Luttes ouvrières et répression capitaliste au pays de Mandela

(«le prolétaire»; N° 504; Août - Octobre 2012)

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Depuis plusieurs mois l’Afrique du Sud connaît une vague importante de conflits sociaux et de grèves, attisés par la détérioration de la situation des prolétaires et des masses exploitées. Comme souvent les mineurs sont au premier plan des luttes; il faut dire que si l’industrie minière est le secteur économique le plus important du pays enrichissant les compagnies internationales et les bourgeois locaux, les conditions de vie et de travail des mineurs, en dépit d’une longue histoire de luttes qui leur ont permis d’obtenir certaines améliorations, restent déplorables. Les mineurs de Lonmin vivent dans des cabanes  misérables protégeant à peine de la chaleur, avec des toilettes extérieures pour 50 personnes où coule un maigre filet d’eau, etc.; un tiers d’entre eux sont des précaires, avec des salaires encore plus bas que les autres et sans aucune protection sociale, droits à la retraite ou aux soins médicaux. «Mieux vaut mourir que travailler pour cette merde!» déclarait un mineur gréviste de Lonmin (El Pais, 20/8/12). L’Afrique du Sud est le premier producteur mondial du platine et son importance dans l’industrie minière sud-africaine a remplacé celui de l’or; mais la crise économique a eu comme conséquence de faire baisser son prix sur le marché mondial, poussant les capitalistes à accroître l’exploitation des prolétaires afin de sauver leurs profits.

A la suite des mineurs de Lonmin, d’autres grèves sauvages» ont éclaté dans le secteur minier pour les mêmes revendications d’augmentation des salaires, notamment une grève sauvage à l’Anglo American Platinum (Amplast) de Rustenburg, ville voisine de Lonmin où les grévistes avaient barricadé toutes les voies d’accès. Début septembre la police intervenait avec des tirs de balles en caoutchouc contre les grévistes d’une mine d’or près de Johannesburg. Fin septembre la production des mines d’or d’AngloGold Ashanti qui emploie 35 000 travailleurs était complètement paralysée dans toute le pays par la grève. Les grèves touchaient les mines de chrome, encore à Rustenburg, où des centaines de mineurs décidaient un sit-in souterrain pour demander une augmentation de 12500 rands. Début octobre l’usine Toyota de Durban était touché par une grève sauvage; on estimait par ailleurs que 80 000 mineurs étaient en grève dans diverses mines du pays.

Après la répression bestiale à Marikana, le gouvernement a décidé d’ouvrir une enquête officielle pour calmer l’indignation suscitée par ce massacre; il n’y a cependant aucun doute sur les causes et la réalité des faits: tout indique que la tuerie était préméditée et que comme nous le disions dans notre tract, le syndicat officiel (le NUM, National Union of Mineworkers) et le PC sud-africain appelaient à la répression des grévistes. L’attitude des autorités vis-à-vis des autres grèves confirme, s’il en était besoin, de quel côté se trouve le gouvernement et les syndicats officiels.

 C’est ainsi qu’à Rustenburg, le NUM déclarait la fin de la grève après avoir signé un accord avec les patrons, mais les mineurs continuaient leur action et traitaient le NUM de «menteur». La police intervenait contre les grévistes avec des balles en caoutchouc, faisant un mort. Cependant la vague de grève semblait s’étendre à d’autres secteurs: 20000 conducteurs de poids lourds, les ouvriers de Dunlop à Howick où 14 grévistes étaient blessés par des balles en caoutchouc tirés par des milices patronales, etc. Entre temps le gouvernement de Jacob Zuma, qui avait fait semblant de s’émouvoir du massacre de Lonmin, a envoyé l’armée jusqu’à la fin de l’année à Marikana «pour maintenir le calme». Le 2 octobre Goldfields faisait évacuer 5000 grévistes des dortoirs où ils s’étaient installés; après que, début octobre les grèves sauvages s’étaient à une autre de ses mines, à Bokoni, à des centaines de kilomètres de l’épicentre des grèves constitué par les villes de Marikana et Rustenburg, Amplast décidait de licencier 12000 grévistes de Rustenburg, tandis que AngloGold Ashanti menaçait elle aussi de licencier les grévistes.

Après que la COSATU (qui avec le PC sud-africain et l’ANC de Mandela et Zuma, fait partie de la «Triple Alliance» anti-prolétarienne au pouvoir) ait dénoncé à plusieurs reprises les grèves sauvages, lors de son congrès de la fin septembre, elle a affirmé son soutien aux travailleurs, notamment aux chauffeurs en grève (déclaration qui n’engage à rien), tout en leur demandant d’éviter tout acte de violence; le syndicat des chauffeurs routiers, lui, déclarait carrément que les actions violentes des grévistes (attaques et incendies de camions qui essayent de briser la grève), étaient l’oeuvre de «voyous»! De son côté, le président Zuma est venu au congrès pour affirmer sans rire que: «le syndicalisme est le seul bouclier des travailleurs pour les protéger et les défendre» (1)! Les grévistes de Lonmin qui ont vu les permanents du NUM (le principal syndicat de la COSATU) prêter main-forte à la police contre eux, apprécieront.... L’Humanité qui reproduit ces propos, ne craint pas d’écrire que ceux qui contestent l’action du NUM le font parce que ce syndicat, «allié de l’ANC, a été l’un des leviers de la lutte anti-apartheid, de la lutte de libération nationale, tout en s’inscrivant dans un combat syndical de classe» (2): le PCF reste fidèle à sa longue tradition du mensonge stalinien en insinuant que les opposants au NUM sont des nostalgiques de l’apartheid! En réalité, l’ANC, le PC sud-africain et les syndicats qu’il contrôlaient, ont tout fait pour empêcher que, dans la lutte contre l’apartheid, les prolétaires prennent une position de classe, les enchaînant aux orientations démocratiques-bourgeoises. C’est la même politique anti-prolétarienne qu’ils continuent aujourd’hui (3).

La vague de grèves actuelle qui secoue l’Afrique du Sud et qui se heurte non seulement à la répression patronale et policière, mais aussi au sabotage et à l’action de briseurs de grèves des syndicats de la COSATU et du PC, démontre une fois de plus la nécessité de l’organisation indépendante de classe pour mener la lutte contre les patrons, mais aussi de l’organisation politique, du parti de classe, pour que cette lutte ne soit pas engluée dans les filets de la collaboration entre les classes et qu’elle puisse se hisse au niveau d’une lutte générale contre le capitalisme et l’Etat bourgeois. C’est ce message que les prolétaires sud-africains envoient à leurs frères de classe du monde entier!

Nous reproduisons ci-dessous le tract diffusé lors du massacre de Marikana. Le chiffre officiel des mineurs tués par la police ce jour là est maintenant de 34, mais il reste sujet à caution. En dépit de cette sanglante répression et des pressions multiples, les mineurs de Lonmin ont continué la lutte, avant de finalement accepter l’accord conclu avec la direction pour des augmentations de salaires des plus de 20000 travailleurs de l’entreprise: les foreurs (qui ont été l’élément central de la grève à Marikana) ont obtenu 22% d’augmentation (11000 rands), les mineurs de base 15% et les autres travailleurs 11%. La direction aurait également accepté de prendre en charge les frais de nourriture et d’éducation des enfants des victimes.

 


 

(1) cf L’Humanité, 20/9/12

(2) Ibidem.

(3) Les néo-staliniens qui animent le «Front syndical de classe» n’ont sur leur site pas dit un mot sur la grève de Lonmin; par contre ils publient fièrement la nouvelle que la COSATU a décidé d’adhérer à la FSM (Fédération Syndicale Mondiale, qui regroupait les syndicats liés au pseudo «camp socialiste», en fait à l’impérialisme russe): la « COSATU revient dans sa famille, cette grande famille qui lutte contre l’exploitation de classe et la barbarie impérialiste». L’histoire de la FSM et de la COSATU montrent ce que ces mots veulent dire... cf http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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