Les grèves en Afrique du Sud démontrent la nécessité  de l’organisation indépendante de classe

(«le prolétaire»; N° 505; Novembre-Décembre 2012)

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Les grèves en Afrique du Sud n’ont pas cessé malgré la répression gouvernementale et patronale comme lors du massacre de Lonmin cet été (36 morts), et les manœuvres anti-prolétariennes de la Confédération syndicale COSATU (qui fait partie de l’alliance au pouvoir aux côtés de l’ANC de Mandela et du PC sud-africain) ; un «comité national de grève» a été mis sur pied à Rustenburg à la mi-octobre pour coordonner les luttes des mineurs d’or de platine et de chrome.

A la mine d’or d’Harmony Gold près de Carletonville, la grève continue en dépit de la répression policière qui a fait 2 morts, de même que dans d’autres mines, à commencer par Amplast, qui exploite la plus grande mine de platine du monde. La société avait licencié 12 000 travailleurs pour grève illégale, mais elle a accepté de les réembaucher dans l’espoir de voir se terminer le conflit.

 Cependant 12 novembre les grévistes rejetaient les propositions patronales (pas d’augmentation des salaires mais une prime unique de 4500 rands, soit 400 euros) et ils décidaient la poursuite de la grève qui durait depuis plus de 8 semaines. De son côté, le NUM, le grand syndicat des mineurs qui fait partie de la COSATU critiquait… les grévistes, coupables selon lui de violence et d’intimidation contre les travailleurs qui voudraient reprendre le travail (1)!

 

Après les mineurs, les ouvriers agricoles de la province du Cap entrent en grève

 

A la mi-novembre les grèves ont gagné les travailleurs agricoles de la région du Cap. Les travailleurs y ont des conditions particulièrement détestables, comme l’a relevé un rapport récent de Human Rights Watch (2).

 La grève a été là aussi spontanée, mais la COSATU a essayé d’en prendre la tête en spéculant sur le manque d’organisation des travailleurs ; profitant que la province est dirigée par l’opposition, elle a accusé les dirigeants politiques provinciaux d’être responsables de ces mauvaises conditions, alors que c’est le gouvernement central qui fixe le niveau du salaire minimum auquel sont payés les travailleurs.

Les grévistes demandent que leur paye journalière passe de R69 (7,8 US dollars) soit le salaire minimum en vigueur, à R150 (17 dollars). L’inflation particulièrement forte des produits alimentaires de base (la pâte de flocons d’avoine qui constitue l’aliment de base des ouvriers agricoles a ainsi augmenté de 40 à 63% depuis le début de l’année, alors que le taux officiel de l’inflation qui sert à fixer les salaires est de 6% !) fait que qu’ils touchent un véritable salaire de famine.

Les autorités ont répondu à la grève par la répression qui a fait deux morts et des blessés (la police ayant été secondée par des milices patronales).

Au bout de quelques jours, la COSATU a appelé à «suspendre» la grève, le gouvernement ayant «accepté» d’ouvrir des négociations dans les semaines à venir en vue d’augmenter le salaire minimum.

Mais les travailleurs ne se sont pas laissé duper et ils ont continué leur mouvement qui s’est étendu dans la province. A la mi-novembre lors d’un rassemblement de grévistes il a été décidé d’organiser des comités de grève pour diriger la lutte de façon indépendante.

Dans une tentative de diviser les travailleurs, le Premier Ministre de la province, Helen Zille, a accusé les immigrés et les sans papiers venus du Lesotho ou du Zimbabwe d’être responsables de la grève !

Puis, devant l’échec à arrêter le mouvement, le 28/11 Zille demandait au gouvernement central l’envoi de l’armée dans les campagnes pour empêcher la violence des grévistes. Aussitôt la COSATU a soutenu cette demande… pour protéger les travailleurs de la violence des patrons!!! (3)…

Les prolétaires sud-africains, que ce soit dans les mines, dans les usines se heurtent donc non seulement à la répression patronale et policière, mais aussi au sabotage ouvert, à l’action sans frein de briseurs de grèves des syndicats de la COSATU et du PC sud-africain ; ils démontrent à leurs frères de classe du monde entier la nécessité de l’organisation indépendante de classe pour mener la lutte contre les patrons, mais aussi de l’organisation politique, du parti de classe, pour que cette lutte échappe aux pièges des larbins politiques et syndicaux des patrons, pour qu’elle ne soit pas emprisonnée dans les filets de la collaboration entre les classes et qu’elle puisse se hisser au niveau d’une lutte générale contre le capitalisme et l’Etat bourgeois.

 

Le réformisme de l’extrême gauche trotskyste

 

Mais cette orientation n’est pas celle défendue par les groupes politiques d’extrême gauche existant en Afrique du Sud..

Le Spartacist South Africa (section de l’organisation spartaciste International Communist League, dont la section en France est la LTF) reprenait dans son tract du 28 août (4) sa revendication de « gouvernement ouvrier centré sur les Noirs», revendication typiquement trotskyste qui derrière une appellation ronflante est en réalité purement réformiste et parlementaire : si le gouvernement préconisé par les Spartacistes était un gouvernement anticapitaliste, ils devraient ajouter qu’un tel gouvernement ne peut être obtenu que par la prise violente du pouvoir par le prolétariat, la destruction de l’Etat bourgeois et l’instauration de la dictature du prolétariat. Tout autre gouvernement soi-disant « ouvrier » n’est qu’une fraude, une tromperie des travailleurs : il ne peut existe de gouvernement ouvrier dans le cadre de l’Etat bourgeois, anti-ouvrier par nature!

Dans le même tract, à côté de la dénonciation du gouvernement de la triple Alliance et du NUM, la SSA appelle – justement – à l’autodéfense des grévistes. Mais les Spartacistes montrent qu’en réalité, comme tous les trotskystes, ils restent les mêmes éternels suivistes des appareils collaborationnistes anti-prolétariens, en critiquant les travailleurs qui quittent le NUM :

«La réponse aux trahisons commises par les dirigeants du NUM et d’autres syndicats de la COSATU ne peut pas être simplement de les quitter pour constituer d‘autres syndicats, ce qui tend à affaiblir les travailleurs».

Ainsi donc, c’est l’organisation des travailleurs en dehors du syndicat qui appelle la police et l’armée pour briser les grèves, qui collabore avec les patrons, qui serait un facteur de division et d’affaiblissement des prolétaires !

Mais l’unité dont a besoin le prolétariat, ce n’est pas l’unité avec les appareils collaborationnistes qui paralysent, sabotent et combattent ouvertement les luttes ouvrières ; c’est l’unité avec les prolétaires des autres entreprises, des autres secteurs, des autres nationalités pour la défense des intérêts communs aux prolétaires et à eux seuls ; elle commence par l’organisation indépendante de classe, en dehors et contre ces appareils (pas seulement quelques «dirigeants vendus») qui pratiquent la collaboration de classe pour mieux défendre le capitalisme national et la patrie bourgeoise : c’est la leçon que les prolétaires sud-africains donnent aux travailleurs du monde entier.

Les autres organisations trotskystes sud-africaines, comme le Democratic Socialist Movement qui a une certaine influence parmi les mineurs, au point d’avoir été accusé d’être responsable de la poursuite des conflits, ont adopté des positions réformistes semblables.

Le DSM appelle par exemple au retrait de la COSATU de la Triple Alliance au pouvoir (5), comme si cela changerait quoi que ce soit à sa nature d’organisation collaborationniste anti-prolétarienne! La revendication majeure de toutes ces organisations est la nationalisation des mines, bien sûr «sous contrôle ouvrier».

La revendication de contrôle ouvrier d’une entreprise dirigée par l’Etat bourgeois est peut-être encore plus stupide que celle d’un gouvernement ouvrier de ce même Etat. En tout cas elle est tout aussi contraire à l’orientation de lutte de classe dont ont besoin les prolétaires sud-africains pour lutter contre les capitalistes appuyés et défendus par ce même Etat bourgeois que les trotskystes voudraient appeler à la rescousse. La COSATU monte en pratique la signification de ce à quoi rêvent les trotskystes : elle fait appel à l’Etat, sous la forme de son armée et de sa police !

Les prolétaires sud-africains mènent aujourd’hui courageusement des luttes difficiles de résistance contre un ennemi de classe qui se camoufle derrière de faux amis « communistes » et syndicaux. Ils ne peuvent compter sur ces prétendus groupes révolutionnaires qui ne sont qu’une variété particulière de réformistes, peut-être plus dangereux à cause de leurs discours pseudo-révolutionnaires.

Il leur faudra retrouver les authentiques positions marxistes pour s’organiser sur des bases de classe non seulement pour la lutte de défense immédiate, mais aussi pour la lutte politique afin de pouvoir, avec les prolétaires des autres pays, passer à l’attaque contre le capitalisme mondial .

 

29/11/2012 


 

(1) http://www.rfi.fr / afrique / 20121112-afrique- sud- grevistes- amplats- rejettent-une- nouvelle-offre-direction

(2) http://www.hrw.org/news/2011/08/23/south-africa-farmworkers-dismal-dangerous-lives

(3) http:// www.cosatu.org.za / show. php ? ID=6751

(4) http://www.icl-fi.org/english/leaflets/lonmin-sa.html

(5) http://www.socialistsouthafrica.co.za

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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