En Syrie, le heurt des intérêts bourgeois et impérialistes alimente une guerre sans fin, reflet de l’avenir que réserve le capitalisme à l’humanité

(«le prolétaire»; N° 535; Décembre 2019 / Janvier 2020 )

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L‘invasion turque en Syrie

 

Le 9 octobre dernier l’armée turque pénétrait en Syrie accompagnée de milices rebelles syrienne inféodées à la Turquie. Cette invasion survenait après l’annonce américaine du retrait de leurs soldats de cette région contrôlée par les YPG, milices kurdes liées au PKK et qui jusque étaient intégrés dans la coalition militaire dirigée par les Etats Unis intervenant en Syrie et en Irak.

Les YPG se tournaient alors vers le régime de Damas, à qui elles abandonnaient certaines parties du territoire qu’elles avaient occupé en y chassant leurs habitants arabes, qualifiés de soutien des djihadistes. Finalement après quelques jours de combat et des tractations diplomatiques impliquant la Russie et les Etats-Unis un accord de cessez-le-feu était accepté le 22 octobre par la Turquie: les YPG se retiraient d’une «zone de sécurité» d’une centaine de km de long et une trentaine de km de profondeur, où des militaires turcs et russes organisaient des patrouilles pour vérifier ce retrait.

Les combats auraient fait des centaines de morts parmi les combattants kurdes, mais aussi les civils: Amnesty International a documenté des «crimes de guerre» (bombardements de civils, exécution de prisonniers, etc.) par les soldats turcs et leurs allés. Selon l’ONU plus de 160 000 personnes auraient fui la zone des combats (des chiffres beaucoup plus élevés ont été avancés). La Turquie cherchait avant tout à empêcher la formation d’un proto-Etat kurde à sa frontière, qui ranimerait inévitablement les velléités autonomistes ou séparatistes des Kurdes en Turquie même.

 Ensuite elle cherche à constituer une «zone de sûreté» en dehors du contrôle du régime de Damas pour y reloger au moins une partie des environ 3,6 millions de réfugiés syriens qui se trouvent sur son sol (sur un total estimé de 5 millions de migrants) et qui sont un fardeau pour l’économie du pays, suscitant en outre de plus en plus des réactions d’hostilité parmi  la population; le président turc Erdogan a parlé de réinstaller 1 à 2 millions d’entre eux dans une telle zone (ce qui aurait aussi l’avantage de noyer la population kurde sous ce nombre). Des discussions sont en cours avec les Etats Unis au sujet d’une éventuelle réinstallation, mais Erdogan utilise la question des réfugiés pour faire un chantage vis-à-vis des Européens, en menaçant de leur permettre de se rendre en Europe: «Ô Union européenne, reprends-toi. Je te le dis encore une fois. Si tu essayes de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et t’enverrons 3,6 millions de migrants», a-t-il ainsi déclaré dans un discours le 10 octobre.

 L’Union Européenne accorde pour les réfugiés en Turquie une aide financière pour qu’Ankara joue le rôle de garde-frontière de l’Europe; mais cette somme est faible: 640 millions pour 2019, soit moins de 180 euros par réfugié et par an.

Le retrait américain et l’invasion turque ont provoqué une crise diplomatique: la France et la Grande Bretagne dont des commandos de «Forces Spéciales» combattaient aux côtés des YPG (1) se sont amèrement plaints de n’avoir été prévenues qu’au dernier moment; elles ont condamné l’attaque turque, suivies par les pays européens, la Chine, Israël, les pays arabes opposés à la Turquie (Arabie Saoudite, Egypte, Emirats), etc. Seuls quelques rares pays comme le Pakistan, l’Azerbaïdjan ou le Venezuela soutiennent l’action d’Ankara. La Russie, quant à elle se réserve un rôle de médiateur, empêchant à l’ONU l’adoption de résolutions hostiles à l’intervention militaire turque.

 

L’attaque du régime syrien sur la province d’Idlib

 

Avec l’aide irremplaçable de l’aviation russe, les troupes de Damas ont commencé une attaque de la province d’Idlib la dernière région tenue par la rébellion; elle était selon les accords signés entre la Turquie, la Russie, la Syrie et l’Iran, une zone de «désescalade» où pouvaient aller les réfugiés des zones reprises par le régime. Selon les médias des dizaines de milliers de civils fuient les bombardements en direction de la Turquie, où Erdogan a averti que son pays ne pourrait accueillir une nouvelle vague de réfugiés. Des manifestations anti-russes ont eu lieu en Turquie, sans aucun doute avec l’accord tacite du gouvernement: démonstration que le rapprochement actuel d’Ankara avec Moscou ne peut effacer les oppositions d’intérêts entre la Russie et la Turquie au Moyen-Orient, à commencer par la Syrie, alliée de Moscou et adversaire d’Ankara.

 

La Syrie, champ de bataille international

 

La décision annoncée par Trump de retirer ses «Forces spéciales» de Syrie est motivée par la crainte de l’impérialisme américain d’un enlisement dans le bourbier syrien; déjà le gouvernement Obama avait refusé un engagement militaire plus direct, lorsque, à la grande colère du gouvernement français qui espérait bien y participer, il avait décidé de ne pas bombarder Damas: l’expérience irakienne a laissé des traces. Cela ne signifie absolument pas que l’impérialisme américain se retire du Moyen-Orient ou même seulement de la Syrie. D’ailleurs il resterait sur place plusieurs centaines de commandos des troupes spéciales avec des dizaines de chars de combat, redéployées en partie en «protection» des puits pétroliers du nord de la Syrie. La production de pétrole en Syrie est très faible par rapport aux grands producteurs mondiaux, mais c’est localement une source importante de richesse convoitée par tous les protagonistes, du régime de Damas à la Turquie et aux groupes rebelles. Les Américains ont assuré qu’ils n’occupaient les champs pétroliers que pour empêcher qu’ils ne tombent dans des mauvaises mains et qu’ils utiliseraient ces ressources pour financer les troupes kurdes; la Russie a dénoncé, non sans raison, un acte de brigandage international.

Le Moyen-Orient a trop d’importance pour l’économie mondiale et du point de vue géopolitique, pour que l’impérialisme en général et les Etats bourgeois de la région, grands ou petits, restent à l’écart des affrontements. Cela est vrai aussi pour le Syrie. En apportant une aide décisive au régime de Damas sur le point de s’effondrer, l’impérialisme russe a réussi à revenir en force au Moyen Orient dont il avait été à peu près complètement écarté dans les décennies précédentes. Ses bombardiers sont secondés par des troupes au sol, soit «régulières» soit sous forme de mercenaires. Les vieux impérialismes français et britannique, autrefois dominants, ont été éjectés de la région dans la première moitié du siècle dernier, mais ils sont toujours attirés par cette zone qu’ils ont occupée et pillée à loisir. Ils cherchent à y revenir, même si c’est dans les fourgons de l’impérialisme américain. Il y a de plus les acteurs régionaux, à commencer par l’Iran dont les milices («Gardiens de la révolution»), en conjonction avec celles du Hezbollah libanais ont pu suppléé au manque de combativité de l’armée régulière syrienne, affaiblie par les désertions, et en continuant par les divers Etats arabes qui, sans envoyer de soldats, financent tel ou tel groupe; sans oublier Israël dont les avions se croisent lors de raids de bombardement avec ceux de la coalition américaine et de la Russie.

 

AUCUN soutien à l’impérialisme sous prétexte d’aide aux Kurdes!

 

Ces Etats n’hésitent pas à justifier leur intervention avec des arguments quasiment «humanitaires»: la lutte contre les terroristes. Sauf que les terroristes ne sont pas les mêmes selon les Etats...

Les prolétaires ne doivent pas se laisser prendre à cette grossière propagande; les interventions impérialistes ne sont guidées que par des intérêts capitalistes, immédiats ou à plus long terme et elles doivent être à ce titre dénoncées et combattues sans hésitation. En particulier il faut éviter le piège dans lequel beaucoup sont tombés sous l’influence de la propagande médiatique, du soutien, de façon explicite ou implicite, à l’impérialisme au prétexte de venir en aide «aux Kurdes». L’organe de la IVe Internationale en Grande Bretagne a publié un article qualifiant le retrait américain de «coup de poignard dans le dos du mouvement national kurde» et se terminant par un appel à l’impérialisme: les pays de l’OTAN doivent «imposer des sanctions économiques à Ankara» et «fournir des armes au mouvement national kurde» (2). L’histoire en particulier des Kurdes a suffisamment démontré que la recherche par les dirigeants kurdes d’alliance avec les impérialismes a toujours eu finalement des résultats catastrophiques pour les populations; l’exemple actuel des YPG, en donne une démonstration supplémentaire.

Faire appel à l’impérialisme au nom de la défense d’un mouvement national, c’est de la part de prétendus révolutionnaires, en plus d’une imbécillité crasse, une trahison complète des positions marxistes! Seul le renversement révolutionnaire des Etats de la région et l’instauration du pouvoir des exploités – la dictature internationale du prolétasriat – sur leur ruines pourra être définitivement fin à l’oppression des Kurdes, comme à toutes les oppressions et exploitations. La reprise de la lutte de classe anticapitaliste dans les métropoles impérialistes sera le facteur décisif sur cette voie; elle commence par l’opposition résolue à toutes les interventions impérialistes et à leurs partisans, d’autant plus dangereux quand ils se disent marxistes.

 

Question nationale kurde et autodétermination

 

Nous avons toujours expliqué que le développement impérialiste du capitalisme n’a pas résolu la question de l’indépendance nationale pour tous les peuples existant dans le monde; il l’a au contraire gangrené en aggravant l’oppression des peuples qui n’ont pas réussi à obtenir cette indépendance nationale, mais aussi de ceux qui l’ont obtenue, y compris grâce à de violentes révolutions anticoloniales, mais qui n’ont pu réaliser un développement économique conséquent, en raison des lois mêmes du capitalisme.

Pour des cas concrets comme celui des populations palestiniennes ou kurdes, nous avons clairement affirmé que le période historique de leur émancipation nationale est désormais passée; mais cela ne signifie pas que la question nationale ait disparu pour elles car elles continuent à subir une oppression nationale systématique. La position marxiste est donc dialectique; les communistes défendent avec Lénine, le droit inconditionnel à la lutte pour l’autodétermination pour les populations sujettes à l’oppression nationale (parfois de plusieurs Etats plus forts) ; mais en même temps ils luttent pour l’unité des prolétaires de toutes les nations, contre toutes les bourgeoisies, oppresseuses ou opprimées, contre toutes les classes possédantes quelle que soit leur nationalité. Cette position n’est pas contradictoire avec la perspective du programme prolétarien communiste, elle la renforce au contraire.

Comme le disait Lénine à la fin du XIXe siècle, ce serait une grave erreur politique de nier la «reconnaissance du droit des nations à l’autodétermination», même si on estime que ces nations n’auront jamais la force de la réaliser avant la victoire de la révolution prolétarienne internationale.

Abandonner la lutte prolétarienne pour des objectifs de classe au nom de la lutte d’indépendance nationale signifie trahir la classe prolétarienne; mais refuser ce droit à l’autodétermination de la part des prolétaires de la nation dominante est également contraire aux intérêts prolétariens bien compris; cela revient à nier l’oppression nationale et donc à se mettre dans les faits à la remorque de «leur» bourgeoisie au moins dans cette question, affaiblissant leur capacité de lutte contre cette dernière; en outre cela rend impossible l’union avec les prolétaires de la nation dominée dont la bourgeoisie a beau jeu de présenter l’internationalisme prolétarien comme un mensonge hypocrite et la lutte de classe comme le sabotage de la nécessaire union interclassiste face à l’approbation interclassiste de l’oppression nationale dans la nation dominante.

Les prolétaires de cette nation doivent donc démontrer dans les faits et non dans des déclarations abstraites, qu’ils dénoncent sans hésitation et combattent sans conditions la domination exercée par «leur» bourgeoisie; c’est cela qui donnera la possibilité aux prolétaires de la nation dominée de rompre l’union avec leur bourgeoisie pour s’unir avec eux dans la lutte anticapitaliste.

 

Le reniement du léninisme par Il Programma Comunista

 

Beaucoup de prétendus marxistes ne comprennent pas cette position dialectique, exposée et mise en pratique par Lénine et les bolcheviks; c’est le cas pour Il Programme Comunista qui a publié sur la question une prise de position sentimentale et politiquement désastreuse: «Colère, émotion et sympathie pour les prolétaires kurdes sous le feu des impérialismes».

Après avoir dénoncé les méfaits des impérialistes et des fractions bourgeoises kurdes, Il PC élève la voix et adresse aux prolétaires kurdes un sermon à la manière du pape admonestant ses ouailles depuis la Place Saint Pierre de Rome: «Jusqu’à quand, soeurs et frères prolétaires, supporterez-vous l’horreur d’une bourgeoisie féroce qui (...) vous contraint (...) à une stérile révolte ethnique qui, au prix de votre sang, changera uniquement le passeport de vos (de nos!) oppresseurs? Soeurs et frères prolétaires, transformez la révolte nationale désormais inutile en lutte pour la préparation de la révolution prolétarienne internationale!».

Suivent une série d’indications et de mots d’ordre ultimatistes: «Détruire l’Etat impérialiste et démocratique pour édifier sur ses ruines l’Etat sans frontières du prolétariat international»; «Opposer à la guerre entre Etats capitalistes et à la tromperie des patries la guerre entre notre classe (les prolétaires internationaux, sans réserves) et toutes les bourgeoisies nationales! Transformer la guerre impérialiste bourgeoise en révolution prolétarienne communiste!».

Peut-être nous a-t-il échappé qu’existent, pas seulement parmi les Kurdes, mais aussi parmi les divers pays du Moyen Orient et en Europe, des organisations de classe et un parti communiste influents, une situation sociale telle que les prolétaires soient déjà objectivement sur le terrain de la lutte révolutionnaire de classe et que les forces du pouvoir bourgeois soient, au moins dans certains pays, fortement affaiblies? En fait rien de tout cela n’existe et Il PC se paye de mots. Quelles seraient les forces politiques capables de réaliser les mots d’ordres qu’il avance? Il y a des années il avait émis l’invraisemblable hypothèse qu’une fraction du PKK, le parti nationaliste kurde qui est le dirigeant des YPG pourrait donner naissance au parti de classe dans tout le Moyen-Orient (3). Il ne fait plus la même erreur, mais il en fait une autre, en confiant apparemment à la base politiquement inorganisée, aux «soeurs et aux frères», le soin de réaliser directement la transformation de la guerre impérialiste en révolution prolétarienne, etc.. A quoi bon alors un parti de classe?

Pour Il PC, il n’existe plus de «question nationale» pour les Kurdes (comme d’ailleurs pour les Palestiniens), donc il est inutile de leur reconnaître un droit à l’autodétermination. Après avoir évacué d’un trait de plume le problème, il ne reste plus qu’à sommer les prolétaires kurdes d’abandonner leur «révolte ethnique» «inutile» pour la révolution communiste. Notons au passage qu’Il PC n’adresse pas d’exhortation similaire aux prolétaires des pays impérialistes impliqués dans le conflit qui ont pourtant objectivement moins d’obstacles à surmonter pour trouver la voie de la lutte de classe, confiant de fait aux faibles prolétaires kurdes la tâche surhumaine de faire ce que leurs frères de classe d’Europe et d’Amérique n’ont toujours pas eu la force de réaliser...

La route qu’ont à parcourir les prolétaires du Moyen-Orient; et tout particulièrement les prolétaires des populations opprimées, est longue et semée d’obstacles d’autant plus difficiles à franchir que le prolétariat des grands pays impérialistes est encore paralysé, incapable de rompre avec l’interclassisme et les pratiques démocratiques. La renaissance du mouvement prolétarien révolutionnaire pourrait-il venir de pays de ladite «périphérie» capitaliste, de prolétaires qui ne vivent même pas dans une nation reconnue et dotée d’un Etat indépendant?

Cela parait bien difficile, mais comme l’écrivait Lénine, le parti révolutionnaire «ne se lie pas du tout les mains. Il tient compte de toutes les combinaisons possibles (...) quand il inscrit dans son programme la reconnaissance du droit des nations à l’autodétermination. (...). Ce programme exige seulement qu’un parti réellement socialiste ne pervertisse pas la conscience prolétarienne, n’estompe pas la lutte de classe, ne flatte pas la classe ouvrière avec des phrases démocratiques bourgeoises, ne détruise pas l’unité de la lutte politique actuelle du prolétariat. Cette condition, sans laquelle il n’est pas question pour nous de reconnaître l’autodétermination est fondamentale» (4).

Nous pouvons ajouter aujourd’hui qu’un parti révolutionnaire ne doit pas égarer la classe ouvrière et les masses exploitée en général avec des phrases ronflantes qui veulent se faire paraître plus révolutionnaires que Lénine, mais qui montrent seulement une fascination romantique pour la lutte armée des milices kurdes dirigées par des couches petites bourgeoises. Le premier pas que devront faire les prolétaires kurdes est la rupture des liens avec les forces bourgeoises et petites bourgeoises, avec les orientations interclassistes, pour s’organiser de manière indépendante de toute force liée à des intérêts bourgeois nationaux ou impérialistes et s’unir aux autres prolétaires de la région, turcs au premier chef: les Kurdes constituent une partie importante du prolétariat de Turquie.

Mais cette rupture et cette union nécessitent que les prolétaires de la nation dominante rompent eux-mêmes avec leur bourgeoisie, démontrent qu’ils ne portent aucune responsabilité dans l’oppression infligée aux Kurdes mais qu’ils la combattent. C’est pour cette raison qu’il leur faut reconnaître sans conditions le droit à l’autodétermination des Kurdes. Le refuser reviendrait à s’aligner sur le nationalisme de la bourgeoisie dominante, rendant impossible l’union des prolétaires de toutes les ethnies et de toutes les nationalités dans la lutte contre le capitalisme.

 


 

(1) La présence de ces troupes en Syrie n’a jamais été annoncée officiellement et on ignore si, comme c’est probable, elles se sont retirées du pays à la suite des Américains dont elles dépendaient étroitement.

(2) cf. http://www. internationalviewpoint. org/spip.php? article6242. On peut aussi citer l’intellectuel Noam Chomsky, grande figure de la gauche libertaire américaine, et ancien opposant aux interventions militaires de son pays, qui a tenté d’organiser une campagne pour le maintien des troupes américaines.

(3) Il ProgrammaComunista n°1, janvier 1994

(4) cf. Lénine, «La question nationale dans notre programme», Oeuvres, tome 6, p.481-82.

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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