A propos de la solidarité avec les masses palestiniennes

L’impasse du concrétisme et de l’immédiatisme

(«le prolétaire»; N° 492; Févr.- Mars - Avril 2009)

 

Notre tract sur Israël nous a valu, comme à l’accoutumée, diverses réactions hostiles à une position de classe, ces réaction hostiles étant souvent «justifiées» au nom de la nécessité du «concret» ou de l’«urgence».

Etant donné que ce type de critique revient régulièrement, il n’est peut-être pas inutile de s’y attarder, en prenant un exemple précis.

Un internaute nous a interpellé en ces termes: «Le Parti Communiste International parle beaucoup de la lutte “prolétarienne” et de la glorrrrrieuse révolution contre le capitalisme mondial. Mais vous ne dites pas un seul mot sur quelles mesures pratiques les “prolétaires” peuvent prendre pour aider les Palestiniens».

Cette réaction pourrait se comprendre: devant le spectacle des bombardements et massacres quotidiens, il est naturel de vouloir venir en aide immédiatement aux victimes au point qu’évoquer une perspective à long terme peut même paraître suspect. Mais l’immédiatisme est toujours la justification de tous les opportunismes, de toutes les déviations qui en définitive retardent ce qu’elles veulent accélérer. Notre critique continuait en effet:

«Vous ne dites pas un seul mot sur par exemple une campagne de boycott et de protestation contre les entreprises/personnes qui font des affaires avec Israël, l’organisation de boycott de produits israéliens, démasquer ou s’opposer au lobby israélien, organiser des protestations devant les bureaux et sièges spécifiques gouvernementaux ou de politiciens, ou devant les consulats/ambassades Israéliennes ou les résidences des ambassadeurs ou consuls, etc. Votre but semble être avant tout de vous faire de la publicité!

Il y a des tas de choses qu’il est possible de faire avant d’avoir la possibilité de renverser le capitalisme mondial. Tant que nous n’entendrons rien de concret, votre discours est aussi vide que celui des gouvernementaux occidentaux et arabes (...)».

On voit que les «tas de choses qu’il est possible de faire» auraient été absolument impuissantes à faire cesser les bombardements et les massacres: aucun boycott, aucune manifestation de protestation ne pouvait arrêter une action militaire décidée et planifiée depuis des mois avec l’accord des parrains impérialistes américains! Ces propositions, qui donnent l’impression de «faire quelque chose» alors qu’elles ne représentent qu’un pâle succédané de ce qui devrait être, dans d’autres circonstances, une solidarité prolétarienne, reviennent en définitive à détourner les énergies existantes du seul terrain sur lequel elles pourront demain être efficaces, le terrain de la lutte de classe. En se donnant comme objectif de faire pression sur l’ «opinion publique» interclassiste voire sur les structures étatiques; en préconisant une action des «consommateurs» toutes classes mêlées et non une action propre des travailleurs en tant que membres de la seule classe capable de s’opposer frontalement au capitalisme et à l’Etat bourgeois; ou en voulant faire condamner les «crimes de guerre» israéliens par les organisations démocratico-impérialistes internationales, ce genre d’orientations démontrent qu’elles sont un obstacle direct sur la voie qui mène à la reconstitution d’une force de classe prolétarienne.

Prétendre sentencieusement qu’il est impossible de faire quoi que ce soit, qu’aucune action de solidarité prolétarienne n’est possible, tant que le capitalisme mondial n’est pas renversé, ne pourrait venir à l’esprit que de ceux qui veulent camoufler derrière des phrases un indifférentisme coupable vis-à-vis de la situation des prolétaires et des masses des pays sous le joug des grands impérialismes.

Mais refuser au nom de l’«urgence» et du «concret» toute orientation classiste ne peut venir que d’adversaires de la lutte prolétarienne anticapitaliste. Car enfin, ce que notre texte mettait en évidence, c’est que sans le soutien sans faille des grands Etats impérialistes, les Etats-Unis bien sûr au premier plan, mais aussi les Etats européens et la Russie, ainsi que le soutien implicite des Etats arabes les plus influents, l’Etat israélien ne pourrait continuer ses guerres, ses colonisations et ses exactions en tout genre. Ce qui peut desserrer l’étau qui broie les masses palestiniennes depuis des décennies, ce ne sont pas des campagnes d’opinion, des boycotts ciblés d’entreprises commerçant avec Israël ou des manifestations devant les ambassades de ce pays, etc., mais le développement de luttes prolétariennes réelles et réellement anticapitalistes dans ces Etats. Avant que le prolétariat trouve la force de menacer la survie du capitalisme, il pourrait paralyser les envois d’armements ou, pour rester au cas français, organiser des protestations musclées contre l’envoi d’un navire de guerre patrouiller au large de Gaza pour aider le blocus israélien (1), faire de l’agitation en ce sens au sein de l’armée (aujourd’hui les syndicats se gardent bien sûr de toute mobilisation des travailleurs!), etc. On peut rappeler l’action du jeune PCF dans les années vingt contre la guerre du Rif (Maroc), qui s’était concrétisée non seulement par des manifestations mais par une grève nationale, des agitations au sein de la marine de guerre, etc; indépendamment des critiques qui peuvent être faites au déroulement de cette action, il s’agit là d’un exemple tout à fait concret de ce qu’il est possible de faire lorsque les circonstances le permettent.

Et une véritable action de solidarité prolétarienne aurait comme conséquence de faciliter la rupture des prolétaires non seulement palestiniens mais aussi israéliens avec leur bourgeoisie en leur démontrant que la lutte de classe internationaliste est la seule façon de combattre efficacement l’oppression et l’exploitation.

Nous n’en sommes pas là? Evidemment non. Une telle orientation prolétarienne n’est pas facile à mettre en oeuvre? Sans aucun doute. Elle ne peut pas être immédiate? Malheureusement pas.

Mais alors que des décennies d’agitations démocratiques n’ont eu d’autre effet que de réduire toujours plus les prolétaires et les masses à l’impuissance, il n’y a pas aujourd’hui de tâche plus urgente, dans cette question de la lutte contre l’impérialisme et le sionisme comme dans les autres, que de travailler à préparer la reprise de la lutte de classe, sur les plans théoriques, politiques et organisationnels. A commencer par la critique impitoyable de toutes les fausses solutions, de tous les immédiatismes, de tous les démocratismes, de tous les collaborations de classe...

 


 

(1) Le 23 janvier la France a dépêché vers Gaza la frégate porte-hélicoptère «Germinal» qui croisait au large du Liban dans le cadre de la FINUL. Selon le communiqué de l’Elysée, ce navire devait «participer à la lutte contre la contrebande d’armes (...) en coopération avec Israël et l’Egypte». Cette participation militaire directe de la France au blocus de la bande de Gaza n’a guère suscité de réaction en dehors des milieux pro-palestiniens...

 

 

Parti communiste international

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