Dans la métallurgie allemande, totale collaboration entre syndicats et patrons

(«le prolétaire»; N° 528; Avril-Mai-Juin 2018)

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Le 6 février dernier, le syndicat de la métallurgie IG Metall et l’association patronale régionale Suedwestmetall ont conclu des négociations avec la signature d’un accord qui, selon les médias, revêt une «importance historique». Voyons ce qu’il en est et pourquoi ils exultent.

Les revendications ouvrières, soutenue par des grèves dont la dernière de 24 heures a eu lieu à la fin janvier, portaient sur des augmentations de salaire (8% selon certains journaux, 6% selon d’autres) et la possibilité d’avoir une sorte de temps partiel y compris pour les hommes en cas d’exigences familiales pressantes (proches malades, enfants en bas âge, etc.) mais aussi pour des travaux épuisants! L’accord conclu prévoit une augmentation des salaires de 3,5 à 4,3%, le paiement d’une prime de 100 euros pour le premier trimestre 2018 et d’une autre de 400 euros en juillet 2019 (1). Quant à l’horaire de travail – et c’est là que se troue la nouveauté «historique» – il sera possible pour les ouvriers, avec un motif sérieux, de passer de 35 heures à 28, avec réduction de salaires (les ouvriers demandaient le maintien intégral du salaire) qui sera compensée par un bonus de 8 jours fériés supplémentaires. Ce temps partiel n’est valable que pour une durée de deux ans, puis celui qui en a profité doit revenir à l’horaire à temps plein. Si les ouvriers ont donc la possibilité en cas de besoin d’accéder au temps partiel, l’accord prévoit que les entreprises pourront porter la durée du temps de travail à 40 heures sans que les heures en plus soient payées au tarif des heures supplémentaires. Selon les calculs de Barclays (2) les entreprises du secteur enregistreront une augmentation du coût unitaire du travail de seulement 1,5% grâce à l’augmentation de la productivité qui atteindre 0,7%. L’accord ne concerne pas pour l’instant tous les salariés du secteur qui sont au nombre de, 3,9 millions, mais seulement 900 000 d’entre eux.

Il reste le fait que les ouvriers ont été mobilisés moins pour obtenir une défense réelle de leurs intérêts (l’augmentation obtenue représente une miette par rapport au coût de la vie (80 euros au maximum pour un salaire de 2000) que pour arriver à ce qui intéresse le plus les patrons: la collaboration entre les classes dont les syndicats officiels se sont fait les défenseurs depuis qu’ils se sont reconstitués après la deuxième guerre mondiale. «Nous avons aujourd’hui jeté les bases d’un système de temps de travail flexible pour le XXIe siècle», s’est ainsi réjoui Rainer Dulger, le président de l’organisation patronale Gesamtmetall.

 

IG Metall collabore avec PSA

 

Il est instructif de lire les déclarations du PDG d’Opel, Michel Lohscheller, après avoir signé un accord avec l’IG Metall en décembre: «Avec cet accord nous avons jeté les bases pour réaliser PACE! encore plus vite». Le plan industriel PACE! a été présenté à la fin de l’année dernière, il concerne Opel et sa filiale britannique Vauxhall; on sait que le groupe, en crise depuis quelque temps a été racheté à General Motors par PSA (Peugeot-Citroën). La firme française a mis au point ce plan de relance avec l’objectif d’ arriver à une augmentation des profits, basé sur une stricte collaboration des ouvriers afin de baisser le «coût du travail» (c’est-à-dire augmenter l’exploitation).

En contrepartie PSA s’est engagé (pour combien de temps?) à ne pas fermer d’usines . Le PDG continue: «Notre objectif est de rendre Opel de nouveau compétitif. Il est donc important que la direction, le comité d’entreprise et IG Metall travaillent ensemble grâce à la cogestion» (3). Aucun licenciement n’est pour l’instant à l’ordre du jour, mais le plan industriel prévoit des départs à la retraite anticipés pour les salariés nés à partir de 1957 (sans que cela signifie des places pour les jeunes), une mobilité interne pour déplacer les travailleurs d’une ligne à une autre, d’un établissement à un autre selon les besoins de l’entreprise, besoins dictés par les évolutions du marché.

D’autre part Opel avait obtenu d’IG Metall que ne soient pas appliquées les hausses de salaire prévues avant le rachat par PSA; la direction cherche maintenant à éviter les augmentations prévues dans l’accord du 6 février. Le syndicat fait mine de ne pas accepter en arguant que les travailleurs d’Opel ont déjà accepté des sacrifices; mais il oriente ses revendications vers la demande d’investissements de PSA dans Opel (4)– autrement dit il choisit comme d’habitude la défense de l’entreprise au détriment de la défense des prolétaires. Le plan d’investissement en Europe dévoilé par PSA le 21 mars (qui prévoit 3800 suppressions d’emploi à Vauxhall, où des centaines d’emploi ont déjà été supprimés depuis cet automne) laissait de côté Opel, car selon un porte-parole du groupe la précondition est d’abord de créer des «structures compétitives»... Au moment où nous écrivons la presse française parle d’un «bras de fer» entre IG Metall et Peugeot à propos des augmentations de salaire prévus par l’accord de branche et les engagements pris par Peugeot lors du rachat d’Opel: la firme française refuse de les appliquer et demande des «efforts» («modération» salariale, «souplesse» des horaires de travail, 3700 suppression d’emplois en sus des 2000 déjà obtenus, etc.) pour les ouvriers allemands semblables à ceux infligés notamment aux ouvriers espagnols. Pour faire pression, Peugeot exerce un chantage sur le maintien de l’établissement d’Eisenach. Le message a été reçu 5/5. Angela Merkel a déclaré dans une conférence de presse le 18 mai que PSA devait respecter ses engagements, mais que les autorités fédérales et régionales étaient prêtes à aider l’entreprise. Nul doute que ce qui l’a motivée, ce n’est pas les intérêts des travailleurs, mais ceux de l’entreprise et du bassin industriel local.

En Allemagne comme ailleurs pour résister aux pressions patronales, il n’y a pas d’autre solution que la rupture avec les organisations collaborationnistes, la défense de l’entreprise ou de l’économie et la reprise de la lutte de classe!

 


 

(1) www.lametasociale.it

(2) www;ftaonline.com/news/

(3) www.quattroruote.it/news/industria-finanza/2017/12/15

(4) http://europe.autonews.com/article/20180323/ANE/180329808/opels-german-workers-demand-investment-from-psa

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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