Elections canadiennes : A bas le cirque électoral, vive la lutte prolétarienne!
(«le prolétaire»; N° 499; Mars - Avril 2011)
Le 2 mai prochain le cirque parlementaire jouera son énième représentation au Canada pour l’élection d’un nouveau gouvernement fédéral. Les divers partis de la bourgeoisie se sont rués pour participer à cette mascarade une fois de plus et pour convaincre les travailleurs qu’en votant pour eux ils amélioreront leur sort! Pendant ce temps les conditions de vie de la classe prolétarienne continuent de se détériorer avec notamment des suppressions d’emploi, comme avec la fermeture annoncée pour 2012 de l’usine d’électroménagers Electrolux située dans la ville de l’Assomption au Québec. Les attaques contre les acquis sociaux, gagnés grâce à de dures luttes ouvrières, se poursuivent partout au Canada, comme avec le dernier budget du ministre des Finances Raymond Bachand au Québec. Les frais de scolarité des universités québécoises, qui sont historiquement les plus bas en Amérique du Nord, vont augmenté de 325$ par année à compter de 2012 dans le but de rattraper la moyenne canadienne, passant de 2168$ (leur niveau actuel) à 3793$ pour chaque année de scolarité! Les cotisations au régime de retraite québécois ont aussi été augmenté, accroissant ainsi les ponctions sur le revenu prolétarien, et une hausse des pénalités de 0.5% à 0.6% pour ceux et celles qui prendront leur retraite avant 65 ans a été institué. A Toronto, principale ville canadienne, le maire nouvellement élu en 2010 Rob Ford, veut privatiser la majeure partie de la collecte de déchets, la Société d’habitation de Toronto et «tout ce qui n’est pas coulé dans le ciment», autrement dit une bonne partie des services publics de cette ville. Le but est de faire baisser le plus possible les conditions de travail des prolétaires qui travaillent dans les services publics. Le dernier budget du gouvernement Harper en mars dernier a institué une augmentation les cotisations au régime d’assurance-emploi, diminué les impôts des grandes entreprises, gelé les dépenses d’exploitation des sociétés d’États comme Radio-Canada et Postes Canada pour bloquer toute hausse salariale pour les employés, etc.
Tout ceci n’est qu’un avant-goût de ce qui attend la classe ouvrière canadienne, car les effets de la crise capitaliste qui va s’intensifiant obligent la bourgeoisie à accroître son exploitation en s’attaquant toujours plus à ses conditions de vie et de travail, y compris en rognant les acquis concédés autrefois pour maintenir la paix sociale. Le prolétariat ne pourra y répondre que la lutte, pas par les élections.
En effet, contrairement au mythe répandu par la classe dominante, ses médias monopolisés, les institutions bourgeoises (école, églises, etc…) et par les partis et syndicats réformistes, les élections ne représentent nullement une quelconque expression d’une «volonté populaire». L’orientation des politiques gouvernementales est déterminée par les intérêts des grands groupes capitalistes dont l’État bourgeois est un serviteur. Les élections ne servent à rien sinon à mystifier le prolétariat en lui faisant croire que son bulletin de vote peut contribuer à faire «changer les choses». Elles font perdurer les illusions démocratiques, selon lesquelles tous les «citoyens» sont égaux et l’Etat est une institution neutre obéissant gentiment aux bouts de papier déposés dans les urnes, et qu’il n’est donc pas besoin de la lutte de classe. Ces illusions, qui sont un obstacle majeur à la reprise de la lutte des classes, contribuent à maintenir le mythe puissant à l’effet que les institutions démocratiques peuvent servir à faire avancer les intérêts du prolétariat, alors que les institutions politiques de la démocratie bourgeoise sont au service exclusif de la classe dominante et sont utilisées pour réprimer la lutte prolétarienne.
Un des aspects de ces élections (la quatrième en 7 ans!) est la campagne, initiée par la gauche réformiste, qui appelle à ne pas voter pour le Parti Conservateur du premier ministre Stephen Harper, au pouvoir depuis janvier 2006, et qui serait particulièrement dangereux et réactionnaire. Nul doute que ce parti soit profondément rétrograde et anti-ouvrier, mais en quoi est-il si différent des autres partis bourgeois? Le Parti Libéral du Canada a représenté le principal parti de la bourgeoisie canadienne depuis la Confédération de 1867 et a constamment attaqué les droits et intérêts du prolétariat, notamment avec la Loi sur les mesures de guerre en 1970 sous le prétexte de mater une insurrection appréhendée au Québec. Le chef du PLC, Michael Ignatieff, vient de promettre qu’il poursuivra l’intervention impérialiste canadienne en Afghanistan s’il est réélu! Quand il était au pouvoir dans les années 90, le Parti Libéral a sabré sauvagement dans l’assurance-chômage et a détourné des fonds destinés à ce programme pour éponger le déficit fédéral! Le Nouveau Parti Démocratique, membre sur le papier de la IIème Internationale réformiste, axe son discours sur l’aide aux familles ou l’amélioration des soins de santé pour les aînés. Le Bloc Québécois régionaliste, nationaliste bourgeois, ne parle que des «intérêts du Québec», comme si les travailleurs et les patrons québécois avaient des intérêts similaires! Quant au Parti Vert du Canada, il propose tout simplement d’humaniser la gestion de l’environnement à l’intérieur du capitalisme, qui est pourtant le responsable de la détérioration continue de l’environnement. Tout ceci dévoile on peut plus clairement les fausses alternatives qui nous sont présentées par le cirque électoral et démontre l’imposture de la campagne Tout sauf Harper qui s’insère parfaitement dans la défense du système capitaliste d’exploitation en mettant de l’avant un «moindre mal» au Parti Conservateur. Les promoteurs de cette campagne sont des adversaires de classe des prolétaires au même titre que les Conservateurs. Tous les partis représentés au Parlement canadien ont voté à l’unanimité en faveur de l’intervention impérialiste en Libye sous le prétexte de «protéger la vie des civils libyens»! Le Parti Vert se prononce en faveur d’une «intervention diplomatique rapide et soutenue en Libye afin d’empêcher la situation de dégénérer en guerre civile». « Nous ne devons pas perdre de vue notre priorité – prévenir la mort d’innombrables civils libyens innocents », a rappelé Ellen Michelson, porte-parole des verts en matière de Paix et de Sécurité. « Les efforts diplomatiques doivent faire contrepoids à la présence militaire pour faire en sorte d’éviter au maximum les pertes de vie et les dommages structurels ». Tout ce verbiage représente un appui à peine déguisé à la guerre impérialiste contre la Libye enrobé de «préoccupations humanitaires». La campagne électorale détourne l’attention des prolétaires de leurs intérêts immédiats, mais elle détourne aussi l’attention des interventions impérialistes en cours.
Le parti de la gauche réformiste et petite-bourgeoise au Québec, Québec Solidaire participe pleinement à la campagne contre les Conservateurs. Il dénonce notamment les politiques de droite que ce parti a mis en vigueur et son obsession sécuritaire, commune à tous les gouvernements bourgeois et insiste sur le fait que les orientations du gouvernement Harper iraient à «l’encontre de valeurs largement partagées par la population québécoise : justice sociale, défense de la culture et de la langue française, égalité entre les femmes et les hommes, développement d’un Québec vert, respect des droits humains, solidarité internationale, démocratie»(1). Une phraséologie typiquement petite-bourgeoise et nationaliste qui ne fait aucune mention de la classe ouvrière et de la lutte des classes et qui propage les illusions d’un possible monde «meilleur» sous le joug du capital! Quant à l’obsession sécuritaire des Conservateurs, il est important de rappeler que le système des certificats de sécurité qui permettent de mettre en détention sans accusations ni jugement des personnes immigrantes qui n’ont pas la citoyenneté canadienne sous le prétexte de «terrorisme». L’appel à ne pas voter pour le parti Conservateur représente simplement un soutien à une fraction de la classe dominante, considérée comme étant plus «éclairée», contre une autre qui serait plus réactionnaire. Le prolétariat n’a absolument aucun intérêt à se laisser enrôler dans cette campagne qui vise à maintenir intacte la domination de classe de la bourgeoisie.
Des militants d’extrême-gauche, dont les maoïstes du Parti Communiste Révolutionnaire, ont lancé une campagne pour le boycott des élections fédérales de 2011 (2). C’est une campagne démocratique de boycott des élections. Ses promoteurs n’appellent pas les prolétaires à boycotter les élections afin de faire avancer la rupture avec les illusions démocratiques et le retour à la lutte de classe, mais parce que ces élections ne sont pas assez démocratiques ! Ils disent que leur campagne de boycottage leur servira à montrer la nature « non-démocratique » de ces élections et à appeler à la lutte pour une « démocratie populaire » et un « pouvoir populaire » ; apparemment cette lutte consistera à… « commencer la conversation sur comment créer une véritable égalité et une véritable démocratie » ! Puisqu’ils s’efforcent de renforcer les illusions dans la démocratie, il est naturel qu’ils ne parlent pas de la division du « peuple » en classes opposées et qu’ils cachent qu’il ne pourra exister de « véritable égalité » qu’après la révolution, la destruction de l’Etat bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat, étape indispensable pour démanteler le capitalisme et passer à la société communiste sans classes.
Pour ces élections, comme pour toutes les autres, la seule position qui correspond aux intérêts de classe du prolétariat est l’abstentionnisme révolutionnaire. Ceci correspond aux positions défendues par la Gauche communiste dès les années vingt (3).
La force du prolétariat, dont l’exploitation fait vivre toute la société bourgeoise, ne réside que dans son action collective, menée et organisée sur des bases de classe. Le terrain électoral, par définition interclassiste, où chaque prolétaire va isolément déposer son bulletin aux côtés des individus de toutes les autres classes, est un terrain truqué qui ne sert que la classe dominante. D’une part parce que celle-ci a mis sur pied et entretient un gigantesque et multiforme appareil (médias, partis, institutions diverses…) anti-prolétarien de propagande et de formation de l’ « opinion publique » ; d’autre part parce que le parlement et tout le système politique démocratique ne sont plus depuis longtemps des centres du pouvoir réel dans la société bourgeoise : leur fonction principale est de dévier le mécontentement dans les méandres des alternances inoffensives entre politiciens bourgeois de droite et de gauche. Pour se défendre contre l’exploitation et la répression, pour lutter contre la politique bourgeoise, pour exprimer sa solidarité avec les prolétaires des autres pays, la classe ouvrière devra abandonner ses illusions démocratiques, légalistes et pacifistes et en venir à l’affrontement ouvert avec la classe exploiteuse. La lutte prolétarienne ne passe pas par le cirque électoral et les institutions démocratiques bourgeoises, elle les combat ! Les prolétaires n’ont rien à gagner à participer aux élections bourgeoises où le capitalisme est toujours le vainqueur ! La seule solution pour le prolétariat au Canada et partout dans le monde c’est la reprise de la lutte de classe pour la défense de ses intérêts exclusifs de classe et ensuite pour le renversement du système capitaliste d’exploitation sous la direction du parti politique de classe.
Non au cirque électoral ! A bas le capitalisme, à bas l’impérialisme !
Pour le retour à la lutte de classe, pour la reconstitution du parti de classe international, pour la révolution communiste internationale !
(1) http://www.quebecsolidaire.net/actualite_nationale/elections_federales_au_quebec_c’est_non_ aux_conservateurs
(2) www.boycott2011.ca
(3) Voir les Thèses sur le parlementarisme de la Fraction Communiste abstentionniste, dirigée par Amadeo Bordiga : «... dans les pays ou le régime démocratique a depuis longtemps achevé sa formation, il n’existe plus, au contraire, aucune possibilité d’utiliser la tribune parlementaire pour l’œuvre révolutionnaire des communistes, et la clarté de la propagande non moins que la préparation efficace de la lutte finale pour la dictature exigent que les communistes mènent une agitation pour le boycottage des élections par les ouvriers... La dangereuse conception qui réduit toute action politique à des luttes électorales et à l’activité parlementaire n’a été que trop répandue par la pratique ultra-parlementaire des partis socialistes traditionnels»
Parti communiste international
www.pcint.org