Manifestations d’ «Indignés» dans le monde: étudiants et couches moyennes descendent dans la rue en lançant contre les banques et les gouvernements un cri de révolte: «ils nous volent notre avenir!»
Mais le seul avenir qui vaille n’est pas dans la réforme du capitalisme, mais dans son renversement par la lutte révolutionnaire du prolétariat et l’instauration du communisme!
(«le prolétaire»; N° 501; Octobre 2011 - Janvier 2012)
La première fois qu’est apparu un véritable mouvement des indignés, c’est au moment du mouvement du 15 mai en Espagne, lorsque des étudiants et des couches de la petite-bourgeoisie, reprenant le titre de l’ouvrage de Hessel, se sont mobilisés contre le chômage et les mesures d’austérité ; à l’exemple de l’occupation de la place Tahir au Caire lors des révoltes dans les Pays Arabes, ils occupaient la place principale de Madrid, la Puerta del Sol ; le mouvement s’est étendu ensuite aux autres grandes villes espagnoles . L’appellation a maintenant fait le tour du monde.
Comme cela est souvent arrivé lors des graves crises économiques, les couches petites-bourgeoises, confrontées à la menace de la ruine et de la prolétarisation, se mobilisent pour protester contre les gouvernements et les «puissants» (banques, grandes entreprises, multinationales, etc.), pour revendiquer le maintien ou le retour de leur situation sociale privilégiée par rapport aux masses prolétariennes. Aujourd’hui ce malaise n’est pas exprimé par des partis d’opposition parlementaire ni par des organisations extra-parlementaires ; il s’exprime par en bas, spontanément, dans des mobilisations qui commencent par quelques centaines de personnes et qui peuvent en regrouper des milliers. Dans les rues ou sur les places des grandes villes, les manifestants se sentent «libres» de participer, en dehors de partis structurés qui demandent un engagement non seulement idéologique mais pratique.
Expression d’une sorte de libération du mécontentement et de la désapprobation au moyen des smartphones, des blogs et des réseaux sociaux, sous la forme de rassemblements et de cortèges bariolés, ces mouvements comptent sur la force du nombre, sur leur caractère pacifique, sur la liberté de s’exprimer pour demander la justice sociale aux autorités, en affirmant représenter les 99% de la population qui s’appauvrissent face aux 1% qui s’enrichissent.
Il ne s’agit plus de mouvements qui comme en 1968 se gargarisaient de phrases sur le «pouvoir ouvrier» ou clamaient «l’imagination au pouvoir!», mais de mouvements beaucoup moins politisés qui, prenant au sérieux les droits et libertés démocratiques, comptent sur la seule pression de leurs manifestations pour faire fléchir les autorités. A la base de ces protestations il y a cependant des problèmes communs comme le manque de logements, le chômage, sans parler de la corruption qui semble sans fin.
Des mouvements de ce genre peuvent-ils gêner les gouvernements et les classes dominantes ? Oui, mais seulement du point de vue de l’ordre public. Les choses seraient bien différentes si c’était la classe ouvrière qui entrait en action, se mettant non seulement en grève et se mobilisant contre les mesures anti-prolétariennes des patrons et de l’Etat, mais retrouvant la voie de la lutte de classe s’organisait sur cette base en rompant avec les illusions démocratiques qui stérilisent tout mouvement social.
Sous la pression de la crise économique qui depuis 4 ans ne frappe pas seulement les prolétaires, mais aussi de vastes couches de la petite bourgeoisie, des mouvements d’indignés sont apparus en Grèce, en Espagne, au Chili, en Israël, en Italie, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, avant de toucher de nombreuses villes dans le monde lors des manifestations plus ou moins importantes le 15 octobre.
Aux Etats-Unis, depuis quelques semaines le mouvement Occupy Wall Street a «osé» installer un campement devant la bourse de New York, érigeant un petit village pacifiste avec tente de cuisine, espace enfants, tentes pour la nuit, espaces de réunion, de bal, etc. La police n’est pas intervenue jusqu’à ce que les manifestants, qui avaient reçu l’appui de certains syndicats (comme l’United Steel Workers), tentent le 11 octobre de franchir le pont de Brooklyn. A coup d’aspersions au gaz au poivre, la police a dispersé la manifestation et arrêté 700 personnes; mais cela n’a pas empêché au mouvement de s’étendre à de nombreuses autres villes et jusqu’au Canada.
Même en Israël, pays qui pourtant ne souffre pas de la crise aussi fortement que la Grèce, l’Espagne ou les USA, un fort mouvement des indignés est apparu avec ses campements et ses grandes manifestations pacifiques; il s’en prend au «système des partis», accusé de ne prendre en compte que ses propres intérêts ou d’être trop sensible aux pressions des groupes ultra-orthodoxes. La protestation est née de l’appauvrissement de couches petites-bourgeoises et de l’inégalité entre ceux qui ont pu accumuler des richesses lors de la croissance et ceux qui sont restés à l’écart de la répartition du «butin». Ce mouvement n’a rien à voir avec les revendications prolétariennes de défense et d’amélioration des conditions de vie et de travail, plus particulièrement pour ce qui regarde le prolétariat arabe israélien et immigré, même s’il avance aussi des revendications de type labouriste comme l’instruction gratuite, la construction d’habitations populaires, la taxation des riches, etc.
Et si l’on passe aux questions politiques plus générales, comme la question de l’oppression des palestiniens et la poursuite de la colonisation, la revendication de «justice sociale» s’efface alors devant la notion de la «sécurité nationale»: ce n’est pas par hasard que le mouvement des indignés regroupe à la fois des partisans de l’autodétermination des Palestiniens et des partisans de la politique coloniale suivie par tous les gouvernements israéliens….
En Italie les manifestations des indignés ont revêtu les caractéristiques plus classiques des protestations étudiantes. Le 7 octobre des dizaines de milliers d’étudiants ont manifesté dans 90 villes italiennes pour protester contre les mesures d’austérité imposées à l’Ecole et à l’Université, en revendiquant le «droit aux études», c’est-à-dire le droit à la promotion sociale. Mais les cibles se sont élargies aux banques et au personnel politique qui ne se soucie que de leurs intérêts particuliers, manifestant à la fois le désespoir face à la perspective de prolétarisation et les illusions de pouvoir trouver une amélioration de la situation par le refus de payer la dette publique, le changement de génération politique ou l’innovation technologique.
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Les crises économiques frappent périodiquement toute la société et elles provoquent la dégradation des conditions d’existence de la grande majorité de la population. Mais si la société capitaliste apparaît séparée entre riches et pauvres, est en réalité divisée en classes sociales aux intérêts opposés : la classe bourgeoise qui domine économiquement, politiquement et militairement toute la société et les classes qui lui sont subordonnées: la petite bourgeoisie et le prolétariat. Le prolétariat, parce qu’il est la classe dont l’exploitation fait vivre tout le système économique et social bourgeois est la seule classe qui a la possibilité de lutter vraiment contre ce système et de le renverser. La petite bourgeoisie, formée de très nombreuses couches (petits paysans, artisans, commerçants, professions libérales, intellectuels divers, etc.), vit en partie de l’exploitation prolétarienne et aspire inévitablement à rejoindre les rangs de la grande bourgeoisie ; c’est pourquoi elle est incapable, comme l’histoire l’a démontré, de lutter réellement contre le capitalisme, d’avoir un programme politique et de jouer un rôle politique indépendant, en dépit du fait qu’elle est constamment en butte à la concurrence et à la pression des grandes entreprises capitalistes et qu’elle est périodiquement condamnée à la ruine.
Fille du mercantilisme et de la propriété privée, la petite bourgeoisie veut conserver la structure mercantile et capitaliste de la société qui seule peut lui offrir sa position sociale privilégiée par rapport au prolétariat. C’est pourquoi elle défend les catégories fondamentales de la société et de l’idéologie bourgeoises : propriété privée, famille, Etat, institutions et services publics aussi bien que les préjugés régnants à l’encontre des étrangers, des femmes, etc. Elle est toujours prête à endosser la chemise rouge du réformisme quand ses conditions sociales sont menacées par la crise ou la chemise noire du fascisme quand elles le sont par le prolétariat. Et elle est toujours en première ligne quand il s’agit de revêtir l’uniforme militaire pour «défendre la patrie».
Pour le marxisme la petite-bourgeoisie est une demi-classe non pas parce qu’elle est située entre les classes antagonistes fondamentales de la société, mais parce que par nature elle est incapable d’exprimer une perspective indépendante, éternellement condamnée à osciller entre ces deux classes. Mais par sa position de proximité avec les couches supérieures de la classe ouvrière, elle est aussi un formidable canal pour diffuser au sein du prolétariat les positions bourgeoises de collaboration entre les classes, de participation démocratique, de réformisme, de légalisme et de pacifisme, etc. Par son intermédiaire les préjugés et les habitudes bourgeoises les plus nocives s’infiltrent continuellement parmi les prolétaires. C’est dans cette fonction de conservation et de défense du capitalisme, dont elle prétend représenter le «visage humain», que la petite bourgeoisie trouve son véritable rôle «historique» : sa capacité à neutraliser le mouvement ouvrier. Elle fournit à la classe dominante le personnel politique, intellectuel, bureaucratique et religieux employé à détourner systématiquement le prolétariat de la lutte de classe, en lui présentant des méthodes et des objectifs qui cachent la réalité de l’antagonisme de classe, mènent les luttes ouvrières dans des impasses. Elle peut ainsi continuer ainsi à recevoir parasitairement sa part de l’exploitation prolétarienne.
C’est la raison pour laquelle la petite-bourgeoisie redoute et combat toute perspective de lutte autonome, indépendante, du prolétariat.
Les illusions de pouvoir «changer le monde» sans toucher au mode capitaliste de production, grâce à des réformes obtenues par la mobilisation pacifique de grandes masses de manifestants ne peuvent servir en réalité qu’à la conservation sociale. L’histoire a démontré que seul l’affrontement ouvert entre le prolétariat, mobilisé dans ses organisations de classe et guidé par son parti, et la bourgeoisie, ses associations patronales et son Etat, peut décider du sort du monde. Si la bourgeoisie triomphe, aucun «changement» ne peut avoir lieu autre que l’aggravation des conditions d’existence des prolétaires et des masses semi-prolétarisées, l’augmentation de l’exploitation du travail salarié et de l’oppression des nations et des peuples les plus faibles dans une alternance continuelle de périodes de paix préparant les guerres et de guerres préparant les paix.
Si c’est la classe ouvrière qui triomphe, comme cela est arrivé temporairement lors de la Commune de Paris en 1871 ou plus longuement lors de la révolution russe d’octobre 1917, s’ouvre alors un processus révolutionnaire dont l’objectif est la destruction de la société capitaliste fondée sur la production de marchandises, sur la loi de la valeur, sur le profit, et son remplacement par une société rationnelle, sans classes, fondée sur la satisfaction des besoins humains. Ce n’est qu’en allant dans cette direction qu’il est possible d’en finir avec les contradictions toujours plus aiguës de la société actuelle qui, à cause de la folle croissance capitaliste, met en péril l’avenir non seulement des jeunes générations, mais de toute l’espèce humaine.
L’avenir que le capitalisme réserve aux jeunes et aux moins jeunes est celui qui est inscrit dans son mode de production : exploitation croissante, misère, faim, guerre dans une spirale sans fin. Sans doute quelques privilégiés pourront améliorer leurs conditions d’existence, mais ce sera au prix de la dégradation de celles des grandes masses de la population laborieuse.
L’avenir de l’humanité est entre les mains de la seule classe révolutionnaire, le prolétariat, la classe de ceux qui ne possèdent rien, qui n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Les jeunes, les étudiants qui croient qu’il est possible de changer le monde «si on le veut le changer», mais sans briser les chaînes avec lesquelles la société du capital domine le monde, ne peuvent en définitive que renforcer cette domination par la diffusion de ces paralysantes illusions. S’ils veulent réellement changer le monde, ils ne peuvent le faire qu’en embrassant la cause de la révolution prolétarienne, en mettant leur énergie et leur enthousiasme au service de la classe ouvrière.
En dehors de cette perspective, il n’y a rien d’autre que le monde mesquin et impuissant de la «conscience individuelle», de la «liberté personnelle», marchandises périssables et sans valeur dans un mode de production qui n’a plus rien à proposer à l’espèce humaine: le capitalisme est la négation de tout rapport harmonieux entre les êtres humains, de toute activité socialement utile pour l’humanité, de tout plaisir de vivre pour les grandes masses!
17/10/2001
Parti communiste international
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