Un Nouveau Parti Anti... Communiste

(«le prolétaire»; N° 489; Mai-Juillet 2008)

 

Que penser du Nouveau Parti anticapitaliste que veut construire la LCR ?

 

L’ancien fondateur d’«Action Directe» a décidé d’adhérer au Nouveau Parti Anticapitaliste que veulent construire les trotskystes de la LCR - avec l’argument: «il vaut mieux un mauvais parti que pas de parti du tout (...). Vu la décomposition des forces de résistance, je pense qu’il y a là un espoir pour plein de gens qui en ont marre de vivre sans instrument de lutte» (1).

Quel sorte de parti sera ce NPA? Et pour qui peut-il représenter un espoir?

Pour répondre à ces questions, il faut d’abord réfléchir au soutien effectif qu’apportent les grands médias à Besancenot et à la LCR. Son passage-événement à l’émission de Drucker (tous les journaux en ont parlé, y compris «Gala», feuille axée sur la vie et les scandales des vedettes), une des émissions les plus suivies de la télé montre la réalité de ce soutien: Drucker, connu par sa servilité avec tous les pouvoirs existants, n’a pu songer à inviter Besancenot qu’avec l’accord de la direction de la chaîne, qui elle même ne prend de décisions en matière politique (et même dans d’autres matières!) qu’après le feu vert de l’Elysée.

 Et il n’y a pas que cette émission! Le PCF a publié, pour s’en offusquer, le dernier rapport publié par le CSA sur les temps de parole à la télé des divers partis: en janvier, les temps d’intervention dans les 7 chaînes passées en revue ont été, pour les journaux d’information de 132 minutes pour la LCR contre 34 minutes pour le PCF; dans les magazines d’information: 137 minutes contre 19; et pour ce qui est des «autres programmes»: 25 minutes contre... 10 secondes.

Si l’on songe au contrôle exercé par le pouvoir politique et les grands groupes capitalistes sur les médias, la sollicitude de ces derniers envers la LCR permet de juger ce que valent les fières paroles de Besancenot rapportées par Le Monde daté du premier juin: «il n’y a plus de place pour le réformisme»: de la poudre aux yeux! D’ailleurs lors de son passage chez Drucker, lorsque Sérillon lui a demandé s’il était révolutionnaire et pour l’insurrection armée, Besancenot a noyé le poisson en disant que pour lui la révolution c’était pas des «flaques de sang»! Un «révolutionnaire» non violent a tout pour plaire aux médias (certains l’ont appelé le «révolutionnaire des familles»...): quoi d’étonnant si selon les sondages il est maintenant devenu la personnalité de gauche la plus populaire?

Un coup d’oeil au projet de texte d’orientation présenté par la direction de la LCR pour la réunion fin juin des comités préparatoires au nouveau parti (dont le congrès de fondation devrait avoir lieu à la fin de l’année) confirme cette orientation intégralement réformiste; le texte parle de «luttes» sans jamais préciser de quoi il s’agit et quel en est le but; s’il y a un passage sur le droit des femmes et sur la lutte contre le racisme, il n’y a pas un mot sur l’exploitation capitaliste et le sort du prolétariat: la classe ouvrière, apparemment, on ne connaît pas à la LCR!

 S’il y a un passage sur la politique extérieure de l’Etat français, c’est pour critiquer le fait que Sarkozy la «réoriente» en l’intégrant dans «le dispositif impérialiste dominant»: l’impérialisme à combattre, c’est celui des autres! L’impérialisme français et ses crimes outremer, à la LCR on ne connaît pas! Cela explique son absence de réaction à l’intervention militaire française au Tchad en début d’année ou on silence complet sur les massacres commis par les régimes soutenus et armés par Paris (comme au Cameroun il y a quelques mois)...

La LCR critique dans son texte la «social-démocratie», mais c’est en prétendant qu’elle est «en train d’achever sa mutation» et qu’elle «accepte désormais sa conversion au capitalisme». Comme si cette «mutation», cette «conversion» (d’ailleurs pas encore terminée selon le texte si l’on comprend bien) datait de quelques mois ou de quelques années!

Apparemment la LCR a «oublié» qu’il y a presque 90 ans que les révolutionnaires marxistes se sont séparés des sociaux-démocrates parce que ces derniers avaient démontré dans les faits qu’ils étaient devenus des adversaires de l’émancipation prolétarienne, des partisans de l’ordre capitaliste n’hésitant pas à devenir des agents directs de la contre-révolution!

 Cet «oubli» a permis à la LCR tout au long de son existence de fricoter avec le PS, d’aller gémir auprès de lui pour qu’il lui donne des signatures pour présenter des candidats aux présidentielles, et juste retour d’ascenseur, de soutenir les candidats du PS au deuxième tour des élections.

C’est ainsi que le véritable parrain de Besancenot a été Hollande: lors de l’avant-dernière présidentielle, le PS avait fourni les signatures à la LCR et usé de son influence pour ouvrir la porte des grands médias à Besancenot; il s’agissait pour le PS de réduire le vote LO (LO refusant alors de se désister pour les candidats de gauche, à la différence de la LCR), afin de pouvoir récupérer des voix d’extrême gauche au second tour (la manoeuvre n’a servi à rien, Jospin s’étant fait étaler dès le premier round!).

Cette critique de la «social-démocratie» n’a pas empêché la LCR lors des grèves de cet hiver d’appeler le PS à participer à un front commun pour soutenir les grévistes - alors même que celui-ci s’était déclaré partisan de la réforme mise en oeuvre par Sarkozy et adversaire de tout syndicalisme qui serait de lutte et pas de collaboration!

 

*   *   *

 

L’hebdomadaire «Marianne» a publié dans sa livraison du 31 mai un débat entre Olivier Besancenot et Ségolène Royal (republié in extenso sur le site internet de la LCR, qui n’y a trouvé rien à redire).

Le nouveau chouchou des médias y justifie d’abord sa discussion avec Ségolène par le fait que «beaucoup d’électeurs de gauche se sentent orphelins de ce type de débat où chacun assume ses orientations, fait la part de ce qu’il y en a commun et de ce qui nous sépare. Il y avait des désaccords au sein de la famille de la gauche sur la façon de changer le monde entre ceux qui se disent réformistes et ceux qui se disent révolutionnaires». O.B. assure donc qu’il est de la même famille politique que la dirigeante du PS; sans doute le séparent il y a des «désaccords» mais il est utile d’avoir une confrontation politique à ce sujet, car «de la confrontation, des idées peuvent surgir!». En fait ce qui surgit de ce débat avec la dirigeante d’un parti bourgeois de gauche et le prétendu révolutionnaire, c’est qu’ils sont tous deux dans le même camp... A aucun moment le porte-parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire n’y défend des positions révolutionnaires communistes. Aux professions de foi démocratiques de Royal, O.B. répond: «il faut une combinaison de la démocratie directe et du suffrage universel. Je suis pour une démocratie qui permette le contrôle (?)».

Un certain Lénine répliquait autrefois à un dirigeant socialiste allemand qui bavardait sur la démocratie: «il est naturel qu’un libéral parle de démocratie en général. Un marxiste ne manquera jamais de demander: pour quelle classe? (...) De quels sarcasmes Engels n’aurait-il pas accablé le plat philistin, le social-démocrate (...) qui se fût avisé de parler en général de démocratie pure dans une société divisée en classes!» (2)

En effet, pour le marxisme la «démocratie» est une illusion qui vise à masquer que la société est divisée en classes antagonistes et que la classe capitaliste dominante y maintient son pouvoir par une véritable dictature politique et sociale. Ce n’est pas le marxisme qui a reconnu l’existence de ces classes et leur lutte; sa caractéristique est d’étendre cette reconnaissance jusqu’à l’affirmation de la nécessité de la dictature du prolétariat pour détruire l’Etat bourgeois et en finir avec le capitalisme et la société de classes.

Besancenot ne dit rien de tout ça; au contraire, il affirme: «nous ne sommes pas contre le fait de participer aux institutions en tant que telles, (...) ce que nous contestons, c’est l’idée que la politique ce serait pour les institutions, et le social, pour la rue». En clair, pas question de détruire les institutions bourgeoises; il faut les améliorer, avec l’institution de la proportionnelle qui permettrait d’avoir «12 ou 13 députés de la LCR. Je ne dis pas que cela changerait tout mais cela pèserait». Le réformiste radical montre le bout de son oreille de parlementariste frustré...

Réformiste radical?

Ce n’est pas nous qui le disons, mais Besancenot lui-même qui l’affirme hautement: «aujourd’hui, ceux qui sont partisans de réformes radicales, nous les invitons à construire un nouveau parti anticapitaliste ensemble». Sans doute, ajoute-t-il plus loin, «nous contestons l’hégémonie du PS sur la gauche et nous revendiquons notre indépendance». «Mais aller dans un gouvernement de gauche anticapitaliste, qui remette en cause l’économie de marché, je ne suis pas contre».

Le propre du réformisme est précisément de faire croire qu’un gouvernement de gauche, dans le cadre des institutions bourgeoises, pourrait remettre en cause «l’économie de marché», ou, pour parler clairement, le capitalisme. Le seul gouvernement qui sera capable de le faire, ce sera le gouvernement révolutionnaire issu d’une insurrection armée et instauré sur les ruines de l’Etat bourgeois: le gouvernement de la dictature du prolétariat dirigée par le véritable parti communiste internationaliste et international. Tout autre gouvernement ne peut être autre chose qu’un obstacle à la lutte des prolétaires et un auxiliaire de l’Etat bourgeois, comme l’ont montré d’innombrables et tragiques expériences historiques.

Les marxistes, les véritables révolutionnaires, ont toujours combattu les mensonges bourgeois sur l’Etat, la démocratie et les réformes, alors que la LCR les répand aujourd’hui avec autant d’effronterie que les sociaux-démocrates combattus hier par Lénine. La LCR a décidé avec raison que le parti qu’elle veut constituer sur cette orientation ne s’appellera plus «communiste révolutionnaire».

Mais en réalité il ne sera pas non plus «anticapitaliste». Ce sera un nouveau parti pseudo-révolutionnaire, un nouveau parti réformiste, un nouveau parti anticommuniste.

 


 

(1) cf CQFD n°57, juin 2008. Il y a trente ans nous avions montre que les groupes dits de «lutte armée» n’étaient en fait que des «réformistes armés». Les armes étant( maintenant tombées, il ne reste que le réformisme...

(2) Lénine, «La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky», oeuvres Tome 18, p. 243.

 

Particommuniste international

www.pcint.org

 

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