Les gigantesques craquements de l’économie mondiale rapprochent l’alternative guerre mondiale ou révolution internationale

(«le prolétaire»; N° 537; Mai-Juin-Juillet 2020 )

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Les grandes institutions internationales comme les économistes de tous bords ne peuvent manquer de le reconnaître: l’économie mondiale est entrée dans une crise d’ampleur historique, plus grave que la «grande récession» d’il y a une dizaine d’années (2008-2009): elle devrait être comparable à la crise qui avait suivi aux Etats-Unis la fin de la deuxième guerre mondiale, lorsque il avait fallu reconvertir l’économie de guerre, voire à celle des années trente du siècle dernier. On sait que la deuxième n’a pu être réellement surmontée que par la guerre, tandis que la première l’a été par la «reconstruction» d’après-guerre («plan Marshall», etc.).

Selon Gita Gopinath, la «chef-économiste» du FMI, (14/4/20), «Nous vivons la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 1930».

De son côté l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), prévoit (8/4/20)«une forte chute du commerce (...) probablement supérieure à la contraction du commerce causée par la crise financière mondiale de 2008-2009. (...) Elle aura des conséquences douloureuses pour les ménages et les entreprises».

 Pour la Commission Européenne (6/5/20), nous sommes en présence d’«un choc majeur aux conséquences socio-économiques très graves. Malgré la rapidité avec laquelle les pouvoirs publics ont réagi en adoptant, au niveau national comme au niveau européen, un arsenal complet de mesures, l’économie de l’UE subira cette année une récession d’une ampleur historique». Lorsque toutes ces institutions impérialistes s’inquiètent des conséquences socio-économiques douloureuses de la crise, c’est là que les prolétaires doivent vraiment s’alarmer!

 

Les prévisions du FMI et des autres organisations internationales

 

Laissons là ces déclarations que nous n’avons citées que parce qu’elles illustrent les conclusions des experts bourgeois sur l’état de la situation économique du capitalisme mondial, pour regarder de plus près quelles sont leurs prévisions.

Les experts du FMI ont pour mission de fournir des chiffres les plus exacts possibles sur l’économie pour que les investisseurs, les institutions financières et étatiques, prennent leurs décisions en connaissance de cause; mais comme les estimations et les prévisions du Fonds peuvent avoir d’importantes conséquences négatives, elles sont toujours arrangées de manière «diplomatique». Dans le cas actuel, faisant montre d’une franchise qu’on ne lui connaissait pas, il a averti que ses prévisions étaient «extrêmement incertaines» avant de reconnaître qu’elles étaient déjà dépassées depuis leur parution (1). Nous les reproduisons cependant , telles qu’elles étaient indiquées pour l’année en cours dans les «Perspectives de l’économie mondiale» (avril), car elles donnent malgré tout une idée de l’ampleur de la crise.

Production mondiale (PIB): - 3%. Ce chiffre est celui d’une récession mondiale historique. Voici les prévisions pays par pays.

USA: -6,1%; Japon: -5,2%; Allemagne:-7,5%; France: -7%; Italie: -9,1%; Espagne: -8%; Grande Bretagne: -6,5% (2); Grèce: -10%; Turquie:- 5%; Russie: -5,5%; Brésil: -5,2%; Mexique: -6,6%; Argentine: -5,7% ; Afrique du Sud: -5,8%; Nigeria: -3,4%. Le FMI estime que la croissance sera positive, quoi qu’en forte baisse, pour les 2 plus grands pays asiatiques: Chine: +1,2% (3); Inde: + 1,9% (4). Pour les pays du Maghreb, le FMI prévoit une baisse de 5,2% en Algérie, de 3,7% au Maroc; et en Tunisie, à laquelle il vient d’accorder un prêt de 745 millions de dollars, une baisse de 4,3% (la plus forte baisse depuis l’indépendance).

Par contre l’Egypte serait le seul pays arabe à connaître une croissance de son PIB: + 2% (5), alors que l’Arabie Saoudite enregistrerait une baisse de 2,3%. Enfin le commerce mondial des marchandises et des services devrait baisser en volume de13,9% cette année (6).

Pour ce qui est de l’Amérique Latine, la Banque Mondiale avançait le 12 avril une diminution du PIB de 4,6% (en excluant le Venezuela en raison de l’absence de données), soit la pire récession depuis 1961, année où elle a commencé à recueillir des données. Voici ses prévisions par pays: Argentine: -5,2%; Brésil: -5%; Colombie: -2%; Chili: -3%; Mexique:         Pérou: -4,7%. En ce qui concerne le Venezuela, le FMI pronostiquait une chute du PIB de 15% et la CEPAL, de 18%.

L’OMC est peu précise sur le commerce international; elle estime que le commerce des marchandises (donc excluant le commerce des «services») pourrait baisser de 13 à 32% selon les hypothèse (et de toute façon plus que lors de la grande récession de 2008-2009 où il avait reculé de 10%), alors que le commerce des services pourrait être encore «plus touché». Selon un rapport du 13/5/20 de la CNUCED («Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement»), le commerce mondial devrait chuter de 27% au deuxième trimestre de cette année, tandis que l’indice moyen du prix des matières premières avait connu une baisse record de 20,4% au mois de mars – cette baisse sans précédent depuis longtemps (18% de baisse au plus fort de la récession de 2008-2009) étant due surtout à l’écroulement des cours du pétrole.

L’OCDE, dans ses «Perspectives Economiques» n°1/2020 (juin) est plus pessimiste que le FMI, prévoyant une récession mondiale d’au moins 6%, sans précédent en temps de paix depuis un siècle. L’Europe serait particulièrement affectée: s’il n’y a pas de «deuxième vague» de l’épidémie entraînant de nouvelles mesures de restriction de l’activité économique, elle estime que le recul du PIB y serait de plus de 9% (la Grande Bretagne, la France et l’Italie étant particulièrement touchées), alors qu’il ne serait «que» de 7,3% aux USA et de 6% au Japon. Pour la Chine et l’Inde, l’OCDE prévoit, à la différence du FMI, des reculs du PIB: respectivement de 2,6% et 3,7% dans l’hypothèse la plus favorable.

Nous n’allons pas exposer davantage les prévisions des diverses institutions internationales; les chiffres que nous avons cités suffisent à montrer, indépendamment de leur caractère approximatif, l’ampleur sans précédent depuis très longtemps de la crise économique dans laquelle est entré le capitalisme mondial.

 

L’explosion du chômage

 

Une des premières conséquences de la crise pour les prolétaires a été la véritable explosion du chômage qu’elle a entraîné dans de nombreux pays. Ce sont notamment des emplois précaires qui ont disparu les premiers, laissant sans ressources les prolétaires concernés. Ce n’est pas seulement le cas en Amérique Latine ou en Inde; dans la riche Allemagne 1,5 millions de prolétaires employés dans des «mini jobs» qui sont payés moins que le salaire minimum, pour une durée de travail allant jusqu’à 48 heures par semaine et qui ne donnent pas doit à des allocations de chômage, ont ainsi perdu leur emploi. Dans la plupart des pays d’Europe des mesures de chômage partiel, en partie financées par l’Etat, ont permis cependant de contenir l’augmentation du chômage pour les salariés disposant d’un CDD – bien que cette augmentation ait pourtant été importante. C’est ainsi qu’en Grande Bretagne, près de 9 millions de salariés et 2,5 millions de travailleurs indépendants, soit plus du quart de la main d’oeuvre, étaient début juin sous ce régime qui leur garantit 80% de leur revenu antérieur; en Allemagne des demandes de chômage partiel ont été déposées pour plus de 10,5 millions de salariés en mars et avril (dernier chiffres connus début juin), alors qu’au plus fort de la crise de 2008-2009 ces mesures n’avaient concerné que 1,5 millions de travailleurs. En France le nombre de demandes atteignait les 12 millions, en Espagne le nombre de travailleurs touchés par ces mesures («ERTE») étaient de 3,5 millions à la fin mai, etc.

En Italie, où la pandémie a frappé très durement dès février 2020, l’arrêt des activités de production et de distribution a particulièrement touché les moyennes et petites entreprises, là où les travailleurs précaires sont concentrés, avec des contrats à durée déterminée et du travail non déclaré, y compris celui des immigrés notamment dans l'agriculture et la construction. Les données ne sont pas faciles à trouver, mais on sait qu'au cours du quatrième trimestre de 2019, sur les 23,4 millions d'actifs, environ 18,1 millions étaient des salariés, tandis que les 5,3 autres millions étaient des travailleurs indépendants; parmi les salariés, 14,9 millions sont des travailleurs permanents, les 3,1 millions restants étant des travailleurs temporaires: ils ont perdu leur emploi pendant la pandémie; il faut ajouter les 9 millions de travailleurs licenciés, ce qui fait au total de 12 millions de travailleurs dans des conditions très précaires.

En tout près de 40 millions de salariés en Europe se trouvaient sous un régime de chômage partiel. Même si la rémunération prévue et plus ou moins importante, et de toute façon limitée dans le temps, ces mesures rentrent dans le cadre du système d’amortisseurs sociaux qui existe encore, quoiqu’il se réduise au fil du temps.

 Par contre aux Etats-Unis où le recours au chômage partiel est à peu près inconnu, le choc est massif, les entreprises ayant licencié rapidement et en masse dès le début de la crise. Au plus fort de la récession de 2008-2009 le nombre des inscriptions hebdomadaires au chômage n’avait jamais dépassé les 750 000, alors que ce nombre frôla les 7 millions lors de la semaine du 21 mars! Plusieurs millions de travailleurs américains s’inscrivent toujours chaque semaine au chômage: au moment où nous écrivons ils sont 44 millions environ à l’avoir fait.

Le taux de chômage pour le mois d’avril a été de 14,7%; mais le rapport officiel reconnaissait lui-même que ce chiffre ne décrivait pas exactement la réalité et que le taux réel pourrait être proche des 20% – un taux qui n’avait été atteint que lors de la grande crise des années trente. Pour le mois de mai le taux de chômage a baissé à 13,3% (chiffre salué par des tweets triomphants de Trump) en raison de la réouverture d’entreprises dans le secteur de l’hôtellerie, des loisirs, de l’éducation, du bâtiment, etc. Si le nombre d’inscriptions hebdomadaires au chômage recule, il était encore supérieur à 1500 000 début juin. L’inscription au chômage est nécessaire pour toucher des indemnités, mais, en raison de l’engorgement des services administratifs, nombreux sont les chômeurs qui n’ont toujours rien touché; ils plongent dans la pauvreté, incapables de payer leurs loyers ou de nourrir leurs enfants, la fermeture des écoles s’étant traduite par la fin des repas gratuits dans les cantines scolaires.

Au Mexique, selon les résultats d’une enquête de l’INEGI (1/6/20), 12 millions de personnes auraient perdu leur emploi (soit plus de 12% de la population active) essentiellement dans le secteur informel – alors que «seulement» un million de travailleurs du secteur formel auraient été licenciés.

En Chine le taux officiel du chômage était de 6% fin avril; mais l’étude d’une organisation chinoise estimait à la même date que le chômage réel était de 20,5% (soit 70 millions de chômeurs); l’étude a été retirée et la direction de l’organisation sanctionnée par les autorités, mais des économistes occidentaux avancent des chiffres du même ordre. Les statistiques officielles ne prennent pas en compte les dizaines de millions de travailleurs migrants licenciés et sans couverture sociale pour 75% d’entre eux (7). En Inde où il n’existe pas de publication régulière du taux de chômage, les mesures de confinement ont entraîné le retour de millions de travailleurs dans leur région d’origine (et plongé de millions d’autres dans une misère noire); une organisation de Bombay a estimé que les mesures gouvernementales ont fait tripler le taux de chômage pour le porter à 24%.

 

La «guerre du pétrole»

      

Depuis l’automne 2016 des accords de régulation de la production entre la Russie et l’Arabie Saoudite (chef de file de l’OPEP) avaient permis de faire remonter le cours du pétrole à plus de 60 dollars le baril : adversaires sur de nombreux terrains, de la Syrie à la Libye en passant par le Golfe, ces deux Etats s’entendaient jusque-là pour maintenir les prix d’une ressource très importante, voire cruciale, pour eux.

Mais les compagnies pétrolières russes étaient pressées d’augmenter leur production pour financer leurs investissements; et lors d’une réunion avec les représentants de l’OPEP début mars la Russie refusa de continuer les restrictions de production. Aussitôt l’Arabie Saoudite répliqua en augmentant sa production. Dans une situation où la demande de pétrole était déjà en baisse, cette décision d’inonder le marché provoqua rapidement un véritable effondrement des cours de l’or noir, au point où à un moment le prix du pétrole devint négatif pour certains contrats à terme («futures»)! Selon le Financial Times, quotidien de la finance londonienne, l’industrie pétrolière affrontait «sa pire crise depuis cent ans» (8).

 L’action saoudienne ciblait ouvertement la Russie; mais elle visait aussi les Etats-Unis qui sont redevenus le premier producteur mondial de pétrole devant ces deux pays grâce au gaz de schiste; or cette production n’est rentable qu’à un niveau de prix relativement élevé. La chute des prix menaçant de mettre en faillite nombre d’exploitations américaines, les Etats-Unis intervinrent alors directement (y compris en menaçant de retirer leur protection militaire aux Saoudiens), comme «médiateurs» (sic) dans l’affrontement. Finalement au bout de quelques semaines un accord fut conclu pour une réduction historique de la production de pétrole de 10 millions de barils par jour: la Russie avait perdu et l’Arabie Saoudite avait confirmé son rôle de leader sur le marché mondial de pétrole, ayant probablement obtenu que les Etats Unis réduisent eux aussi leur production. Au moment où nous écrivons le prix du baril est remonté largement au-dessus de 30 dollars – ce qui représente cependant une baisse de près de 50% par rapport au début de l’année.

Nous nous sommes un peu attardés sur les convulsions du prix du pétrole d’abord en raison de son importance pour l’économie mondiale et aussi en raison des conséquences désastreuses que sa chute aura sur les pays producteurs dont c’est une richesse majeure, de l’Algérie à l’Iran, de la Russie au Venezuela, sans oublier les pays du Golfe, qui n‘ont pas tardé à renvoyer en masse les travailleurs immigrés qui travaillaient chez eux. Mais également parce que cette guerre du pétrole est une démonstration que la crise économique attise les tensions et les affrontements entre Etats, affrontements qui inévitablement passeront du terrain économique au terrain militaire.

 

les sinistres conséquences de la crise

 

Une crise de l’ampleur que l’on connaît aujourd’hui ne pourra pas ne pas avoir de graves conséquences sur la situation sociale interne car les capitalistes comme chaque fois feront payer aux prolétaires le sauvetage de leur économie; elle en aura d’aussi graves sur la situation internationale et les rapports entre les grandes puissances, ne serait-ce que par l’aggravation de la concurrence économique entre les Etats.

Il ne pourrait en être autrement que si la crise n’était qu’une interruption fortuite et momentanée de la vie économique. C’est la thèse diffusée par les institutions internationales et les administrations nationales pour qui il s’agit d’un choc, violent sans aucun doute, mais «exogène», c’est-à-dire d’un accident ne découlant pas du mécanisme capitaliste lui-même (9). Elles annoncent donc toutes un redémarrage, plus ou moins fort, de l’économie, dès que la pandémie sera terminée et les dommages causés par l’accident réparés.

Les mesures prises pour faire face à la pandémie qui se sont traduites par un fort ralentissement de l’activité économique et l’arrêt de certains secteurs, auraient suffi à elles seules pour déclencher une forte récession; mais en réalité, comme nous l’avons déjà indiqué à plusieurs reprises dans notre presse (10), la crise économique générale était sur le point d’éclater – et elle se manifestait déjà dans certains pays.

En Amérique Latine la CEPAL estimait en novembre 2019 que la période 2016-2020 enregistrerait la plus faible croissance sur le continent depuis 75 ans (principalement à cause de l’ampleur de la crise économique au Venezuela et en Argentine) (11); en Europe 2019 avait été la troisième année de ralentissement économique et la récession était déjà effective en Allemagne et en Italie; en Chine les statistiques officielles, qui peignent toujours la réalité... en rose, indiquaient cependant que 2019 avait vu la plus faible croissance économique depuis trente ans; aux Etats-Unis eux-mêmes, où la drogue de l’argent facile a laissé croire à une croissance robuste, le secteur industriel qui est le véritable moteur de l’économie dans les grands Etats capitalistes, était entré en récession dès la deuxième moitié de 2019. La réponse au coronavirus a fait éclater la bulle, mettant fin au plus long cycle d’expansion économique depuis la fin de la deuxième guerre mondiale; la crise économique qui s’en suit sera d’autant plus longue et profonde qu’elle a été retardée.

D’ailleurs, les responsables gouvernementaux ne croient pas eux-mêmes à une reprise rapide; en font foi les plans de soutien à l’économie qui, tournant le dos à toutes les règles d’orthodoxie budgétaire et d’équilibre budgétaire, sont annoncés pour des milliards d’euros et de dollars empruntés sur les marchés financiers ou par les déficits budgétaires... Ces annonces ont alimenté un rebond des bourses mondiales qui, après des chutes historiques ont connu des hausses tout aussi historiques en dépit de l’état catastrophique de l’économie. Nombreux sont les économistes qui s’inquiètent de ce «découplage» de la finance avec «l’économie réelle»; mais les financiers savent qu’une bonne partie de l’argent qui va être injecté dans l’économie finira dans les marchés financiers, faute de trouver d’investissement rentable ailleurs. Tant que la surproduction qui engorgeait les marchés ne sera pas surmontée par la liquidation des forces productives en surnombre, tous ces milliards ne pourront déboucher sur une reprise réelle.

Les capitalistes le savent bien qui espèrent que ce seront les entreprises des autres qui seront liquidées. Dans la concurrence exacerbée qui se met en place sur le marché mondial, ils font appel au soutien de leurs Etats respectifs. Au lieu de déboucher sur une coopération internationale accrue, voire sur un «cessez-le-feu mondial» comme voulaient l’imposer les pacifistes (au moyen d’une pétition!), une conséquence immédiate de la crise est d’accentuer les antagonismes entre les Etats. La fermeture générale des frontières, les appels omniprésents à la souveraineté économique nationale, l’exacerbation de la concurrence pour trouver ou produire des fournitures médicales, en sont l’expression tout comme l’aggravation de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine et, de manière moins apparente, entre ces derniers et d’autres pays.

Cela n’est pas dû aux foucades d’un Trump ou à l’autoritarisme d’un Xi Jinping; il s’agit de la tendance, inévitable, à la confrontation entre les grandes puissances impérialistes qui ne peut qu’être accentuée et accélérée par les crises économiques. Le capitalisme se dirige inexorablement vers un nouveau conflit mondial, qui ne pourrait être empêché ou arrêté que par la révolution prolétarienne internationale.

 

Guerre ou révolution

 

Il y a 25 ans, dans un texte sur le prétendu «nouvel ordre mondial» que promettait l’impérialisme américain, nous avions fait référence à une étude de spécialistes américains des relations internationales qui, en se basant sur l’analyse des cycles économiques, fixaient à 2020 l’échéance d’un troisième conflit mondial. Cela signifiait que la bourgeoisie américaine estimait que pendant les 25 ans à venir elle pourrait continuer à contrôler la situation internationale, à maintenir sa domination mondiale.

«Admettons donc, écrivions-nous, que cette prévision ait un fondement réel, et que pendant 25 ans encore ni les prolétaires des pays industrialisés, ni les prolétaires de Chine, d’Inde et d’ailleurs n’aient la force de retrouver la voie de la lutte de classe; admettons que le rythme de maturation des conditions objectives et subjectives de la révolution soit aussi lent que cela.

Il reste que les 25 ans à venir seront des années de concurrence croissante sur le marché mondial, d’endettement public exceptionnel, des années de préparation de nouvelles alliances en vue d’affrontements et de pillage des pays plus faibles; des années d’austérité interne, de pression croissante sur toutes les couches de la population, de contrôle toujours plus accentué de toutes les ressources nationales, des années d’interventions armées aux quatre coins du monde dans les zones jugées vitales pour les grands impérialismes.

La nouvelle répartition du monde (...) sera le résultat en partie du rapport de force entre les puissances économico-financières aussi bien que militaires de chaque grand Etat ou bloc d’Etats, mais elle ne pourra être définitivement établie et sanctionnée que par un conflit mondial» (12).

La crise actuelle rapproche l’échéance d’une guerre mondiale – qui n’est cependant pas immédiate. Mais si les combats prolétariens n’ont pas manqué, les 25 ans qui se sont écoulés n’ont toujours pas vu le retour du prolétariat sur la voie de la lutte de classe effective. Dans la période qui vient, marquée par le redoublement des attaques capitalistes, il appartiendra aux minorités prolétariennes d’avant-garde de faire tous leurs efforts pour se libérer et libérer le reste des prolétaires de la collaboration de classe qui, au nom de la nation et de la démocratie, paralyse encore le prolétariat.

Il y a cinquante ans, à propos d’une récession aux Etats-Unis, un rapport du parti affirmait : «La véritable crise qui historiquement se situera entre la deuxième et la troisième guerre mondiale, sera internationale à un degré encore plus élevé que celle qui a eu lieu entre la première et la deuxième guerre; on peut en trouver la preuve dans la collaboration du capitalisme d’Etat russe aux “mesures anticrise” que nous avons soulignée; collaboration qui, culminant dans le remède de l’extension du commerce mondial entre les deux prétendus blocs, démontre par sa seule présentation idéologique, que la future crise authentique de surproduction frappera toutes les monstrueuses machines productives du monde: ce sera la crise de la folie hyperproductive qui unit l’Amérique et la Russie dans la compétition émulative qu’elles vantent toutes deux. Et cette crise mettra le monde à la veille d’une nouvelle guerre générale, si elle ne le met pas à la veille de la révolution» (13). La condition pour que celle-ci puisse être victorieuse, étant la présence, préparée de longue main, d’un parti organisé sur la base du programme communiste invariant.

Contribuer à la constitution et au développement de ce parti international est une tâche que la crise actuelle met et mettre à l’ordre du jour de façon plus impérieuse que jamais.

 

16/6/2020 (Mise à jour du 28/06/2020 : titre et compléments d’informations pour l’Amérique latine et l’Italie)

 


 

(1) Lors d’une conférence le 7 mai, les responsables du FMI ont déclaré que la situation économique dans «beaucoup de pays» s’était dégradée depuis la publication de ce rapport le 14 avril.

(2) La Banque d’Angleterre a averti que le pays risquait de connaître sa pire récession depuis 300 ans (depuis le «grand hiver» de 1709), avec une chute du PIB de 3% en rythme annuel au premier trimestre et de 25% au second, mais qui serait suivie par un rebond aux trimestres suivants, ce qui ramènerait la chute pour l’année 2020 à 14%. cf. «An illustrative scenario for the economic outlook. Monetary Policy Report. May 2020»

(3) Pour la première fois le gouvernement chinois n’a pas présenté, à la réunion du parlement à la fin mai, d’objectif chiffré de croissance économique (traditionnellement toujours supérieur à 6%): les prévisions étaient sans aucun doute trop mauvaises...

(4) L’«effondrement économique» dont parlent les économistes locaux laisse penser qu’il n’y aura pas de croissance cette année, mais une récession d’au moins 5%. Les industriels français de l’armement sont une des victimes de la crise; par exemple Dassault a vu s’envoler un très juteux marché d’une centaine d’avions de combat.

(5) La Banque Mondiale, dans son rapport du 12 avril sur l’Amérique Latine où elle avance des prévisions comparables, écrivait que le continent allait connaitre sa pire crise depuis 1961, année où elle a commencé à établir ses statistiques.

(5) Ce chiffre est particulièrement étonnant, étant donné que certains économistes égyptiens dès avril prévoyaient une baisse de 3,5% (Al Monitor, 15/4/20); il s’explique probablement par la volonté du FMI de ne pas ridiculiser les prévisions gouvernementales d’une continuation de la croissance, alors que les discussions étaient en cours pour finaliser un prêt de 2,8 milliards de dollars.

(6) cf. Les Echos, 15/6/20

(7) Financial Times, 24/3/20, cité dans «Vers une dépression économique», Contretemps, 12/5/2020.

(8) C’était déjà la thèse avancée lors de la crise de 1974-75, qui a signé la fin des «trente glorieuses» ,les années de forte croissance économique qui ont suivi la deuxième guerre mondiale: la crise était due simplement à la décision contingente de l’OPEP

(9) Voir «Le capitalisme sur un volcan», Le Prolétaire n°535, décembre 2019-janvier 2020.; «Le capitalisme mondial de crise en crise» Le Prolétaire n°527, 530 et 531 (de janvier 2018 à janvier 2019).

(10) cf. «Balance Preliminar de las Economías de América Latina y el Caribe», CEPAL (Commission Economique Pour l’Amérique Latine et les Caraïbes), novembre 2019.

(11) «Le nouveau désordre mondial. De la guerre froide à la paix froide et, en perspective, vers la troisième guerre mondiale», Programme Communiste n°94 (mai 1995).

(12) «Le cours du capitalisme mondial dans l’expérience historique classique et dans la doctrine de Marx», Il Programma Comunista 1957-1958

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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