Iran: la colère ouvrière défie la dictature sanguinaire des mollahs

((«le prolétaire»; N° 529; Juin - Juillet - Août 2018 )

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L’Iran fait souvent la une des médias bourgeois pour dénoncer sa rivalité avec l’Arabie Saoudite et ses – réelles ou supposées – ingérences dans les affaires intérieures d’autres Etats du Moyen-Orient (du soutien au Hezbollah libanais à la rébellion houthiste au Yémen). Dans le même temps, ces médias maintiennent l’omerta sur l’agitation sociale qui s’est développée dans le pays depuis de longs mois (et bien entendu sur la répression qui frappe les travailleurs).

 

Des grèves et des manifestations ouvrières

 

Depuis décembre 2017, l’Iran est touché par de nombreuses grèves et manifestations qui sortent du cadre de la rivalité entre bouchers islamistes réformateurs et conservateurs. A la différence du mouvement de 2009 qui avait un caractère petit bourgeois marqué, l’agitation actuelle est de nature essentiellement prolétarienne. De fin décembre à début janvier, Téhéran et ses banlieues industrielles ont été secouées par des manifestations de masse, tout comme des régions «périphériques» moins développées que le reste du pays. Dans les quartiers et les régions pauvres, c’est principalement la jeunesse non-étudiante qui s’est mobilisée cette fois-ci. Les revendications portaient sur les conditions de vie, comme l’illustre le slogan «A bas la hausse des prix!». Les mots d’ordre sont devenus rapidement politiques: «Pain, travail, liberté», «A bas le dictateur Khamenei» ou «Conservateurs et réformateurs, votre heure est venue». Les manifestants ont dû affronter une répression très violente, les arrestations se comptent par centaines et les morts par dizaines.

Depuis plus de six mois, l’agitation a diminué d’intensité mais elle reste quasi-permanente: rassemblement des retraités contre le non-paiement des pensions, de travailleurs licenciés, des chauffeurs routiers, des grévistes licenciés, de fonctionnaires, de travailleurs des raffineries ou l’agro-alimentaire… Cependant les principaux secteurs industriels – automobile et énergie – sont restés calmes.

 

Un pays miné par la crise économique…

 

L’agitation a pour origine la crise économique qui frappe le capitalisme iranien. La bourgeoisie peut de moins en moins financer des amortisseurs sociaux et les masses laborieuses subissent de plein fouet les effets de la crise.

Les conditions de vie des prolétaires et des masses pauvres se dégradent rapidement. Les salaires stagnent, 40 % des travailleurs gagnent moins que le salaire minimum, les licenciements se multiplient, des salaires ne sont pas payés par les patrons, les allocations pour les plus pauvres sont en baisse, le nombre de bidonvillageois et de sans-abris est en hausse… Le chômage est en forte augmentation (20 % officiellement pour les femmes et 10 % pour les hommes). Un quart des jeunes sont au chômage selon les chiffres officiels, ce qui les obligent à habiter chez leurs parents. Dans le même temps, le coût de la vie est en augmentation, phénomène renforcé par les coupes dans les subventions pour les produits de premières nécessités et l’augmentation de 50 % des prix de l’essence. Les classes moyennes connaissent également un profond mouvement de prolétarisation. Une partie de celles-ci a été ruinée à cause des taxes sur leur épargne.

 

… et par un développement capitaliste prédateur

 

Les prolétaires et les pauvres sont aussi fortement touchés par ce que certains nomment une ‘’crise écologique» et des catastrophes qui ne sont en fait que l’expression de la crise économique.

En novembre 2017, un tremblement de terre a tué plusieurs centaines de personnes et a jeté à la rue des dizaines de milliers d’Iraniens. Si le tremblement de terre était inévitable, par contre ses conséquences meurtrières ne l’étaient pas: elles sont le résultat de l’anarchie capitaliste qui construit rapidement et aux plus faibles coûts pour les prolétaires des logements qui ne résistent pas aux secousses sismiques.

A cela s’ajoute des catastrophes environnementales. Le territoire iranien est frappé par une importante sécheresse qui ruine les agriculteurs et assoiffent les populations urbaines. C’est la conséquence des prélèvements massifs dans les nappes phréatiques pour alimenter les industries mais aussi du mauvais entretien du réseau de distribution, qui entraîne un gaspillage massif. La sécheresse est aussi à l’origine d’importantes tempêtes de sable.


Un régime saisi par la fièvre guerrière

 

La bourgeoisie iranienne entend faire du pays une puissance régionale. Elle jouit, par exemple, d’une grande influence dans la vie politique libanaise via le parti chiite Hezbollah, et est un des principaux soutiens, avec la Russie, du régime de Bachar El-Assad en Syrie. Sur sa route vers la domination régionale, elle trouve la monarchie islamiste d’Arabie Saoudite et le régime raciste israélien, soutenus par les Etats-Unis.

Cela engendre des dépenses militaires importantes et permet aux forces militaires – en particulier les «Gardiens de la Révolution» – de contrôler une large part de l’économie.

 

40 ans de «Révolution islamique» – 40 ans de terreur blanche

 

Les prolétaires cherchent à s’organiser, en créant des syndicats mais la répression est très forte. Le régime des mollahs s’est construit sur les cadavres des syndicalistes et des militants des partis de gauche. Dès 1981, les islamistes se sont retournés contre les pro-soviétiques du Toudeh et contre certains trotskistes qui avaient été leurs fervents supporters. A la fin des années 1980, le régime a poursuivi sa vendetta en exterminant des dizaines de milliers de prisonniers politiques.

Le seul syndicat autorisé est celui des enseignants – ce qui ne l’empêche pas de subir la répression – et de petits syndicats sans reconnaissance légale se sont créés dans les entreprises en lutte. Il n’y a pas cependant de mouvement syndical organisé à l’échelle nationale.

Il n’existe pas réellement d’opposition organisée à l’intérieur du pays. Les principaux partis «révolutionnaires» sont en exil depuis des décennies et défendent une ligne plus ou moins ouvertement réformiste. Les partis hekmatistes mettent en avant principalement le slogan «A bas la République islamique», mais accompagné de mots d’ordre fourre-tout qui ne dépassent pas l’horizon bourgeois: «Vive la liberté, l’égalité et l’État ouvrier» (PC d’Iran) «Vive la liberté, l’égalité, la prospérité» (Parti Communiste-Ouvrier Hekmatiste) ou «Iran libre, laïque, moderne, prospère et humain» (Parti Communiste-Ouvrier) (1). Une fois de plus les Hekmatistes démontrent la nature petite-bourgeoise de leurs orientations (2).

De son côté, le parti Toufan – Parti du Travail d’Iran, lié à l’ancien courant pro-albanais, défend des positions légalistes et pacifistes: il appelle «les masses (…) à éviter les violences prématurées» et affirme qu’une «grève générale forcerait le régime à se retirer» (3).

 

Il n’y a qu’une alternative: la révolution prolétarienne

 

L’Iran subit les effets de la crise du capitalisme et cela pousse le régime à intensifier ses attaques contre les prolétaires. Les coups qui pleuvent sur eux sont les mêmes que ceux dont sont victimes les travailleurs dans les autres pays du monde.

Aujourd’hui, les travailleurs et les masses ressentent une haine profonde contre cette société d’exploitation et de terreur. Cette haine

La vague de lutte a sans doute été stoppée – au moins en partie – avant qu’elle ne prenne une trop grande ampleur; mais elle représente une étape de plus dans l’expérience accumulée par le prolétariat d’Iran, expérience qui accompagne celle du prolétariat de tous les pays du Moyen-Orient. La pression capitaliste n’a pas cessé et ne cessera pas de s’accroître, aggravant à l’extrême les conditions de vie du prolétariat et des masses laborieuses.

Mais plus l’offensive bourgeoise s’élargit et se durcit, plus le prolétariat est poussé à une lutte impitoyable contre son ennemi de classe, plus il accumule d’expérience et plus il augmente sa capacité d’organisation.

Mais pour que ces combats ne soient pas vains pour son renforcement, le prolétariat doit lutter sur deux objectifs fondamentaux : organiser ses rangs en toute indépendance de classe et élargir sa lutte par-delà les limites géographiques.

Au-delà se pose la question cruciale pour l’avenir du prolétariat du parti de classe. L’absence du parti, terriblement dramatique dans les aires de hautes tensions sociales, prive les luttes de la classe d’une direction capable de relier les directives de l’action immédiate et partielle à celle plus vaste de l’organisation révolutionnaire du prolétariat. Mais il n’y a pas d’autre voie que celle de la construction du parti de classe, en liaison avec la classe, pour conduire les mouvements de lutte des masses prolétarisées et pour que toutes les luttes immédiates servent l’objectif révolutionnaire du prolétariat.

Cette constitution passera nécessairement par le bilan des fausses alternatives qui, au cours des décennies écoulées, ont égaré les militants en rupture avec le stalinisme et les diverses variantes de l’opportunisme.

 


 

(1) cf «Did you know that in Iran…», 30 avril 2018, wpiran.org

(2) Voir «Communisme-ouvrier» ou démocratisme petit-bourgeois?», Programme communiste n°103; Janvier 2016

(3) cf «Vive le mouvement impétueux du peuple iranien», 8 janvier 2018, pcof.net

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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