Algérie

Face aux manifestations et la mobilisation des masses, le pouvoir manœuvre, l’opposition bourgeoise se prépare à prendre la relève et l’opportunisme à dévier la mobilisation des masses algériennes. Le prolétariat doit se préparer à se porter à la tête de la lutte contre le capitalisme!

(«le prolétaire»; N° 532; Février - Mai 2019)

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Après les gigantesques manifestations du vendredi 8 mars qui ont vu des millions de personnes descendre dans les rues pour clamer leur refus d’ un cinquième mandat de l’impotent Bouteflika, après l’entrée en grève de travailleurs de divers secteurs (comme dans la zone industrielle de Rouiba, dans les ports  ou dans l’industrie pétrolière, etc.) le dimanche 10 mars, les autorités ont publié lundi 11 une déclaration annonçant que Bouteflika renonçait à se présenter aux élections présidentielles (1). Celles-ci étaient annulées,  un nouveau gouvernement allait être formé et une «conférence nationale inclusive et indépendante» mise sur pied, chargée de rédiger une nouvelle constitution d’ici la fin de l’année pour qu’ensuite des élections présidentielles aient lieu.

Passé le premier moment d’euphorie, la supercherie est apparue évidente: il s’agit pour le pouvoir de gagner du temps en faisant des promesses creuses qui ne représentent pas la moindre concession: la déclaration signifie simplement que Bouteflika et son clan avec lui restent pour l’instant aux commandes pour une durée indéterminée, sans même avoir à jouer la comédie d’une élection présidentielle!

Déjà le 3 mars le pouvoir avait tenté une manoeuvre encore plus grossière avec la publication d’une lettre où Bouteflika s’engageait de ne pas aller jusqu’au bout de son mandat après son élection et de ne pas se représenter une sixième fois! Cela ne pouvait évidemment pas arrêter les manifestants qui ont au contraire vu leur nombre s’accroître.

La leçon est claire: le clan présidentiel n’entend pas laisser facilement les rênes, car ce serait pour lui abandonner des places qui sont synonyme de prébendes et d’affaires en tout genre. Il a reçu en outre le soutien de l’impérialisme français: celui-ci est sorti de son silence pour soutenir la manœuvre de Bouteflika. Par la voie du nouveau vice-premier ministre Ramtame Lamamra, le pouvoir algérien a répondu qu’il avait le souci de garantir la «stabilité et de la sécurité» dans le pays et la région (2): il avait bien entendu en vue la stabilité et la sécurité de l’ordre bourgeois et impérialiste.

Devant  la détermination dont les masses font preuve le pouvoir doit cependant trouver des accords et des compromis – non avec les prolétaires et les masses pauvres qui sont le véritable moteur du mouvement actuel, mais avec des forces bourgeoises ou des clans opposés : tel est le sens de cette «conférence nationale inclusive» qui  reprend la recette utilisée il y a une vingtaine d’années pour surmonter les crises politiques en Afrique, ou les appels du pied à des personnalités d’opposition pour qu’elles intègrent  le gouvernement.

Il est peu probable que ces appels soient entendus dans l’immédiat; mais les opposants bourgeois et petits bourgeois commencent à s’affairer pour trouver une «transition» qui soit acceptable pour le pouvoir, comme il ressort par exemple de leur réunion du 13 mars où ils ont accusé le pouvoir d’être «un danger pour la stabilité et la sécurité du pays»: eux aussi ont comme souci principal la stabilité de l’ordre établi!

De leur côté, les partis opportunistes dits d’«extrême gauche» dénoncent la manoeuvre du pouvoir et ils appellent à la poursuite des mobilisations. Mais s’ils critiquent les tentatives de replâtrage du pouvoir, ils n’avancent d’autre perspective que celle d’une «Assemblée Constituante» qui résoudrait démocratiquement tous les problèmes.

Le cas de la Tunisie a pourtant démontré s’il le fallait qu’une Assemblée Constituante est le meilleur moyen pour le maintien de l’Etat bourgeois et du système capitaliste.  Ce n’est pas par une consultation démocratique où se retrouvent et discutent les élus de toutes les classes sociales que les intérêts des exploités peuvent être défendus, mais seulement par leur lutte directe, classe contre classe. Dans son explication de ce que devrait être cette Assemblée constituante, le PT (Parti du Travail, «trotskyste lambertiste») a mis les points sur les i en déclarant que devraient y participer les patrons lésés par le clan Bouteflika – c’est-à-dire des exploiteurs, des ennemis des travailleurs! D’ailleurs il n’a pas hésité à déclarer le 4/3 qu’il était (maintenant !) pour le renversement du «système», mais afin de mieux «préserver» l’Etat! Les manifestants qui ont expulsé les dirigeants du PT de la manif du 1/3 avaient donc parfaitement compris que ces gens-là seront toujours du côté du pouvoir bourgeois.

Les prolétaires et les masses exploitées ne doivent pas se laisser duper par de tels marchands d’illusions ou égarer par l’unanimité qui règne actuellement contre Bouteflika et son clan.

 Il ne suffit pas de changer les politiciens à la tête de l’Etat, de remplacer un clan par un autre, pour que cessent le chômage, la misère et l’oppression.  Le capitalisme en est le responsable et l’Etat bourgeois est le garant et le rempart du capitalisme : c’est contre eux qu’il faut lutter, c’est eux qu’il faut abattre ! Les manifestants prolétariens qui revendiquent la fin du « système » et un « changement radical », qui scandent que « tous doivent partir »,  refusant une simple réforme, un simple replâtrage du pouvoir en place, le savent d’instinct.

 Mais entrer la lutte contre le capitalisme entraînera inéluctablement l’opposition de tous ceux –politiciens, corporations et classes sociales – qui veulent seulement rénover ce système ; on voit déjà poindre les condamnations du mouvement de grèves « parce qu’il divise les Algériens ».

Pour lutter contre le capitalisme le prolétariat ne peut faire autrement que s’organiser de manière indépendante, sur ses bases de classe et pour ses propres intérêts, sans craindre de déchirer les rêves d’union nationale et de fraternité démocratique dont s’enivrent les petits bourgeois: bourgeois et prolétaires ont des intérêts distincts et opposés, il ne peut y avoir entre eux l’union mais seulement la lutte jusqu’au bout.

Quels que soient les résultats immédiats des manœuvres du pouvoir et de l’opposition bourgeoise et petite bourgeoise, les prolétaires doivent savoir que de durs affrontements les attendent s’ils veulent en finir avec le système capitaliste. En lien étroit avec les prolétaires des autres pays, ils devront entraîner derrière eux les masses exploitées à la conquête révolutionnaire du pouvoir. Leur objectif ne sera pas l’instauration d’une «deuxième république» bourgeoise, mais la destruction de l’Etat bourgeois, la constitution de la république prolétarienne, c’est-à-dire la dictature internationale du prolétariat, qui aura pour tâche d’instaurer la société communiste sur les ruines du capitalisme.

La grandiose mobilisation actuelle n’est pas encore le début de cette révolution ; mais elle peut constituer un grand pas en avant si le prolétariat profite de l’ébranlement de l’ordre bourgeois non seulement pour entrer en lutte sur ses propres bases mais aussi pour se doter de son organisation de classe indispensable au succès du combat.

Il reviendra aux prolétaires conscients et aux militants d’avant-garde de travailler dans cette perspective.

 

Pour la lutte révolutionnaire contre le capitalisme !

Pour la reconstitution du parti de classe international! 

 

15 mars 2019

 


 

(1) Cette déclaration affirmait aussi que Bouteflika n’avait jamais eu l’intention de briguer un nouveau mandat. Il ne s’agissait donc que d’un malentendu? C’est encore une fois se moquer du monde !

(2) Lors d’une émission de la «chaîne 3», le 13/3, il a déclaré à l’adresse des classes dominantes des autres pays que L’Algérie doit continuer à être « exportatrice nette de stabilité et de sécurité dans la région ». Marine Le Pen, en bonne défenseuse de l’ordre bourgeois, a demandé que la France n’accorde plus de visas à des Algériens : ce qu’elle redoute, c’est l’exportation de la révolte. Les prolétaires eux appellent à la lutte de classe internationale et à la solidarité prolétarienne par-delà les frontières !

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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