Référendum sur l’Europe:

Les prolétaires britanniques n’ont aucun côté à soutenir !

(«le prolétaire»; N° 520; Juin-Juillet-Août 2016)

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La campagne électorale pour le référendum sur le maintien ou la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne a pris une animation de plus en plus grande au cours des dernières semaines (une député travailliste faisant campagne pour le maintien a même été assassinée par un militant d’extrême droite) alors qu’auparavant elle rencontrait une certaine indifférence, surtout parmi les prolétaires et les couches laborieuses de la population. Les partisans du «Brexit» (sortie de l’UE) outre leur argument traditionnel de la défense de la souveraineté britannique, ont de plus en plus mis au premier plan de leur propagande la «menace» que représenterait le flux de travailleurs immigrés européens et extra-européens dans le pays, attisant les sentiments nationalistes et chauvins ; de leur côté les partisans du maintien s’efforcent de dramatiser les risques de crise économique que représenterait la sortie de l’UE.

Les récents sondages prévoyant une majorité de votants pour le Brexit ont d’ailleurs provoqué non seulement une baisse de la monnaie britannique, mais aussi une chute des bourses, et pas seulement européennes, inquiètes des conséquences d’un tel événement sur une économie mondiale déjà en plein ralentissement. La Grande-Bretagne est en effet une des principales économies européennes, et les inévitables perturbations économiques que représenterait sa sortie de l’UE ne seraient pas négligeables, au moins dans l’immédiat. C’est bien pourquoi les organisations internationales comme le FMI ou l’OCDE ont mis en garde contre cette éventualité, rejoignant les discours alarmistes du premier ministre Cameron ou de la Banque d’Angleterre (la Banque centrale du Royaume Uni).

Sachant que la plus grosse partie du commerce britannique se fait avec l’Union Européenne (selon les mois, de 38 à 48% des exportations, et de 47à 55% des importations d’après les statistiques douanières officielles) , on comprend que les secteurs capitalistes les plus importants du pays, que ce soit les grandes entreprises ou la City londonienne - véritable centre financier de l’Europe -, soient partisans du maintien dans l’Union Européenne ; 80% des membres de la Confederation of British Industry, qui regroupe les plus grandes entreprises, sont de cet avis. Lors de sa visite officielle en Grande-Bretagne en avril le président Obama a exhorté les britanniques à rester dans l’Union Européenne ; il exprimait ainsi les intérêts des nombreuses firmes américaines qui se sont implantées dans le pays pour pouvoir avoir un accès plus commode au marché européen (un marché de plus de 500 millions d’habitants), tout en jouissant d’un environnement linguistique, légal et social plus semblable à celui de leur pays d’origine : ces entreprises pâtiraient inévitablement de la disparition du libre accès à ce marché.

Cependant le fait que des forces politiques bourgeoises importantes (comprenant y compris des ministres du gouvernement actuel !) se soient déclarées en faveur du Brexit, s’explique par le fait que certains secteurs capitalistes y auraient intérêt ; c’est notamment le cas parmi les petites et moyennes entreprises qui travaillent pour le marché local (ou celui du Commonwealth, le reste de l’ancien empire colonial), et qui voient dans les réglementations européennes une gêne à leurs affaires : à peu près la moitié des patrons de ces petites et moyennes entreprises se déclarent partisans du Brexit.

On peut trouver une expression de cette division parmi les bourgeois britanniques dans le fait que la Chambre de Commerce britannique ait déclaré sa neutralité sur la question (après que son président, qui a dû pour cette raison démissionner, se soit déclaré partisan du Brexit dans un discours tenu lors d’une réunion où Cameron était venu plaider pour le maintien dans l’UE !). Dans les milieux partisans d’abandonner l’UE, certains estiment que l’avenir du capitalisme britannique se joue davantage sur les marchés non-européens, asiatiques ou autres, la proportion des échanges commerciaux réalisés avec l’Union Européenne étant en baisse depuis une quinzaine d’années; tandis que d’autres pensent que se libérer des contraintes du «marché unique» européen permettrait d’accroître la compétitivité des marchandises made in Great Britain par rapport aux européennes…

 

Brexit ou maintien dans l’UE : une fausse alternative pour les prolétaires britanniques

 

Le premier ministre Cameron avait sans aucun doute décidé de la tenue du référendum pour des raisons de politique intérieure ; mais il avait aussi utilisé la menace d’appeler au vote pour le Brexit afin d’obtenir des concessions des autres Etats européen (ce qui rend bien peu crédible ses affirmations sur les conséquences catastrophiques d’une sortie de l’UE). Il a notamment obtenu satisfaction sur la possibilité de ne pas accorder avant un certain nombre d’années les allocations sociales aux travailleurs venus d’Europe , c’est-à-dire de faire de cette partie des prolétaires vivant dans le pays une main d’œuvre à bon marché, surexploitable par le capitalisme britannique. Les allocations sociales ne sont pas en effet un cadeau accordé par les bourgeois aux prolétaires, mais ce qu’on appelle le «salaire indirect», autrement dit la partie du salaire qui n’est pas directement versé aux travailleurs : baisser cette part signifie baisser le salaire réel payé par les capitalistes à leurs employés. Après avoir accordé cela - sans trop de difficultés ! - aux bourgeois britanniques, les dirigeants européens ont réaffirmé le maintien … du statut spécial de la Grande-Bretagne dans l’UE ; obtenu par les gouvernements précédents il se traduit par le fait que le pays ne fait pas partie de la zone euro ni de l’ «espace Schengen» (qui permet la libre circulation des personnes) et qu’il bénéficie d’exemptions aux règles européennes dans certains domaines cruciaux pour elle, comme celui de la finance ; qu’ils aient été travaillistes ou conservateurs, les gouvernements successifs ont toujours su efficacement défendre les intérêts particuliers du capitalisme britannique face à leurs prolétaires comme à face à leurs partenaires-concurrents européens ! Il en sera de même demain, quelle que soit l’issue du référendum…

La conclusion est claire : les partisans du Brexit comme ceux du maintien dans l’UE ne sont divisés que sur la meilleure façon de défendre les intérêts bourgeois. Les prolétaires de Grande-Bretagne n’ont pas à soutenir les uns ou les autres, car ils sont tous également leurs adversaires de classe. Contre les défenseurs de la souveraineté britannique qui serait menacée par l’Union européenne, comme contre les partisans du maintien dans cette alliance d’Etats bourgeois qu’est l’Union Européenne pour préserver le capitalisme national, le seul camp pour lequel ils doivent prendre partie est celui de l’indépendance de classe et de l’union internationale des prolétaires.

Mais ce n’est pas ce que disent aux prolétaires les groupes dits «révolutionnaires» existant dans le pays : ils appellent au contraire pratiquement tous à se mobiliser en faveur de l’un ou l’autre des deux camps bourgeois !

Les groupes qui sont le plus à la remorque du Labour Party font campagne comme ce dernier et les appareils syndicaux pour un vote en faveur du maintien dans l’UE ; c’est le cas des trotskystes de «Socialist Action» et de ceux de «Socialist Resistance», en justifiant cela au nom de la lutte contre le racisme : Et oui, voter pour la Forteresse Europe qui est responsable de la mort de milliers de prolétaires immigrés qui cherchaient à traverser la Méditerranée, ce serait voter contre le racisme !

Cependant la plupart des groupes et partis d’ «extrême»-gauche appellent à choisir le Brexit , soit ouvertement au nom de la souveraineté du pays comme les «marxistes-léninistes «du Communist Party of Britain, soit parce qu’ils affirment que l’UE est la principale force capitaliste menaçant les prolétaires et que le Brexit affaiblirait le Parti Conservateur : c’est ce que prétendent le Socialist Workers Party (principal parti d’extrême-gauche), le Socialist Party ou les spartacistes de l’International Communist League.

Pour ces contorsionnistes de l’un ou de l’autre bord, participer au référendum et soutenir des forces bourgeoises serait une habile manœuvre en faveur des prolétaires! Ils démontrent ainsi qu’ils sont complètement étrangers à la cause prolétarienne: soutenir un camp bourgeois et appeler à participer à la mystification électorale signifie en effet s’opposer aux positions de classe qui sont indispensables pour la lutte prolétarienne. Leur position sur cette question du référendum européen est la démonstration de la nature anti-prolétarienne de ces divers groupes soi-disant socialistes ou communistes.

Il existe en Grande Bretagne quelques groupes appelant au «boycott» du référendum, comme le «Communist Party of Great Britain» (un des débris ultra-réformiste de l’ancien Parti Communiste) ou le groupe trotskyste «Socialist Equality Party» (membre d’un «Comité International de la IVe Internationale» plus connu par son site internet wsws.org). Mais cela ne suffit cependant pas à définir une position authentiquement de classe; en effet dans leurs déclarations, s’ils appellent à s’opposer au nationalisme britannique, nulle part ils appellent à s’opposer à l’Etat britannique! Outre l’opposition à l’UE et au nationalisme britannique, le SEP avance les mots d’ordre d’Unité des travailleurs britanniques et européens, et des Etats-Unis socialistes d’Europe, tandis que le CPGB appelle de ses vœux une «Europe Unie» «même si cela arrive sous le capitalisme» !

Or une partie importante des prolétaires présents en Europe et en Grande-Bretagne sont d’origine non européenne ; les prolétaires Africains, Arabes, Turcs, Pakistanais, Indiens, etc., représentent une fraction significative de la classe ouvrière d’Europe et ils constituent un lien vivant qui la relie aux prolétaires de ces pays: le prolétariat d’Europe est de fait en partie extra-européen et toute orientation politique qui prend pour cadre les frontières bourgeoises de l’Europe revient à rejeter une partie du prolétariat et à restreindre sa nature internationale.

Le premier ennemi des prolétaires de Grande-Bretagne, quelle que soit leur race et leur nationalité, est «leur» propre bourgeoisie, à la tradition d’exploitation et de pillage impérialiste bien établie, et son Etat à la solidité historiquement sans égale en Europe et dans le monde.

Les seuls alliés sur lesquels ils pourront compter dans la lutte contre cet ennemi très coriace et très expérimenté, sont précisément les prolétaires des autres pays européens et non européens que de tous côtés on leur présente comme une menace. Rejeter la propagande bourgeoise, se libérer des illusions envers les bienfaits de la démocratie bourgeoise, refuser toutes les fausses alternatives que leur présentent les capitalistes avec l’aide de leurs valets de gauche ou d’extrême gauche, est une nécessité élémentaire pour aller vers la reconquête de l’ indépendance de classe dont ils ont été les premiers à donner l’exemple avant d’être subjugués par la puissance de leur capitalisme lancé à la conquête du marché mondial. En s’engageant dans cette voie, les prolétaires de Grande-Bretagne devront aussi s’atteler de nouveau au combat entamé autrefois par leurs glorieux prédécesseurs pour la constitution du parti et des organisations de classe férocement anti-bourgeoises, faisant vivre le vieux mais toujours actuel mot d’ordre : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

 

18/6/2016

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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