Chili :

Contre la hausse du prix des transports ! Contre la cherté de la vie ! La lutte de classe prolétarienne montre la voie

(«le prolétaire»; N° 535; Décembre 2019 / Janvier 2020 )

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Depuis 3 jours les troubles provoqués au Chili par la hausse du prix du ticket de pétro, s’étendent à tout le pays. Le gouvernement a décrété l’état d’urgence, l’armée a assumé le contrôle de la sécurité publique dans les principales villes du pays et alors que les manifestations et les affrontements avec le force de l’ordre continuent, on dénombre déjà au moins 15 morts et 88 blessés par balles et pus de 1500 arrestations.

La Centrale Unitaire  des Travailleurs (CUT), le principal syndicat du pays, a appelé  à une grève générale pour le mercredi 23 contre l’augmentation des prix des transports en particulier et plus généralement contre la hausse continue des prix des produits de première nécessité, alors que les salaires restent pratiquement gelés. Entretemps le gouvernement dirigé par le milliardaire Sebastian Pineira s’est ouvertement moqué des prolétaires en les appelant à se lever plus tôt pour éviter les heures d’affluence dans le métro, alors qu’ils sont déjà obligé de perdre plusieurs heures chaque jour pour se rendre à leur travail.

En dehors même de la hausse du prix des transports la situation au Chili est vraiment difficile tant pour les prolétaires employés dans l’économie régulière que pour ceux qui sont obligés de travailler au noir, aussi bien pour les habitants des grands quartiers ouvriers de Santiago, Valparaiso et Concepcion que pour ceux des bidonvilles des périphéries urbaines. L’Université Catholique du Chili a calculé que durant la dernière décennie le prix du logement à Santiago (la capitale) a augmenté de 150%, celui de l’électricité de 10%, l’inflation annuelle étant estimée à 2,5%. Si le salaire médian est de 13 000 dollars, 70% de la population vit avec moins de 770 dollars par mois ; cela signifie qu’il existe une grande polarisation de la richesse, plongeant une grande partie de la population au-dessous du seuil de pauvreté. Dans le « paradis chilien » comme l’appellent les économistes bourgeois en raison de sa supposée prospérité, 10% des habitants en âge de travailler sont au chômage, et plus de 20% parmi les jeunes. Sans doute que par rapport à d’autres pays latino-américains, y compris l’Argentine, la situation chilienne semble moins épouvantable pour les prolétaires ; mais on sait que sous le capitalisme la prospérité, la richesse, la bonne marche de l’économie, signifient pauvreté et misère pour la majorité de la population.

Les révoltes de ces derniers jours démontrent que la classe prolétarienne chilienne qui souffre de la hausse des prix des transports, du logement, de la semaine de travail toujours plus longue, des bas salaires, etc.  a eu une force suffisante pour répliquer à la énième attaque de la bourgeoisie. Les émeutes, le pillage de magasins et des grandes surfaces, les incendies de certaines entreprises comme les affrontements avec la police dans tous les quartiers ouvriers et les grandes villes, sont la démonstration de la colère d’une classe prolétarienne qui supporte sur son dos la bonne marche de l’économie nationale, avec cette croissance du produit national brut qui fait l’orgueil des dirigeants du pays. C’est une colère spontanée, ni canalisée ni organisée, où se mêlent des scènes de pillage à des attaques contre l’ennemi de classe… Mais c’est la colère que la classe ouvrière a mûri en son sein depuis que la démocratie a été réinstaurée, il y a près de trente ans : ce furent les ouvriers qui payèrent le prix de la reconstruction et de la réconciliation nationales avec ceux qui les avaient assassinés et torturés pendant dix-huit ans.

L’état d’urgence décrété par le gouvernement Pineira dimanche dernier est la réponse la plus claire et la plus brutale que la bourgeoisie chilienne pouvait donner aux  manifestations de rue : confier le contrôle de l’ordre, c’est-à-dire la répression, à l’armée n’est pas une mesure en l’air dans un pays où cette même armée a gouverné avec une main de fer pendant presque deux décennies, consacrant une bonne partie de ses forces à arrêter, assassiner et torturer les prolétaires les plus combatifs. Encore aujourd’hui, selon une publication récente du Congrès nord-américain, cette armée est l’un des plus « professionnelles » du continent. Le fait que les soldats patrouillent dans les quartiers prolétariens avec leurs armes pointées sur les habitants, est une déclaration d’intention claire et nette du gouvernement : ni le Palais présidentiel de la Moneda, ni les casernes, ni les conseils d’administration  des principales entreprises du pays ne vont tolérer que les prolétaires descendent dans la rue pour demander une amélioration de leurs conditions d’existence.

De leur côté les courants politiques d’opposition ont été  aussi très clairs : « on ne peut demander au gouvernement de dialoguer à la condition qu’il mette fin à l’état d’urgence (…). En tant qu’opposition nous ne cherchons absolument pas à déstabiliser le gouvernement Pineira qui doit de façon urgente annoncer et  mettre en œuvre un agenda social qui contienne des concessions immédiates ». Ces paroles d’un des principaux dirigeants de l’opposition éclairent parfaitement ce que les prolétaires peuvent attendre des partis de la gauche parlementaire : en premier lieu le gouvernement doit contrôler les révoltés, c’est pourquoi ils ne remettent pas en question l’état d’urgence.

Pour juger de l’attitude de la CUT, il suffit de constater qu’elle a attendu près d’une semaine avant d’appeler à la grève générale du 23. Et jusqu’au dernier moment elle a offert de renoncer à cet appel si le gouvernement faisait preuve de bonnes intentions ! Au moment de la crise sociale la plus grave connue par la démocratie, au milieu de troubles qui avaient fait plus d’une dizaine de morts…, la CUT a pris une semaine pour appeler à la grève laissant tout ce temps au gouvernement pour militariser le pays et transformer les rues en fortins militaires. Mais cette attitude se comprend mieux si nous lisons le communiqué du 21 octobre de la CUT. Après avoir limité ses revendications au « retour  la normalité » elle y affirme, à propos des troubles des jours précédents:

« mais tout aussi clairement  nous condamnons de la façon la plus énergique la violence irrationnelle engendrée par l’attitude du gouvernement, qui a permis des actes de vandalisme et de délinquance de groupes minoritaires, alors que la grande majorité du pays a manifesté de manière pacifique et organisée sur tout le territoire. Il est absurde de détruire le métro qui n’est pas utilisé par les puissants mais par les travailleurs et les travailleuses, il est condamnable de piller des magasins, dont certains de petits commerçants et de détruire des biens publics. Cette violence irrationnelle ne sert qu’aux puissants pour justifier la répression et la militarisation du pays. Mais nous laissons aussi ouverte la question de l’absence suspecte de surveillance et de protection policière du réseau du métro, de magasins et de bâtiments, juste au moment où opéraient ces groupes d’origine inconnue et suspecte ».

Alors que le prolétariat manifestait dans les rues, s’affrontait à la police pour se défendre, sabotait les transports publics comme moyen de protestation, alors qu’il était réprimé et assassiné, la CUT condamnait la violence, accusait les travailleurs qui participaient aux protestations « violentes » d’être alliés au gouvernement.

La classe prolétarienne chilienne est capable de tirer de ces affrontements et de ceux qui suivront tôt ou tard, les leçons de sa propre histoire, qui est la même histoire qui pèse sur le prolétariat de toute l’Amérique Latine. La démocratie, le respect de la légalité parlementaire, le réformisme revêtu des habits parlementaires furent la cause de sa défaite aux moments des plus grandes tensions sociales. Durant les tragiques années de 1970 à 1973, la confiance dans le courant opportuniste que représentaient Allende et l’ « Unité Populaire », conduisit  à une série de lourdes défaites, dont la dernière fut l’instauration de la terreur bourgeoise par le plus démocratique et constitutionnel chef militaire, Augusto Pinochet. Au cours de ces années, les puissantes mobilisations de la classe ouvrière, qui trouva dans les cordons industriels une de ses formes caractéristiques de lutte, purent être canalisées grâce à l’influence parmi les travailleurs du mythe de la démocratie et de la voie graduelle vers le socialisme. La  lutte immédiate menée avec grand courage et grande force sur le terrain de la défense des intérêts immédiats de la classe ouvrière, que la lutte politique, qui se définissait autour d’une nébuleuse « voie nationale au socialisme ».

La lutte économique dans les usines et les quartiers ouvriers était difficilement contrôlable par la bourgeoisie parce que la classe ouvrière y exprimait plus directement sa force spontanée ; mais finalement elle put être assujettie à la défense de l’économie nationale, qui avait alors comme drapeau la nationalisation des plus grandes entreprises des secteurs primaire et secondaire de l’économie. La lutte politique fut limitée à un réformisme à toute petite échelle qui évita systématiquement de froisser les privilèges de classe de la bourgeoisie. Au point que la conspiration militaire patronnée par le gouvernement des Etats Unis se déroula au grand jour en même temps que l’Unité Populaire exigeait des prolétaires calme et retenue.

1973 fut la victoire de l’action combinée de l’opportunisme pseudo socialiste et de la répression bourgeoise ouverte et sanglante. Le prolétariat chilien doit en retenir les leçons appropriées : la classe bourgeoise utilise aussi bien l’armée et à la force brute que le cirque parlementaire et la défense de la démocratie pour écarter la classe prolétarienne de son terrain de lutte propre où la bataille se livre avec des méthodes et des moyens réellement classistes. Aujourd’hui les prolétaires sont descendus dans la rue dans un véritable conflit social pour défendre leurs conditions de vie élémentaires. Face à eux ils trouvent de nouveau l’armée et les organisations pseudo-ouvrières qui essayent de canaliser sa lutte vers la confiance en l’Etat bourgeois, vers la renonciation à la lutte classiste qu’elles qualifient de violente et dépourvue de sens. Le dilemme est toujours le même : ou la rupture avec la collaboration de classe que ces positions conciliatrices impliquent, ou la chute non tant dans le néant politique que représentent ces organisations, mais dans la répression la plus impitoyable.

 


 

Pour la défense intransigeante des conditions de vie de la classe prolétarienne !

Pour le retour à la lutte de classe prolétarienne !

Pour la reconstitution du parti communiste, international et internationaliste !

 

 22/10/2019

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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