Pandémie COVID-19 en Espagne
Contre «l’état d’alarme» !
Contre les mesures anti-prolétariennes du gouvernement !
(«le prolétaire»; N° 536; Février-Mars-Avril 2020 )
Depuis samedi dernier, après la réunion du Conseil des ministres du gouvernement PSOE (Parti socialiste) -PODEMOS, l’ « état d’alerte » a été décrété en Espagne. La population doit être confinée à son domicile ... sauf pour aller travailler. L’armée a été déployée dans les principales villes du pays, contrôlant les déplacements des piétons comme des véhicules ; le gouvernement s’est engagé à garantir le fonctionnement des industries jugées « stratégiques » pour l’économie nationale ... C’est la réponse la plus visible que la bourgeoisie espagnole donne à la crise causée par la propagation du virus, par laquelle elle entend montrer sa force, sa capacité coercitive, sa capacité à maintenir un contrôle sans faille sur la vie sociale du pays.
Mais derrière ces mesures annoncées par le battage médiatique de la télévision, de la presse et de la radio, il y a eu depuis vendredi dernier des annonces de licenciements, des exemptions temporaires de la réglementation du travail, etc. qui vont frapper très durement les conditions d’existence des prolétaires dans les prochains mois. Les médias, les ministres, etc., gardent un silence de mort sur ces mesures. Alors que les employeurs exigent (et obtiennent) du gouvernement des mesures exceptionnelles pour leur permettre de licencier autant de travailleurs qu’ils le jugent nécessaire et des conditions de financement et fiscales exceptionnelles pour que ne soient pas affectée leurs finances dans les mois à venir, il est implicitement admis que ce seront les prolétaires qui paieront les pots cassés de cette situation d’urgence sanitaire.
Le gouvernement du Parti socialiste et de Podemos reste muet sur la sombre réalité qui attend les prolétaires dans les semaines à venir. Il a promis une « aide aux travailleurs », mais il a d’abord mis en place le contrôle militaire du pays et contraint tous les travailleurs à continuer leur travail au risque d’attraper et de transmettre le virus aux secteurs les plus vulnérables de la population. Il a fermé des écoles, les instituts et les universités, mais il a laissé les prolétaires qui dépendent de ces institutions pour s‘occuper de leurs enfants (et dans de nombreux cas, y compris de leur nourriture) seuls face à leurs employeurs, qui ont catégoriquement refusé de supporter le coût de ces mesures. Nombreux sont les prolétaires qui ont perdu leur emploi depuis vendredi : Non seulement ceux qui ont subi les licenciements annoncés par les chaînes de restauration rapide telles que Telepizza, Domino’s, etc. mais aussi tous ceux qui ont un emploi précaire, avec des contrats à l’heure, limités à quelques jours, etc., et qui ont tout simplement constaté que leur emploi ne serait pas renouvelé : ils se retrouvent, totalement dépourvus, à subir les conséquences de l’isolement prévu pour la période qui vient.
Démonstration qu’ils rament dans la même direction et qu’ils ont les mêmes intérêts, les syndicats et les patrons ont présenté, ensemble, leurs demandes. La principale est la déréglementation des contrats de travail temporaire, ce qui signifie le droit des entreprises à résilier temporairement les contrats de travail des prolétaires jugés non indispensables. Avec cette mesure, l’industrie automobile (Nissan, Renault, Iveco, etc.) a déjà commencé à renvoyer des gens chez eux, profitant de la situation pour arrêter la production et amortir les effets de la surproduction accumulée dans les derniers mois.
Les petits exploitants, propriétaires de bars, lieux de divertissement, magasins, etc., qui ont été contraints de fermer, ont pu licencier leurs travailleurs sans tarder et, compte tenu des prévisions d’annulation des grands événements touristiques (Fallas, Pâques, Foire d’Avril, etc.), ils prévoient de licencier des dizaines de milliers de travailleurs dans les prochains mois.
Dans cette situation, il est évident que c’est sur le dos des prolétaires que retombent les coûts de l’épidémie : ils paieront sur leurs salaires le coût social et économique du virus. Comment serait-il possible de croire que demain, lorsque l’épidémie sera terminée et que les choses reprendront leur cours, cela s’améliorera pour les prolétaires? Les licenciés reprendront le travail dans des conditions pires qu’auparavant, et l’angoisse et la misère dont ils auront souffert pendant ces mois resteront à jamais.
L’épidémie de coronavirus montre clairement que dans le monde capitaliste, les prolétaires supportent le poids de la société, subissent les conséquences de toute catastrophe, paient de leur intégrité physique et mentale et même de leur vie, les besoins de l’économie nationale. Les licenciements, les déréglementations du travail temporaire, les agressions qui résulteront de l’état d’alerte, les pressions policières et militaires ... se font et se feront à l’avenir sous un gouvernement « social », progressiste, composé de partis qui appellent les classes populaires et les prolétaires en particulier à les rejoindre, à faire confiance à l’État, au gouvernement, aux autorités, etc. qui, grâce à eux, seraient mis au service de « la majorité ». C’est le gouvernement de Pedro Sánchez et Pablo Iglesias qui fait sortir l’armée dans les rues pour garantir l’ordre bourgeois. Car l’armée n’a pas été déployée pour garantir la santé de la population ou la salubrité des villes, mais pour montrer une force, un pouvoir, que la bourgeoisie a besoin d’affirmer.
Les prolétaires ne peuvent faire confiance à personne, à aucune institution, à aucun gouvernement ... L’épidémie de Covid-19 a montré la réalité du gouvernement du « changement »: il n’y a pas de différence avec les mesures que le gouvernement Rajoy de droite aurait prises, ni avec celles prises par le gouvernement italien ou celles que les Français vont prendre dans les prochaines semaines.
La bourgeoisie est incapable d’assurer la santé de la population. Cette épidémie va faire des milliers de morts en Europe, dont beaucoup en Espagne, pays où, jusqu’à il y a une semaine, le gouvernement prétendait qu’il était absolument impossible que cela se produise ... Mais aujourd’hui encore aucune action n’a été prise pour instaurer une prévention vraiment efficace. Le confinement à domicile, l’interdiction de sortir si ce n’est pas indispensable, de se réunir, etc., sont des mesures ridicules si l’on songe que la principale raison des déplacements, l’obligation d’aller au travail tous les jours pour gagner un salaire, continue comme avant. Le gouvernement «permet» à ceux qui n’ont pas d’autre choix d’aller travailler: cela signifie en fait que le gouvernement oblige les prolétaires à aller se mettre au service de leur entreprise, mettant leur santé en danger. Cela garantit que l’épidémie se propage partout, de villes en villages. Y a-t-il un sens à ne pas pouvoir se promener, quand matin et soir les prolétaires qui ont encore un emploi doivent emprunter les transports publics, qui sont le principal vecteur de contagion dans les villes?
Oui il y a un sens : pour la bourgeoisie, la santé, le bien-être de la population est quelque chose de complètement secondaire par rapport aux exigences de leurs entreprises. Les prolétaires sont une main d’oeuvre à exploiter, ce sont eux qui génèrent la richesse sociale, eux qui engendrent le profit ... Et s’ils doivent être infectés au travail, la bourgeoisie proclame que c’est nécessaire qu’il en soit ainsi. Les stupides campagnes «Je reste chez moi» sont un exercice d’hypocrisie sans limite auquel se livrent tous les porte-parole de la bourgeoisie, parlant d’une responsabilité individuelle qui se termine juste au moment où les ouvriers sont contraints d’aller travailler en risquant leur santé.
L’épidémie de coronavirus doit être une leçon pour les prolétaires. Ils vont payer cher, avec des milliers de morts et des centaines de milliers de malades, mais ils doivent avoir une idée claire de toute cette situation: dans le monde capitaliste la vie humaine n’a aucune valeur, surtout si c’est la vie d’un prolétaire, de ses aînés ou de ses enfants. La seule logique du capitalisme est d’exploiter la main-d’œuvre jusqu’au bout, de consacrer toutes les ressources sociales à garantir la reproduction et la valorisation du capital, à diminuer les coûts et à accroître les bénéfices. La bourgeoisie et son État, le gouvernement quelle que soit sa couleur, les syndicats qui oeuvrent ouvertement pour défendre les intérêts des patrons, montrent dans cette crise leur vrai visage: tous unis contre les prolétaires, les obligeant à travailler avec l’armée dans les rues, les licenciant par dizaines de milliers et les condamnant à la misère dans les mois à venir. Toutes les ressources sociales sont consacrées à la sauvegarde de l’économie nationale et au maintien de la paix sociale, alors qu’une véritable maîtrise de l’épidémie est laissée au hasard, assumant des milliers de morts comme si c’était un destin inévitable pour les plus faibles.
Le Covid 19 montre la guerre quotidienne déchaînée que la bourgeoisie mène continuellement contre les prolétaires, une guerre qui s’accroît dans des situations comme celle d’aujourd’hui, où la vie elle-même n’est plus assurée. La classe prolétarienne n’a pas la force nécessaire pour réagir ; des décennies de collaboration avec la bourgeoisie, d’intoxication démocratique, d’habitude à considérer l’État et ses institutions comme des entités situées au-dessus des classes sociales, d’identification de leurs intérêts avec ceux de la bourgeoisie ..., ont paralysé son corps social. Les partis et les syndicats dits ouvriers ont, depuis de longues années, lié les prolétaires à leur ennemi de classe, les appelant à défendre l’intérêt général et national, présenté comme un objectif commun à toutes les classes sociales.
Mais la force même des événements, la profondeur des crises comme celle actuelle, poussent et pousseront inévitablement les prolétaires sur le terrain de la lutte. Ce n’est que par la lutte que leurs conditions d’existence même les plus élémentaires peuvent être défendues efficacement. Chacune de ces situations contribue à mettre de plus en plus la classe prolétarienne face au dilemme qu’elle devra tôt ou tard assumer: ou affronter la bourgeoisie ou abandonner ses revendications ; ou lutter pour imposer ses intérêts de classe ... ou alors son destin est scellé.
Non à l’état d’alarme! Non à la militarisation!
Contre l’unité nationale entre bourgeois et prolétaires!
Pour le retour à la lutte de classe indépendante!
Pour la reconstitution du Parti Communiste!
15/3/2020
Parti communiste international
www.pcint.org