L’impérialisme français, complice des tortionnaires en Egypte
(«le prolétaire»; N° 530; Octobre - Novembre 2018)
L’impérialisme français aime se présenter comme le «pays des droits de l’Homme», mais cherche partout à étendre sa domination en semant la misère et la mort. C’est en particulier le cas au Proche Orient avec sa participation indirecte à la guerre menée par les Saoudiens au Yémen (1) et avec son soutien direct au régime dictatorial d’el-Sissi en Egypte.
Le régime égyptien – arrivé au pouvoir par un coup d’État qui a chassé du pouvoir le président élu membre des Frères musulmans – est un bon élève du FMI. Il applique ses recommandations à travers un plan d’austérité qui se traduit par un appauvrissement des ouvriers et des autres travailleurs : création d’impôts sur la consommation, réductions multiples des subventions à l’énergie, à l’essence et à l’alimentation de base dont dépendent 70 millions de personnes, augmentation des tarifs des transports publics…
Le maréchal el-Sissi, réélu lors d’élections totalement truquée en mars, a mis en place une dictature militaire encore plus répressive que celle d’Hosni Moubarak. Le pays vit sous l’état d’urgence, les forces de répression ont arrêté des dizaines de milliers de personnes, des prisons ont été construites pour incarcérer plus de 60 000 prisonniers politiques, l’usage de la torture est généralisé, les «disparitions» et les exécutions extrajudiciaires sont légion, les manifestations sont violemment réprimées, la censure est massive…
Malgré ses états de service, la dictature égyptienne est soutenue par les impérialistes français. Le président Hollande avait fait, en 2015, de l’Égypte un «partenaire stratégique» dans la lutte contre le terrorisme et avait justifié les ventes d’armes par la nécessité d’assurer la stabilité du pays. A l’époque, la France avait vendu 24 avions militaires Rafale et les deux navires de guerre Mistral initialement destinés à la Russie. Macron poursuit et amplifie ce soutien à el-Sissi. Lors d’une conférence de presse à l’occasion de la visite officielle de Al Sissi en France en octobre 2017, Macron avait évacué une question sur la répression en Egypte et les «atteintes aux droits de l’homme» en déclarant qu’il ne voulait pas «donner des leçons» à ce sujet: «Le président Sissi a un défi, la stabilité de son pays, la lutte contre les mouvements terroristes, contre un fondamentalisme religieux violent. C’est le contexte dans lequel il doit gouverner, nous ne pouvons en faire abstraction» a-t-il déclaré ajoutant que l’Egypte était un «partenaire stratégique» de la France et un «élément central de la stabilité régionale». La «stabilité» de l’Etat égyptien est sans aucun doute importante pour l’ordre impérialiste dans la région: la politique égyptienne se traduit par son soutien à la guerre au Yémen, son intervention en Libye pour soutenir l’une des fractions – la même que soutiennent les impérialistes français et qui, comme par hasard, est celle qui contrôle les champs pétrolifères de l’Est, et son blocus de la bande de Gaza en accord avec Israël. Cette «stabilité» s’appuie sur une répression féroce (plus de 60 000 prisonniers politiques), pire que sous Hosni Moubarak, le «Raïs» renversé par les manifestations de 2011.
L’Egypte dispose aujourd’hui non seulement des navires de guerre Mistral et d’avions de combat Rafale mais également de frégates Fremm, de Corvettes Gowind, de missiles, de blindés, d’armes légères, de techniques de contrôle et de systèmes de surveillance (Cerebro et Cortex).
En tout, depuis 2015 la France a vendu pour près de 7 milliards d’euros d’armements à l’Egypte (souvent payés grâce à des prêts de l’Arabie Saoudite) (2); mais ces ventes ont en fait commencé à devenir importantes depuis 2013 (au point que la France soit devenue le principal fournisseur d’armes de l’Egypte) après l’arrivée au pouvoir d’Al Sissi. Une particularité de ces armements est que l’impérialisme français ne met aucune condition à leur emploi; pour que l’Egypte puisse les utiliser au plus vite en Libye le gouvernement Hollande avait même fourni des avions destinés à l’armée française... Par contre l’impérialisme américain, de très loin le plus gros fournisseur d’armes à l’Egypte sur la longue période, et qui dispose aussi sur place de nombreux conseillers militaires pour les faire fonctionner, ne permet pas l’utilisation des armes lourdes (avions, etc.) en dehors des frontières dans son accord.
Sous l’administration Obama, les Américains avaient gelé des crédits militaires à l’Egypte (une petite partie: 195 millions sur 1,3 milliards de dollars annuels) officiellement comme sanctions pour ses violations des droits de l’homme, en réalité parce que le gouvernement égyptien était réticent à accorder un contrôle accru de ses communications militaires par les Etats-Unis (3). Le gouvernement Trump a levé ce gel après que les Egyptiens aient finalement accepté ce contrôle.
Les armes françaises servent aussi à un mettre en œuvre une surveillance généralisée et un contrôle des foules par les services de sécurité égyptiens. Les armes de répression livrées par l’impérialisme français sont directement tournées contre les masses ouvrières et exploitées d’Egypte. Un rapport d’Amnesty International, «Egypte. Des armes françaises au coeur de la répression» (4) le détaille. A.I. établit entre autres que l’utilisation de blindés légers français a été un facteur décisif dans la répression des manifestations du 13/8/18 qui fit environ un millier de morts.
Ce rapport, qui rappelle que la France s’était engagée avec d’autres Etats européens à ne pas livrer d’armes pouvant être utilisées contre les populations, écrit: «Reste à comprendre comment la France, parfaitement au courant des violations graves et systématiques des droits humains a pu continuer à livrer des véhicules blindés, sans parler du reste, à l’Égypte, au mépris de ses engagements internationaux».
Les démocrates font semblant de ne pas comprendre que quels que soient les discours et les signatures des serviteurs zélés de l’Etat impérialiste français l’objectif est partout le même: accroître les privilèges et les profits des capitalistes français par une politique de rapine, de pillage qui conduit à renforcer l’oppression et l’exploitation des masses des pays à l’encontre desquels la France sévit. A chaque fois la «présence» et l’action de la France se traduisent par une intensification de la misère et de l’oppression qu’elles contribuent à attiser en appuyant les mouvements de répression (aide en armes, en conseillers, en financement) et en alimentant les rivalités bourgeoises et réactionnaires locales.
Les profits qu’en tire l’Etat français lui permettent, de plus, de renforcer les bases matérielles de la domination bourgeoise en France même. C’est pourquoi la lutte contre l’exploitation capitaliste en France est inséparable de la lutte contre la politique d’oppression et de brigandage impérialiste de la France.
Cela signifie que les communistes révolutionnaires doivent combattre l’oppression qu’engendre la politique impérialiste française. Ils doivent dénoncer sans répit et de manière implacable les brigandages impérialistes et l’oppression de «notre» propre impérialisme et affirmer une solidarité active avec les luttes anti-impérialistes. C’est là une condition indispensable pour favoriser l’émergence d’une orientation révolutionnaire et prolétarienne parmi les masses qui subissent le joug impérialiste de la France.
C’est bien parce que nous sommes des communistes révolutionnaires internationalistes que l’impérialisme français est notre ennemi principal et que nous entendons mener contre lui une lutte acharnée, lutte sans laquelle la révolution communiste et l’émancipation prolétarienne seront impossibles.
(1) Voir Le Prolétaire n°527. Depuis Le Figaro a publié le 15/6 un article (démenti évidemment par le gouvernement) indiquant que des Forces Spéciales Françaises opéreraient au Yémen aux côtés des forces de la coalition saoudienne.
(2) Soit 8 milliards de dollars, à comparer avec l’achat d’armements à l’Allemagne (sous-marins) pour 2 milliards et à la Russie pour 3 milliards. Ces ventes ont alarmé les Américains qui ont réagi contre cette concurrence notamment en bloquant l’achat de nouveaux avions Rafale en arguant du fait qu’ils comprennent des composants électroniques américains ne pouvant être vendus sans autorisation de Washington.
(3) cf https://canadafreepress.com/article/israel-and-united-states-military-assistance-to-egypt
(4) cf https:// www. amnesty.fr/ controle-des-armes/ actualites/ france-egypte-aux-armes-policiers-egyptien.
Comme moyen d’action, Amnesty International ne trouve rien d’autre que de demander à ses partisans d’envoyer une lettre de protestation au député de leur circonscription: impuissance du démocratisme petit-bourgeois...
Parti communiste international
www.pcint.org