Grève des travailleurs des services du nettoyage urbain de Madrid
La grève illimitée, la lutte contre le service minimum, etc... sont des moyens et des méthodes de lutte que toute la classe prolétarienne doit reprendre
(«le prolétaire»; N° 509; Sept. - Oct. - Nov. 2013)
Durant la dernière semaine la grève des travailleurs du nettoyage des rues et des espaces verts a laissé Madrid jonché d’ordures, surtout dans les quartiers ouvriers où le tourisme et la bonne image de la ville n’ont aucun poids et où la municipalité et les entreprises concessionnaires n’ont aucun intérêt à maintenir des conditions de salubrité, qu’il y ait ou non grève. De leur côté, le patronat, la municipalité et les médias crient au «vandalisme» des travailleurs en grève parce que ceux-ci ne respectent pas le service minimum, parce qu’ils détruisent les conteneurs d’ordures ou qu’ils attaquent les moyens de transport des entreprises. En fait c’est la grève et les travailleurs qui la mènent, que dénoncent les patrons et la municipalité.
Les entreprises concessionnaires du nettoyage ont annoncé un plan social qui se traduirait par plus de 1000 licenciements. Une autre option qu’elles envisagent serait une baisse de 40% environ du salaire des travailleurs qui déjà ne dépasse pas les 1000 euros. Devant la perspectives des licenciements ou d’une réduction drastique de salaires, la grève est une réponse qui cherche à frapper économiquement suffisamment fort les entreprises pour qu’elles reviennent sur leurs plans. Mais la grève devient complètement inoffensive à partir du moment où la municipalité fixe un service minimum obligatoire de 40% des travailleurs, soit presque la moitié du personnel. Telle est la réalité de la grève réglementée par la loi et acceptée comme un droit par les patrons et l’Etat: un mouvement inefficace, réduit à un simple témoignage et qui n’affecte en rien les bénéfices des entreprises. De fait les patrons ont affirmé que si le service minimum était respecté, Madrid pourrait passer plusieurs mois sans ressentir les effets de la grève...
Devant une telle situation qui condamne les travailleurs du nettoyage à la paralysie et à la résignation face aux baisses de salaires et aux licenciements, les méthodes avec lesquelles ils mènent la grève actuelle montre que les prolétaires réagissent contre l’impuissance à laquelle ils ont été contraints depuis des années avec des moyens de lutte qui leur donnent le sentiment de prendre leur lutte en main et qui permettent réellement de s’attaquer à la toute-puissance de l’entreprise.
Aux attaques de l’entreprise contre les conditions de vie des travailleurs et leur survie quotidienne, s’ajoute le sabotage systématique de la lutte de défense quotidienne par les syndicats collaborationnistes, qui cherchent à limiter la réaction prolétarienne à des appels larmoyants aux patrons: ils vident ainsi de toute efficacité les grèves auxquelles ils sont obligés d’appeler pour ne pas perdre leur influence sur une partie au moins des travailleurs impliqués. Contre ce sabotage systématique, les travailleurs ne peuvent retrouver leur force qu’en s’organisant pour la défense exclusive de leurs propres intérêts et en empêchant les actions de briseurs de grève des patrons et des syndicalistes vendus aux patrons. Le service minimum est une mesure préventive contre les grèves, imposée par les accords entre les patrons et les syndicats collaborationnistes! Les piquets de grève et toutes les autres actions prises par les travailleurs pour s’opposer à la pression, au chantage et aux menées anti-grève des patrons, ne sont rien d’autre que les moyens de lutte avec lesquels les grévistes répondent à l’attaque concentrique de la bourgeoisie, des forces opportunistes, de l’Etat, des moyens de communication et de tous les défenseurs de la paix sociale. Ce sont des moyens de lutte avec lesquels les prolétaires en lutte non seulement se défendent contre les attaques de la bourgeoisie, mais qu’en même temps ils utilisent pour appeler leurs frères de classe des autres entreprises et des autres secteurs à la solidarité, en démontrant qu’ils n’acceptent pas passivement les diktats capitalistes.
Les actions contre les conteneurs d’ordure, les véhicules et autres biens des entreprises ont entraîné une certaine solidarité de la part d’autres secteurs de la classe travailleuse (en dépit des discours télévisés sur la saleté de la ville et des dommages causés au commerce et au tourisme), signe que d’autres prolétaires sont d’accord avec la rupture de la paix sociale et l’opposition aux pactes syndicaux qui étranglent la lutte ouvrière et contre la division que veut répandre la municipalité parmi les travailleurs;
Le service minimum détruit la grève. En le refusant pour renforcer leur lutte, les travailleurs du nettoyage s’affrontent directement aux entreprises et à la loi instituée pour défendre les intérêts de ces dernières, constituant ainsi un exemple pour les autres prolétaires.
Pour lutter, pour défendre leurs intérêts de classe, les prolétaires n’ont pas d’autre force que celle constituée par leur nombre et leur organisation. La grève et la voie pour exercer cette force directement sur le terrain de l’affrontement immédiat avec leurs intérêts de classe. Mais la grève est un art. La législation, le système judiciaire ou la police, combattent ouvertement toute expression de force prolétarienne en n’autorisant la grève que dans d’étroites limites (service minimum, préavis de plusieurs semaines pour que l’entreprise puisse se préparer, interdiction des grèves de solidarité avec d’autres travailleurs, etc.). Pour lutter, les prolétaires doivent vaincre aussi cette pression exercée par la bourgeoisie, et cela passe par la rupture des limites dans lesquelles celle-ci encadre les grèves. Les piquets, les sabotages, la défense des manifestations face à la police, sont des moyens de lutte utilisés par le prolétariat pour retrouver sa force réelle. Une force qui pourra être effectivement reconquise quand les larges masses prolétariennes tendront à se réorganiser en associations de classe dépassant la concurrence entre prolétaires délibérément alimentée par la bourgeoisie et les forces opportunistes pour détruire l’apparition de cette force.
La bourgeoisie exerce une violence quotidienne contre la classe ouvrière: licenciements, chômage, misère, salaires de famine... et elle réprime ceux qui s’organisent pour résister à cette violence; aux côtés de la bourgeoisie, les forces de la conservation sociale, à commencer par les syndicats collaborationnistes et les faux partis ouvriers, s’emploient à paralyser les travailleurs avec les pratiques impuissantes du corporatisme, de la méritocratie, de la paix sociales, du légalisme, du démocratisme de la collaboration avec les patrons et l’Etat, qu’ils introduisent dans toute grève.
Mais pour les prolétaires, la lutte est une nécessité, et la défense de classe organisée (comme les piquets de grève, etc.) est la seule solution pour que les grèves arrivent à leurs objectifs, parmi lesquels ne doit jamais manquer la lutte contre la concurrence entre prolétaires. Ce n’est que de cette façon que les prolétaires peuvent résister à la guerre que la bourgeoisie leur livre quotidiennement, et poser les bases de la réorganisation classiste pour la défense exclusive de leurs intérêts immédiats et futurs.
8/11/2013
Parti communiste international
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