Les hôpitaux gangrenés par le capitalisme

(«le prolétaire»; N° 524; Mai - Juin 2017)

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Régulièrement les médias, à la solde de tous les pouvoirs bourgeois successifs, nous abreuvent des difficultés passagères des hôpitaux en période d’épidémie. Ce fut à nouveau le cas avec la vague de grippe que nous avons connue cet hiver. Qui ne peut être indigné par l’engorgement des services d’urgence, outré par les longues heures d’attente avant une prise en charge efficiente, effaré à la vue de patients alités dans les couloirs, sensible et admiratif devant le dévouement du personnel hospitalier faisant tout ce qui est possible pour tenter de pallier aux carences diverses?

Mais contrairement aux informations savamment distillées par la bourgeoisie, cette situation calamiteuse n’a rien de temporaire; elle est permanente et se trouve obligatoirement amplifiée en période de crise. Cette conjoncture est le résultat d’une exigence du capitalisme: maîtriser les dépenses de santé afin d’équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Les lois dites Bachelot de 2009 et Touraine en 2013 ont été promulguées pour tenter de satisfaire cette obligation, l’inénarrable Touraine se vantant même d’y être parvenue.

Le grand ordonnateur de cette mission, le ministère de la Santé a créé, pour chaque territoire hexagonal, les Agences Régionales de Santé (ARS). Ces structures imposent aux hôpitaux de strictes directives au niveau budgétaire et n’hésitent pas à utiliser la menace si les objectifs fixés ne sont pas réalisés. Ainsi le déficit autorisé doit souvent ne pas dépasser les 3%. Si tel n’était pas le cas, l’établissement serait sous tutelle de l’ARS qui en assurerait alors la gestion.

Il est bien sûr évident que les investissements occupent une part non négligeable dans le déséquilibre budgétaire: construction de structures nouvelles, entretien des locaux, évolution des techniques et des matériels sanitaires (scanners, IRM, etc.). Les différentes aides et subventions ne suffisent pas...

Pour satisfaire le diktat des ARS, la direction des hôpitaux est donc dans l’obligation de réaliser des amputations dans les frais de fonctionnement. Ceci est d’autant plus vrai que le déficit constaté peut être fortement accentué par certaines carences inhérentes aux décisions ministérielles.

Ainsi, l’intérim médical est particulièrement onéreux. Il s’agit du recrutement momentané (parfois très court; un week-end par exemple) de praticiens le plus souvent spécialisés (anesthésistes, urgentistes...) pour pallier des arrêts maladie, voire des postes non pourvus. Cette déficience s’explique par l’instauration du numerus clausus dont le but est de limiter au niveau national le nombre d’étudiants en médecine, de réglementer le nombre de diplômés donc de prescripteurs, afin d’alléger les dépenses de la Sécurité Sociale. Les émoluments dévolus à cette pratique sont très coûteux car excessifs et exagérés. Les seuls bénéficiaires sont les médecins qui se font ainsi plus de fric qu’en occupant un poste fixe. On reconnaît bien là l’avidité mercantile de la petite bourgeoisie! Les soignants ne créent-ils pas une pénurie dont ils deviennent les principaux gagnants? De plus, certains refusent de pratiquer de façon permanente dans ce qu’on appelle communément les déserts médicaux.

Pour faire face à ces dépenses, l’hôpital a dû avoir recours aux emprunts à des taux élevés pouvant atteindre 4 à 5%, nouvelle source d’accumulation du déficit. S’ajoute à tout cela le refus du ministère de financer totalement le déroulement de carrière des agents. Il s’agit pourtant de frais dont la responsabilité ne peut être imputée à l’établissement. Tout cela s’ajoute à la rémunération de l’ensemble des personnels.

Face à cette série, non exhaustive de dépenses de fonctionnement, la principale source de revenu des structures hospitalières provient de la tarification de l’activité (T2A) qui a fait suite à la «dotation globale». Cette mesure est appliquée à tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés. Les ressources sont calculées à partir d’une mesure de l’activité produite conduisant à l’estimation des recettes. Le prix de chaque acte est fixé chaque année par le ministère de la Santé. Chaque acte étant tarifé, l’établissement, dans un souci uniquement mercantile a donc intérêt à réduire au maximum la durée d’hospitalisation. Cette orientation n’est pas compatible avec une qualité de soins maximum. Ceci conduit à la multiplication des hospitalisations ambulatoires (une journée) qui, parfois, peuvent satisfaire le patient concerné; mais c’est loin d’être toujours le cas. De plus cette tarification présente un caractère pervers dans la mesure où son montant est revu annuellement et souvent à la baisse; pour compenser, l’établissement se trouve dans l’obligation d’augmenter le nombre d’actes. Mais souvent cet accroissement ne corrige pas la domination du taux de T2A.

Le déficit de cette mesure est triple: au niveau financier, en ce qui concerne la qualité des soins, et la dégradation des conditions de travail des personnels.

Comme dans toute économie capitaliste qui se respecte, la seule solution face à une telle situation est de s’attaquer au capital variable, c’est-à-dire au personnel et plus particulièrement aux prolétaires.

Dans un hôpital, les frais du personnel se montent à 67% du budget. Les ARS décident de façon bureaucratique la fermeture de lits d’hospitalisation, quitte à en rouvrir en cas de crise. Le diktat induit inévitablement des suppressions de poste de soignants. Qui dit diminution du nombre des personnels dit diminution de la qualité des soins et dégradation des conditions de travail.

 De plus le recours à l’emploi précaire est fréquent et abondant; il culmine souvent à plus de 20%. De par sa situation précaire, c’est un personnel malléable et corvéable à souhait et ne bénéficiant pas des mêmes droits pécuniaires que les titulaires. Comme si les économies ainsi réalisées de suffisaient pas, le budget alloué aux agents pour leur formation continue est souvent considérablement revu à la baisse. Cela se traduira inévitablement par une diminution de la qualité des soins.

 

Faces à ces attaques capitalistes, des luttes se sont engagées

 

Dans de nombreux endroits, les personnels ont décidé de réagir. Si les médias ont parfois relaté des mobilisations de médecins, ils se sont montrés beaucoup plus discrets concernant les nombreuses luttes des prolétaires hospitaliers; elles ont le plus souvent été suscitées par les syndicats CGT, FO, SUD... (très rarement la CFDT, partenaire syndical du gouvernement actuel).

Malheureusement ces mobilisations, parfois importantes par leur nombre, sont restées très souvent prisonnières du collaborationnisme et du réformisme (dialogue stérile avec les directions locales, avec l’ARS; préparation de manifestations avec les flics, les élus locaux, les RG). Parfois les prolétaires se demandent à quoi servent ces luttes pacifiques et respectueuses de la légalité bourgeoise. La bourgeoisie n’est en aucun cas apeurée par ces mobilisations; elle a très bien compris qu’elles servent de soupape de sécurité favorables aux ennemis de la classe prolétarienne. Les prolétaires doivent réorienter leurs méthodes lutte pour se consacrer uniquement à la mobilisation, l’extension et l’unification du mouvement sur des bases de classe. Il est totalement inutile de vouloir coopérer avec les forces petite-bourgeoises sous peine de diluer les revendications prolétariennes dans un magma réformiste.

 

Parfois, les usagers des hôpitaux ont aussi tenté de réagir

 

Là où des manifestations se sont déroulées, elles ont parfois mobilisé beaucoup de monde; mais les bases de ces rassemblements étaient marquées du sceau de l’interclassisme: les élus locaux côtoyaient les petits patrons, les cadres, les ouvriers... Le peuple était réuni pour défendre son hôpital.

Il est vrai que les organisateurs, tant syndicaux que représentants des usagers, ont sollicité les divers élus locaux; ces derniers pouvaient être sincèrement attachés à la défense de leur hôpital, mais ce n’était pas le cas pour tous. Les élections présidentielles et législatives se profilaient à l’horizon et la chasse aux voix avait commencé. La rivalité entre certains élus pouvait aussi expliquer certaines présences. N’aurait-il pas été préférable de refuser de dépenser temps et énergie à quémander la présence de ces élus de la bourgeoisie pour se consacrer à organiser le mouvement sur des bases de classe? On aurait alors bien vu s’ils rejoignaient le mouvement: ils auraient certainement brillé par leur absence, mais cela aurait apporté la clarté...

Les prolétaires ne peuvent se désintéresser de ces luttes; ils doivent revendiquer des services de soin au plus près de leur domicile et de leur lieu de travail, d’autant plus que le ministère de la Santé a décidé la mise en place de Groupements Hospitaliers de Territoire qui, par leurs spécialisation, éloigneront certains patients de leur résidence et condamneront les plus petits hôpitaux (lire: les moins rentables) à devenir au mieux des structures gériatriques.

Le prolétariat a raison de se mobiliser et il est du devoir des militants communistes révolutionnaires de les accompagner, d’aider à organiser ces luttes, mais sur des bases anticapitalistes. C’est pourquoi la revendication de «défense de l’hôpital public» doit être dénoncée: l’hôpital public est une entreprise capitaliste comme l’est la clinique privée. Nous sommes en présence ici d’une variété de capitalisme d’Etat: économie mercantile induisant dégradation des conditions de travail des prolétaires concernés et des travailleurs hospitaliers.

De plus ce slogan implique une rivalité qui n’a pas lieu d’être entre les travailleurs du public et du privé, alors que leur exploitation par le système capitaliste est la même. Dans les deux cas, le système de santé bourgeois consacrera le meilleur de son énergie à la remise sur pied des prolétaires qui pourront continuer à être rentables pour le bagne capitaliste qui les exploite.

 Pour ceux qui ne peuvent plus être rentables, l’économie bourgeoise continuera à les exploiter: le racket des personnes âgées dépendantes, vivant dans les EPHAD (Etablissement d’Hébergement pour les Personnes Agées Dépendantes) est absolument scandaleux; mensuellement un forfait hébergement de 2000 euros, voire plus, leur est extorqué! Quant à la prise en charge, elle est souvent inversement proportionnelle à la participation financière. Quelle honte! Triste réalité capitaliste!

 

Non à l’union interclassiste!

Organisation de classe du prolétariat!

A bas la société du capital! 

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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