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Guerre russo-ukrainienne

La guerre russo-ukrainienne de son déclenchement à la «contre-offensive» de Kiev

 ( Brochure «le prolétaire», Mai 2024 , format A4, 80 pages, Prix : 6  € ) - pdf

 


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Table des matières :

 

Introduction

Aux prolétaires russes et ukrainiens (“Le prolétaire”, N° 548, Mars-Avril-Mai 2023)

Quelques points sur la situation historique qui a produit la guerre russo-ukrainienne (“Il comunista”, No 172, Marzo 2022)

Contre la guerre impérialiste russo-ukrainienne, la riposte ne peut être donnée que par le prolétariat de Russie, d’Ukraine et d’Europe par sa lutte de classe, contre le poison belliciste des bourgeoisies respectives et de leurs intérêts nationaux, et contre l’opium pacifiste (“Le prolétaire”, N° 552,  Mars-Avril-Mai 2024)

Guerre russo-ukrainienne. Ce sont les plans de guerre, et non de « paix », qui sont au centre des intérêts de l’impérialisme mondial, toujours plus plongé dans des conflits que seule la guerre peut résoudre (“Il comunista”, No 178, Giugno-Agosto 2023)

L’Ukraine, Corée du XXIe siècle ? (“Le prolétaire”, N° 547, Déc. 2022 / Janv.-Févr. 2023)

Ukraine. Une guerre qui continue de préparer le terrain pour de futures guerres en Europe et dans le monde (“Programme comuniste”, N°107, Mars 2024)

Prolétariat et guerre impérialiste. Pour le prolétariat de Russie et d’Ukraine, d’Europe et des Amériques, de Chine, du Japon et de tout l’Orient, d’Australie et d’Afrique, pour le prolétariat du monde entier, une seule position contre la guerre impérialiste : Lutte de classe, avant tout contre sa propre bourgeoisie,     et lutte de classe contre les bourgeoisies de tous les autres pays. Voilà ce que signifie précisément Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! (“Le prolétaire”, N° 545, Juillet-Août 2022)

Guerre russo-ukrainienne : Par les armes, l’impérialisme exaspère le nationalisme de chaque pays (“Le prolétaire”, N° 546, Sept.-Oct.-Nov. 2022 et N° 547, Déc. 2022 - Janv.-Févr. 2023)

Dans son affrontement avec l’impérialisme américain et les impérialismes européens, l’impérialisme russe lance ses troupes à la reconquête territoriale de zones stratégiques de l’Ukraine : après la Crimée, le Donbass, puis Odessa ? (“Le prolétaire”, N° 543, Déc. 2021 / Janv.-Févr. 2022)

Non à la mobilisation impérialiste autour de la guerre en Ukraine ! (“Le prolétaire”, N° 543, Déc. 2021 / Janv.-Févr.2022)

Tensions à la frontière ukrainienne : seul le prolétariat peut mettre fin aux affrontements impérialistes (“Le prolétaire”, N° 543, Déc. 2021 / Janv.-Févr. 2022)

Vents de guerre en Europe (“Le prolétaire”, N° 542, Sept.- Oct.-Nov. 2021)

 

Annexes :

A propos de la guerre en Ukraine. L’internationalisme prolétarien et le défaitisme révolutionnaire dans la tradition marxiste (“Le prolétaire”, N° 549, Juin-Juillet-Août 2023)

Guerre en Ukraine. La «Tendance Claire» dans le sombre bourbier de la défense nationale et de la realpolitik (“Le prolétaire”, N° 550, Sept.-Nov. 2023)

Brèves sur la guerre en Ukraine (“Le prolétaire”, N° 546, Sept.-Oct.-Nov. 2022)

Ukraine: Contre le nationalisme, pour l’union  prolétarienne de classe! (“Le prolétaire”, N° 510, Déc. 2013 / Janv.-Mars 2014)

Paix sociale et guerre impérialiste (Extraits) (“Programme communiste”, N° 11, Avril-Juin 1960)

 

 

 

Introduction 

 

 

Avec la publication de cette première brochure, nous voulons donner aux camarades et aux lecteurs une première anthologie des documents que nous avons publiés depuis le début de la guerre russo-ukrainienne (février 2022) jusqu’en décembre 2023. Ces documents ont été publiés à la fois dans les journaux et revues du parti et dans les prises de position publiées sur https://www.pcint.org.

Nous les avons sous-titrés : « La guerra russo-ukrainienne de son déclenchement à la «contre-offensive» de Kiev » parce que la soi-disant « opération militaire spéciale » de Moscou, qui, selon les hypothèses des stratèges russes, devait rapidement se terminer avec pour résultat la prise à l’Ukraine non seulement de la Crimée, mais aussi des provinces de Donetsk et de Louhansk dans le Donbass, s’est en réalité prolongée et se transforme en une longue guerre de tranchées.

Du 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, à décembre 2023, 22 mois se sont écoulés. Au cours de ces 675 jours de guerre, rien de ce que prétendaient les deux parties belligérantes ne s’est réalisé : à ce jour, ni la Russie n’a réussi à plier définitivement l’Ukraine à ses propres objectifs, ni l’Ukraine n’a réussi à défendre sa souveraineté territoriale tant vantée et à repousser la Russie au-delà de ses anciennes frontières. À un moment donné, il a semblé que la Russie pourrait aller jusqu’à Odessa et au-delà, mettant Kiev à genoux et la forçant à accepter la perte d’une bonne partie de son territoire. Puis, la réaction ukrainienne, soutenue par l’ensemble du monde occidental en termes d’armement, de financement et de renseignement, a bloqué et en partie repoussé l’avancée des troupes russes, au point d’encourager Kiev à préparer une contre-offensive avec laquelle elle visait à reprendre le contrôle de l’ensemble du Donbass et même de la Crimée. La situation réelle montre qu’il ne s’agissait que de pieuses intentions et de paroles de propagande destinées à maintenir le moral des troupes ukrainiennes à un niveau élevé. Les deux armées, avec l’arrivée de l’automne et de l’hiver, sont enlisées dans une guerre de tranchées qui, à certains égards, rappelle la Première Guerre mondiale. Le carnage se poursuit exactement comme lors de cette guerre.

D’après ce que l’on peut observer sur le terrain et d’après les intentions réelles des deux belligérants, cette guerre a toutes les caractéristiques d’une guerre longue, épuisante et dévastatrice. C’est une guerre dans laquelle les impérialismes occidentaux, guidés par le duo anglo-américain, attaquent l’impérialisme russe avec leurs propres armements, mais avec les soldats ukrainiens. Pour sa part, l’Union européenne a pleinement partagé, du moins au début, le dessein américain d’isoler la Russie, en affaiblissant considérablement son influence économico-politique, soutenue par les accords économiques sur les matières premières dont l’industrie européenne a absolument besoin, le gaz naturel et le pétrole avant tout. Ce projet prévoyait évidemment que l’Europe, en particulier l’Allemagne et l’Italie, qui dépendaient fortement des livraisons de gaz et de pétrole russes, couperait ses liens avec la Russie et se tournerait vers d’autres fournisseurs, les États-Unis tout d’abord. Ce plan a en partie abouti, grâce aux sanctions délibérées contre les livraisons de marchandises russes et au gel des capitaux russes déposés dans les banques étrangères, mais en partie seulement. La Russie n’a plié ni devant les sanctions mises en œuvre par l’Union européenne, qui ont au contraire eu un effet boomerang sur les économies des pays européens, ni devant la tentative de l’isoler dans le cadre des relations internationales. La Chine, d’abord, puis les pays des BRICS et de nombreux autres pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ne se sont pas alignés du côté des États-Unis, révélant une vieille hostilité à l’égard des impérialismes occidentaux, protagonistes d’un colonialisme brutal qui, avec le temps, s’est transformé en un colonialisme économico-financier, mais toujours prêt à reprendre les vieilles habitudes de la répression militaire.

Au cours de ces presque deux années de guerre en Ukraine, toutes les grandes entreprises industrielles du secteur militaire et de l’armement ont connu un pic de croissance exceptionnelle. Les livraisons de chars, de munitions, de missiles, de drones, et de tous les équipements mécaniques et informatiques nécessaires à la conduite d’une guerre moderne, si elles ont d’une part largement vidé les vieux stocks militaires de tous les pays impliqués, les ont d’autre part poussés à renouveler leurs arsenaux, à investir dans de nouveaux armements en vue non plus d’une guerre locale comme celle qui se déroule en Ukraine, mais d’une guerre générale et mondiale dont toutes les chancelleries sont aujourd’hui convaincues.

Le monde entier, qui avait l’habitude de regarder ce que faisaient les Etats-Unis et l’URSS, considérant les avantages ou les obligations de s’allier à l’un ou à l’autre, regarde maintenant surtout comment les Etats-Unis et la Chine se déplacent sur l’échiquier international, sans perdre de vue le comportement de la Russie compte tenu de sa solide puissance nucléaire. Il est clair que l’alliance entre la Chine et la Russie est redoutée tant à Washington qu’à Londres, et non moins redoutée à Berlin ou à Paris. D’autre part, une autre puissance se profile à l’horizon, l’Inde, qui dans un choc de guerre mondiale pourrait mettre sur la table, sans que cela soit certain, son milliard et demi d’habitants, une industrie qui se développe à un rythme accéléré et une position stratégique importante par rapport à l’Océan Indien. Entre-temps, nous constatons que l’Allemagne et le Japon ont recommencé à s’armer de manière considérable, bien que sous l’œil vigilant de Washington. Les conditions préalables à une politique étrangère visant à ce que chaque impérialisme d’envergure mondiale prépare ses forces financières, économiques, politiques et militaires à soutenir un effort de guerre à l’échelle mondiale sont toutes réunies. Les alliances futures ne suivront pas nécessairement les schémas du passé. Trop de motifs d’affrontement entre les différentes puissances impérialistes émergent dans les relations commerciales et financières - même si en apparence ils ne sont pas nombreux - tandis que les facteurs de crise induits par la surproduction deviennent ostensiblement aigus (notamment la crise immobilière en Chine qui menace de reproduire la crise américaine des subprimes de 2008).

Avec la disparition du condominium russo-américain sur l’Europe après trente ans de coexistence « pacifique » (en Europe, pas dans les autres parties du monde) suite à la fin de la deuxième guerre impérialiste mondiale, la véritable politique d’agression et d’oppression qui caractérise les grands pays capitalistes, tant à l’intérieur contre leur propre prolétariat qu’à l’extérieur contre tous les autres pays, remonte de plus en plus à la surface. L’impérialisme est nécessairement agressif et aucune force sociale n’est capable d’atténuer son agressivité et sa volonté d’opprimer les pays et les peuples pour se renforcer, si ce n’est la classe prolétarienne dans la mesure où elle se reconnaît comme l’unique et véritable force antagoniste du capitalisme et, par conséquent, de l’impérialisme, en retournant sur le terrain de la lutte de classe ouverte et révolutionnaire.

L’effondrement de l’URSS a donné le coup d’envoi à une confrontation inter-impérialiste ouverte en Europe également, tout d’abord avec les guerres en Yougoslavie qui ont mis sens dessus dessous l’ensemble des Balkans, les fragmentant en de nombreux petits États prêts à se louer officiellement soit aux impérialistes occidentaux, soit à l’impérialisme russe ; puis les incursions en Méditerranée contre la Libye pour la soustraire à l’influence russe, et au Moyen-Orient en le secouant encore plus qu’il ne l’était déjà par lui-même, en soutenant les guerres de tous contre tous et en utilisant Israël comme le gendarme impérialiste le plus fiable dans cette région. Puis ce fut le tour de l’Ukraine, que les griffes de l’impérialisme occidental voulaient arracher à l’influence russe, d’abord par des jeux politiques, puis directement par la guerre. En réalité, en ce qui concerne l’Europe, si au cours des 40 premières années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle était divisée en deux zones d’influence bien précises, le fameux « condominium russo-américain », aujourd’hui avec l’effondrement de l’URSS, même la partie de l’Europe de l’Est a été attirée dans la sphère d’influence des États-Unis, qui, par l’intermédiaire de l’OTAN, exercent également un contrôle militaire important. Cela n’empêche pas les impérialismes européens les plus puissants de se retailler une part importante du pouvoir, surtout depuis la création de l’Union européenne, et cela n’empêche pas ces mêmes impérialismes de s’affronter dans des confrontations commerciales et financières qui mettent toujours en péril les équilibres obtenus de temps à autre.

Toute la propagande occidentale a soutenu que l’actuelle guerre russo-ukrainienne avait été provoquée par l’invasion russe du 24 février, et que les véritables objectifs de Moscou n’étaient pas d’annexer une partie de l’Ukraine, voire toute l’Ukraine, ... mais d’envahir l’Europe de l’Est dans le dessein diabolique de reconstituer l’ancienne URSS. La propagande russe, quant à elle, prétend que l’invasion militaire russe (appelée « opération militaire spéciale » dans le but de dénazifier et de démilitariser l’Ukraine) était une « juste réponse » à la défense des populations russophones de Crimée et du Donbass qui souffraient d’une oppression particulière de la part de Kiev et du non-respect par Kiev des accords de Minsk, ... par ailleurs même pas respectés par la Russie.

Au-delà des demi-vérités qui font toujours partie de la propagande bourgeoise, et que chaque camp, le prétendu agresseur et le prétendu agressé, évoque pour justifier ses manœuvres et galvaniser ses troupes, il reste que, depuis l’existence du capitalisme, la bourgeoisie - comme l’affirme le Manifeste du Parti communiste de 1848 - s’est toujours battue contre l’ancien régime où il résiste encore, contre les bourgeoisies étrangères et contre le prolétariat. Évidemment, le type de lutte que chaque bourgeoisie dominante mène dans ces trois grandes directions historiques peut être très différent d’un pays à l’autre et à différents stades du développement capitaliste, mais fondamentalement, il ne change pas : il s’agit toujours d’une lutte d’agression.

Les marxistes ne tombent pas dans le piège de l’agressé qui doit se défendre contre l’agresseur, car pour renverser l’ordre mondial existant, le but de la lutte de classe prolétarienne est de lutter contre toutes les bourgeoisies nationales, et plus encore contre les alliances bourgeoises internationales qui servent à mener des guerres générales et mondiales. Les deux guerres impérialistes mondiales de 1914-1918 et 1939-1945 démontrent que l’ordre mondial antérieur à ces guerres n’avait pas résolu les conflits entre les différents États qui ont abouti à ces guerres ; et les guerres locales, régionales et territoriales qui ont suivi la soi-disant paix proclamée à la fin de la deuxième guerre impérialiste mondiale démontrent à leur tour que non seulement les vieux conflits inter-impérialistes n’ont pas été surmontés, mais que de nouveaux conflits sont venus s’y ajouter en raison du développement de nouvelles puissances capitalistes cherchant, à leur tour, à s’assurer des parts de marché pour leurs propres capitalismes nationaux au détriment de leurs concurrents. C’est que le marché mondial est un, et c’est sur ce marché mondial unique que les capitalismes nationaux agissent avec toute leur énergie pour écraser leurs concurrents chaque fois que c’est possible.

La phase impérialiste du développement capitaliste n’a pas atténué les vieux contrastes entre les États bourgeois les plus forts et les plus avancés - des États qui deviennent, comme le dit Lénine dans son Impérialisme stade suprême du capitalisme, des « États opulents », des « États usuriers » dans lesquels la bourgeoisie vit de l’exportation de capitaux et des « dividendes de ses titres » - et les États plus faibles, moins développés sur le plan capitaliste ; en réalité, les anciens conflits se sont accentués, en raison de niveaux de concurrence sans précédent, à tel point que chacun d’entre eux a dû adopter une politique étrangère de plus en plus agressive. Bien entendu, l’agressivité des États impérialistes n’est pas comparable à celle d’autres États, surtout en termes financiers et militaires. Cela n’enlève rien au fait que chaque capitalisme national se maintient debout, malgré les crises qui l’ébranlent périodiquement, grâce à la lutte qu’il mène notamment contre le travail salarié, véritable producteur de valeur.

Dans la lutte entre impérialismes pour le partage du monde en sphères d’influence et sources de profit, le développement du capitalisme, qui s’oppose matériellement à la tendance à la décomposition du capitalisme lui-même, caractéristique de la phase impérialiste, ne disparaît pas. Lénine cite en exemple l’Allemagne, qui avait déjà enregistré un développement rapide de toute son économie entre 1870 et 1905, et surtout les États-Unis, qui, en outre, n’avaient pas eu à passer par la longue phase historique du féodalisme, ayant bénéficié directement de l’implantation capitaliste grâce aux migrations européennes. La Russie elle-même, dans la période qui a suivi la révolution d’octobre et, surtout, dans la période de développement capitaliste national par étapes forcées représentée par le stalinisme, au cours des quinze années qui l’ont conduite à être l’un des protagonistes de la deuxième guerre impérialiste mondiale, a enregistré une croissance économique rapide, inimaginable sous l’ancien régime tsariste, même si le mode de production capitaliste avait déjà été introduit dans la Russie européenne surtout. Il va sans dire qu’après la deuxième guerre impérialiste mondiale, il y aura un développement, qui amènera Moscou à concurrencer Washington et Londres en termes d’influence dans le monde, mais avec un handicap difficilement surmontable : bien qu’il s’agisse d’une région riche en matières premières (pétrole, charbon, gaz, fer, manganèse, nickel, étain, cuivre, mercure, uranium, platine, or, diamants, blé, etc. ), comme c’est aussi le cas des États-Unis, il ne dispose pas d’une structure industrielle aussi enracinée, dense et efficace, ce qui l’oblige à se tourner vers le marché extérieur pour de nombreux produits de haute technologie qu’il ne peut pas produire en interne (voitures, produits pharmaceutiques, ordinateurs, machines de bureau, machines lourdes, matériels de transmission, etc.). Selon l’Economic Complexity Observatory (1), qui enregistre de manière très détaillée les achats et les ventes de nombreux pays dans le monde, en 2019, 60 % des exportations totales de la Russie concernent les fournitures énergétiques de pétrole, de gaz naturel et de charbon, pour un montant d’environ 240 milliards de dollars ; l’exportation de ces matières premières finance à elle seule l’ensemble des importations russes. La guerre russo-ukrainienne qui a provoqué les sanctions euro-américaines contre les exportations russes, surtout sur ces matières premières, et le blocage de l’utilisation des capitaux russes déposés dans les banques occidentales, ont évidemment frappé l’économie russe, qui s’en est toutefois partiellement remise en trouvant d’autres acheteurs (notamment la Chine, l’Inde) et en continuant de toute façon à approvisionner les pays européens - de façon évidemment plus limitée - par des intermédiaires tiers que le marché capitaliste produit toujours en grande quantité.

Donc, cette guerre, faite par procuration par l’Ukraine de Zelensky et avec laquelle les États-Unis et l’OTAN devaient mettre la Russie à genoux, s’est surtout révélée - du moins de ce point de vue - un boomerang pour l’Europe. Toutes les économies européennes, en particulier celle de l’Allemagne, ont dû subir une baisse substantielle, proche de la récession. Ne parlons pas de l’économie ukrainienne, partiellement détruite, mais qui, face à une période de surproduction comme celle que nous vivons actuellement, se révèle être une occasion pour les grandes puissances occidentales de se relever un peu, ne serait-ce qu’à travers l’industrie de l’armement.

En effet, il est notoire que le soutien financier considérable et les livraisons d’armes et de munitions à l’Ukraine par l’Occident, d’une part, ont contribué et continuent de contribuer à la prolongation de la guerre - et au massacre continu de masses de prolétaires ukrainiens et russes - et, d’autre part, avec les destructions causées, ont entraîné les dommages  importants zde l’économie, donc de l’industrie et de l’agriculture ukrainiennes, de l’infrastructure des villes et des voies de communication, au point de constituer un savoureux gâteau pour les investissements en capital dans la reconstruction,  investissements bien sûr américains, britanniques, allemands, français, italiens et dans leur sillage tous les capitaux occidentaux possibles à la recherche effrénée de rentabilité, de profits. Pour la énième fois, la guerre impérialiste confirme être une occasion de « rajeunissement » du capitalisme et une occasion de se débarrasser de la surproduction qui encombre et asphyxie cycliquement les marchés.

La situation dans laquelle se trouve le prolétariat russe et ukrainien, ainsi que le prolétariat européen, américains et de tous les autres pays, est toujours celle d’une grande dépression. La lutte immédiate de défense des salaires et des conditions de vie de base n’a pas encore réussi à briser la ceinture de sécurité avec laquelle les classes dominantes bourgeoises maintiennent attachés leurs prolétaires nationaux aux besoins de survie du capitalisme. Episodiquement, que ce soit en France, en Chine, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, en Espagne ou en Italie, la lutte prolétarienne émerge du marais dans lequel l’opportunisme collaborationniste l’a embourbée, mais elle ne réussit toujours pas se libérer des illusions démocratiques et des poussées corporatistes qui l’ont conditionnée pendant des décennies. Des décennies au cours desquelles des masses de plus en plus grandes de prolétaires et de déshérités fuient les pays de la périphérie de l’impérialisme, par terre et par mer, vers les pays de l’opulence capitaliste ; venus d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, à la recherche de situations de survie plus stables ils fuient la misère, la famine, les guerres provoquées directement et indirectement par les pays capitalistes les plus avancés, et pour cela plus agressifs, plus cyniques, plus inhumains.

Le monde capitaliste, de même qu’il ne prévoit pas la stabilité du travail salarié, le rendant toujours plus précaire et faisant du chômage un état permanent dans lequel sont jetées des masses croissantes de prolétaires, n’offre même pas un simple accueil à tous ceux qui souffrent de la faim, de la pauvreté ou qui tentent d’échapper aux conséquences les plus terribles des guerres. Jalouses de leurs privilèges sociaux, les classes dominantes les défendent par tous les moyens, et de même qu’elles sont prêtes à exploiter la force de travail salariée en la condamnant à survivre avec des salaires de misère, de même elles sont prêtes à en faire de la chair à canon tant dans les guerres de rapine qui ponctuent leur époque, que dans la paix bourgeoise qui suit chaque guerre en jetant le prolétariat et les déshérités dans la marginalisation et la famine.

Pour ne pas mourir sous les bombes, pour ne pas mourir de misère, pour ne pas mourir sur les fronts de guerre que toute bourgeoisie nationale est prête à tracer pour défendre ses intérêts de classe, les prolétaires ukrainiens comme les prolétaires russes ont cherché dans la désertion, ou dans la corruption, la solution immédiate à leur situation individuelle pour ne pas être enrôlés et envoyés mourir à  la guerre. La désertion est la première réaction instinctive à un appel aux armes non accepté ou à un séjour au front ; si elle acquiert la dimension d’un phénomène collectif, comme pendant la première guerre impérialiste mondiale, elle est le signe d’un refus primordial de classe de se faire tuer à des fins idéalement et pratiquement insoutenables. Les cas du premier type de désertion qui ont été constatés en Ukraine et en Russie ont certainement inquiété les États et les gouvernements respectifs, qui sont intervenus avec les lois classiques de la guerre, à savoir l’emprisonnement ou l’envoi sur les zones de combat les plus dangereuses. Des chroniques journalistiques indiquent que Zelensky a officiellement demandé aux gouvernements des pays occidentaux qui soutiennent sa guerre de lui remettre tous les hommes qui se sont réfugiés chez eux pour échapper à la guerre ; on ne sait pas si ces gouvernements ont réellement accédé à cette demande, qui, par ailleurs, est parfaitement cohérente avec le soutien matériel et financier de la guerre ukrainienne contre la Russie.

Ni le prolétariat ukrainien, ni le prolétariat russe, ni même le prolétariat européen des pays impliqués dans le soutien à la guerre russo-ukrainienne ne montrent aujourd’hui un élan classiste spontané pour s’opposer au massacre en cours. On ne sait pas combien de prolétaires massacrés dans la guerre il faudra encore pour qu’il y ait une réaction spontanée et classiste contre cette guerre bourgeoise : probablement que cette guerre se terminera sans que les prolétaires ukrainiens et russes se soient libérés de l’influence toxique de leurs nationalismes respectifs. L’espoir est que de cet énième exemple tragique de l’utilisation des masses prolétariennes comme chair à canon, elles retiendront une leçon fondamentale : sa propre bourgeoisie nationale est l’ennemi numéro un du prolétariat, et c’est contre elle que doivent être dirigées toutes les luttes visant à s’opposer à la transformation des travailleurs salariés en chair à canon ! C’est une leçon sur laquelle peuvent se développer les autres leçons nécessaires aux prolétaires de tous les pays dans leur lutte contre les classes dominantes bourgeoises, concernant la rupture de la paix sociale, de la collaboration de classe, de la chape idéologique et organisationnelle de l’opportunisme, pour l’indépendance de classe sur le terrain politique immédiat et plus général.

Face à l’envoi de prolétaires à la guerre par les bourgeoisies respectives, le plus grand mot d’ordre des communistes est toujours : le défaitisme révolutionnaire, c’est-à-dire une opposition à la guerre sur le terrain de la lutte classiste, qui prévoit l’union de la lutte prolétarienne dans les usines et dans la société avec la lutte des prolétaires en uniforme sur les champs de bataille. Cette liaison ne se fait pas automatiquement, elle repose en fait sur des expériences larges et continues de luttes de classe déjà mises en œuvre en « temps de paix », tant sur le terrain de la défense immédiate des conditions d’existence du prolétariat que sur le terrain politique de l’opposition à la politique des gouvernements bourgeois ; expériences qui sont fructueuses si elles sont faites en pleine indépendance de classe sur l’un et l’autre de ces terrains.

C’est le défaitisme prolétarien, que nous pourrions appeler économique et politique immédiat, qui formera la base du défaitisme révolutionnaire ultérieur en temps de guerre. Ce défaitisme n’est rien d’autre que le résultat de la rupture de la paix sociale, de la rupture de la collaboration de classe dans laquelle sont enfermés les prolétaires de tous les pays. Le défaitisme révolutionnaire est déjà un acte politique de grande importance, il représente un point de passage de la lutte de défense immédiate à la lutte de classe, à la lutte d’offensive révolutionnaire, à la lutte politique révolutionnaire. Ce sont des phases de la lutte prolétarienne que les événements historiques peuvent rapprocher dans le temps et dans l’espace, ou éloigner, car elles dépendent des rapports de force entre les classes dominantes et les classes prolétariennes. Des rapports de force qui ne changent pas soudainement, mais dont la modification dépend d’une série significative de luttes prolétariennes de caractère classiste et de l’intervention décisive dans ces luttes du parti communiste révolutionnaire, qui a pour tâche d’importer dans les rangs du prolétariat, dans ses luttes et ses organisations, la « conscience de classe », c’est-à-dire la théorie révolutionnaire qui contient les objectifs historiques de la lutte du prolétariat en tant que classe unique totalement antagoniste à la classe bourgeoise à l’échelle nationale et mondiale.

La guerre russo-ukrainienne a croisé dans son vingtième mois de massacres une autre guerre, elle aussi très proche de l’Europe, la guerre entre Israël et le Hamas palestinien qui dirige la bande de Gaza depuis des années, suite à l’incursion des miliciens du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023, dévastant une série de kibboutz et tuant plus de 1200 Israéliens, pour la plupart des civils, et plus de 200 d’entre eux pris en otage à l’intérieur de la bande de Gaza.

 La guerre israélo-palestinienne n’a jamais vraiment pris fin puisque les gouvernements de Tel-Aviv n’ont jamais cessé de soutenir l’implantation violente de leurs colons sur les terres qui, après la reconnaissance de l’État d’Israël en 1948, avaient été attribuées par les grandes puissances mondiales aux Palestiniens. Cette guerre a des caractéristiques bien différentes de celle qui se déroule actuellement en Ukraine, et nous continuerons à aborder en détail dans notre presse les différents aspects de cette question du Moyen-Orient et palestinienne.

En ce qui concerne les événements relatifs à l’Ukraine et à sa guerre contre la Russie, le déclenchement de la guerre d’Israël contre la Bande de Gaza, en raison de l’implication très étroite des États-Unis avec Israël et du soutien que les pays d’Europe occidentale ont apporté et apportent toujours à Israël contre le soi-disant « terrorisme palestinien », a entraîné un ralentissement significatif de la fourniture d’armes et de financements à l’Ukraine de Zelensky.

En vérité, une attitude plus prudente à l’égard de Zelensky s’était déjà manifestée à Washington et à Londres, car la contre-offensive ukrainienne tant vantée et qui était censée commencer dès la fin du printemps 2023, a non seulement été sans cesse reportée - compte tenu de la résistance tenace des troupes russes sur les lignes de front - mais même lorsqu’elle a finalement démarré en septembre 2023, elle n’a pas franchi de pas significatifs en sa faveur.

Cela était certainement dû à une réelle fatigue des troupes ukrainiennes, qui avaient eu l’illusion pendant des mois et des mois de pouvoir lancer une rapide contre-offensive victorieuse grâce à l’armement plus moderne que les Euro-Américains allaient fournir (et qui est arrivé au compte-gouttes et dans un délai très long), et à la résistance des troupes russes, en partie remplacées par des troupes plus fraîches et plus jeunes.

Cette fameuse contre-offensive qui, selon la propagande du gouvernement Zelensky, devait en quelques mois permettre de reprendre le Donbass et même la Crimée, a finalement été un échec total. Ce que le gouvernement Zelensky a pu enregistrer, outre des épisodes de corruption toujours plus voyants et la disparition de quantités considérables d’armements et de munitions arrivées en Ukraine et détournées vers le marché noir des armes, c’est le massacre continu de ses soldats, et la destruction continue de villages et de villes avec les déplacements inévitables de civils des zones de guerre vers des régions plus éloignées.

Mais dans toutes les chancelleries occidentales, on ne cesse de proclamer que la guerre n’est pas près de se terminer, qu’elle sera encore longue, et c’est pourquoi l’Union européenne a récemment décidé d’octroyer 50 milliards d’euros supplémentaires à l’Ukraine, qui s’endette bien sûr de manière si vertigineuse que, pour le remboursement des dettes accumulées au cours de tous ces mois, la bourgeoisie ukrainienne – que Zelensky soit encore au gouvernement ou non – n’aura aucune retenue à planter ses griffes dans la chair de son prolétariat.

 


 

(1) Cf. https://infodata.ilsole24ore.com/ 2022/ 03/08/come-si-misura-leconomia-russa-import-export-settore-per-settore

 

4 février 2024

 

 

Parti Communiste International

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