La révolte en Grande-Bretagne annonce les futures révoltes en Europe

(«le prolétaire»; N° 500; Mai-Septembre 2011)

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Les émeutes  qui ont  éclaté dans le quartier de Tottenham avant de s’étendre à tous les quartiers de Londres ainsi qu’à Manchester, Bristol, Liverpool, Birmingham, Glasgow, démontrent une nouvelle fois le profond malaise de larges couches prolétariennes frappées par le chômage, la précarité et la marginalisation, et préfigurent ce qui pourrait se passer dans toute l’Europe.

 

Sur les murs de High Road, à Tottenham, on peut lire: “Fuck the police!”.

Tout a commencé à Tottenham quand Mark Duggan, père de 4 enfants, a tenté de fuir une patrouille de police qui voulait l’arrêter: la police tire et le tue. Il a été tellement défiguré par les balles que sa mère n’a pas réussi à la reconnaître.

Rien de plus naturel que les policiers soient la cible de la colère et de la violence qui embrase les quartiers populaires de Londres: au cours des dernières années près de mille personnes ont été tuées par la police et jamais aucun policier n’a été puni. Comment s’étonner de la réaction d’une jeunesse sans espoir, sans avenir, systématiquement humiliée, frustrée par une consommation réservée aux riches et précipitée toujours plus bas à chaque crise économique?

Les révoltes violentes en Grande Bretagne ont rythmé les périodes de crise économique depuis trente ans. En 1981, en pleine période de crise, une véritable vague d’émeutes a traversé tout le pays ; commençant par les soi-disant «émeutes raciales» à Brixton, les troubles s’étendirent ensuite à Birmigham, Londres, Liverpool, Nottingham, Bristol, Bedford, Coventry, Edimbourg, Gloucester, Halifax, Leeds, Leicester, Southampton, Wolverhampton. En 1985, Brixton explosa à nouveau; en 1990-91 à l’époque de la lutte contre la fameuse poll-tax, tout le pays fut secoué de manifestations et de révoltes; en 2001 ce fut le tour de Bradford, Odham et Harehills à Leeds et en 2005 de Birmingham.

Les révoltes avaient habituellement lieu sous des gouvernements conservateurs (Thatcher, John Major), mais à partir des années 2000 c’est sous des gouvernements travaillistes (Tony Blair, Gordon Brown),  qu’elles éclatèrent; maintenant c’est un gouvernement conservateur qui dirige le pays: démonstration que ce n’est pas la couleur politique du gouvernement qui est visée par les émeutiers, mais la politique dite libérale qui, pour faire face aux crises capitalistes, ne trouve rien d’autre que de pressurer toujours plus les grandes masses prolétariennes.

Bien que l’histoire récente démontre clairement que la détérioration de la condition des travailleurs et des couches pauvres est à la base de ces explosions, les gouvernements bourgeois réagissent comme si elles éclataient pour la première fois; ils font porter la responsabilité des affrontements, des incendies et des pillages à des groupes de violents et de voyous.

 En réalité la violence systématique, quotidienne, que le pouvoir bourgeois exerce sur les prolétaires et en particulier sur les jeunes prolétaires à qui il ne promet que la misère, le désespoir et la mort, ne peut pas ne pas provoquer tôt ou tard chez ces masses marginalisées des réactions de revanche violentes, désordonnées voire même gratuites, envers la police et les symboles d’un système économique qui les écrase.

Poussées par une colère incontrôlable, les émeutiers ont répondu par ces actes de violence et de destructions contre des magasins regorgeant de marchandises qu’ils ne peuvent acheter, contre des bâtiments et des palais qui sont une insulte à leur vie misérable, à la haine exercée systématiquement par la police et le pouvoir bourgeois qui la dirige, envers les prolétaires révoltés, aujourd’hui comme lors des émeutes précédentes

«Nous allons vous faire sentir le poids de la loi!» crie aux révoltés le premier Ministre Cameron en mobilisant 16 mille policiers pour faire cesser les troubles dans les quartiers de Londres; mais la loi bourgeoise s’appuie sur la violence économique et sociale d’un mode de production, le capitalisme, qui n’a d’autres perspective à offrir aux travailleurs et aux masses que celles qui les poussent à se révolter : misère, chômage, marginalisation, dans une ambiance sociale qui se détériore toujours davantage!

La haine bourgeoise ne disparaîtra pas avec la fin des émeutes de ces derniers jours, pas plus qu’elle n’a disparu après les émeutes de 1981, 1985, 1990, 1995, 2001 et 2005 ; elle continuera, exprimant la brutalité systématique d’une classe qui s’approprie la richesse sociale par l’exploitation, la répression et l’écrasement des classes laborieuses (1).

Les prolétaires n’ont pas le choix: ou ils se révoltent, où ils meurent suffoqués dans leur sueur et leur sang.

L’explosion sociale actuelle, comme celles qui l’ont précédée, s’est épuisée au bout de quelques jours, comme un volcan après une éruption. Mais cela ne signifie pas que les causes qui l’ont provoquée aient disparu; elles vont continuer à travailler dans le sous-sol économique et elles provoqueront de nouvelles explosions.

C’est pourquoi les prolétaires doivent recommencer à apprendre ce qu’avaient appris les générations prolétariennes des années vingt du siècle dernier: organiser leur haine de classe dans des formes de résistance à la pression et à la répression bourgeoises, et de défense de leurs conditions de vie dans le cadre de la lutte de classe; c’est-à-dire d’une lutte qui ne se limite pas à une flambée momentanée de violence mais qui se fixe des objectifs de longue portée; d’une lutte qui se renforce par la solidarité de classe et la défense exclusive des intérêts prolétariens immédiats; d’une lutte qui ne s’éteint pas quand s’épuise la force physique de la poussée initiale, mais qui persiste à travers les hauts et les bas des affrontements sociaux; bref d’une lutte qui représente une perspective d’avenir que la société du capital, la société de l’exploitation du travail salarié, de la répression et des privilèges bourgeois, de la violence économique, sociale et politique contre les masses prolétariennes, refuse complètement à la grande majorité de la population.

La lutte de classe est le grand objectif auquel sont appelés les prolétaires par les faits matériels eux-mêmes, par l’explosion des contradictions sociales destinées à s’aggraver tou     jours davantage; c’est le grand objectif des prolétaires dans tous les pays parce que ce n’est que par la lutte de classe qu’il est possible d’ébranler les fondements de la société bourgeoise qui les opprime et les réprime, et de s’opposer réellement aux mesures anti-prolétariennes que prennent et prendront les gouvernements bourgeois pour faire face aux crises capitalistes; c’est le grand objectif du prolétariat qui doit se préparer à combattre la politique oppressive et répressive sur le terrain économique et social, mais aussi la politique de guerre qu’adoptera tôt ou tard le pouvoir bourgeois, poussé inexorablement par la concurrence inter-impérialiste qui consomme progressivement les ressources de l’Etat-providence mis en place depuis des décennies pour exploiter avec le moins de problèmes les prolétaires.

La lutte de classe est la perspective dans laquelle les prolétaires britanniques, comme les prolétaires en révolte des pays arabes au cours de ces derniers mois et comme les prolétaires du monde entier, peuvent trouver la nécessaire solidarité internationaliste pour affronter les pouvoirs bourgeois alliés entre eux dans cette période de crise économique qui met en difficulté les économies les plus puissantes de la planète.

Dans cette perspective s’inscrit depuis toujours le parti prolétarien de classe, le parti communiste révolutionnaire que le prolétariat reconnaîtra comme sa direction théorique et pratique dans la mesure où l’affrontement entre les classes produira des avant-gardes classistes qui arracheront les prolétaires à l’influence délétère de l’opportunisme, de la démocratie, des illusions petites-bourgeoises, et transformeront les explosions de violence en force organisée  de classe.

L’attitude bourgeoise sera toujours la même: répression et assassinats. La riposte prolétarienne qui aujourd’hui se manifeste par la colère, la dévastation des quartiers, l’explosion aveugle des tensions accumulées depuis des années, devra dépasser ce stade primitif de la violence de rue pour s’incarner dans l’organisation de la lutte de classe, lucide et consciente de l’antagonisme irréconciliable entre bourgeois et prolétaires.

Telle est la seule perspective positive pour les prolétaires, qui, après l’appel à la lutte de leurs frères de classe en Grèce, se révoltent aujourd’hui contre l’austérité bourgeoise en Grande Bretagne, l’un des pays capitalistes les plus puissants du monde, annonçant ce qui va se passer demain dans les autres pays européens.

 


 

(1)  Cette haine de classe peut se lire dans la sévérité des condamnations des émeutiers: 4 ans de prison pour de simples messages sur Facebook (sans participation aux émeutes), 6 mois de prison ferme pour le vol de 2 bouteilles d’eau, etc. Des centaines de personnes ont été inculpées, après des appels à délation et publication de photos de suspects sur divers sites internet de la police ou de certains journaux.  De son côté la firme RIM qui produit les téléphones portables Blackberry, a annoncé qu’elle collaborait avec la police «comme elle le fait dans tous les pays» en lui transmettant des données sur ceux qui utilisaient ces appareils lors des émeutes.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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