Crise politique et lutte de classe

(«le prolétaire»; N° 558; juillet-Octobre 2025 )

Retour sommaires

 

 

Après le gouvernement Barnier, le gouvernement Bayrou, le gouvernement Lecornu 1 (le plus court de l’histoire car disparu avant même d’entrer officiellement en fonction), voici venu le gouvernement Lecornu 2. La crise politique  découlant de l’incapacité de l’exécutif de s’assurer une majorité solide au parlement pour entériner ses décisions politiques est ainsi devenu manifeste; mais elle remonte en fait aux dernières élections législatives qui avaient été marquées par la très forte progression du Rassemblement National au premier tour, mais son échec à remporter la majorité au second face à  la coalition électorale droite-gauche (dite «Front républicain»).

Il est important de souligner que cette situation n’a pas empêché le fonctionnement régulier de l’Etat, le parlement n’étant pas le lieu où s’élaborent et se décident ses orientations politiques, comme le voudrait la mythologie démocratique selon laquelle c’est là où s’exprime la «souveraineté populaire». Historiquement le parlement a perdu le rôle qu’il avait après la venue au pouvoir des bourgeoisies, pour devenir de plus en plus, au fur et à mesure du renforcement de la machine étatique, une simple chambre d’enregistrement de décisions prises par les cercles capitalistes les plus influents. Il s’ensuit que la conquête du parlement n’est pas un moyen que le prolétariat peut utiliser pour son émancipation; le centre du pouvoir politique bourgeois se trouve dans l’Etat, c’est donc lui qu’il faut frapper et détruire. Il serait cependant absurde de penser que le parlement n’a plus qu’un rôle «décoratif», qu’il n’est plus qu’une fiction, comme par exemple l’Assemblée Nationale Populaire Chinoise. C’est encore un lieu ou agissent des lobbys divers, où se nouent des tractations entre groupes bourgeois, etc.

Surtout le système démocratique joue un rôle fondamental de conservation sociale. En donnant l’illusion qu’il serait possible grâce au simple bulletin de vote de modifier la politique suivie par l’Etat, il oppose efficacement la voie parlementaire à la voie difficile et risquée de la lutte ouverte, classe contre classe. Après les grandes luttes de 1968 les partis unis de gauche opposaient au slogan de l’extrême-gauche barricadière «une seule solution, la révolution!», le sage slogan électoraliste : «une seule solution, le programme commun!». Aujourd’hui la plus du tout «extrême»-gauche s’est convertie à l’électoralisme et ne parle plus de révolution...

 

Les organisations collaborationnistes et réformistes piliers de la stabilité sociale

 

 En acceptant le report de la réforme des retraites comme le demandait particulièrement la CFDT (qui a crié victoire) Lecornu a évité la censure de son gouvernement. Au-delà de cette alliance de fait avec le PS lors de ce vote au parlement, les derniers mois ont montré une nouvelle fois le rôle antiprolétarien de défense de la paix sociale joué par les organisations syndicales collaborationnistes regroupées dans l’Intersyndicale. Comme nous l’avons relevé, cette dernière (que la CFDT avait rejointe), s’est employée à empêcher toute lutte réelle contre le projet de budget de Bayrou, d’abord en y répondant par une pétition, puis en s’opposant à l’appel lancé sur les réseaux sociaux à «bloquer tout» le 10 septembre; et face à l’écho croissant de cet appel, en organisant une traditionnelle journée d’action le 18 pour reprendre le contrôle d’une mobilisation qui risquait de lui échapper. Devant le succès notable de cette journée en nombre de manifestants (500 000 contre 200 000 le 10 de source policière, 1 million contre 250 000 selon la CGT) comme en termes d’arrêts de travail, l’Intersyndicale appelait à une nouvelle journée d’action pour le 2 octobre. Mais sans véritable perspective, la mobilisation était en nette baisse (195 000 manifestants selon la police, «près de» 600 000 selon la CGT) comme le nombre de grévistes.

 L’Intersyndicale ayant réussi à étouffer la mobilisation des prolétaires sans trop de difficultés, il n’était évidemment pas question de relancer le combat. Comme le déclara ingénument Sophie Binet, dirigeante de la CGT : «notre objectif c’est pas de faire tomber Emmanuel Macron, on n’a rien contre lui, on a besoin d’ailleurs d’un président qui préside à l’échelle internationale, au vu de la crise géopolitique (!)» (1). Dans un communiqué cette même CGT critiquait le «chaos constitutionnel» provoqué par la politique de Macron qui «risque de transformer une crise sociale et démocratique en crise de régime» alors que l’extrême droite menace la démocratie, les libertés et les droits sociaux. Conclusion: «il n’y aura pas de stabilité sans justice sociale» (2).

On comprend que ces amoureux de la stabilité et de l’ordre constitutionnel, voient d’un mauvais œil les luttes prolétariennes véritables qui, si elles sont victorieuses, portent des coups à la stabilité sociale et peuvent bien déboucher – horreur! – sur une crise de régime. Les positions antiprolétariennes qui s’expriment sans fard dans ce genre de déclarations ou dans l’acceptation empressée des concertations envisagées par Lecornu sont le résultat inévitable de la nature collaborationniste d’organisations dont les appareils sont intégrés dans le réseau capillaire de la conservation sociale bourgeoise.

Les groupes soi-disant révolutionnaires qui prétendent, comme «Révolution Permanente», les pousser à adopter des «plans de bataille» pour mener les luttes égarent les prolétaires; le remède aux orientations défaitistes de ces organisations ne réside pas dans l’élaboration d’un quelconque plan de bataille, mais dans l’organisation indépendante de classe, en rupture avec les pratiques et les politiques de collaboration de classe.

Face à la servilité des directions syndicales et des socialistes, l’attitude intransigeante de LFI contre Macron peut séduire. A condition de ne pas voir que cette intransigeance ne s’exprime que dans le cadre de la défense de la «démocratie» et du «respect des institutions». En centrant son activité sur le recours aux «formes que notre démocratie parlementaire permet» (3) (motion de censure, motion de destitution de Macron), c’est-à-dire sur une action au parlement, LFI essaye de redonner une crédibilité au système électoral et parlementaire dont nous avons vu qu’il ne servait que l’ordre bourgeois.

Contre les uns comme contre les autres, il n’existe en réalité qu’une seule voie sûre pour les prolétaires face aux attaques que promet Lecornu après Bayou: la reprise de la lutte de classe, non pour défendre les institutions, la stabilité ou l’ordre constitutionnel, mais pour la défense exclusive des intérêts prolétariens. Puisse alors la crise politique se transformer vraiment en crise sociale!

 


 

(1) Déclaration du 28/09/2025, lamontagne.fr

(2) Communiqué du 6/10/2025

(3) https://melenchon.fr/2025/10/06/un-moment-sans-precedent/

 

 

Parti Communiste International

Il comunista - le prolétaire - el proletario - proletarian - programme communiste - el programa comunista - Communist Program

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top