Dans le «monde d’après» la pandémie, rien ne sera-t-il plus comme avant?

(«le prolétaire»; N° 538; Août-Septembre-Octobre 2020 )

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L’épidémie de Covid-19 a officiellement éclaté entre décembre 2019 et janvier 2020 en Chine, mais elle s’y propageait déjà depuis plus d’un mois. A partir de fin février, l’Italie connaissait les premiers cas graves de Covid-19, notamment en Lombardie (la région italienne la plus industrialisée) ; elle a été suivie par l’Allemagne, la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne, puis par les États-Unis et l’Amérique Latine tandis qu’en Asie la Corée du Sud avait été touchée après la Chine et, avant que l’épidémie gagne l’Inde, Singapour, l’Indonésie, le Japon, etc.

 

Les classes dirigeantes bourgeoises, en particulier dans les pays où l’épidémie s’est répandue le plus vite, ont reconnu qu’elles n’étaient absolument pas préparées à y faire face et qu’elles n’en savaient pas assez sur les caractéristiques de ce nouveau virus – encore moins sur comment il est passé d’animaux sauvages à l’homme ; elles ont réagi de manière absolument confuse, hésitante et contradictoire, en commençant cependant par cacher sa propagation initiale et en ridiculisant, calomniant ou réprimant les médecins et virologues qui avaient sonné l’alarme, comme cela s‘est passé en Chine, où la même chose s’était déjà produite en 2002 lors de la première épidémie de coronavirus (Sars-CoV). Mais devant l’engorgement soudain des urgences hospitalières avec des centaines et des milliers de personnes malades, face aux premières dizaines de décès, les autorités n’ont pu que constater la réalité d’une épidémie qui pouvait mettre en difficulté la gestion sociale du pays et qui pouvait avoir de lourdes répercussions sur l’économie. Cela a conduit les gouvernements à essayer d’abord de parer à une situation qui s’aggravait de plus en plus, mettant tous les établissements de santé, le personnel médical et hospitalier et les médecins de ville en grande difficulté.

Tout le monde a pu constater qu’aux aspects habituels d’absence systématique de mesures de prévention, se sont ajoutées les carences dramatiques des établissements de santé (manque de services disponibles pour des situations d’épidémie grave et de lits dans les services de soins intensifs et hospitaliers); pénurie endémique de personnel infirmier et hospitalier, manque général d’équipements de protection individuelle, à commencer par les plus simples tels que les masques, gants, couvre-chaussures, surblouses, sans oublier les tests (analyses de laboratoire avec les réactifs nécessaires) les respirateurs, etc. : au point que les sacrifices et les efforts surhumains que les médecins, infirmiers, anesthésiologistes et personnel des hôpitaux et de la médecine de ville ont été contraints de faire n’ont pu être suffisants pour soigner et sauver des centaines de milliers de vies humaines.

Les structures et le personnel de la santé publique se sont non seulement retrouvés dans des difficultés exceptionnelles, mais ils ont également dû faire face à la gestion politique et économique cynique des autorités qui, dans tous les pays, ont constamment surfé sur la peur, propagée par la presse et la télévision, privilégiant, d’une part, l’effet de propagande de leurs interventions et, d’autre part, le bénéfice économique des initiatives mises en place avec pour objectif central non pas le traitement des malades, mais le contrôle social le plus strict.

Il est compréhensible que la panique provoquée par une épidémie dont on ne sait rien, pousse la majorité de la population, bombardée d’informations continuelles sur ses effets pathogènes et mortels, à se plier docilement aux diktats des autorités dont elle attend des explications, des interventions et des mesures pour arrêter sa propagation et l’éradiquer

 

Qu’ont fait en réalité les autorités ?

 

Dans leur déconcertante ignorance et dans leur gigantesque arrogance, vouées comme elles le sont à la défense avant tout des intérêts économiques et politiques dont elles sont l’expression directe, les autorités ont profité de l’occasion offerte par la soudaine épidémie pour semer la peur contre cet ennemi «invisible», dont la létalité était directement proportionnelle au manque absolu de prévention et à la priorité strictement économique accordée à chacune des interventions qui ont été et qui sont décidées. Ce n’est pas par hasard si elles ont parlé d’une « guerre», car toute guerre implique des sacrifices, des restrictions de toutes sortes, des blessés et des morts, et la peur que l’ennemi puisse frapper à tout moment. La guerre implique aussi des actes de terrorisme ; mais dans ce cas, ce n’est pas le virus qui était visé, mais la masse des travailleurs dont on pouvait redouter des réactions y compris violentes contre un pouvoir économique qui, ignorant les risques de l’épidémie, les contraignait à travailler sans dispositifs de protection, et contre un pouvoir politique qui se montrait une fois de plus au service du profit capitaliste et non de la santé publique.

Alors que l’épidémie commençait à se diffuser rapidement, le gouvernement chinois a réagi, avec un retard extrême, en imposant la fermeture totale de Wuhan et de toute la province du Hubei; le reste du monde – lié par des relations commerciales et économiques étroites avec la Chine et en particulier avec la province industrielle de Wuhan – est resté ouvert à la diffusion du virus, dont une spécificité (comme l’ont découvert plus tard des virologues du monde entier) est sa contagiosité et sa capacité à s’adapter aux différentes situations: il a donc pu voyager en avion, en bateau, en train vers tous les pays depuis le foyer originel.

Mais ce qui a le plus inquiété les gouvernements des pays d’Asie et d’Europe, était moins la propagation de la nouvelle épidémie, que l’interruption des approvisionnements indispensables aux industries de l’automobile, de l’informatique et des technologies les plus diverses. L’arrêt de la production économique en Chine a immédiatement provoqué une crise industrielle qui a aggravé la crise économique déjà en acte depuis 2019.

Que la bourgeoisie soit une classe d’affairistes, de profiteurs et d’exploiteurs cyniques se jetant sur toutes les opportunités pour en tirer avantages et profits, est un fait confirmé à chaque fois lors d’événements catastrophiques, peu importe que leurs causes soient « naturelles » ou directement liées à une activité humaine.

La structure économique capitaliste de la société exige que les capitalistes privilégient le gain économique immédiat et futur, considéré comme le bien suprême, par rapport à tout autre aspect de la vie sociale et de l’environnement. Les capitalistes pourraient-ils changer le processus économique de production et de distribution, éliminer le mercantilisme débridé qui le caractérise, renverser les priorités pour que l’objectif central devienne l’amélioration dans tous les domaines de la vie humaine, la fin des divisions de classes et des rapports organiques et harmonieux avec la nature? Non ils ne peuvent pas.

La société capitaliste est une société déshumanisante comme aucune autre avant elle dans l’histoire; c’est pourquoi le capitalisme doit être détruit et remplacé par un mode de production donnant la priorité aux besoins de l’espèce humaine, remplaçant la société marchande par une société sans classes, sans exploitation, sans divisions de nationalité et autres.

 

La bourgeoisie trouve de fait un intérêt dans les catastrophes

 

Quelle est la situation la plus tentante pour le capitaliste, sinon celle dans laquelle la plupart des limitations législatives, bureaucratiques, administratives, procédurales doivent être mises de côté parce qu’il y a une urgence causée par une catastrophe?

Un viaduc tombe-t-il faute d’entretien, comme dans le cas récent du pont Morandi à Gênes en Italie, avec ses morts et ses blessés, mettant en danger les habitants de tout un quartier? Prêts! Les différents stades d’enquête sont raccourcis au maximum, les démarches administratives sont éliminés et on constituant le Bureau d’urgence nécessaire ; architectes, urbanistes, administrateurs municipaux et régionaux, politiciens de toutes sortes se précipitent pour saisir des appels d’offres, des subventions, des affaires, privilèges, renommée. Lors de sa construction, le pont Morandi, en béton armé, était garanti 100 ans, mais il s’est effondré au bout de 50 ans; le nouveau pont, dessiné par un célèbre architecte Renzo Piano, cette fois en acier, est garanti 1000 ans ... mais qui garantit son entretien pour que cette déclaration soit autre chose que la fanfaronnade habituelle?

Sans parler des nombreuses catastrophes ferroviaires, des effondrements dus aux tremblements de terre, aux glissements de terrain et aux inondations : de véritables moissons de catastrophes comme nous l’avons toujours démontré et rapellé, depuis 1951, lorsque, face à une nouvelle catastrophe en Calabre due à des fortes pluies, Amadeo Bordiga écrivait dans un article: « L’ignoble épisode de la répétition dans l’extrême Calabre, deux ans après, d’une catastrophe qui a eu les mêmes causes et les mêmes effets effrayants, avec les mêmes attitudes d’étonnement, de condoléances hypocrites et de charité maladive de la part de la presse et de toute «l’opinion publique» pour revenir ensuite, l’émotion étant retombée, à la même impuissance arrogante, n’a aucune cause physique, mais seulement des causes sociales » (1).

Mais les bourgeois soutiennent des thèses très différentes ; les effondrements provoqués par les tremblements de terre, les catastrophes causées par les inondations ou les tsunamis, sont une chose; autre chose s’il s’agit d’épidémies virales. En effet un tremblement de terre, aussi désastreux soit-il, est généralement limité à une certaine région, de même que les inondations ou les glissements de terrain; et même les tsunamis, bien qu’ils puissent s’étendre sur de vastes zones, n’affectent jamais le monde entier.

Comme ce sont des phénomènes circonscrits, ils peuvent théoriquement être plus contrôlables; au moins les personnes qui ne sont pas immédiatement impliquées peuvent être secourues en les éloignant de l’épicentre.

Une épidémie virale, qui, en se transformant en pandémie, peut affecter facilement, rapidement et soudainement les habitants du monde entier, n’est découverte que lorsqu’elle s’est déjà propagée. Il faut beaucoup de temps à la recherche pour identifier exactement de quel virus il s’agit, à quel point il est contagieux et mortel. Hormis les mesures grossières de confinement, de « distanciation sociale », d’hygiène personnelle, etc., il n’est pas possible de trouver rapidement les thérapies et les remèdes appropriés pour le contenir, le combattre et, finalement, le surmonter. D’ailleurs presque toujours, l’épidémie virale se termine d’elle-même, en quelques années, pour réapparaître éventuellement des années plus tard avec des caractéristiques différentes puisque souvent certains virus ont une grande capacité à se modifier au cours du temps. Plus les conditions environnementales favorables à leur reproduction et à leur propagation sont présentes, plus ils ont la possibilité d’infecter des millions d’êtres vivants, d’animaux et d’êtres humains. Plus l’homme modifie et détruit l’environnement naturel dans lequel existe les virus des animaux, plus la possibilité de contagion s’accroit.

Dans sa recherche effrénée de profit, le capitalisme contraint non seulement la grande majorité de l’humanité à vivre dans la misère, dans des environnements malsains, dans une pauvreté absolue, en abandonnant une partie considérable de celle-ci à une mort certaine, mais il détruit l’équilibre environnemental – et donc une relation organique entre l’homme et la nature, et entre les animaux et la nature; tout en cimentant, déboisant, etc., il oblige une partie considérable de l’humanité à se presser dans des métropoles polluées. Le saccage du milieu naturel dont dépend la vie de tous les êtres vivants ne peut avoir que des effets désastreux pour les animaux et les plantes avec des conséquences qui, tôt ou tard, affectent la vie humaine. Il est maintenant bien établi que les virus apparaissent et se reproduisent plus facilement dans les communautés animales surpeuplées (souris et chauves-souris, mais aussi les animaux domestiques comme les poules, porcs, vaches, dromadaires, etc.), d’où proviennent la plupart des épidémies les plus dangereuses.

Depuis le début du vingtième siècle, il y a eu 11 grandes épidémies virales (des pandémies pour la moitié d’entre elles), depuis la fameuse « grippe espagnole » de 1918-19, avec ses 50 millions de morts dans le monde (certaines estimations vont jusqu’à 100 millions), à la « grippe asiatique » de 1957, avec plus d’un million de morts; la « grippe de Hong Kong» de 1968-69, avec là aussi 1 million de morts (mais d’autres sources parlent même de 4 millions), apparue en Chine centrale puis à Hong Kong, avant d’être répandue aux Etats-Unis par les GI de retour du Viet Nam (avec 100 000 morts) et en Europe (en France il y aurait eu 12 millions de malades et 30 à 40 000 décès) ; la «grippe aviaire» en 1997, une épidémie largement répandue en Asie du Sud-Est, avec une incidence très faible mais avec une mortalité très élevée (60% des malades) et au «Sars-CoV» de 2002-03, la même famille que celle du coronavirus actuel, presque entièrement limité à la Chine continentale et à Hong Kong, qui a causé environ 800 décès sur plus de 8000 personnes infectées (taux de létalité élevé: 9, 6%); la «grippe porcine» de 2009-10 qui aurait causé de 200 à 400 000 morts dans le monde après avoir infecté près de 7 millions de personnes ; et l’actuelle « Covid-19 » qui, selon les données officielles (dont nous savons qu’elles ne décrivent pas exactement la réalité) aurait touché début octobre plus de 34 millions de personnes dans le monde et fait plus d’un million de morts, dont environ 230 000 en Europe, plus de 200 000 aux États-Unis, près de 150000 au Brésil, plus de cent mille en Inde, etc., alors qu’en Chine les morts n’auraient été «que» de 4 645 ...

Ainsi, sur les 11 grandes épidémies virales des cent dernières années, cinq se sont produites au cours des 20 dernières années, soit une tous les 4 ans. Comment parler d’une épidémie inattendue?

Surtout si l’on ajoute que la grippe classique, dite « saisonnière », fait de 300 à 650 000 morts par an dans le monde (dont plus de 85 000 en Chine, 30 à 60 000 aux Etats- Unis) en dépit des avertissements et des recommandations des autorités médicales auprès des autorités pour la combattre (2).

Il est à la mode, notamment en économie, de parler de « cygne noir » lorsqu’un événement grave survient de façon « inattendue » – ce qui justifierait que les autorités responsables, prises « par surprise », n’aient rien préparé pour le prévenir ou pour y faire face.

La même chose est répétée pour la Covid-19; les autorités sanitaires et politiques se justifient avec le fatalisme désormais habituel du «cygne noir»: quoi de mieux qu’un ennemi mortel mais invisible, apparu «soudainement», pour décréter des mesures de confinement drastiques et avoir les mains libres dans la gestion de l’urgence tant attendue? En cas d’urgence, des règlementations sont émises dont l’application est contrôlée par la police, des ressources financières qui n’étaient pas disponibles auparavant surgissent soudainement, justifiant automatiquement toutes les opérations jugées « indispensables » mais qui, comme par hasard, favorisent les intérêts économiques et politiques de capitalistes, entrepreneurs, politiciens et consultants proches du pouvoir .

Et il arrive souvent qu’elles débouchent en définitive sur un gaspillage des ressources dans le seul but de montrer que l’on agit pour le «bien commun» ; puis, une fois l’urgence passée, ce qui a été entrepris est abandonné et l’on passe à d’autres affaires.

 

Confinement pour tout le monde... et pendant que la course au vaccin est lancée, les emplois et les salaires sont menacés, et le chantage sur  le  poste de travail devient plus pesant

 

Après son passage au stade de pandémie, la Covid est devenue l’objet de recherches effrénées dans lesquelles se sont ruées les grandes multinationales chimico-pharmaceutiques pour trouver la solution magique: le vaccin! Plus les pays touchés par cette épidémie devenaient nombreux, plus les décès augmentaient, plus la peur se propageait et plus les grandes entreprises se frottaient les mains, faisant pression sur les gouvernements pour qu’ils financent les recherches les plus diverses.

Pendant ce temps, un mot inconnu de la plupart des gens, le « confinement » – isolement à domicile et fermeture de la plupart des entreprises – dans des régions toujours plus vastes et bien au-delà des premières «zones rouges» identifiées comme des foyers de la maladie, est devenu en quelques jours un terme largement utilisé ; il passait évidemment beaucoup mieux que « assignation à résidence », situation à laquelle en vérité les autorités ont contraint des millions de personnes, les menaçant de lourdes amendes et même d’arrestation si elles ne respectaient pas les interdictions édictées.

Bien entendu, le confinement ne pouvait pas concerner les hôpitaux, l’ensemble du personnel médical et hospitalier, la production et la commercialisation de médicaments et d’équipements médicaux, les équipements de protection individuelle et tout ce qui est nécessaire pour survivre au quotidien, comme la nourriture, ainsi que les transports en commun, la collecte des déchets, etc. Sauf le fait, documenté par tous les médias, que tous ceux qui ont été les plus exposés à l’infection, et pour une durée indéterminée, ont été sacrifiés sur l’autel d’une prévention inexistante et de la santé du profit, comme la plupart des personnels médicaux et hospitaliers qui sont restés sans équipement de protection individuelle pendant de nombreuses semaines, ou les médecins de ville, systématiquement en contact avec les malades à domicile, abandonnés à leur sort et ne pouvant compter que sur leur bonne volonté et leur esprit personnel de sacrifice.

Mais le confinement n’a pas empêché les patrons des entreprises qui ont réussi à faire reconnaître leur entreprise comme essentielle, à faire aller travailler leurs employés sans leur fournir une protection individuelle adéquate et sans désinfection du lieu de travail, ce qui a provoqué une série de protestations et grèves malgré la peur de perdre des salaires: « nous ne sommes pas de la viande d’abattoir! », était le cri de nombreux ouvriers en Italie; un cri qui n’a été que partiellement entendu parce que toute une série de mesures promulguées par le gouvernement (comme la distance entre les travailleur sur le lieu de travail ou à la cantine, dans les vestiaires ou les toilettes, ou la désinfection fréquente des mains, etc.) ne pouvait pas être mise en oeuvre dans des entreprises qui n’ont pas été construites selon des critères de protection prioritaire des travailleurs vis-à-vis des machines, des chaînes de montage, des entrepôts de matières premières, etc. Pour les capitalistes, ce n’est pas la machine qui sert l’homme, c’est l’homme qui sert la machine!

En raison de l’aggravation soudaine des effets de l’épidémie à partir du mois de mars, et de l’impossibilité de savoir combien de temps durerait la situation, il était inévitable que de nombreuses entreprises et de nombreuses entreprises ferment pour une période indéterminée. Pour les entreprises d’une certaine taille, cela signifiait mettre au chômage technique une partie considérable de leurs travailleurs – avec la réduction inévitable d’un salaire déjà bas par rapport au coût de la vie –, alors que pour les entreprises petites et artisanales cela signifiait le licenciement de leur personnel. Dans l’agriculture, où se concentre une part considérable des travailleurs immigrés et du travail clandestin, le confinement signifiait une exploitation intensive des ouvriers qui acceptaient de travailler sans aucune protection et la perte de leur revenu pour tous ceux qui n’avaient pas l’intention de risquer leur vie pour 3 euros de l’heure. Le cri d’alarme que les organisations ont lancé sur le manque de main d’oeuvre pour la récolte des fruits et légumes, est venu s’ajouter aux plaintes des industriels qui perdaient des milliards car ils ne pouvaient plus vendre leurs marchandises sur le marché intérieur ou sur le marché d’exportation, et parce qu’ils ne pouvaient pas honorer les commandes déjà conclues. Pauvres capitalistes, ils ne pouvaient pas engranger des profits comme avant ...

 

La santé de l’économie est prioritaire, pas celle des prolétaires

 

La grosse voix des capitalistes a toujours une influence déterminante sur les décisions gouvernementales dans tous les pays. Et c’est précisément l’intérêt économique et financier représenté par les capitalistes les plus forts qui a guidé, au début et pendant l’épidémie, et qui continuera de guider, les décisions et les indécisions des gouvernants respectifs, en compagnie, d’ailleurs, avec les institutions sanitaires nationales et internationales.

Ce n’est pas un hasard si une bonne partie des décès dus à Covid-19 sont des personnes âgées! Il était évident que les lacunes du système de santé publique conduiraient inévitablement à l’utilisation de ressources et d’interventions limitées disponibles en sélectionnant les patients et en favorisant ceux qui avaient plus de chances de guérir: ainsi les personnes âgées, surtout si elles étaient déjà affaiblies par d’autres pathologies, ont été systématiquement sacrifiées. Ce qui se passe sur le lieu de travail se retrouve dans les hôpitaux: les travailleurs âgés ont moins d’énergie, donc sont moins utilisables et deviennent donc plus facilement superflus; il en va de même pour le patient âgé hospitalisé, surtout s’il souffre déjà d’autres pathologies. Les personnes âgées, si elles ne sont pas riches et ne peuvent donc pas se permettre une hospitalisation dans des cliniques privées, sont destinées à souffrir de la précarité lorsqu’elles tombent malades; n’étant pas de bons payeurs, elles deviennent superflues, ne sont plus qu’un obstacle, un coût pur sans contrepartie. Et la même chose pour les handicapés: ils sont tous considérés comme des coûts et le capitalisme réduit systématiquement les coûts!

 

Manque de fiabilité et manipulation des données et des statistiques officielles

 

Un autre aspect, qui est devenu évident avec le temps, concerne la fabrication des données qui, pendant tous ces mois, ont rempli les informations et les reportages des médias. Combien de personnes sont infectées, combien sont mortes, combien sont guéries au cours des dernières 24 heures, dans quelle région, dans quel pays, etc. Combien de prélèvements, combien d’analyses, combien asymptomatiques ... Si une telle quantité de données et de statistiques a été diffusée quotidiennement, mais pas du tout en adéquation avec la réalité, c’est uniquement pour justifier toutes les mesures de confinement prises par les gouvernements ; le véritable objectif était de se lancer dans le terrorisme médiatique, effrayer une grande partie de la population pour qu’elle accepte docilement les limites imposées et se résigne à la maladie et à la mort sans blâmer un pouvoir politique qui s’est avéré totalement inefficace, incompétent et cyniquement soumis aux raisons du profit capitaliste. Dans un article de la série «Sur le fil du temps» de 1951, à propos de l’inondation du Pô, Bordiga soulignait: «Des Bureaux et des scientifiques qui se respectent répondent aujourd’hui en fonction des besoins politiques et de la raison d’État, c’est-à-dire selon le effet qu’ils auront, et les chiffres subissent des manipulations de toutes sortes » (3). Depuis, ils ne sont pas devenus plus sérieux, ils ont continué à manipuler les chiffres selon les besoins politiquesLes statistiques sur lesquelles reposaient les données fournies quotidiennement – comme dans une sorte de bulletin de guerre – étaient en fait à prendre avec des pincettes, comme l’ont déclaré certains épidémiologistes. D’abord parce que les mesures effectuées ne pouvaient pas donner de résultats en temps réel, mais seulement après quelques jours, puis parce que la quantité de prélèvements et d’autres analyses était si faible qu’il n’était pas possible de donner un aperçu clair et, surtout, parce que celles-ci concernaient principalement des personnes déjà hospitalisées, tandis que le grand nombre d’infections concernait des personnes asymptomatiques. En outre, les décès survenus pendant la période de l’épidémie ont tous été attribués à la Covid-19, alors que certains d’entre eux étaient en réalité dus à des maladies graves préexistantes dans lesquelles le virus n’a fait que hâter le processus mortel. Bref, le déversement quotidien des données et le passage continuel de messages et d’interviews de médecins dans les médias avait évidemment aussi pour but de redonner à une population effrayée, confiance dans les autorités politiques et sanitaires alors que la réalité les mettait sérieusement à mal.

 

Tout ira bien?

 

Face à cette situation tragique, la réponse de la bourgeoisie ne saurait surprendre. La science officielle n’obéit pas à des critères de prévention, mais à des critères de traitement – entre autres, des critères qui choisissent inévitablement entre qui peut payer et qui ne le peut pas. Les profits capitalistes, dans ce contexte, se concentrent sur de grandes quantités et variétés de produits pharmaceutiques à vendre sur un marché composé d’un très grand nombre de malades. Si les malades représentaient qu’un pourcentage réduit de la population, sinon l’exception, qu’adviendrait-il des bénéfices des grandes multinationales pharmaceutiques, et des avantages personnels en termes d’argent et de commandement de toute la bande des politiciens, administrateurs, scientifiques, virologues, chirurgiens, épidémiologistes, etc., qui vivent des maladies de plus en plus typiques d’une société bourgeoise pourrie?

La bourgeoisie n’a pas peur du coronavirus, du VIH, du virus Ebola, de la rougeole, du choléra ou de toute autre épidémie de virus ou de bactérie; le bourgeois individuel craint sans doute pour sa propre vie et pour le fait de ne pas pouvoir jouir de son patrimoine, mais la classe sociale à laquelle il appartient est congénitalement prête à profiter de toutes les calamités, de toutes les catastrophes parce qu’elle sait qu’elle peut en tirer des bénéfices immenses et rapides, comme le démontrent toutes les situations d’urgence.

Bien sûr, les scientifiques travaillent dur pour découvrir le type de virus, son origine, sa modification, sa contagiosité et sa létalité et quels médicaments sont appropriés, quelle thérapie et quelles mesures doivent être mises en œuvre. Mais leur activité de scientifiques dépend, comme toute activité dans la société bourgeoise, de la possibilité d’être un élément constitutif du processus de valorisation du capital investi. Soit leur travail, leurs recherches, peuvent engendrer un profit, en argent, en influence idéologique et politique, ou en service social nécessaire pour que les travailleurs malades ou blessés soient remis sur pied le plus tôt possible pour être exploités; soit leur travail, même s’il est positif sur le plan de la connaissance scientifique générale, est inutile de ce point de vue, et il est alors mis de côté et il tombe dans l’oubli.

Toute recherche, quel que soit son domaine, nécessite des investissements et, souvent, de gros investissements qui ne peuvent être fournis que par les États et les grandes multinationales. Et la recherche dans les domaines médical et pharmacologique n’a pas seulement besoin de laboratoires, mais aussi de tests sur les animaux et les humains, notamment face à des situations épidémiques ou pandémiques. Par conséquent, en plus du capital pour répondre à tous ces besoins, il y a également besoin de l’intervention de l’autorité étatique, la seule qui, en situation d’urgence, a le pouvoir de prendre des mesures qui obligent une grande partie de la population à se soumettre à des comportements contraires à ce qui est considéré comme la conduite normale de la vie quotidienne. D’autant plus dans un État démocratique, où la liberté de mouvement, de réunion, de manifestation, ainsi que d’expression et de presse, fait partie de l’idéologie dominante avec laquelle la population a l’habitude de se leurrer d’avoir le libre « choix » de ses actes. La même «liberté pour tous», qui fait la fierté de la société bourgeoise démocratique, devient dans certaines situations de crise économique et sociale, un obstacle pour la classe bourgeoise car elle l’empêche d’agir rapidement et sans entraves en défense de ses intérêts économiques et politiques. Quelques ordonnances ou décrets-lois suffisent, dès les premiers jours de l’épidémie, comme hier pour la «terrorisme», demain de la crise économique ou sociale, pour jeter à la poubelle le papier de la «liberté» bourgeoise.

Face à la situation critique causée par les effets de la pandémie qui ont provoqué une réduction significative du produit intérieur brut dans tous les pays, et pas seulement dans ceux les plus touchés par la Covid, la classe bourgeoise dirigeante, en dépit de sa responsabilité la propagation de l’épidémie et du nombre de victimes, a ainsi saisi l’occasion pour porter des coups puissants à la «liberté» tant idéalisée.

La seule classe capable de faire face à la bourgeoisie et dont cette dernière redoute la réorganisation et la lutte, est le prolétariat. L’histoire des luttes de classe le démontre amplement. Mais, intoxiqué depuis des décennies par les forces opportunistes et habitué à la collaboration interclassiste, à s’appuyer sur l’État vu comme une entité au-dessus des classes, et à l’exception des protestations et de quelques grèves au début de l’épidémie, le prolétariat s’est lui aussi plié aux mesures de contrôle social décrétées par les différents gouvernements. La menace ou la réalité du chômage, la précarité des salaires, la nécessité de s’occuper de jeunes enfants et adolescents qui ne pouvaient pas aller à la maternelle ou à l’école, parfois la nécessité de soigner des malades rejetés par les hôpitaux: bref, une situation d’extrême insécurité et d’extrême isolement a joué à plein en faveur de la classe bourgeoise cynique et meurtrière et de ses manœuvres.

«Tout ira bien» était une sorte de cri d’espoir et de réconfort pour ne pas laisser prise au désespoir, qui, notamment de la part du personnel hospitalier, voulait encourager les malades du coronavirus, et leurs familles, déclarant qu’ils seraient traités avec tout le dévouement possible malgré les grandes difficultés. Et c’est certainement grâce au personnel infirmier et aux agents de santé que de nombreux patients ont été sauvés; les médias et les politiciens les ont appelés des «héros» ; mais eux-mêmes, qui ne se sentaient pas comme des héros, savaient qu’ils seraient bientôt oubliés surtout par les autorités hospitalières, administratives et politiques. Aucun d’entre eux n’avait envie de se mettre en grève dans une situation aussi dramatique dans laquelle seuls leur travail, leur dévouement, leur humanité permettaient l’assistance et les soins nécessaires aux malades et à leurs familles. Ils ont certainement été soutenus par la gratitude des malades et de leurs familles, mais pas par les services de santé et les autorités politiques gouvernementales qui, au contraire, se sont emparés de leurs sacrifices, ont versé des larmes de crocodile sur les médecins et infirmières décédés , mais ont continué à favoriser les intérêts d’un système déshumanisant qui broie systématiquement les vies et les personnes. De «héros», les employés des hôpitaux sont rapidement redevenus de simples travailleurs qui, par contrat, sont obligés de faire leur «devoir» en échange d’un salaire insuffisant et dans des structures souvent inadéquates, voire en ruines. En fait, les infirmières et tout le personnel hospitalier ont été laissés seuls, sans défense, exposés au sacrifice de leur santé et de leur vie.

 

D’où aurait dû venir une véritable solidarité avec leur sacrifice?

 

De la lutte des prolétaires des autres secteurs économiques et des services qui, avec leurs pressions sur les patrons et sur les pouvoirs politiques, auraient dû commencer à exiger au moins la fourniture immédiate d’équipements de protection individuelle et de tous les équipements indispensables à la protection et à la désinfection des établissements de santé, quitte à obliger les entreprises les plus adaptées à convertir immédiatement leur production habituelle en production d’équipements de protection dont les soignants ont souvent été obligée de s’équiper à leurrs frais. Les grèves qui ont eu lieu, étaient sans doute une réaction des travailleurs forcés d’aller travailler sans les protections nécessaires et dans des environnements non désinfectés, mais il s’agissait de luttes complètement isolées; aucune grève n’a été menée en solidarité avec le personnel hospitalier. Le travail de plusieurs décennies des syndicats tricolores pour isoler les luttes selon les secteurs et les entreprises, pour écarter les revendications de classe et collaborer toujours plus étroitement avec les patrons et l’État, a également eu ses conséquences anti-prolétariennes dans cette période. Alors que l’épidémie «unit» dans un certain sens tout le monde dans le même sort, et que les luttes auraient dû avoir la même réponse unifiée, les syndicats tricolores ont tout fait pour contenir et isoler les mouvements spontanés, les désorganisant et affaiblissant effectivement leur force initiale. Si face aux mesures bourgeoises contre les intérêts immédiats des prolétaires, ces derniers ne répondent pas par une lutte qui frappe directement les intérêts des patrons, et qui s’étende à plusieurs secteurs, ils ne pourront pas non plus se défendre dans des situations de crise des entreprises, ni, encore moins, dans des situations de crise économique et sociale généralisée.

C’est pour cette raison que les prolétaires doivent commencer à remettre la défense exclusive de leurs intérêts immédiats au centre de leur lutte, en opposition à tous les objectifs, toutes les perspectives de « lutte » visant à défendre les intérêts des entreprises ou conciliant ces intérêts avec ceux des ouvriers. Une lutte qui ne peut durer et se renforcer, qu’en s’appuyant sur la solidarité de classe.

La solidarité ne peut naître que sur le terrain de la lutte de classe, et elle peut devenir une arme de pression considérable toutes les fois qu’un secteur ouvrier en difficulté particulière – comme dans le cas actuel du personnel hospitalier – peut compter sur la force et sur le soutien des autres secteurs qui entrent en lutte avec lui ou pour lui. La conciliation sur le plan économique entre ouvriers et patrons ouvre la porte à une conciliation sociale plus générale, soumettant de fait les intérêts des ouvriers aux besoins des capitalistes, dans tous les domaines, dans l’entreprise qui fabrique des armes comme dans l’entreprise qui fabrique des produits alimentaires, des vêtements ou des médicaments, dans tous les secteurs de la vie sociale, que ce soient les transports, les hôpitaux, les moyens de communication ou autres.

On nous dira: mais en période de pandémie, avec l’obligation de rester enfermé chez soi sous peine d’être lourdement sanctionné si l’on enfreint les règles strictes édictées par les autorités politiques, et avec le risque d’être infecté et de se retrouver à l’hôpital et peut-être de mourir, il est logique que l’on ne veuille pas prendre de risques, il est logique que chacun respecte les dispositions édictées, en les considérant comme des mesures de protections individuelles essentielles.

Mais cette «logique» se heurte à la logique capitaliste qui exige au contraire qu’une partie considérable des prolétaires continue à travailler même sans protection, les exposant effectivement à la contagion et les transformant en vecteurs supplémentaires de contagion, et qui oblige le personnel hospitalier à se sacrifier directement pour aider et soigner des dizaines de milliers de personnes tombées malades et décédées à cause de la logique du profit capitaliste.

Lors de la première guerre impérialiste mondiale, les soldats du front risquaient non seulement d’être tués par les soldats ennemis, mais aussi d’être abattus par les gendarmes s’ils désobéissaient aux ordres donnés par leurs officiers. Cela n’a pas empêché les soldats de fraterniser à certains moments, cela ne les empêchait pas de déserter le front où la classe dirigeante bourgeoise les avait forcés à aller se faire tuer uniquement et exclusivement pour défendre son réseau d’intérêts économiques, politiques et militaires. Et cela n’a pas empêché le prolétariat allemand, en pleine guerre, à partir de 1915, de faire grève et de manifester, de se heurter à la police, pour le pain et contre la guerre bourgeoise; de même qu’elle n’empêcha pas les prolétaires turinois, en août 1917, de se lancer dans une formidable grève pour le pain et contre la guerre. À cette époque, lutter faisait courrir beaucoup plus des risques que dans l’épidémie actuelle de coronavirus.

La soi-disant guerre contre Covid-19 que la propagande bourgeoise rappelle sans cesse, s’est en fait avérée être une attaque supplémentaire contre les conditions de vie et de travail des prolétaires. Et le refrain habituel de «tous ensemble, nous y arriverons» si «chacun fait sa part», est la façon hypocrite et, en même temps, cynique que la bourgeoisie utilise pour que les prolétaires renoncent à leur lutte de classe. Ce n’est qu’en «unissant nos forces» qu’il sera possible de sortir du tunnel dans lequel le Covid-19 nous a poussés ...

Mais c’est la bourgeoisie qui nous a poussé dans ce tunnel, pas le virus. Cette union des forces, signifie que la force du prolétariat doit se soumettre au commandement de la bourgeoisie, la reconnaissant comme la seule autorité pour affronter l’épidémie aujour-d’hui et, comme hier et demain, la crise économique. L’union nationale à laquelle la classe dirigeante bourgeoise fait appel à chaque fois ne sert qu’à détourner les prolétaires de leurs intérêts de classe, à accepter leur asservissement, à devenir même un instrument de leur propre exploitation.

 

Rien ne sera plus comme avant?

 

Un autre slogan a été ajouté lorsque la courbe des infections et des décès a commencé à baisser, du moins officiellement: dans le monde d’après, rien ne sera plus comme avant.

Le « Ce ne sera plus comme avant » est en réalité un avertissement que les bourgeois envoient avant tout aux prolétaires: attention, la crise épidémique a si gravement ébranlé l’économie des pays les plus importants du monde, que vous devrez accepter d’importants sacrifices également dans la période qui suivra la fin de la pandémie. Aujour-d’hui, les bourgeois se disputent des prêts de centaines de milliards à obtenir auprès des gouvernements et des fonds internationaux pour boucher en quelque sorte les mille failles ouvertes dans leurs entreprises et pour distribuer quelques euros aux familles dans le besoin ... Mais l’avenir ne semblant pas rose, ils disent aux prolétaires : remerciez-nous pour les miettes que nous vous accordons maintenant, mais préparez-vous à de nouveaux sacrifices et, surtout, ne vous révoltez pas sinon vous serez réprimés : le maintien de l’ordre public avant tout!

Pour que le «rien ne sera plus comme avant» passe d’une devise bourgeoise à une devise prolétarienne, le rapport des forces entre les classes devra changer en faveur du prolétariat. La bourgeoisie ne devra plus avoir toute liberté d’exploiter le travail salarié et de réprimer les tentatives de s’opposer par la force à l’aggravation des conditions d’existence prolétarienne. Seule la réorganisation de classe des luttes prolétariennes et l’utilisation de moyens et de méthodes de lutte classistes peuvent donner aux prolétaires la possibilité d’enrayer réellement la détérioration de leurs conditions de vie et de travail; ce n’est que sur cette base que les prolétaires pourront reprendre confiance en leurs propres forces et faire craindre vraiment aux capitalistes et à leurs représentants politiques et administratifs le mouvement de classe prolétarien non seulement dans un avenir lointain, mais – comme cela arrive déjà de temps à autre – dans la réalité présente.

Aujourd’hui malheureusement le prolétariat est tellement replié sur lui-même qu’il n’a pas la force de réagir avec une vigueur classiste. Les coups qu’il subit ne sont pas encore ceux qui déclencheront la révolte contre tout le système de pouvoir bourgeois. Combien de coups il devra encore subir pour trouver en lui la force de relever la tête et de se reconnaître comme une véritable force sociale capable de défendre ses intérêts en utilisant toute la force qu’il tient entre ses mains, nul ne peut le dire.

Mais ce qui est certain, parce que cela s’est déjà produit plusieurs fois dans le passé, et parce que la dynamique sociale du capitalisme contient un antagonisme de classe entre capitalistes et prolétaires qui ne peut être éternellement neutralisé, c’est que les inévitables crises économiques et sociales ne feront qu’accroître la pression sociale jusqu’au point où l’enveloppe superstructurale de la société bourgeoise ne pourra plus la contenir, la faisant exploser comme une chaudière qui ne peut plus résister à la vapeur produite en son sein.

Alors les prolétaires réaliseront à quel point il est indispensable de se réorganiser sur le terrain de classe, combien il est vital de lutter contre les capitalistes et les forces de la conservation sociale qui les soutiennent, non seulement pour des revendications économiques élémentaires, mais pour renverser tout le système capitaliste et, sous la direction de son parti de classe, conquérir enfin le pouvoir politique, seul moyen pour réaliser l’émancipation du prolétariat de l’esclavage salarié et, avec lui, l’émancipation de toute l’humanité du mercantilisme, des lois du capital, de l’exploitation de l’homme par l’homme, pour en finir avec la préhistoire des sociétés de classes et entrer dans l’histoire de l’espèce humaine.

 


 

(1) cf. « Le désastre calabrais, ou la culture des catastrophes », Il Programma Comunista n°20, 6-20/11/1953

(2) cf. The Lancet, septembre 2019, pp 473-481. Par ailleurs, selon l’institution étatique « Santé Publique France », en 2018-19 l’épidémie de grippe saisonnière en France aurait fait 12000 morts, un peu moins que l’année précédente. Les estimations pour 2019-2020 ne sont pas connues.

(3) cf. «Crue et rupture de la civilisation bourgeoise» in A. Bordiga, « Espèce humaine et croûte terrestre », Ed. Payot 1978

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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