 

Aujourd’hui, tant le Sri Lanka que tout l’Asie du Sud sont mûrs pour la révolution prolétarienne. Seule celle-ci – et non pas une «révolution» nationale ou populaire, ce qui signifie bourgeoise – pourra libérer les masses prolétariennes et pauvres de la misère, de l’exploitation et de l’oppression.

Pour ce faire, les prolétaires devront organiser leur force en dehors de l’influence paralysante des réformistes de tous poils et sur le terrain de la lutte de classe directe. C’est ainsi qu’ils pourront se préparer aux combats futurs pour les revendications immédiates sur les salaires comme pour le renversement de l’ordre capitaliste. Dans cette perspective, le parti d’avant-garde révolutionnaire est indispensable.

Il peut seul peut relier les luttes partielles actuelles à la lutte générale de demain en donnant à la classe ouvrière en mouvement l’unité de but, de volonté et d’action. La bourgeoisie cherche à renforcer son pouvoir dans la perspective des futurs affrontements; il revient aux révolutionnaires de travailler pour doter la classe ouvrière de son parti. C’est là la priorité des priorités.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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