Il y a 40 ans l'indépendance algérienne

(«le prolétaire»; N° 461; Mars-Avril 2002)

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En 1962, il y a près de quatre décennies, l’Algérie devenait indépendante, à l’issue d’une lutte violente de sept années contre le vieil impérialisme colonial français, particulièrement tenace et brutal: la révolution algérienne fut acquise au prix de centaines de milliers de victimes parmi les masses colonisées.

La victoire de la contre-révolution internationale qui, sous le nom de stalinisme, avait dénaturé les organisations classistes du prolétariat, perverti son programme et ses moyens d’action et finalement assujetti dans tous les pays la classe ouvrière à des objectifs purement bourgeois, empêcha alors toute possibilité pour le jeune prolétariat algérien de constituer son parti de classe et de lutter, en union avec le prolétariat de la métropole, dans la voie suivie victorieusement en Russie par les bolcheviks: se mettre à la tête de la révolution bourgeoise en s’appuyant sur les potentialités de lutte des couches les plus exploitées, pousser celle-ci jusqu’au bout et utiliser les positions acquises par la victoire, non seulement pour étendre l’incendie révolutionnaire aux autres pays colonisés, mais aussi pour stimuler la reprise de la lutte révolutionnaire prolétarienne dans les pays capitalistes développés. Seule la victoire de la révolution communiste et l’établissement du socialisme dans ces pays pouvait réellement poser la question de la transition au socialisme des pays ex-colonisés, au développement capitaliste limité.

C’était la perspective de l’Internationale Communiste avant sa dégénérescence et son passage à la contre-révolution. «Dès à présent, dans les colonies les plus développées, la lutte n’est plus engagée seulement sous le seul étendard de l’affranchissement national, elle prend tout de suite un caractère social plus ou moins nettement accusé. Si l’Europe capitaliste a entraîné malgré elle les parties les plus arriérées du monde dans le tourbillon des relations capitalistes, l’Europe socialiste, à son tour, viendra secourir les colonies libérées avec sa technique, son organisation, son influence morale, afin de hâter leur passage à la vie régulièrement organisée par le socialisme. Esclaves coloniaux d’Afrique et d’Asie: l’heure de la dictature prolétarienne en Europe sonnera pour vous comme l’heure de votre délivrance» proclamait ainsi en 1919 le Manifeste du Premier Congrès de l’Internationale Communiste.

La défaite de la vague révolutionnaire prolétarienne du premier après-guerre en Europe fut aussi par conséquent la défaite des populations colonisées, condamnées à souffrir encore pour des décennies sous le joug colonial. Mais l’histoire ne s’arrête pas; si le prolétariat occidental échoua à renverser ses maîtres capitalistes, les masses colonisées réussirent, au cours du second après-guerre, à s’émanciper de la domination coloniale à travers une lutte acharnée contre l’impérialisme et sans pouvoir bénéficier du moindre soutien de la classe ouvrière des métropoles. Ce fut tout particulièrement le cas en France ou le stalinisme fit tout son possible pour soutenir en fait la domination coloniale sur l’Algérie - y compris en participant aux fusillades des insurgés, ignoblement dénoncés comme «provocateurs fascistes» en 45, ou en votant les pleins pouvoirs au socialiste Guy Mollet en 1956 pour «rétablir l’ordre» en Algérie, et de manière générale en isolant les travailleurs immigrés algériens de leurs frères de classe français, en les laissant seuls face aux exactions de la police et des harkis - et pour fortifier dans la classe ouvrière française le chauvinisme et l’esprit de supériorité nationale.

La conséquence de cette orientation criminellement antiprolétarienne a été bien évidemment de rejeter les travailleurs algériens dans les bras des dirigeants nationalistes bourgeois et petits-bourgeois, c’est-à-dire d’empêcher toute possibilité d’organisation autonome, de classe, des prolétaires algériens et donc toute possibilité que la révolution puisse, sous l’impulsion de la lutte prolétarienne indépendante, dépasser le cadre d’une révolution populaire et nationale, c’est-à-dire multiclassiste ou, dans le langage marxiste, bourgeoise.

Politiquement bourgeoise, la révolution algérienne a liquidé le colonialisme et jeté les bases d’un développement du capitalisme autochtone - inévitablement chétif et déformé par le poids démesuré du secteur pétrolier en raison des rapports de force économique sur le marché mondial. Contrairement à leurs prétentions démagogiques, les chefs nationalistes ne pouvaient ni ne voulaient supprimer l’exploitation sociale, puisque cette exploitation était indispensable au développement du capitalisme national. Il serait absurde d’accuser les dirigeants algériens d’avoir «trahi les idéaux de la révolution» et faux de prétendre qu’il s’agit aujourd’hui simplement de reprendre la lutte d’hier là où elle s’est arrêtée, avec le même programme, les mêmes objectifs et les mêmes alliances de classes.

40 ans après l’indépendance, la page de la lutte nationale et populaire est définitivement tournée. Le jeune capitalisme algérien a achevé la ruine de l’agriculture traditionnelle et constitué, autour de la classe ouvrière proprement dite, des masses énormes de déshérités, de sans-réserve, de sans espoir, qui n’ont rien à perdre que leur misère. La lutte d’émancipation se livre maintenant entre les classes qui composent la nation. Son objectif n’est plus celui de la constitution d’un Etat bourgeois ou de la réforme démocratique et sociale de celui-ci, mais la destruction de l’Etat bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat pour extirper les racines de l’exploitation et de l’oppression, sa méthode doit être celle de la lutte de classe en alliance étroite avec le prolétariat de tous les pays pour regrouper dans lutte anticapitaliste tous les opprimés, ses moyens l’organisation classiste, politique et syndicale, son programme, celui invariant et intransigeant du communisme. La voie n’est pas facile ni rapide, mais il n’y en n’a pas d’autre.

C’est ce que la sélection d’articles regroupés dans cette brochure entend illustrer.

 

(Introduction de la brochure «Algérie: Seule la classe prolétarienne pourra mettre fin à la misère et à l'exploitation en abattant le capitalisme et l'Etat bourgeois», parue en octobre 2001)

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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