Paraguay : Révolte prolétarienne contre la gestion capitaliste de la pandémie

(«le prolétaire»; N° 540; Février-Mai 2021)

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Le Paraguay est, comme beaucoup de pays pauvres, ravagé par le Covid. Ce n’était pas le cas en 2020 car l’État avait eu une réaction forte pour stopper la diffusion de la pandémie. Cette politique n’a pas survécu à l’été car, main dans la main avec le patronat, les restrictions ont été levées dès juillet. Aujourd'hui, la pandémie est devenue incontrôlable. Le nombre de contaminations, d’hospitalisation et de décès est en forte hausse et cela s’accompagne d’un effondrement du système de santé publique. Cet effondrement était prévisible et a lieu dans un pays dans lequel les trois quart de la population ne disposent d'aucune assurance médicale. La pandémie révèle l’insuffisance criante de l’offre de soins : moins de 650 lits de soins intensifs dans un pays de sept millions d’habitants, un manque structurel de médecins et de personnels hospitalier, un accès limité aux médicaments… Les malades sont obligés d’acheter leurs propres médicaments, certaines familles doivent s’endetter pour cela. Cette situation s’accompagne d’une spéculation des entreprises pharmaceutiques et d’une large corruption. Les vaccins manquent : 4 000 au départ pour 7 millions puis 20 000 après des livraisons du Chili. A ce rythme, la vaccination prendra un siècle et demi !

Cette situation dramatique a entraîné une mobilisation des personnels de santé indignés en outre par les cas flagrants de corruption dans l’achat de médicaments et d’équipements médicaux ; le pouvoir a tenté de l’éteindre en faisant démissionner des responsables du système de santé (1). Sans succès.

Le mécontentement des masses exploitées est profond ; il est causé par la dégradation de leurs conditions qui a vu réapparaître la faim à la suite de la crise (même si les bourgeois clament que la situation – pour leurs profits !– est moins mauvaise que dans les pays voisins) ; cela s’ajoute, un chômage en hausse (officiellement 8% mais cela ne prend pas en compte que 60% environ des emplois se trouvent dans le secteur informel, le premier touché) et la rapacité des capitalistes, comme ceux des transports qui veulent en profiter pour augmenter leurs prix.

Cette situation, ce véritable crime social, a provoqué une saine réaction prolétarienne.

Le vendredi 5 mars, une manifestation massive s’est déroulée dans la capitale Asunción. En réponse, le gouvernement a déchaîné ses flics contre les manifestants à coup de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Les manifestants ont riposté et ont repoussé avec succès les hommes de main de la bourgeoisie. Un manifestant a trouvé la mort, tué par balles.

Pour tenter de faire retomber la colère, le président a offert la démission d’une partie de ses ministres. Cela n'a pas arrêté les mobilisations dans les rues : des milliers de personnes ont de nouveau manifesté malgré une nouvelle répression policière.

La colère prolétarienne est profonde mais n’arrive pas encore à s’exprimer sur le terrain de classe. Les manifestants défilent avec des drapeaux nationaux ou revendiquent un changement de gouvernement et la démission du président Benitez (fils du secrétaire particulier du dictateur Stroessner qui régna d’une main de fer sur le pays pendant 35 ans, avant d’être renversé par un coup d’Etat en 1989 après avoir perdu le soutien des Etats Unis). L’opposition et l’Eglise catholique s’emploient à canaliser et calmer le mécontentement et de nouveau réapparaissent les slogans sur l’ « unité populaire » qui ont conduit hier à l’écrasement des prolétaires chilien ?

La situation au Paraguay s’inscrit dans le cadre de celle de toute l’Amérique Latine, qui est explosive. A l’automne 2019, où la crise économique ne faisait souvent que débuter, de nombreux pays ont connu de véritables explosions sociales ; l’arrivée de la pandémie, avec les différentes mesures de contrôle social prises par les gouvernements, a été utilisée pour casser les mouvements de mécontentement voire de révolte. Mais la pandémie a creusé les inégalités, détérioré les conditions prolétariennes et elle a mis au grand jour le mépris des autorités bourgeoises pour le sort des masses prolétariennes et exploitées. Inévitablement elle pousse donc à nouveau les masses dans la rue. Les commentateurs bourgeois déclarent sentencieusement  que le Paraguay ne peut pas servir d’exemple, étant donné la faiblesse particulière des institutions démocratiques et sociales dans ce pays ; au contraire en entrant spontanément en lutte, les masses exploitées du Paraguay donnent un exemple et lancent implicitement un appel à leur frères de classe du continent. Nul doute que tôt ou tard cet exemple sera suivi.

Dans la nouvelle saison des luttes qui s’ouvre, la seule issue pour les masses exploitées sera la lutte prolétarienne indépendante, rompant avec toutes ces forces bourgeoises et petites bourgeoises, et menée avec des méthodes et des revendications de classe. Sinon, Les mouvements de colère qui s’expriment même violemment, seront inévitablement récupérés pour un simple ravalement de façade des régimes en place.

Pour résister avant de pouvoir passer ensuite à l’attaque, les prolétaires au Paraguay comme ailleurs devront se doter de leurs organisations propres, depuis les organisations de défense immédiate jusqu’au Parti de classe international indispensable pour diriger les luttes vers l’assaut révolutionnaire. Le chemin est encore long, mais les masses prolétariennes ont fait le premier pas !

 

Contre toutes les forces bourgeoises, contre les orientations interclassistes, populaires et nationalistes et les illusions démocratiques !

Le salut réside dans la reprise internationale de la lutte de classe anti-capitaliste !

 

15/03/2021

 


 

(1) Le Président de l’Institut de protection sociale démissionna le 10/3 pour avoir « fait partie d’un réseau criminel qui vendait les médicaments essentiels qui devaient être distribués gratuitement à la population »

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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