Histoire de la Gauche communiste

(«programme communiste»; N° 105; Février 2019)

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La question du Front Unique (4)

(Les chapitres précédents de cette étude sont parus sur les n°102 et 103 et 104 de cette revue)

 

 

LES «THESES DE ROME» ET LA POLEMIQUE AVEC LA DIRECTION DE L’INTERNATIONALE COMMUNISTE

 

Rédigées par Bordiga et Terracini à la fin de l’année 1921 les «Thèses sur la tactique« deviendront connues sous le nom de Thèses du Rome après leur adoption au second Congrès du PC d’I, qui se tint dans cette ville, dans des conditions de semi-clandestinité, du 20 au 25 mars 1922, après avoir été renvoyé plusieurs fois; mais elles furent d’abord publiées le 31 décembre sur Il Comunista, l’organe central du parti, .puis sur Rassegna Comunista, la revue du parti, le 30 janvier 1922. Ecrites au moment où l’Internationale réalisait son tournant vers la tactique du front unique, elles avaient évidemment pour but, sinon de répondre à ce tournant, du moins d’établir des points de repère fixes sur la question de la tactique, c’est-à-dire de l’activité, du parti. Domaine difficile mais évidemment essentiel puisqu’il détermine l’échec ou la réussite de l’action du parti – dans la stricte limite des conditions objectives –, il est aussi le domaine où les erreurs, dans une certaine mesure inévitable, risquent d’ouvrir la voie aux déviations puis aux dégénérescences les plus dangereuses: toute l’histoire des partis socialistes était là pour le démontrer.

L’historiographie de matrice stalinienne a reproché aux Thèses de Rome d’être fondées sur une prévision de prise du pouvoir à brève échéance. En réalité personne dans le mouvement communiste ne prévoyait la formidable défaite internationale du prolétariat, défaite facilitée par les erreurs du mouvement lui-même, qui donna des décennies supplémentaires de vie au capitalisme; mais il n’empêche que le PC d’I dirigé par la Gauche était peut-être dans l’Internationale celui qui était le moins enclin à se bercer d’illusions sur l’imminence du dénouement révolutionnaire. Et il suffit de lire les Thèses pour s’apercevoir qu’elles ne se basaient pas sur une hypothèse contingente mais entendaient être valables pour toute la période où le parti oeuvre pour préparer la lutte révolutionnaire décisive, qu’elle soit proche ou lointaine.

Les Thèses de Rome entendaient définir la tactique communiste par rapport à deux grands groupes de situations objectives où le parti est appelé à agir sur la base de directives bien précises suivant qu’existent ou non les conditions de l’assaut au pouvoir bourgeois: les Thèses différencient en tactique directe et indirecte les règles d’action du parti dans ces deux situations. Mais elles placent en outre la définition de la tactique dans le cadre plus vaste de la nature organique du parti communiste, de son processus de développement, de ses rapports tant avec la classe (sans lesquels il ne pourrait exister comme parti de la révolution prolétarienne) qu’avec d’autres forces à base et à étiquette «prolétariennes», etc. Cette façon de faire a pour but d’éliminer toutes les conceptions volontaristes, contingentes, empiriques, de l’élaboration des orientations tactiques. Elle n’exclue absolument pas l’analyse des situations et de leurs évolutions, mais elle fournit à cette analyse les instruments nécessaires pour que les directives tactiques puissent donner les meilleurs résultats possibles pour le parti et pour la classe. Ces directives sont donc tout sauf des spéculations abstraites, des constructions a priori dictées par des soucis puristes ou doctrinaires; elles veulent être des anticipations théoriquement fondées et historiquement réalistes de ce qu’il est à chaque fois possible et nécessaire de faire, sans jamais perdre de vue les conséquences des orientations tactiques sur l’organisation du parti, sur sa solidité politique et même sur ses bases programmatiques.

Pour réaliser sa tâche de direction révolutionnaire des masses qui entrent en mouvement sous la poussée de déterminations matérielles, le parti doit avoir maintenu son indépendance absolue par rapport aux forces plus ou moins liées au maintien de l’ordre établi, ce qui ses traits distinctifs, mais surtout s’il a pu les traduire dans une organisation solide et disciplinée.

 Dans le parti en effet tout doit être lié: principes, programme, tactique et organisation, s’il veut pouvoir résister et se diriger avec le maximum d’efficacité au milieu des influences permanentes et multiformes de l’adversaire de classe qui tendent en permanence à la faire dévier de sa route. Rompre ce lien, au motif d’être plus adapté ou plus réactif à la situation contingente du moment, que ce soit sur le plan de l’organisation ou celui de l’activité, de mieux profiter d’une occasion ou de répondre à une situation jugée nouvelle ou imprévue, peut bien être motivé par les meilleures intentions, c’est toujours en définitive une initiative illusoire qui affaiblit le parti en ouvrant une brèche dans son armure: mille exemples le démontrent dans l’histoire du mouvement ouvrier. Les rédacteurs des thèses n’étaient donc pas motivés par des soucis abstraits de purisme ou des préjugés sectaires, mais par des considérations éminemment pratiques, nées de la terrible expérience de la dégénérescence du mouvement socialiste. Ils ne s’imaginaient pas fixer de manière absolue, pour toutes les situations et toutes les périodes, les consignes tactiques afin de s’immuniser des erreurs; mais il s’agissait d’établir un cadre solide à l’intérieur duquel les variations tactiques doivent être envisagées, sur la base d’une analyse correcte des situations. Ou, en reprenant les paroles des Thèses:

«Le Parti et l’Internationale communiste ne peuvent accorder la plus grande liberté et élasticité de tactique aux centres dirigeants et remettre la détermination de celle-ci à leur seul jugement après examen de la situation. Le programme du parti n’a pas le caractère d’un simple but à atteindre par n’importe quel moyen, mais celui d’une perspective historique dans laquelle les voies suivies et les objectifs atteints sont intimement liés (...). Dans les diverses situations, la tactique doit donc être en harmonie avec le programme et, pour cela, les règles tactiques générales pour les situations successives doivent être précisées dans certaines limites, sans doute non rigides, mais toujours plus nettes et moins fluctuantes à mesure que le mouvement se renforce et approche de la victoire finale».

Les Thèses se voulaient expressément une «contribution à la discussion internationale sur la question de la tactique»: elles entendaient fixer à grands traits les principales «éventualités tactiques», non pour la situation italienne de 1922, mais à l’échelle internationale et pour des «phases» qui vont de l’action sous un pouvoir féodal à la dictature du prolétariat. Mais il s’agissait aussi et surtout de fixer clairement les limites à ne pas franchir dans un domaine où dans l’Internationale on commençait à se mettre à chercher des solutions «audacieuses», des «tactiques souples». Dans un article rédigé dans le cadre des discussions en vue du Congrès que nous reproduisons plus loin, Bordiga écrivait: «Il y a des limites tactiques qui sont tracées non par la théorie, mais par la réalité.

Cela est si vrai que sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, nous pouvons prévoir que si l’on continue dans cette voie des oscillations tactiques illimitées et des alliances contingentes avec des partis politiques opposés, on détruira peu à peu le résultat des sanglantes expériences de la lutte des classes vécues par le prolétariat, pour aboutir non pas à des succès sensationnels, mais à l’extinction de l’énergie révolutionnaire du prolétariat. De sorte qu’on risque de voir une nouvelle fois l’opportunisme célébrer ses saturnales sur la défaite de la révolution, dont il décrit déjà les forces comme incertaines, hésitantes et prêtes à s’engager sur le chemin de Damas» (1).

Les Thèses abordent évidemment la question du front unique; elles reprennent nt les positions défendues par le PC d’I en faveur du front unique sur le terrain syndical ou immédiat, en opposition aux orientations de type «gauche allemande» qui préconisaient la formation d’unions révolutionnaires ne regroupant que les prolétaires déjà politiquement en accord avec les positions générales du parti.

Elles traitent aussi en détail la question du rapport avec les partis soi-disant ouvriers ou «subversifs» – affirmant en particulier leur opposition à la constitution de fractions ou groupes à l’intérieur d’autres partis (ce que l’Internationale pratiquait déjà dans le PS italien et que Trotsky 15 ans plus tard préconisera à ses partisans sous le nom d’entrisme); et bien entendu l’attitude à avoir par rapport à un gouvernement «de gauche» ou social-démocrate est longuement abordée. Opposé au «front unique politique», c’est-à-dire à des accords politiques avec les partis réformistes, adversaires résolus non seulement de la révolution prolétarienne mais même de la lutte de classe pour résister à l’attaque bourgeoise, le parti ne peut être qu’encore plus opposé à un gouvernement de ces partis.

Les Thèses reconnaissent sans doute que la constitution d’un gouvernement social-démocrate peut être utile pour le prolétariat; mais c’est dans la mesure où celui-ci a ainsi la possibilité de perdre ses illusions en faisant l’expérience concrète de la «trahison» de ces partis, du caractère anti-prolétarien de leur action politique – et non pas parce qu’un tel gouvernement pourrait objectivement aider son combat et s’opposer à l’offensive bourgeoise. Cette expérience peut donc être utile, mais à la condition que le parti n’ait cessé de dénoncer à l’avance devant les masses prolétariennes les plus larges son inévitable action contre leurs intérêts et en faveur de la défense de l’ordre bourgeois.

Pas question donc de pousser ou d’aider à la constitution d’un tel gouvernement – et à plus forte raison d’y participer– qui ne peut avoir qu’une fonction anti-prolétarienne, comme l’avait démontré l’écrasement de la révolution allemande par le gouvernement social-démocrate! Et au cas où un gouvernement de gauche ou démocratique viendrait à être menacé d’un coup d’Etat et demanderait aux prolétaires de le défendre par les armes, le parti refuserait le moindre «loyalisme» envers le gouvernement et il appellerait à ne pas déposer les armes tant que toutes les forces bourgeoises et leur Etat n’aient pas été renversées.

 

*      *      *

 

Ce que nous venons d’exposer rapidement sur les Thèses de Rome permet de comprendre qu’elles aient reçu un accueil des plus froids auprès de la direction de l’Internationale: elles se mettaient en effet en travers du tournant tactique en train d’être effectué. Il fut confié à Trotsky et à Radek la tâche de rédiger un texte de critique, qui aurait dû être prêt et discuté avec la délégation italienne (Terracini, etc.) au premier Exécutif Elargi; de février 1922.

Ce ne fut pas le cas et le texte, rédigé par le seul Radek sous le titre de «Contribution au projet de programme du Parti Communiste Italien», n’arriva en Italie qu’en avril, c’est-à-dire après le Congrès de Rome (2).

On y trouve pour la première fois dans un texte officiel la revendication du gouvernement ouvrier, qui n’avait pas été endossée lors de l’Exécutif Elargi; et même plus précisément un appel au parti pour qu’il lutte pour la dissolution de la Chambre afin que puisse se constituer ce gouvernement ouvrier; pour qu’il forme un «bloc» (c’est ainsi qu’on appelait alors les alliances électorales) avec le PS sur la base d’un «programme minimum» de revendications à réaliser par ce gouvernement; pour le soutien à ce gouvernement «aussi longtemps qu’il représentera les intérêts de la classe ouvrière»!

On comprend que ce texte ait suscité quelques hésitations au sein de l’Exécutif de l’Internationale (3): affirmer qu’un gouvernement social démocrate pouvait représenter, même de façon temporaire et hésitante, les intérêts de la classe ouvrière, et qu’il fallait appuyer la formation d’un tel gouvernement par voie parlementaire en envisageant même d’y participer, ce n’était pas aider les masses à se débarrasser de leurs illusions envers le Parti Socialiste et le système démocratique bourgeois, mais les renforcer au contraire!

Des positions similaires à celle du texte de Radek furent émises lors des discussions du Congrès par le délégué allemand: ce n’est pas un hasard, nous avons souvent expliqué que l’origine des tournants tactiques les plus discutables se trouvait dans l’action des communistes de ce pays. Böttcher soutint donc dans les discussions en commission et dans son discours devant le Congrès le front unique politique allant jusqu’à la perspective d’un «gouvernement ouvrier» social-démocrate comme étant un «gouvernement anti-bourgeois» qu’il faudrait appuyer au parlement, et même la perspective d’une coalition ministérielle avec le parti socialiste– tout en affirmant que cela ne signifiait pas transiger sur l’indépendance du parti (4)! Bordiga répliqua durement dans son rapport; à propos du Front Unique:

«Si, sur le plan politique, nous nous refusons à serrer la main des Noske et des Scheidemann (5), ce n’est pas parce que ces mains sont souillées du sang de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, mais parce que nous savons bien que si, dans l’immédiat après-guerre, les communistes avaient refusé de serrer ces mains-là, le mouvement révolutionnaire du prolétariat aurait très probablement déjà vaincu».

Et sur la question du gouvernement ouvrier proprement dit:

«Nous demandons à nos contradicteurs s’ils veulent une alliance avec les sociaux démocrates pour qu’ils fassent ce qu’ils savent, peuvent et veulent faire, ou pour leur demander de faire ce qu’ils ne savent, ne peuvent, ni ne veulent faire? (...)

Nous voulons savoir si l’on prétend que nous disions aux sociaux démocrates que nous sommes prêts à collaborer avec eux y compris au parlement, y compris dans un gouvernement qu’on a baptisé ouvrier. Si c’est cela qu’on nous demande, c’est-à-dire si l’on nous demande d’élaborer au nom du PC un projet de gouvernement où devraient participer exclusivement communistes et socialistes, si l’on nous demande de présenter aux masses ce gouvernement comme un “gouvernement anti-bourgeois”, si c’est cela qu’on nous demande, alors nous répondrons, en prenant l’entière responsabilité de notre réponse, qu’une telle attitude s’oppose clairement à tous les principes fondamentaux du communisme. Accepter cette formule politique, signifierait en effet tout simplement déchirer notre drapeau sur lequel est écrit: il n’existe pas de gouvernement prolétarien en dehors de celui qui ne soit constitué sur la base de la victoire révolutionnaire du prolétariat» (6).

Böttcher – pas plus que les dirigeants de l’Internationale – n’entendirent cet avertissement; l’année suivante, en octobre 1923, il deviendra ministre de l’économie du gouvernement régional de Saxe, gouvernement formé par une coalition entre le PC et les Sociaux Démocrates, et officiellement appelé «de défense républicaine et prolétarienne». Les communistes demanderont aux sociaux démocrates de faire ce qu’ils ne savent pas, ne peuvent pas ni ne veulent pas faire: résister y compris en appelant à la grève générale à l’armée qui se mobilisait pour renverser ce gouvernement. Les sociaux démocrates (tendance «de gauche», pourtant!) se défileront, les ministres communistes, dont Böttcher, furent destitués manu militari: 15 jours après sa formation le «gouvernement ouvrier» était dissous par l’armée et un nouveau gouvernement social démocrate sans communistes était constitué conformément à l’ultimatum des chefs militaires, sans que ces événements aient donné le signal de la révolution, comme se l’imaginait le PC Allemand. Avoir à nouveau «serré la main» aux sociaux démocrates avait ruiné les possibilités révolutionnaires

L’Exécutif de l’Internationale Communiste avait fixé dans sa session du mars à ses envoyés au Congrès, le Suisse Humbert-Droz et le Bulgare Kolarov (7) comme instructions de défendre les nouvelles orientations décidées à Moscou et de faire en sorte que les Thèses sur la tactique ne soient pas définitivement adoptées, la décision devant revenir à une discussion ultérieure avec la direction italienne. Mais l’accueil fait à Rome aux positions des délégués de Moscou fut des plus hostiles.

Dans leur rapport officiel à l’Internationale, ils ne pouvaient qu’écrire à ce sujet à la suite des discussions en commissions avec les dirigeants du parti:

«Nous nous sommes heurtés sur la question du front unique à une opposition plus tenace et plus irréductible que celle que nous avions trouvée à Moscou [lors de l’Exécutif Elargi -NdlR] chez les représentants du Parti Communiste d’Italie» Après une déclaration de Terraccini confirmant que le texte de l’Exécutif n’était pas prêt lorsqu’il avait quitté Moscou mais que dans les discussions qui avaient suivi les séances de l’Exécutif Elargi, il avait été décidé que le Congrès vote les Thèses de manière à fixer sa pensée et à préparer un matériel qui serait soumis au IVe Congrès, «nous ne pouvions plus nous opposer au vote consultatif du parti sur les Thèses proposées par son Comité exécutif. Nous nous sommes mis d’accord avec la direction pour qu’une déclaration dans ce sens soit votée par le Congrès (...)» (8). S’il était hors de question pour les dirigeants du parti de violer la discipline de l’Internationale, ils étaient tout aussi résolument opposés à abandonner leurs positions. Tout en illustrant l’esprit de discipline des dirigeants du parti , le rapport montre que les divergences n’étaient pas alors considérées par les délégués de l’Exécutif comme étant d’une gravité particulière:

«Etant donné le conflit surgissant entre le Parti communiste d’Italie et l’Internationale communiste [les camarades du Comité Exécutif du Parti] se demandaient s’il était utile et nécessaire de remplacer la direction du parti et d’y nommer des camarades différents (...). Les trois questions nous ont été posées:

 

1. L’Exécutif de l’Internationale communiste désire-t-il la démission du comité actuel et son remplacement par une direction différente? (...). Nous avons répondu catégoriquement que l’Exécutif de l’Internationale Communiste n’avait jamais réclamé la démission de la direction actuelle et qu’il n’y songeait nullement. Nous avons déclaré que l’Exécutif n’avait pas toujours été d’accord avec la direction du Parti communiste d’Italie, en particulier dans la question des Arditi del popolo, qu’il considérait sa politique comme empreinte parfois de maladie infantile et d’un caractère trop abstrait et trop théorique, mais qu’il n’avait jamais cessé d’avoir confiance dans les camarades de la direction actuelle et qu’il les croyait susceptibles de modifier leur tactique pour lui donner plus d’élasticité et pour les mettre en accord avec la tactique générale de l’Internationale.

2. Au cas où dans la discussion du Congrès une forte minorité se prononçait contre les Thèses italiennes, la direction actuelle doit-elle démissionner pour permettre la formation d’une direction nouvelle de minorité, mais qui aurait l’avantage d’être en accord avec l’Internationale communiste?

 Nous avons été d’accord pour répondre à cette seconde question que le caractère du conflit entre l’exécutif et le Parti italien n’était pas d’une telle gravité qu’il nécessite la formation d’une direction de minorité en accord avec l’Internationale Communiste, mais que la direction nouvelle qui serait nommée par la majorité du Congrès devait prendre la responsabilité du parti et appliquer éventuellement les directives tactiques que donnerait l’Internationale communiste. Encore une fois nous avons affirmé que l’Exécutif de l’Internationale communiste avait assez de confiance dans l’esprit de discipline de la direction actuelle pour l’application de ses décisions.

3. L’Exécutif de l’Internationale communiste a-t-il préparé pour l’Italie un plan de tactique nouvelle et, dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux remplacer la direction actuelle pour permettre à la nouvelle direction plus de liberté de mouvement pour appliquer une tactique en opposition à la tactique précédente du Parti communiste d’Italie?

Nous avons répondu que l’Exécutif de l’Internationale communiste n’avait pas élaboré un plan détaillé de tactique pour le Parti communiste d’Italie, mais que ce plan devait être fixé par une discussion et un accord entre l’exécutif de l’Internationale communiste et la direction à laquelle le Parti communiste d’Italie donnerait sa confiance. D’autre part, nous avons affirmé que nous considérons la tactique du front unique politique n’était pas en opposition avec la tactique jusqu’ici pratiquée par le Parti communiste d’Italie, mais comme une extension au domaine politique de la tactique pratiquée déjà par le parti. Dans ces conditions nous ne jugions pas nécessaire la formation d’une direction nouvelle».

 

Le rapport indique ensuite que les positions de l’Internationale ne furent défendues que par deux orateurs, Presutti et Bombacci (9), «sans beaucoup de perspicacité». Mais «un autre courant d’opposition [beaucoup plus sérieux et profond dans ses arguments et sa pensée] qui critiquait la rigidité de la tactique et des thèses du Parti communiste d’Italie et admettait la possibilité d’une application en Italie de la tactique du front unique sur le terrain politique avec certaines réserves relatives à la situation spéciale de l’Italie était représenté par les camarades Graziadei et Tasca».

En fait Tasca n’était pas encore à ce moment sur les positions du Comité Exécutif de l’Internationale (il n’y arrivera que plus tard au cours de l’année); il était d’avis que dans la confuse situation politique italienne le front unique politique serait plus un élément de confusion que de clarté; il se prononçait donc pour un approfondissement du front unique syndical; son désaccord portait sur le fait qu’il y avait encore selon lui «des éléments utilement assimilables» dans le PS derrière lesquelles se trouvaient de larges masses encore plus indécises et plus désorientées (10).

Même si dans les années qui suivirent ils combattirent les Thèses, les autres militants de premier plan issus de l’ordinovisme turinois firent corps avec la majorité du parti. Par exemple plus tard, lorsqu’il fut à la tête du parti, Gramsci attribua au «schématisme doctrinaire» de la Gauche l’appréciation, contenue dans le chapitre final sur la situation en Italie, selon laquelle les secteurs dominants de la bourgeoisie préféraient à la venue au pouvoir du fascisme, le maintien de la façade démocratique et la mise en place d’un gouvernement de gauche pour duper le prolétariat.

En réalité non seulement il n’avait manifesté aucune réserve lors du Congrès de Rome sur ce point (comme sur les autres), mais il avait même publié le 13 février sur L’Ordine Nuovo un article intitulé «Le processus de la crise» où il pronostiquait que la chute du gouvernement Bonomi alors encore en place, allait «conduire à un changement des bases de l’Etat [sic!], c’est-à-dire au remplacement du vieil organisme par un Etat social démocrate» (11).

L’Internationale non plus ne souleva pas d’objection aux prévisions du PC d’I sur ce point, tant la perspective de la formation d’un gouvernement social démocrate semblait probable, les discussions et polémiques tournant sur l’attitude à avoir par rapport cette éventualité. Mais d’autre part, tout en la jugeant moins probable le parti envisageait explicitement l’hypothèse d’un coup de force militaire et il affirmait commencer à s’y préparer.

Finalement les Thèses sur la tactique furent approuvées par 31089 voix contre 4150 à la motion Graziadei qui envisageait l’extension de la formule du front unique aux partis politiques et à laquelle s’était rallié Presutti, et 707 abstentions (il y eut aussi 2165 absents).

Le 28 mars, trois jours après la clôture du Congrès et après la mise en place du nouveau Comité central (substantiellement identique au précédent) les quotidiens du parti publièrent un communiqué intitulé «La nouvelle Centrale à tous les camarades». Il y était dit: «Les modalités de l’application en Italie de la tactique du front unique renvoyées, comme pour les autres pays, à une discussion entre le Parti et la Centrale internationale n’ont pas encore été définies. [C’est la raison pour laquelle] sans le moins du monde heurter les décisions de l’Exécutif élargi ni préjuger des futures décisions de l’Internationale, le Parti italien poursuit la ligne d’action suivie jusqu’ici. Toutes les décisions tactiques de la Centrale précédente restent donc pleinement en vigueur pour tous les organes de notre parti, qui concentre son activité dans la campagne pour la réalisation effective du front unique et pour une orientation révolutionnaire de l’Alliance du Travail (...)».

Après l’échec des tentatives de constitution d’un gouvernement avec participation du PSI, un gouvernement bourgeois libéral avait été institué fin février grâce à l’abstentions des députés socialistes. Au mois de mai l’offensive des bandes fascistes reprend; le premier mai elles occupent pendant 2 jours la ville de Ferrare; situé en Emilie Romagne (dans le delta du Pô), cette ville alors de plus de 160 000 habitants dont la mairie est socialiste, est au coeur d’une région agricole marquée par les luttes des journaliers contre les grands propriétaires. Les Fascistes profitent de leur occupation pour attaquer les locaux syndicaux et les sièges des Ligues agricoles (organes de défense des travailleurs agricoles). Entre le 27 mai et le premier juin ils s’emparent pratiquement de Bologne (où en 1920 déjà des affrontements organisés par eux lors de l’entrée en fonction du maire socialiste avaient fait 10 morts parmi les militants socialistes); ils ne quitteront la ville qu’après que le préfet ait accepté de suspendre un décret qu’il avait pris interdisant le déplacement des Fascistes d’une province à l’autre. A l’occasion des événements de Bologne, le PC d’I lance un manifeste intitulé: «Prolétaires! Organisez le Front Unique et l’action générale pour la défense et la contre-attaque contre l’ennemi commun!»

Citons cet appel qui montre comment le parti entendait la lutte contre les Fascistes et des capitalistes:

«Travailleurs, ouvriers et paysans d’Italie!

La réaction s’attaque avec une violence redoublée à vos positions et à vos organisations que votre ténacité et votre résistance ont maintenu sur pied grâce à des mois de lutte trouble et désespérée. Les ouvriers de Bologne, les fermiers et les ouvriers agricoles de sa région sont une fois de plus les premiers à résister à l’attaque adverse. On veut détruire les organisations qu’ils ont créées et péniblement défendues, on veut effacer jusqu’au souvenir des conquêtes et des droits du prolétariat.

Le matraquage, les blessures, l’assassinat, l’incendie, le saccage, la terreur se répandent dans des provinces entières: telles sont les armes employées contre le malheureux et héroïque prolétariat bolognais. Mais de Bologne, la vague de la guerre anti-prolétarienne ouverte se prépare à envahir d’autres provinces. On veut faire tomber une à une toutes les positions qui résistent encore et qui représentent pour vous une possibilité et une espérance de contre-attaque. En même temps les industriels lancent l’attaque contre les métallurgistes pour les soumettre une fois de plus par la force à leur volonté, s’imaginant pouvoir annuler les accords et les pactes garantissant les conquêtes des autres catégories ouvrières une fois qu’ils seront venus à bout de l’avant-garde des métallurgistes.

Ouvriers et paysans!

Vos camarades, vos frères de Bologne, demandent votre aide! Vous savez que la lutte de Bologne vous concerne tous. Il faut stopper, dès le début, l’offensive de l’ennemi commun, il faut organiser contre elle une action générale en appelant à la rescousse toutes les catégories du prolétariat d’Italie. Il ne faut pas permettre à l’ennemi de démanteler une à une les positions défensives du prolétariat, pendant que les masses ouvrières assistent avec une rage impuissante au spectacle. Vous serez encore les plus forts si, à l’offensive des groupes armés et des industriels, vous savez opposer vos forces unies en un seul faisceau et organisées dans un Front unique de contre-attaque prolétarienne. Le Front unique de la défense et de la contre-attaque doit devenir une réalité! C’est ce que vous devez exiger des chefs des organisations syndicales dans lesquelles se rassemble toute la force de la classe travailleuse; c’est ce que vous devez exiger de l’Alliance qui s’est constituée précisément dans le but de préparer et de diriger la lutte pour la défense et la revanche. L’ennemi concentre toutes ses forces sur un point du front prolétarien pour l’enfoncer et écraser tout le reste de l’armée prolétarienne: il faut donc répondre à l’attaque par une action générale. Les hésitations, les doutes, les manoeuvres dilatoires de type parlementaire ne profitent qu’à l’ennemi. L’ennemi ne peut être arrêté qu’en lançant contre lui tout le poids de la masse ouvrière décidée à la lutte.

Travailleurs, ouvriers et paysans d’Italie!

Faites sentir aux organismes qui se sont attribués la charge de vous diriger que telle est votre volonté. Dans vos assemblées, dans vos réunions, dans vos meetings, mettez les chefs face à cette responsabilité et exigez d’eux que l’Alliance du Travail remplisse sa mission.

Ne permettez pas qu’une fois de plus l’attaque ennemie se développe grâce à votre inertie et votre dispersion. Signez entre vous un pacte nouveau d’alliance pour la lutte suprême; faites que surgisse de la base et s’impose irrésistiblement le front unique de toutes vos volontés et de toutes vos énergies. Ce mot d’ordre vous est donné par le P.C. d’Italie qui est prêt à lutter au premier rang parmi vous avec toutes ses forces.

Vive la solidarité avec le prolétariat bolognais et avec les métallurgistes, avant-garde de tous les ouvriers et de tous les paysans d’Italie! Vive l’action générale pour la contre-attaque du prolétariat des campagnes et des usines! Vive le front unique d’action et de lutte de toute la classe ouvrière!» (12).

Nous avons parlé dans le n° précédent de cette revue du prétendu tournant des chefs syndicaux de l’Alliance du Travail vers une action insurrectionnelle à la suite de la recrudescence des attaques fascistes, et de la réunion organisée les 20 et 21 mai à Rome en vue de préparer une telle action, au cours de laquelle les représentants du PC d’I furent les seuls à avoir une position sérieuse: on ne joue pas à l’insurrection. La sincérité de la conversion des dirigeants de l’AdT à une politique insurrectionnelle fut révélée à peine trois jours plus tard lorsqu’ils appelèrent à la demande du gouvernement à cesser la grève générale déclenchée dans la capitale en réponse à une incursion fasciste, avec le prétexte de la présence, soi-disant, de «provocateurs»! En tous lieux et en tout temps, les réformistes dénoncent toujours comme «provocateurs» les révolutionnaires et les prolétaires combatifs, alors que ce sont eux, les véritables provocateurs – les provocateurs à la servitude!

 

L’EXECUTIF ELARGI DE JUIN 1922

 

Il avait été décidé lors des discussions avec les délégués de l’Internationale au Congrès de Rome que la délégation italienne à l’Exécutif élargi comprendrait Bordiga comme représentant de la majorité du Congrès et Graziadei comme celui de la minorité.

Les procès-verbaux des séances de cet Exécutif n’ont pas été publiés à notre connaissance, à part ceux consacrés au parti français qui le furent partiellement à l’époque sur le Bulletin Communiste (13). Les thèmes principaux de cet Exécutif furent le bilan de la Conférence des trois Internationales (14), le procès des Socialistes-Révolutionnaires russes, les différends avec le parti italien et la question du parti français, toujours en état de crise permanente.

A la veille de cet Exécutif, Humbert-Droz, en tant que représentant de l’Internationale auprès du parti français envoyait un rapport interne au CEIC sur l’état ce parti, dans un pays qui était bien loin de connaître une situation politique et sociale aussi tendue qu’en Italie ou en Allemagne. Après avoir passé en revue les différents courants qui tiraillaient le parti, il écrivait: «(...) Des bruits très alarmants [sic!] circulent d’après lesquels l’Exécutif serait décidé à provoquer une nouvelle scission du parti français. On parle dans la fraction Treint [la tendance de gauche, minoritaire – NdlR] d’un Livorno français et de la nécessité d’une nouvelle scission [c’est-à-dire d’une scission de la gauche, sur le modèle italien de la scission à Livourne l’année précédente– NdlR]. (...) Je considère que dans l’état actuel du parti, une tactique pareille serait une grosse faute (...) Nous serions loin d’avoir en France les forces que nous avions en Italie après Livorno pour organiser le parti communiste» (15). La perspective d’un Livourne français était ressentie comme un espoir par nombre de militants de gauche aspirant à sortir de la confusion (et comme une menace pour les courants à l’aise dans cette confusion ambiante). Le problème est qu’il n’existait aucun courant de gauche suffisamment solide politiquement et programmatiquement pour jouer le rôle de la Gauche communiste en Italie dans la préparation et la constitution du nouveau parti.

Alors qu’il avait bataillé deux mois avant à Rome pour tenter de convaincre les dirigeants du PC d’I des bienfaits de la tactique du Front unique politique, Humbert-Droz ne pouvait que prévenir maintenant dans son rapport le CEIC des inconvénients de celle-ci, en particulier le risque qu’elle mène à des alliances électorales avec les Socialistes et les partis bourgeois de gauche (ce qui une quinzaine d’années plus tard se parera du nom de «front populaire»):

«Il ne faut pas oublier que si le front unique est défendu par le groupe de camarades qui s’efforcent d’appliquer à la France les directives de l’Internationale, il est aussi accepté par toute la droite du parti qui l’interprète comme un acheminent vers l’unité rompue à Tours à leur grand regret et qui le réalise sous la forme électorale du bloc des gauches. Il n’y a pas de doutes que ce courant de droite favorable au front unique est plus fort que le courant de gauche également favorable et c’est pourquoi il y a grand danger à se compter sur la question du front unique. Pour comprendre une telle déformation de notre pensée, il faut tenir compte de la situation générale, politique et économique de la France actuelle: la question politique [qui] est au premier plan, même des préoccupations de la classe ouvrière, c’est la lutte contre la réaction de Poincaré et du bloc national. Le bloc des gauches, qui serait capable aux prochaines élections de balayer la chambre du bloc national, répond donc à une situation politique actuelle, tandis que le front unique économique des organisations prolétariennes ne répond pas à une situation aussi actuelle et aussi urgente. Il n’y a pas de doute que si le parti ne met pas toute son énergie à combattre le bloc des gauches, les fédérations y seront entraînées aux prochaines élections générales. Il faut que le parti lance des mots d’ordre positifs qui rallieront le prolétariat pour la lutte de classe s’il eut évité la cuisine électorale de ses organisations avec celles des bourgeois dits de gauche. (...)

Cette situation est grave et il est certain que l’application du front unique sur le terrain électoral ne pourrait se faire sans danger que lorsque le parti serait stabilisé, aurait clairement expliqué ce qu’est notre tactique et aurait impitoyablement condamné [ceux] qui l’interprètent à la manière des éléments de droite. Dans l’état de confusion où est le parti, l’application du front unique est un danger réel».

En réalité ce que Humbert-Droz décrivait là, ce n’étaient pas des dangers inhérents à la situation particulièrement confuse du parti français, encore tout imprégné de l’opportunisme social-démocrate qui avait caractérisé le parti socialiste; c’était les dangers inhérents à cette tactique elle-même pour les partis communistes qui venaient à peine de se constituer par une scission d’avec les vieux partis sombrés dans la collaboration des classes et passés, ouvertement ou non, du côté bourgeois; ils devaient donc encore se libérer du poids des vieilles habitudes héritées du réformisme, de l’adaptation à la légalité démocratique, mais aussi convaincre les larges masses ouvrières non seulement du bienfondé de la scission, mais de la différence de nature qui devait distinguer les partis communistes dans leur politique de tous les partis intégrés au système politique bourgeois. L’appel à l’unité d’action avec ces partis dont on condamnait l’action de sabotage des luttes ou leur trahison des intérêts ouvriers avec leur ralliement ouvert à l’ordre bourgeois, ne pouvait être compris par les larges masses que comme une volte-face des communistes; c’était en tout cas contradictoire avec les efforts, trop souvent encore insuffisants, pour donner aux jeunes partis communistes une physionomie et une action radicalement différentes de celles cultivées par les vieux partis sombrés dans la collaboration des classes.

C’était encore plus vrai quand l’Internationale en Italie, s’imaginant pouvoir accroître rapidement les effectifs du Parti Communiste voulait imposer une fusion de celui-ci avec le Parti Socialiste, deux ans à peine après la scission de Livourne qui avait conduit à la formation du nouveau parti. Il serait fastidieux de relater les tentatives, toujours vaines, de l’Internationale qui prenait pour argent comptant les déclarations des dirigeants socialistes appartenant à la majorité «centriste», dite «maximaliste» du PSI. Ces derniers avaient préféré à Livourne rester unis aux réformistes en se séparant des communistes et s’opposer aux 21 «conditions d’adhésion» à l’Internationale; ils se déclaraient cependant régulièrement en parfait accord avec celle-ci et demandaient leur adhésion, pour s’y opposer ensuite, incriminant l’attitude des communistes.

( A Suivre )

 


 

(1) «La tâche de notre parti», Il Comunista, 21/3/1923.

(2) Nous le reproduisons plus loin.

(3) Si le texte fut publié sur l’Internationale Communiste, organe du CEIC, il semble bien qu’il n’ait pas rencontré l’assentiment unanime de l’Exécutif de l’Internationale: voir la précision de Bordiga à ce sujet dans une lettre publiée sur Stato Operaio, que nous publions plus loin.

(4) cf «Défense de la continuité du programme communiste», Textes du PC International n°7, p. 62-63. Paul Böttcher, député et membre de la direction du parti allemand, était rédacteur en chef de son quotidien central Die Rote Fahne.

(5) Il s’agissait de dirigeants sociaux démocrates allemands qui avaient été des responsables de l’écrasement de la révolution allemande en 1918-1919. Noske, Ministre des Armées qui avait déclaré «s’il faut un chient sanglant, je serai celui-là» organisa la répression des prolétaires insurgés. Scheidemmann fut chancelier en 1919 après avoir été membre du gouvernement provisoire constitué en 1918 pour défendre le système capitaliste en Allemagne contre les menaces de révolution.

(6) Compte-rendu sténographique sur Il Comunista, 26/3/1922. cf «Storia della Sinistra Comunista», vol IV, Ed. Il Programma Comunista 1997 p. 448.

(7) Kolarov avait été militant du Parti Social Démocrate Ouvrier Bulgare dit «étroit» en raison de sa fidélité aux principes de classe, en opposition aux sociaux démocrates opportunistes dits «larges». L’un des principaux organisateurs de l’infortunée insurrection déclenchée dans ce pays sous la pression de l’Internationale en septembre 1923, il échappera à la répression sanglante du gouvernement contre les communistes. Par la suite il fera carrière dans l’appareil stalinien et signera le texte de dissolution de l’Internationale Communiste en 1943. Il occupera ensuite différents postes officiels de la République Populaire de Bulgarie, dont il sera premier ministre en 1949.

(8) cf «Rapport des camarades V. Kolarov et J. Humbert-Droz au C.E. de l’Internationale Communiste sur le Congrès du Parti Communiste italien. 26 mars 1922» in «Archives de Jules Humbert-Droz. 1. Origine et débuts des partis communistes des pays latins. 1919-1923», D. Reidel Publishing Company, 1970. p.147-159. La motion lue par Bordiga au début de son rapport et votée par acclamation par le Congrès déclarait que les Thèses qu’on allait discuter auraient «la valeur d’une formulation de la pensée du Parti italien en matière de tactique, qui ne peut en aucune façon préjuger de la discipline internationale».

(9) Nicola Bombacci, «un pur confusionniste» selon Togliatti, fut exclu du parti en 1923 pour avoir envisagé à la Chambre des députés un rapprochement avec les Fascistes; mais il fut réintégré en 1924 par décision de l’Internationale, avant d’être définitivement exclu en 1927. Il collabora ouvertement avec les Fascistes au début des années trente et fut fusillé par la Résistance en avril 45 avec Mussolini et une poignée de ses partisans qui tentaient de s’enfuir en Suisse.

(10) cf Storia..., op. cit., p.422.

(11) Article cité dans Paolo Spriano, «Storia del partito comunista italiano. 1 Da Bordiga a Gramsci», Einaudi 1967, p. 182.

(12) cf «Fascisme, antifascisme et lutte prolétarienne», brochure Le Prolétaire n°25, p. 23-24. Après les massacres et la répression du premier mai, tant par les Fascistes que par les forces de l’ordre démocratique, le PC d’I avait demandé – sans succès – que les syndicats associés dans l’ Alliance du Travail appellent immédiatement à une grève générale de protestation.

(13) cf Bulletin Communiste n°28, 29, 33, 34, 35, 36, 37. Cet hebdomadaire était alors un organe du PC, après avoir été l’organe du Comité de la Troisième Internationale. Le lecteur peut consulter et télécharger ces n° sur le site de la bibliothèque numérique du Cermtri: http://www. bibnumcermtri. fr/ spip.php?rubrique13

(14) Voir à propos de cet épisode le n° précédent de la revue.

(15) Rapport du 30/5/1922. cf «Mémoires de Jules Humbert-Droz. De Lénine à Staline. 1921-1931», Ed. de La Baconnière, Neuchâtel 1971, p. 79

 

 

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