Lénine

Après l’assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht: la démocratie, paravent hypocrite de la dictature bourgeoise

(«le prolétaire»; N° 532; Février - Mai 2019)

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Camarades, les derniers événements d’Allemagne, les assassinats sauvages et perfides de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, sont l’évènement le plus dramatique, le plus tragique de la révolution naissante en Allemagne; il projette en outre une vive lumière sur les problèmes de la lutte actuelle tels qu’ils se posent dans les divers courants politiques et dans les systèmes théoriques de notre temps. C’est particulièrement en Allemagne que nous avons entendu le plus de discours, par exemple sur la démocratie tant vantée, sur les mots d’ordre de la démocratie en général, ainsi que sur les mots d’ordre d’indépendance de la classe ouvrière vis-à-vis du pouvoir d’Etat.

Ces mots d’ordre qui semblent au premier coup d’oeil, sans lien entre eux, sont en fait étroitement liés. Ils le sont parce qu’ils montrent à quel point les préjugés petits bourgeois sont encore forts, malgré l’énorme expérience de la lutte de classe du prolétariat; à quel point la lutte de classe n’est reconnue, aujourd’hui encore, suivant l’expression allemande, que du bout des lèvres, sans pénétrer vraiment ni dans la tête ni au coeur de ceux qui en parlent. (...)

Et c’est précisément en Allemagne que des hommes qui se prétendaient professeurs de marxisme, des hommes qui ont été les idéologues de toute la IIe Internationale, de 1889 à 1914, comme Kautsky, ont brandi le drapeau de la démocratie, sans comprendre que, tant que la propriété demeure aux mains des capitalistes, la démocratie n’est qu’un paravent parfaitement hypocrite de la dictature de la bourgeoisie, et que la question de l’émancipation du travail du joug capitaliste ne peut trouver aucune solution sérieuse tant que ce paravent d’hypocrisie n’est pas déchiré et que nous ne prenons pas la question comme Marx l’a toujours enseigné, comme l’a enseigné la lutte quotidienne du prolétariat, comme l’ont enseigné chaque grève, chaque aggravation de la lutte syndicale; si l’on pose la question ainsi: tant que la propriété demeure aux mains des capitalistes, toute démocratie ne sera que le paravent hypocrite de la dictature bourgeoise. Tous les discours sur le suffrage universel, sur la volonté du peuple, sur l’égalité des électeurs seront un pur mensonge, car il ne peut pas exister d’égalité entre exploiteurs et exploités, entre le détenteur du capital et de la propriété et l’esclave salarié d’aujourd’hui.

Certes, la démocratie bourgeoise marque historiquement un immense progrès par rapport au tsarisme, l’autocratie, la monarchie et à tous les vestiges de la féodalité. Certes nous devrons nous en servir et nous poserons ainsi la question: tant que la lutte de la classe ouvrière pour la totalité du pouvoir n’est pas à l’ordre du jour, l’utilisation des formes de la démocratie nous est indispensable. Mais le fait est que nous sommes arrivés à ce moment décisif de la lutte à l’échelle mondiale. C’est maintenant précisément que la question se trouve ainsi posée: les capitalistes garderont-ils les moyens de production? or cela signifie qu’ils préparent de nouvelles guerres. La guerre impérialiste nous a montré avec une parfaite évidence que la propriété capitaliste est liée à ce carnage des peuples et qu’elle les y a conduits de façon irrésistible, inéluctable. Mais alors tous les discours sur la démocratie en tant qu’expression de la volonté du peuple tout entier apparaissent aux yeux de tous comme un mensonge, comme le privilège des seuls capitalistes et des riches d’abrutir les couches les plus arriérées des travailleurs, à la fois par la presse qui reste aux mains des possédants et par tous les autres moyens d’influence politique.

C’est ainsi, et ainsi seulement que la question se trouve posée. Ou bien la dictature de la bourgeoisie, voilée par les Assemblées Constituantes, par toutes sortes de scrutins, par la démocratie et autres mensonges bourgeois du même genre, grâce auxquels on aveugle les imbéciles, et dont seuls aujourd’hui peuvent faire montre et parade les hommes qui sont foncièrement et sur toute la ligne des renégats du marxisme et des renégats du socialisme, ou bien la dictature du prolétariat afin d’écraser d’une main de fer la bourgeoisie qui excite les éléments les plus arriérés contre les meilleurs chefs du prolétariat mondial, la victoire du prolétariat pour écraser la bourgeoisie qui organise aujourd’hui une résistance d’autant plus acharnée, d’autant plus furieuse, contre le prolétariat qu’elle voit plus nettement que cette question est posée par les masses. (...)

 

20 janvier 1919. Rapport au IIe Congrès des syndicats de Russie (extraits). cf. Lénine, Oeuvres, Tome 28, pp 433, 434, 435

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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