Pour une position de classe dans la question des réfugiés

(«le prolétaire»; N° 517; Sept. - Oct. - Nov. 2015)

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Avec l’arrivée depuis cet été de masses importantes de réfugiés, le «problème des migrants» a pris une dimension nouvelle en Europe: début novembre le H.C.R. (Haut Commissariat au Réfugiés, organisation onusienne) estimait que depuis le début de l’année, plus de 740.000 migrants avaient traversé la Méditerranée pour rejoindre l’Europe (3400 avaient péri dans le voyage) contre 216 000 pour toute l’année 2014. Les plus nombreux étaient les Syriens (53% du total, une proportion qui ne cesse de croître), suivis des Afghans (18%), des Irakiens (6%), des Erythréens (5%), des Nigérians (3%), des Pakistanais (2%), etc.

La plus grosse partie (plus de 600.000) était arrivée d’abord en Grèce pour ensuite se diriger vers les pays du nord de l’Europe via les Balkans; mais il y avait eu aussi plus de 140.000 arrivées en Italie et 2800 en Espagne.

Cette arrivée massive de réfugiés a provoqué une véritable crise au sein de l’Union Européenne dont les pays membres n’ont pas réussi à adopter une politique commune. Au printemps la Commission européenne, qui ne voulait pas réserver à l’Italie et à la Grèce le problème à résoudre de l’accueil des demandeurs d’asile, proposait que ces derniers soient répartis dans les divers pays européens selon des «quotas» au prorata de leur population.

Cette proposition était immédiatement rejetée par la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Tchéquie, les Pays Baltes et la France. Le 16 mai Hollande déclarait ainsi: «il n’est pas question qu’il y ait des quotas d’immigrés, parce que nous avons des règles [sur] le contrôle des frontières et des politiques de maîtrise de l’immigration».

Pour les capitalistes, les frontières ne peuvent s’ouvrir qu’aux flux de capitaux et de marchandises, pas aux hommes et aux femmes. Evidemment le fait que l’impérialisme, et l’impérialisme français en particulier, n’hésite pas à violer les frontières des autres pays pour y déverser des bombes ou des soldats et qu’il porte une part écrasante de responsabilité dans les situations de détresse qui obligent des centaines et centaines de milliers de personnes à fuir leur pays, n’entre pas en ligne de compte. Les migrants peuvent bien périr en mer, le plus important c’est de contrôler l’immigration!

Il ne s’agit pas là, comme on le fait croire, de «protéger» les travailleurs nationaux de la concurrence que pourraient leur faire les travailleurs étrangers, car le gouvernement français, comme les autres gouvernements, a pour objectif au contraire de lever peu à peu toutes les «garanties» qui les protègent, de les «flexibiliser» pour mieux les plier aux exigences du capital; il s’agit plutôt de réguler le plus possible la gestion de la main-d’oeuvre, de contrôler toujours mieux les prolétaires, français ou étrangers, destinés à produire des profits, de maîtriser leurs réactions éventuelles, bref de maintenir la paix sociale nécessaire au bon fonctionnement du capitalisme.

Une arrivée trop rapide et trop importante de migrants ou de réfugiés risquerait de compliquer cette tâche et de provoquer des tensions. D’autre part la politique officielle de lutte contre l’immigration clandestine a le grand avantage pour les bourgeois de faire des étrangers, et pas seulement sans-papiers, les bouc-émissaires de la crise et du chômage. Ils affaiblissent de cette façon les capacités de résistance de la classe ouvrière en attisant les rivalités entre français et immigrés, tout en utilisant la fraction du prolétariat qui est démuni de papiers (elle se monte à plusieurs centaines de milliers de personnes) dans certains secteurs où ils sont soumis à une exploitation renforcée.

On a vu ainsi depuis ces derniers mois le gouvernement mobiliser sa police pour empêcher quelques centaines de migrants à Vintimille de rentrer en France, laisser quelques milliers d’autres végéter dans des conditions lamentables à Calais ou pourchasser quelques dizaines rassemblés à Paris. On avait vu auparavant ce même gouvernement mettre en place des mesures dans les aéroports pour empêcher que des Syriens – dont il prétendait avoir le sort à coeur! – ne pénètrent en France et refuser, contrairement à ses engagements, d’en accueillir plus qu’une poignée...

Mais avec le brusque accroissement de l’arrivée de réfugiés sur leur sol, les riches pays capitalistes européens ont été rattrapés par une situation à laquelle ils voulaient tourner le dos, malgré leurs écoeurantes déclarations humanitaires rituelles.

 

Ce sont uniquement de sordides intérêts capitalistes qui motivent les gouvernements bourgeois

 

Alors que cet afflux devenait ingérable pour la Grèce et autres petits pays de la région, le gouvernement allemand décidait début septembre d’ouvrir les frontières du pays. On pu alors voir dans les médias le touchant spectacle de réfugiés arrivant en Allemagne en brandissant des photos de «Mama Merkel» et accueillis avec des pancartes de bienvenue par des foules de citoyens anonymes.

Saluée par les médias comme la «conscience de l’Europe» dans cette crise, la chancelière Merkel avait en réalité agi pour des motifs plus prosaïques. Le capitalisme allemand est confronté à un redoutable problème démographique qui lui impose de trouver de la main d’oeuvre dans l’immigration; certaines études ont calculé qu’il pourrait manquer à l’Allemagne jusqu’à 2 millions de travailleurs d’ici 5 ans. La venue d’une foule de jeunes migrants permettrait donc de combler ce déficit; c’est la raison pour laquelle nombre de grands patrons allemands (comme par exemple le PDG de Volkswagen), relayés par les médias du pays, ont publiquement poussé à l’accueil des réfugiés. Mais en même temps le gouvernement allemand demandait aux autres pays européens d’accueillir, eux aussi, une partie des migrants.

La décision allemande a changé la donne; le gouvernement français qui jusqu’alors s’y refusait obstinément, décidait «conformément à la tradition d’accueil de la France» (sic!) d’accepter 24 000 réfugiés en 2 ans et il avait le culot d’en profiter pour faire la leçon aux Etats européens qui rechignent à en recevoir!

Peut-être pour répondre aux politiciens de droite et d’extrême droite qui, surfant sur la xénophobie et le racisme ambiants, n’ont pas attendu pour dénoncer une «invasion» qui menacerait le pays, le gouvernement s’est vanté d’avoir expulsé davantage d’étrangers que Sarkozy; il a claironné qu’il refuserait d’accueillir des «migrants économiques» ou des personnes ne venant pas d’un nombre choisi de pays (Syrie, etc.) et qu’il était prêt à fermer les frontières s’il le fallait.

En fait d’«invasion» ou de «vague incontrôlée» de migrants qui risqueraient par leur nombre de provoquer on ne sait quelles catastrophes en France et en Europe, il n’est pas inutile de rappeler qu’en 1979 la France a accueilli sans drame plus de 128 000 boat-people fuyant le Vietnam, le Cambodge et le Laos...

 Si l’on en reste aux chiffres bruts, l’Union Européenne qui comprend plus de 500 millions d’habitants et qui regroupe quelques uns des Etats les plus riches de la planète, pourrait accueillir sans trop de problèmes quelques centaines de milliers de personnes: la Turquie, peuplée de 77 millions d’habitants en héberge presque 2 millions et le petit Liban, d’à peine plus de 4 millions d’habitants, compte plus d’un million de réfugiés sur son sol!

En fait, selon les statistiques du HCR, il y avait en 2014 dans le monde près de 60 millions de personnes «déplacées» (chassées de chez elles par la guerre, les catastrophes ou la misère), dont 17 millions de réfugiés proprement dits, c’est-à-dire ayant quitté leur pays. Les neuf dixièmes de ces réfugiés et déplacés se trouvent dans des pays pauvres: en Syrie (7 millions de déplacés), Colombie (5,7 millions de déplacés), Irak (2 millions de déplacés et réfugiés), dans la République Démocratique du Congo (près de 4 millions, essentiellement des déplacés) au Pakistan (2,3 millions de déplacés et réfugies) et au Soudan (2,3 millions de déplacés et réfugiés).

Ces quelques chiffres montrent de façon éloquente ce que valent les déclarations humanitaires des dirigeants bourgeois. Pour le capitalisme les individus ne valent que s’ils peuvent être exploités; si ce n’est pas le cas, ils deviennent un problème et doivent être rejetés comme des marchandises inutiles ou tenus à distance. Personne ne parle donc, dans la presse internationale, du problème des réfugiés et déplacés dans les pays ci-dessus!

C’est ainsi que le gouvernement allemand a fait en partie volte-face: s’apercevant qu’il ne serait pas si facile d’utiliser l’afflux soudain de main d’oeuvre potentielle et qu’en attendant il était coûteux de l’héberger, il a pris sur lui d’aller demander à la Turquie de retenir sur son sol les réfugies syriens qui y croupissent; et il n’a pas hésité à rétablir les contrôles aux frontières qu’il avait, soi-disant par humanité, supprimés!

La position prolétarienne, elle, est claire et nette; elle n’a rien à voir avec la «charité» des impérialistes, les bons sentiments humanistes, ni avec le nationalisme et la xénophobie sous toutes ses formes:

Non à la défense et à la fermeture des frontières, non au contrôle de l’immigration, non à l’union nationale, oui à l’union des prolétaires de toutes les nationalités, oui à la solidarité de classe dans la lutte contre le capitalisme!

C’est le capitalisme qui est responsable des guerres et de la misère, c’est lui qui provoque les tragédies que fuient les migrants dans leur terrible exode, c’est lui qu’il faut combattre et qu’il faudra abattre demain par la révolution communiste mondiale.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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