A propos de Daech et de l’anti-impérialisme

(«le prolétaire»; N° 519; Mars-Avril-Mai 2016)

Retour sommaires

 

 

Des discussions ont éclaté dans un comité de lutte anti-impérialiste; certains participants estimaient que Daech (l’«Etat Islamique») est combattu par l’impérialisme parce qu’il est l’expression d’un problème national dans la région; pour cette raison, il ne fallait pas le condamner, car selon eux, cela reviendrait à renvoyer dos-à-dos l’oppresseur et l’opprimé. Le petit texte ci-dessous visait à mettre les choses au point.

 

1) La question nationale (le problème national, etc.) est une question bourgeoise, la révolution nationale est une révolution bourgeoise. Les prolétaires n’ont pas de patrie dit le Manifeste et leur objectif est l’union des prolétaires de tous les pays; la révolution prolétarienne qui commence bien sûr inévitablement dans un pays donné, est obligée pour vaincre de s’étendre au niveau international: par nature la révolution prolétarienne, communiste, est internationale.

2) Les prolétaires doivent lutter contre toutes les oppressions nationales, pour l’autodétermination et la liberté de séparation de tous les peuples opprimés ou colonisés; non pas parce que leur idéal est la création d’Etats bourgeois, mais parce que, pour que puissent s’unir les prolétaires des pays dominants et les prolétaires des pays dominés, les premiers doivent démontrer dans les faits qu’ils ne sont pas solidaires de l’oppression qu’exerce «leur» bourgeoisie et «leur» Etat, mais qu’ils la combattent au contraire non seulement en paroles mais si possible en pratique. C’est le seul moyen pour que la proposition qu’ils font aux prolétaires des pays dominés, de s’unir sur des bases de classe anti-bourgeoises, puisse être comprise.

Lénine disait que le socialiste qui refuse d’admettre le droit à l’autodétermination des peuples colonisés ou dominés par «son» Etat, peut bien prétendre qu’il le fait au nom du socialisme et de l’opposition à tout Etat bourgeois, il est en réalité un social-chauvin.

Mais il disait aussi que le socialiste qui s’unit à sa bourgeoisie pour conquérir l’indépendance nationale, peut bien prétendre qu’il le fait au nom de la lutte socialiste contre l’oppression, il est en réalité un nationaliste.

Le rôle des socialistes est, dans tous les cas, de lutter pour l’indépendance de classe du prolétariat; ils doivent avertir les prolétaires que les bourgeois nationalistes se retourneront contre eux dès qu’ils auront conquis leur indépendance et même qu’ils n’hésiteront pas à s’allier aux colonialistes et aux impérialistes et à «trahir» leur propre révolution (nationale, anticoloniale, etc.), s’ils considèrent que les prolétaires deviennent trop puissants et trop combatifs.

Dans ce cas les prolétaires doivent se porter à la tête de la révolution bourgeoise (nationale, anticoloniales, etc.) pour la mener jusqu’au bout et initier leur propre révolution prolétarienne et internationale. C’est ce que préconisaient Marx et Engels pour l’Allemagne en 1850, c’est ce qu’ont pu réaliser les bolcheviks en Russie en 1917.

3) Les populations qu’affirme représenter Daech sont-elles victimes d’une oppression nationale et Daech prétend-il lutter contre une oppression nationale? Non

Daech prétend lutter pour une question religieuse, contre les faux Musulmans, les Alaouites, Chiites, etc. et les gouvernements qui ne suivent pas le «véritable» Islam. Mais ceci est de la propagande.

En réalité il y avait dans ces pays une oppression politique et sociale et des discriminations de type ethnique et autres, en plus d’une exploitation des prolétaires. Des secteurs bourgeois et petits-bourgeois étaient discriminés et ces secteurs exprimaient dans une idéologie religieuse (qui est toujours une idéologie réactionnaire) leur opposition au pouvoir central: voir par exemple les révoltes en Syrie de ces secteurs dans les années 80 derrière les Frères Musulmans, etc.

4) Le fait que Daech affirme vouloir constituer sans attendre un Etat là où il est présent, alors que les autres forces islamiques rebelles veulent d’abord renverser le pouvoir central, ne constitue pas la preuve qu’il est l’expression d’une question nationale. Au contraire, ceci était au départ cohérent avec le fait qu’il recevait des aides de divers Etats de la région (Turquie, Etats du Golfe) et qu’il avait l’appui de certains secteurs marginalisés bourgeois et petits-bourgeois locaux.

5) L’opposition aux interventions militaires impérialistes doit être résolue et sans conditions: les prolétaires des pays impérialistes doivent mettre en pratique la devise «notre ennemi principal est dans notre pays», notre ennemi principal, c’est «notre» bourgeoisie et son Etat, c’est eux qu’il faut combattre d’abord.

Mais cela n’implique pas automatiquement un soutien aux ennemis de «notre» bourgeoisie: ce sont là deux choses complètement différentes qu’il ne faut pas mélanger, à l’inverse de ce qu’ont toujours fait les gauchistes.

Daech est un ennemi des prolétaires, d’abord des prolétaires de Syrie et d’Irak, puis des prolétaires des pays impérialistes. Avant de faire des attentats en Europe, il avait fait des attentats en Irak et ailleurs. Avant de faire des attentats en Irak et ailleurs, il avait réprimé les prolétaires dans les régions qu’il contrôle (cas des prolétaires de la voirie à Mossoul qui avaient fait une action de revendication sur leurs conditions de travail et qui pour cette raison ont été exécutés par Daech).

Soutenir Daech, c’est soutenir un ennemi des prolétaires, c’est se mettre du côté antiprolétarien, ce n’est absolument pas se mettre du côté des opprimés!

Une véritable lutte contre l’impérialisme ne peut pas se mener en se mettant du côté d’un camp bourgeois, antiprolétarien: cela c’est de l’anti-impérialisme bourgeois.

La véritable lutte contre l’impérialisme ne peut se mener que sur des bases de classe, anticapitalistes, car il faut renverser le capitalisme pour détruire l’impérialisme!

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

Retour sommaires

Top