‘‘Populistes’’ contre ‘‘progressistes’’ derrière les querelles de façade, des bourgeois complices dans la mort de milliers de migrants

(«le prolétaire»; N° 529; Juin - Juillet - Août 2018 )

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Au mois de juin, les dirigeants européens ont exposé leurs «désaccords» (de façade) sur la «question des migrants». Les gouvernements qualifiés de «populistes» par les intellectuels et les médias bourgeois ont gonflé les muscles pour affirmer leur volonté de stopper l’arrivée des migrants sur leur territoire. Le gouvernement Macron, qui sans rire se qualifie de «progressiste» leur a fait la leçon tout en fermant ses frontières de façon aussi drastique que les «populistes» tout en persécutant les migrants et en réprimant leurs soutiens et en faisant finalement voter une énième loi répressive sur l’immigration.

 

Lorsque le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini (membre la Liga, parti d’extrême droite associé au gouvernement au «Mouvement 5 Etoiles» qui partage ses positions anti-immigrés) refusa de laisser accoster le navire Aquarius qui avait sauvé plus de 630 migrants en détresse en Méditerranée, Macron dénonça le «cynisme» et l’« irresponsabilité » du gouvernement italien tandis que le porte-parole du parti macronien (LRM) déclarait que l’attitude italienne était «à vomir».

Mais ce qui est vraiment à vomir, c’est l’hypocrisie du gouvernement français!

 Salvini a eu beau jeu de répliquer que celui-ci s’était engagé en 2015, dans le cadre des accords européens dits de «relocalisation», à accueillir 9610 réfugiés présents sur le sol italien, mais qu’il n’en avait en fait accepté que... 640 (1); il a eu beau jeu de rappeler que la police française bloque les frontières avec son pays et refoule systématiquement les migrants, ce que ne faisait pas jusqu’ici l’Italie.

Il aurait pu aussi rappeler que de 2015 à 2017, selon les chiffres d’Eurostat (2), l’Etat policier français n’a accordé un statut de réfugié (en fait mesures de «protection») qu’à 1,5 personne pour mille habitants, contre 1,7 pour l’Italie, 2,7 pour la Belgique, 7,3 pour la Grèce, 9,5 pour l’Autriche, 11 pour l’Allemagne, 13,5 pour la Suède, etc. Il est vrai que certains Etats ont fait beaucoup moins encore: 0,8 pour la Grande-Bretagne, 0,3 pour l’Espagne, 0,04 pour la Pologne...

Mais, parce qu’il pense sans doute faire de même, il ne pouvait rappeler que le gouvernement français venait de faire adopter par le parlement une loi contre les migrants et les sans-papiers dépassant tout ce qu’avait envisagé Sarkozy...

L’indignation suscitée par l’hypocrisie du gouvernement français qui s’est bien gardé de laisser accoster l’Aquarius dans un port français (les élus nationalistes corses avaient mis Paris dans l’embarras en proposant de l’accueillir dans un part corse) et l’attitude des autres gouvernements européens est plus que légitime; mais il importe de comprendre que la solidarité avec les prolétaires migrants doit se situer sur une base de classe et non pas sur une base humanitaire et de bons sentiments. C’est le capitalisme qui pousse les migrants à risquer leur vie en quittant leur pays d’origine dans l’espoir de trouver ailleurs du travail ou simplement pour fuir les guerres. Les bourgeois essayent de faire de savantes distinctions entre «migrants économiques» à refouler sans hésiter, et «réfugiés» à accepter au compte-gouttes. Pour les communistes, il s’agit de prolétaires qui sont objectivement appelés à rejoindre la grande armée qui demain abattra le capitalisme international.

Les migrations prolétariennes sont aussi vieilles que le capitalisme; face à ce phénomène tout sauf nouveau, l’attitude communiste est définie par le vieux cri de bataille: les prolétaires n’ont pas de patrie!

 

Une politique meurtrière  de refoulements de migrants en Algérie

 

Derrière le battage sur des cas spectaculaires comme celui de l’Aquarius, tous les Etats européens ont décidé de sous-traiter le contrôle de l’immigration – avec tout le cortège de violences et de souffrances qui l’accompagne – aux Etats bourgeois de la rive Sud de la Méditerranée.

Cette politique ignoble a été illustrée par la déportation à travers le Sahara de plus de 13 000 réfugiés et migrants, y compris des femmes enceintes et des enfants. Cette déportation a été mise en œuvre par les forces de répression algérienne au cours des 14 derniers mois. Les migrants expulsés par l’Algérie viennent de pays d’Afrique subsaharienne, notamment du Niger, du Mali, de la Gambie, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Liberia et d’autres. Ces faits ont été révélés par l’Associated Press qui a diffusé des vidéos montrant des centaines de migrants pris dans une tempête de sable et des convois de camions bondés.

Les réfugiés sont envoyés dans le désert saharien sans nourriture ni eau, dans de nombreux cas, après avoir été dépouillés de leur argent et de leurs téléphones portables, et parfois sous la menace des armes des flics et militaires algériens. Ils sont contraints de parcourir des centaines de kilomètres en direction du Niger sous des températures qui peuvent atteindre les cinquante degrés.

Beaucoup de ces déportés sont morts de faim, de soif ou d’insolation. Certains sont portés disparus car ils se sont perdus dans les immensités désertiques. Des femmes enceintes ont dû accoucher dans le désert, leurs enfants n’ont pas pu survivre à ces conditions inhumaines.

 

La responsabilité criminelle des pays européens

 

Cette politique meurtrière répond à la demande des pays de l’Union européenne qui incitent les pays d’Afrique du Nord a devenir leurs gardes-frontières, chargés de tarir les flux migratoires par l’intimidation, la violence et la mort.

Tous les gouvernements européens veulent créer des camps de «dépistage des migrants» en Algérie, en Egypte, en Libye, au Maroc, au Niger et en Tunisie. En Libye, la Garde côtière – financée, formée et dirigée en partie par l’Italie et d’autres puissances européennes – a pour objectif d’arrêter les migrants et de les ramener en Libye où ils risquent l’internement dans des camps où la torture et les exécutions sont monnaie courante et certains sont vendus comme esclaves.

Les dirigeants européens ont tous le sang des migrants et des réfugiés sur les mains. Selon l’Organisation internationale des migrations, plus de 30 000 personnes sont mortes dans le désert depuis 2014. C’est la conséquence directe des politiques migratoires et de la misère et des guerres que les impérialistes sèment en Afrique.

Toutes les forces bourgeoises se déchaînent contre les réfugiés et les migrants, tout comme ils se déchaînent contre les «immigrés» c’est-à-dire, aux yeux des racistes, tous ceux qui ont la peau trop foncée à leur goût ou qui sont musulmans (ou supposés l’être).

L’offensive anti-immigrés est une arme contre les prolétaires, pour les diviser, affaiblir leurs rangs, faire jouer la concurrence de tous contre tous. Avec le développement de la crise, il y aura toujours plus de mesures à caractère vexatoire, toujours plus d’injustices.

Il appartient aux révolutionnaires de toutes nationalité s de lutter au sein de la classe ouvrière contre tous les préjugés racistes et plus généralement contre la terrible division qui permet aux gouvernements d’organiser avec cynisme une hystérie intolérable.

Face à la terreur raciste – légale ou «illégale» – la seule solution est l’organisation d’une solidarité active et sans cesse plus large ainsi que la préparation d’une riposte unitaire fondée sur une mobilisation et une lutte sans réticence.

 

Solidarité de classe avec les prolétaires migrants!

Régularisation des sans-papiers!

Ouverture des frontières!

Non au contrôle de l’immigration!

Capitalistes assassins!

La révolution prolétarienne vengera vos victimes!

 


 

 (1) Libération du 15/6 donne des chiffres un peu différents, mais qui ne changent rien quant au non-respect par le gouvernement français de ses engagements: 635 personnes accueillies contre 7115 promises. Il s’agissait de personnes se trouvant en Italie, la majorité des réfugiés acceptés en France venant de Grèce, soit 4400 personnes. Au total les Autorités françaises n’avaient accepté à la fin mai 2018 que 25% du nombre de personnes qu’elles s’étaient engagées à accueillir dans le cadre du programme – qui ne représentait qu’une petite portion du nombre total de migrants qui avaient réussi à parvenir jusqu’en Europe.

(2) Libération, ibidem.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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