Aux États-Unis, les prolétaires immigrés dans la ligne de mire

(«le prolétaire»; N° 526; Oct. - Nov. - Déc. 2017)

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Depuis qu’il s’est lancé dans le cirque politique bourgeois, le sinistre clown réactionnaire Trump a manifesté sa haine contre les immigrés. Lors de sa campagne présidentielle, il accusait les Mexicains d’être pêle-mêle des voleurs, des violeurs et des narco-trafiquants, et il crachait sa haine contre les «musulmans» (notion vague qui regroupe tous ceux originaires d’un vaste espace allant du Maroc à l’Indonésie) stigmatisés comme terroristes. A ces déclarations incendiaires, s’ajoutait la promesse de construire un mur sur la frontière mexicaine pour interdire toute immigration (mur en fait déjà commencé par ces prédécesseurs).

 

Trump: un flot de mesures anti-immigrés

 

Un de ses premiers actes politiques a été l’interdiction d’accéder au territoire étasunien pour les ressortissants de certains pays du Moyen-Orient. Malgré d’énormes manifestations autour des aéroports et des décisions de justice contre son action jugée discriminatoire, Trump a réitéré son interdiction à la fin du mois de septembre. Plus tôt ce même mois, il avait décrété la fin du programme DACA qui protégeait 800 000 jeunes immigrants, les «Rêveurs» arrivés aux États-Unis avant leur majorité. Début octobre, la Maison Blanche a envoyé au Congrès un document exposant 39 mesures visant à intensifier la répression des immigrés à l’intérieur des États-Unis, y compris l’embauche de 15 000 agents de la police des frontières et de l’ICE. En novembre, le statut protégeant les 60 000 Haïtiens réfugiés aux Etats-Unis après le séisme de 2010, a été suspendu.

Cette politique anti-immigrés d’expulsion massive est un héritage d’Obama, amplifié par Trump. Obama le «grand expulseur» a expulsé 8 millions d’immigrés, plus que tout autre président avant lui; Trump cible aujourd’hui les 15 millions d’immigrés illégaux.

Cette politique d’expulsion se double d’un internement massif des prolétaires immigrés. Les tribunaux sont congestionnés – faute de moyens – et 600 000 dossiers sont en attente. L’augmentation des arrestations se traduit donc par la détention massive de sans-papiers dans des centres de détention souvent gérés par des intérêts privés. Le gouvernement prévoit donc une augmentation importante des centres d’internement anti-immigrés.

 

 Terreur policière contre les sans-papiers

 

La police de l’immigration (ICE) mène des raids pour terroriser les immigrés. Au cours des sept premiers mois de l’administration Trump, les flics ont arrêté près de 100 000 prolétaires sans-papiers, une hausse de 43% par rapport à la même période l’année dernière. Le chef de l’ICE a déclaré que l’agence prévoyait d’augmenter de 400 à 500% le nombre de contrôles dans les usines et les restaurants, et qu’elle continuerait à procéder à des arrestations dans les tribunaux et les écoles.

Les prolétaires immigrés vivent aujourd’hui sous un régime policier de surveillance et de terreur. La multiplication des situations ignobles fait frémir: une femme de 26 ans atteinte d’une tumeur au cerveau a été arrachée de son lit d’hôpital au Texas et placée en détention ; un employé de restaurant de Los Angeles arrêté et menotté après avoir déposé sa fille à l’école; une transgenre arrêtée à El Paso après avoir cherché à se protéger contre des violences domestiques, une fillette de 10 ans a été arrêtée dans l’ambulance qui la conduisait à l’hôpital de Corpus Christi avant d’être détenue à sa sortie...

Face à ces menaces, des familles immigrées se terrent chez elles, craignant de répondre quand tinte la sonnette, craignant de sortir pour aller faire les courses ou conduire les enfants à l’école, craignant d’utiliser les réseaux sociaux.

Cette violence légale nourrit inévitablement une violence extra-légale – comme au temps des lynchages. Par exemple, un médecin militaire a tiré sur deux immigrés originaires d’Inde au cri de «Quittez mon pays», un homme masqué a abattu un Sikh devant sa maison. Les Juifs américains deviennent aussi des cibles avec des alertes à la bombes qui ont touché une centaine de centres communautaires et des destructions de sépultures juives dans tout le pays. Quant aux noirs, le meurtre d’un des leurs par la police défraie régulièrement la chronique.

La poussée des groupes racistes d’extrême droite s’est manifestée dans le sang lors d’un rassemblement unitaire de ces groupes qui s’est tenu à Charlottesville le 11 août dernier sous des slogans antisémites, anti-noirs, etc.: une contre-manifestante a été tuée par la voiture de l’un des participants qui avait délibérément foncé dans la foule. La réaction de Trump a été bien différente de ses déchaînements habituels contre les étrangers et les musulmans; il s’est déclaré contre la violence d’où qu’elle vienne, affirmant qu’il y avait des gens biens des deux côtés. Ses déclarations ont provoqué l’indignation des démocrates; mais le recours à l’utilisation des mouvements d’extrême-droite en cas de besoin, en cas de menace contre l’ordre bourgeois, fait partie de l’arsenal de tout gouvernement bourgeois., de même que la division entre prolétaires nationaux et étrangers, légaux ou sans-papiers.

Le capitalisme américain a besoin de la main d’oeuvre à bas coût que constituent les sans-papiers (c’est ce qui explique la réaction de certains patrons ou politiciens conservateurs en faveur des immigrés), et la rhétorique anti-étrangers vise à moins à expulser tous les sans-papiers qu’à les faire vivre sous la menace permanente de la police, les rendant ainsi plus malléables et plus soumis aux exigences patronales.

 

 Comment The Spark «défend» les immigrés

 

Face à cette véritable terreur anti-immigrés et anti-minorités ethniques, une grande partie de l’«extrême» gauche étasunienne a placé ses espoirs dans le Parti Démocrate ou la bureaucratie syndicale de l’AFL-CIO.

Mais dans ce marais centriste, le groupe «The Spark», lié à Lutte Ouvrière, prétend occuper une place à part par son orthodoxie affichée. Le groupe Spark entretient des «relations fraternelles» avec l’Union communiste internationaliste (UCI), le regroupement international dominé par LO et qui dispose de sections en Europe de l’Ouest, en Turquie, à Haïti, en Côte d’Ivoire et en Guadeloupe-Martinique.

Lutte Ouvrière a reproduit dans sa revue «théorique» un article sur l’immigration de The Spark (1).

L’article dénonce l’exploitation des onze millions de «sans-papiers», les politiques des présidences successives, la démagogie anti-immigrés des politiciens et le chauvinisme des syndicats américains.

De ce constat, Spark tire des conclusions anti-prolétariennes masquées sous l’appellation d’une «politique de lutte».

Spark n’offre en effet qu’une perspective platement réformiste. L’objectif donné aux prolétaires étasuniens est d’ «arracher tout ce dont les travailleurs ont besoin des emplois et des salaires décents, de bonnes conditions de travail, des écoles dignes de ce nom et des soins médicaux». Non seulement c’est un programme réformiste qui nie que les prolétaires doivent arracher le pouvoir à la bourgeoisie pour instaurer leur dictature. Mais tout cela est fort vague et est intégralement compatible avec le capitalisme.

L’article ne donne d’autre perspective aux prolétaires immigrés que d’attendre que «les travailleurs américains se [rendent] compte que les travailleurs immigrés sont un atout» lorsqu’ils auront engagé la lutte.

Spark ne souffle mot sur le contrôle de l’immigration. Ce contrôle est la source directe de toutes les restrictions mises à la liberté de circulation des travailleurs, du statut spécial de l’immigration, de toutes les mesures discriminatoires et répressives en matière d’entrée, de séjour, de travail, de logement, etc. La lutte contre celui-ci est indissolublement liée au combat pour l’égalité totale des droits – sociaux, syndicaux, politiques – entre travailleurs.

La revendication de la suppression du contrôle et des discriminations envers les travailleurs immigrés répond à un besoin réel de la classe ouvrière, mais elle est liée au programme de son émancipation. La lutte contre l’oppression particulière frappant les travailleurs immigrés doit avoir pour principal résultat, comme toutes les lutte de défense des conditions de vie et de travail, l’union grandissante des travailleurs.

Dans la stratégie internationale de la révolution prolétarienne, les masses ouvrières immigrées constituent un trait d’union vivant entre le prolétariat des pays impérialistes et les masses prolétariennes des pays périphériques. Dans les pays impérialistes, la révolution de classe sera l’œuvre conjointe des prolétaires nationaux et immigrés. Dans les pays opprimés, le prolétariat immigré devra apporter non seulement une expérience de lutte, mais aussi une vision internationale des problèmes de sa classe et de son combat contre le capitalisme, acquise précisément là où celui-ci a poussé jusqu’à ses ultimes conséquences les formes et les méthodes du pouvoir bourgeois.

Spark n’avance pas de revendications pour améliorer dans l’immédiat les conditions de vie des prolétaires sans papiers. Pas un mot sur le renouvellement automatique des green cards, (carte de séjour), la régularisation de tous les sans-papiers, l’arrêt des refoulements et expulsions, le retour des expulsés, la libération des sans-papiers arrêtés, l’accueil des réfugiés, l’égalité des droits pour tous les travailleurs… Aucune revendication contre l’exploitation bestiale et négrière infligée par les capitalistes aux travailleurs immigrés, même pas le moindre appel à la solidarité!

Motus et bouche cousue également sur la nécessaire organisation indépendante et sur des bases de classe des prolétaires. Aux Etats-Unis comme ailleurs, les prolétaires sans-papiers doivent se préparer à une lutte prolongée en tissant des liens entre eux et avec les autres prolétaires prêts à se solidariser avec leur combat, sans se laisser égarer par les illusions et les traquenards des valets réformistes de la bourgeoisie. Cela suppose de chercher dès aujourd’hui à rassembler les prolétaires à la base, en prenant appui sur les luttes existantes et sur les formes embryonnaires de solidarité entre travailleurs étasuniens et immigrés.

Le travail difficile et patient pour tisser des liens entre groupes de travailleurs combatifs et la solidarité active dans la lutte est la seule voie pour briser le mur de l’isolement dont souffrent avant tout les travailleurs immigrés, mur savamment entretenu par le collaborationnisme qui partout isole toutes les luttes afin de mieux préserver la paix sociale. C’est ainsi que les communistes doivent construire le front de lutte prolétarien qui devra un jour s’opposer au front uni de la bourgeoisie et de ses laquais.

Spark, comme ses mentors de Lutte Ouvrière en France, abandonne tout ce qui pourrait heurter les préjugés chauvins qui existent dans certaines couches, en général les mieux traitées, du prolétariat. Ce genre de capitulations place de façon irréversible Spark, Lutte Ouvrière et l’UCI dans le camp du réformisme, c’est-à-dire dans le camp de la bourgeoisie. Et ce ne sont pas les déclarations ronflantes pour se présenter comme les héritiers de l’Octobre prolétarien qui y changeront quelque chose.

Il est du devoir des communistes de dénoncer la politique raciste des gouvernements étasuniens successifs, mais ils doivent également tracer une perspective classiste pour faire comprendre aux prolétaires autochtones ou immigrés «en règle» que le sort des sans-papiers les concerne au premier chef et que le soutien à leurs luttes est une absolue nécessité, parce qu’abandonner une partie des prolétaires à la domination totale des capitalistes, signifie affaiblir toute la classe.

 

Solidarité prolétarienne avec les prolétaires immigrés!

Régularisation immédiate et sans condition de tous les sans-papiers !

Arrêt des expulsions et des refoulements! Retour des expulsés! Fermeture des centres de détention !

Abrogation de toutes les entraves à la circulation des prolétaires! Non au contrôle de l’immigration!

Reprise de la lutte prolétarienne anticapitaliste! Unité dans la lutte et l’organisation classistes des prolétaires immigrés et nationaux, avec ou sans-papiers !

 


 

(1) «États-Unis: les immigrés sans papiers, attaqués par l’administration Trump», Lutte de classe, novembre 2017)

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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