Points caractéristiques du parti de classe et de son action

(«le prolétaire»; N° 461; Mars-Avril 2002)

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La réunion de Florence des 8-9 décembre 1951 mit un terme à la scission intervenue cette année là dans l’organisation, scission inévitable pour pouvoir travailler à la restauration du programme communiste, c’est-à-dire pour pouvoir reconstituer les bases théoriques et programmatiques du futur parti de la révolution prolétarienne internationale, et qui donna naissance à notre parti. Un tel travail ne signifiait pas s’isoler dans une quelconque tour de verre en tournant le dos à l’intervention pratique dans les luttes ouvrières comme le prétendait le courant adverse: la coupure entre théorie et pratique, entre programme et activité est un signe sûr de dégénérescence opportuniste. Cela signifiait tourner le dos à «l’activisme qui fait fi de la théorie», aux illusions de succès faciles et immédiats qui conduisent fatalement à sacrifier le programme, les principes, en un mot le but final. La défense obstinée du marxisme orthodoxe et invariant, que nos adversaires dénonçaient comme du «talmudisme» - l’adoration superstitieuse de formules figées, sans rapport avec le monde réel -, est en fait la défense de l’arme suprême du prolétariat, indispensable à sa lutte révolutionnaire: sans théorie pas de parti révolutionnaire, et sans parti révolutionnaire, pas de révolution victorieuse.

Le lecteur trouvera ci-dessous le résumé sous forme de points de l’exposé de la réunion de Florence, paru en 1953 dans la brochure «Sul filo del tempo». Le texte complet des «thèses caractéristiques du parti» se trouve dans le recueil «Défense de la continuité du programme communiste», Textes du P.C.International n° 7.

 

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1. Théorie.

 

1. Base théorique: le matérialisme historique marxiste.

 

2. Tâche générale du parti de classe.

 

1. Nécessité du parti politique de classe.

2. L’insurrection, forme suprême de la lutte politique.

3. La dictature de classe est exercée par le parti.

4. Tâches du parti: continuité de théorie, continuité d’organisation - Participation à toutes les luttes économiques prolétariennes.

5. Seule une minorité de la classe est organisée dans le parti - La conscience réside non dans le militant ou dans le chef, mais dans l’ensemble organique du parti.

6. Nécessité pour la lutte révolutionnaire qu’existe entre le parti et la classe une couche intermédiaire d’associations économiques influencées par le parti.

7. Refus de la formation de syndicats scissionnistes liés au parti.

8. Refus des conceptions utopistes, anarchistes, syndicalistes comme des conceptions sectaires selon lesquelles le parti constitue ses organisations syndicales satellites ou refuse le travail syndical.

 

3. Tactique et action du parti.

 

1. Conception non abstraite mais historique des questions de l’activité du parti et de ses alliances.

2. Nécessité dialectique de la lutte pour la victoire des révolutions bourgeoises sur le régime féodal, pour favoriser l’avènement de la production capitaliste.

3. Clôture en Occident de la période des alliances révolutionnaires avec la bourgeoisie et des guerres de formation nationale en 1871 avec la Commune de Paris.

4. Refus du «révisionnisme» social-démocrate et légaliste apparu dans la période tranquille du capitalisme (1871-1914) - Refus des blocs électoraux et de la participation aux gouvernements.

5. Refus de la politique d’union nationale lors de la guerre, de l’analyse de la guerre impérialiste de 1914 comme anti-féodale ou défensive (Lénine: L’impérialisme ).

Non seulement refus de l’union sacrée, mais défaitisme dans toute guerre nationale pour la transformer en guerre civile (Lénine: Thèses de 1915 sur la guerre).

6. Revendication de la plate-forme constitutive de la IIIe Internationale de 1919. Non seulement aucune alliance parlementaire, mais refus de la voie légale de la conquête du pouvoir; destruction par la force de l’Etat bourgeois; dictature prolétarienne (Lénine: L’Etat et la révolution).

7. Tardive efficacité des justes positions tactiques des marxistes radicaux dans la période 1871-1919 (aucune alliance avec des partis bourgeois pour des réformes légales - aucune alliance pour des guerres défensives) dans la réaction aux vagues opportunistes et à la trahison, comme cause de l’échec de la révolution européenne après la première guerre mondiale.

8. L’exception de la victoire russe, solution positive du problème historique classique de la soudure de deux révolutions (anti-féodale et anti-bourgeoise) - en rapport avec la solidité doctrinale et organisationnelle du petit parti bolchevique - outre du renversement militaire du tsarisme.

9. Lutte pour affaiblir les contre-révolutions et pousser l’économie russe au-delà du féodalisme et du capitalisme conditionnée par la mobilisation de la classe ouvrière mondiale et des peuples coloniaux contre l’impérialisme blanc et les seigneuries asiatiques.

10. Alternative historique inévitable à l’époque de Lénine: ou chute des grands centres capitalistes, ou chute de la révolution russe, sinon dans la lutte armée, par repli des tâches sociales à l’extension du capitalisme vers et au-delà de l’Oural.

11. Problème tactique de la lutte du communisme en Occident après les premières défaites et la consolidation de la bourgeoisie dans le premier après-guerre, et pour arracher les travailleurs à l’influence social-opportuniste persistante: erreur des expédients et des manoeuvres.

12. Erreur du parallèle entre la liquidation  par les bolcheviks de tous les partis bourgeois, petits-bourgeois et pseudo-prolétariens en Russie, et la rivalité en Occident entre sociaux-démocrates et communistes révolutionnaires dans unes situation de stabilité du capitalisme.

13. Erreur de la tactique d’alliance des communistes avec les socialistes dans les luttes prolétariennes (Front unique) et pire encore pour la conquête légale en commun du pouvoir sur le terrain parlementaire (Gouvernement ouvrier).

14. Bilan négatif de la tactique de la IIIe Internationale dans les années 1921-26: les conditions objectives des luttes et les rapports de forces entre les classes n’ont pas été modifiés par les manoeuvres; mais affaiblissement décisif de l’indispensable continuité de principes et d’organisation du mouvement communiste ainsi que de sa capacité de lutte.

15. Résultat négatif des méthodes organisationnelles de «fusions» en blocs avec des ailes détachées des partis sociaux-démocrates, de la création en leur sein de «fractions» dites sympathisantes avec les communistes, affaiblissant l’organisation internationale et sa vigueur.

16. Rapport erroné entre Etat et parti prolétarien en Russie, fondant la discipline non sur l’organicité de principes et de méthode, mais sur des sanctions répressives contre les militants ou les exclus, encourageant l’adhésion opportuniste au parti au pouvoir. Rapport erroné entre les partis de l’Internationale.

17. Apparition décisive de la troisième vague opportuniste et de la maladie dégénérative du parti prolétarien quand la réponse aux formes répressives et totalitaires de la bourgeoisie (fascisme, nazisme, phalangisme, etc.) ne fut pas la contre-attaque prolétarienne, mais la défense des positions bourgeoises libérales; reniement des principes et de la continuité historique, ébranlement de la maturité communiste des partis.

18. Dans la phase moderne du capitalisme «non améliorable», l’alliance dans des formes insurrectionnelles (Espagne, Résistance, luttes de partisans) reste de la collaboration de classes et donc une trahison.

19. Reniement des principes et politique contre-révolutionnaire au cours de la seconde guerre mondiale. Définition de la guerre comme impérialiste et mot d’ordre du défaitisme en Angleterre et en France au moment de l’alliance de la Russie avec l’Allemagne. Définition de la guerre comme une guerre pour la démocratie en Occident au moment de l’alliance avec l’impérialisme anglo-américain. Destruction de toute tradition historique révolutionnaire en Europe et en Russie. Ecroulement de toute maturité et capacité révolutionnaire des partis communistes.

20. Synthèse dans la troisième vague opportuniste des caractères destructeurs des vagues précédentes: participation à des gouvernements constitutionnels de Blocs électoraux, en plus de l’orientation de lutte exclusivement légale, niant la nécessité de la voie révolutionnaire pour la prise du pouvoir par les travailleurs - participation à des gouvernements de défense nationale, en plus du refus de causer tout trouble aux gouvernements (hier de l’Axe, aujourd’hui de l’Occident) engagés dans la guerre, jusqu’à la liquidation formelle du Komintern. Facile prévision d’un plus grand dommage causé à la force classiste du prolétariat mondial par cette troisième vague opportuniste, que par les deux vagues précédentes.

21. En conséquence inévitable de l’influence sur les masses, d’un côté des vieux partis socialistes, de l’autre des partis encore appelés communistes mais menant une politique à l’opposé de tout principe et de toute méthode révolutionnaires, impossibilité de toute attaque sérieuse contre les pouvoirs bourgeois après la deuxième guerre, que ce soit chez les pays vainqueurs et alliés de la Russie ou chez les pays vaincus, dirigés avec son appui et sa participation,  à des fins contre-révolutionnaires.

22. Fausse théorie de la coexistence entre pays capitalistes et socialistes, masque de la nature capitaliste de la construction sociale du pouvoir russe. Un Etat prolétarien (aujourd’hui inexistant), s’il ne déclare pas une guerre sainte de nations socialistes contre les nations capitalistes, déclare et maintient la guerre de classe à l’intérieur des pays bourgeois, préparant les prolétaires à s’insurger selon le programme des partis communistes.

23. Refus de la méthode pacifiste, avec laquelle on veut cacher le tournant scandaleux de la qualification du capitalisme impérialiste américain, hier salué comme sauveur du prolétariat européen, et aujourd’hui défini par les traits d’exploitation et d’agression présents dès son origine et immensément accrus dans son intervention dans la première guerre mondiale.

24. Refus de la théorie de collaboration de classes ouverte avec les pouvoirs nationaux, à la seule condition qu’ils évitent une guerre avec la Russie, et d’une orientation vaguement démocratique et réformiste dans un cadre constitutionnel, en tant que reddition des forces révolutionnaires encore plus honteuse que celle offerte en 1914 par les sociaux-patriotes et les ministérialistes à la Millerand, Vandervelde, Macdonald et cie, battus par Lénine et la Troisième Internationale.

 

4. Action du parti en Italie et dans les autres pays en 1952

 

1. L’histoire du mouvement prolétarien révolutionnaire démontre qu’il y a, dans le cours de la période capitaliste, des phases de haute pression et de marches en avant; des phases de brusque et lent repli; et de longues phases d’attente de la reprise.

2. Selon la conception correcte du déterminisme historique il faut considérer que le développement du type capitaliste de production dans les différents pays et sur toute la terre procède quasiment sans interruption pour ce qui est de l’aspect technique, économique et social, tandis qu’au contraire les rapports des classes antagonistes sont liés aux épisodes de la lutte historique générale, aux victoires et aux défaites dans les combats et aux erreurs de méthode stratégique.

3. Les expériences des luttes victorieuses comme celles des défaites les plus terribles et des vagues de dégénérescence opportuniste qui le soumettent à l’influence de la classe ennemie, constituent un élément positif de la maturation du mouvement dans son long cycle historique. Les reprises sont en général longues et difficiles; si le mouvement ne perd pas son fil, il est moins apparent à la surface des événements politiques. De telles périodes de dépression ont déjà été connues: de 1848 à 1867, de 1872 à 1889, de 1914 à 1918. A partir de 1926 une nouvelle période défavorable s’est ouverte; la situation s’est aggravée dans les années de la deuxième guerre mondiale 1939-1945. Aujourd’hui nous sommes en plein dans la dépression et une reprise révolutionnaire n’est envisageable qu’à l’issue d’une période de nombreuses années. La longueur de la période est déterminée par la gravité de la vague de dégénérescence, sans compter la concentration toujours plus grande des forces capitalistes ennemies.

4. Dans une période comme celle-ci la possibilité d’action du parti se réduit énormément, mais cela ne le conduit pas à rompre la ligne historique de la préparation à la future reprise générale du mouvement, faisant sien toutes les expériences du passé. En principe l’ensemble des activités du parti ne change pas, il ne renonce à aucune d’elle, mais dans les faits la réduction de certains secteurs est très prononcée.

5. La principale tâche sur le plan théorique est le retour aux positions fondamentales du marxisme et de la Troisième Internationale dans sa première période.

Comme Lénine faut restaurer la ligne de principe en démolissant les arguments des deux «révisionnismes», social-démocrate et social-patriote.

La gauche italienne a dénoncé les déviations tactiques comme les premiers symptômes d’une troisième révision, qui est aujourd’hui manifeste et qui réunit en elle les erreurs des deux précédentes.

Par conséquent l’axe de la position doctrinale actuelle du mouvement est celui-ci: «aucune révision des principes originaires de la révolution prolétarienne». Le cours des événements a confirmé en tout point la doctrine marxiste, tant comme dialectique générale de l’histoire que comme description du cours de la lutte entre prolétariat et bourgeoisie, et de la révolution. L’évolution économique, sociale et politique du capitalisme confirme tous les théorèmes de départ du communisme marxiste.

6. Le parti développe l’analyse, l’examen et l’explication des faits récents contemporains afin de confirmer ces thèses; il exclut tout travail doctrinal qui tendrait à formuler de nouvelles théories et poserait en principe que les faits ne peuvent être expliqués par notre théorie fondamentale.

7. Le parti, même peu nombreux et peu lié à la masse du prolétariat, s’il garde toujours jalousement la priorité aux tâches théoriques, refuse absolument d’être considéré comme un regroupement de penseurs ou de simples savants à la recherche de nouvelles vérités, ayant abandonné les vérités d’hier, jugées insuffisantes: il interdit la liberté personnelle d’élaboration ou d’élucubration de nouveaux schémas d’explication du monde social contemporain; il interdit la liberté individuelle d’analyse, de critique et de perspective, même aux plus instruits et mieux formés de ses militants, et il défend l’intégrité d’une théorie qui n’est pas le fruit d’une foi aveugle, mais le résultat de la science de classe prolétarienne, élaborée par des siècles, non de pensées individuelles, mais de la force des faits matériels, reflétés dans la conscience historique d’une classe révolutionnaire et cristallisée dans son parti.

8.  Bien que peu nombreux, le parti ne cesse pas l’activité de prosélytisme et de propagande de ses principes sous toutes les formes orales et écrites, même si ses réunions sont pauvres en participants et sa presse d’une diffusion limitée, en considérant celle-ci comme son activité principale dans la période actuelle.

9. Par la force des choses et non par la décision des hommes, le travail de pénétration dans les grandes masses est limité à un petit secteur de l’activité générale, même si le parti cherche à pénétrer dans toutes les failles, sachant fort bien que la reprise n’aura lieu que lorsque ce secteur se sera énormément accru au point de devenir dominant.

10. Le parti exclut absolument qu’on puisse chercher une accélération de ce processus qui découle, outre des causes sociales profondes, du travail patient de prosélytisme et de propagande avec les moyens réduits, à l’aide de manoeuvres, d’expédients, d’astuces en direction des groupes, cadres et hiérarchies qui, usurpant les appellations socialistes, communistes, ouvrières, dominent aujourd’hui les masses. Ces méthodes accélèrent la désagrégation de l’Internationale communiste comme théorie, organisation et force historique agissante; c’est à tort qu’elles sont invoquées par le mouvement «trotskyste» de la  IVe Internationale. Le parti s’abstient de lancer des invitations; lettres ouvertes et mots d’ordre pour des comités, fronts et alliances avec d’autres mouvements et organisations politiques, quels qu’ils soient.

11. Ferme dans sa conviction que la phase de reprise ne pourra que coïncider avec la réapparition d’un associationnisme économique syndical des masses, le parti, tout en reconnaissant qu’un travail syndical n’est aujourd’hui possible que de manière sporadique, n’y renonce jamais; dès que le rapport numérique concret entre ses membres, ses sympathisants et les adhérents d’une organisation syndicale devient appréciable, et tant que cette organisation n’a pas exclu la dernière possibilité virtuelle et statutaire d’activité autonome classiste, le parti tentera de la pénétrer et d’en conquérir la direction.

12.  Jusqu’à de nouvelles situations où il faudra établir avant tout que le type d’Etat capitaliste a pris ouvertement la forme dictatoriale que le marxisme lui a découvert dès l’origine, et où les organismes représentatifs parlementaires auront été supprimés, le parti, étant donné les rapports actuels de force, se désintéresse des élections démocratiques de tout type et ne mène pas son activité sur ce terrain.

13. Convaincu que les générations révolutionnaires se succèdent rapidement et que le culte des hommes est l’aspect le plus dangereux de l’opportunisme, étant donné que le passage, par épuisement, de vieux chefs à l’ennemi et aux tendances conformistes est un fait naturel confirmé par de rares exceptions, le parti donne la plus grande attention aux jeunes, et fait les plus grands efforts pour les recruter et les préparer à l’activité politique de demain, éloignée au maximum de tout arrivisme et de tout apologie des personnes.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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