Cirque pré-électoral, climat anti-prolétarien et luttes ouvrières

(«le prolétaire»; N° 542; Sept.-Oct.-Nov. 2021)

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Nous sommes désormais en pleine période pré-électorale, à 6 mois des élections présidentielles, qui se tiendront en avril 2022.

Pour les prolétaires, les élections sont une mystification ou, pour reprendre les mots de Marx («La guerre civile en France», 1871), le système du suffrage universel consiste à «décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante va “représenter” et fouler aux pieds le peuple au Parlement».

Pour la classe dominante, les élections sont un moment important précisément pour cette raison: la mystification selon laquelle elles seraient l’expression de la «souveraineté populaire», permettant à chacun de contribuer à décider des orientations et de la politique suivie par l’Etat est un outil irremplaçable pour le maintien de l’ordre établi.

Si déposer tranquillement un bout de papier dans une urne peut aboutir un jour ou l’autre, sinon à «changer la vie» comme le disait le slogan du PS il y a une trentaine d’années, du moins à changer un peu les choses en positif, pourquoi prendre la voie difficile et risquée de la lutte ouverte, de l’insurrection, du renversement de l’Etat bourgeois et de l’instauration de la dictature du prolétariat?

Au début les élections étaient «censitaires», autrement dit réservées à ceux disposant d’un revenu suffisamment élevé c’est-à-dire aux bourgeois: il fallait en écarter ceux qui ne possèdent rien, les prolétaires, aux réactions incontrôlables et potentiellement subversives.

Puis la bourgeoisie a appris à utiliser les mécanismes démocratiques et électoraux pour duper les masses et endormir les prolétaires, en même temps que la réalité de son pouvoir politique se concentrait toujours davantage dans les hautes sphères de l’appareil d’Etat et toujours moins dans les assemblées élues. Témoignage de sa méfiance initiale envers le suffrage universel, elle a cependant dans la plupart des pays institué, côté du parlement élu au suffrage universel, une «chambre haute» (sic!), un «sénat», une «chambre des Lords», etc., qui n’est pas élue au suffrage universel direct et qui est chargée de tempérer les éventuels «excès» du premier. Aujourd’hui où le parlementarisme a atteint un haut degré de perfection par la diminution toujours plus grande de son rôle effectif, cette chambre ne sert plus qu’à enrichir ses élus (rémunération nette de plus de 5000 euros par mois, plus une «indemnité de frais de mandat» de 6000 euros mensuels...).

Mais si le parlementarisme a vu inexorablement se réduire son rôle dans l’élaboration de la politique étatique, le système électoral démocratique continue à jouer un rôle central dans la gestion de la domination politique bourgeoise. D’abord en camouflant la réalité de la dictature de la classe dominante derrière le mythe du suffrage universel où les voix de tous les citoyens, qu’ils soient richissimes capitalistes ou chômeurs en fin de droit ont une valeur égale et ont une égale possibilité d’influer sur la formation des décisions politiques. Et aussi en départageant les différentes cliques politiques en concurrence pour occuper des postes et des fractions de pouvoir selon leur capacité à mobiliser les électeurs en leur faveur; pour cela elles s’appuient sur l’activité de leurs partisans, les militants de leurs partis, et sur d’onéreuses campagnes de propagande. L’Etat finance partiellement ces campagnes et accorde des subventions au prorata des suffrages (au moins 1% des votes) et du nombre de députés (1) – signe de l’utilité reconnue des partis électoraux et de ces campagnes électorales pour l’ordre bourgeois!

Les périodes électorales sont un moment important pour la diffusion non seulement de l’idéologie bourgeoise en général mais aussi des thèmes de propagande du moment qui illustrent voire définissent le «climat politique» régnant. Il n’est pas sans intérêt de s’y arrêter car ce sont les grandes orientations bourgeoises qui s’y font jour. Ce que l’on constate, c’est le caractère réactionnaire et anti prolétarien du climat actuel;

 

Tous les politiciens aiment la police

 

En mai dernier une manifestation initiée au départ par un syndicat policier d’extrême droite pour protester contre un prétendu «laxisme» des juges a vu le ralliement, en plus du ministre de l’intérieur lui-même, de toute la «classe politique»: non seulement les représentants des partis de droite et d’extrême droite, mais aussi ceux du PS, du PC et des écologistes (Yannick Jadot) étaient venus soutenir les policiers. Mélenchon et la France Insoumise qui n’ont pas participé à cette manifestation ont rappelé que eux aussi soutenaient la police: ils demandent l’embauche de 10 000 policiers supplémentaires et l’amélioration de leurs «conditions de travail»...

Le thème «sécuritaire» et du soutien à la police est donc l’un des thèmes importants de la propagande bourgeoise actuelle: il s’agit de faire oublier les violences policières qui ont marqué la répression des Gilets Jaunes et d’autres exactions comme le meurtre d’Adama Traoré ou plus récemment celui d’un livreur victime d’une «clé d’étranglement», le tabassage d’un musicien noir, etc., etc. La participation des partis de gauche est essentielle pour la réussite de cette propagande.

 

Le révélateur Zemmour

 

Mais la nouveauté est représentée par le cas Zemmour. Propulsé par les médias, à commencer par ceux du groupe Bolloré, cet animateur de télé d’extrême droite, plusieurs fois condamné pour ces déclarations provocatrices, a été la vedette des derniers mois. Ses positions ultra-réactionnaires contre les immigrés, l’Islam, l’avortement ou sa défense de Pétain, ainsi que son libéralisme économique séduisent une fraction des partisans de Le Pen ou anciennement de Fillon.

Mais la preuve qu’il ne constitue pas un phénomène isolé, mais qu’il est le révélateur d’une tendance de fond dans les cercles bourgeois est que d’autres responsables politiques suivent une orientation qui va dans le même sens, que soit les politiciens de droite (LR) qui rivalisent dans les propositions anti-immigrés et xénophobes ou, à gauche, un Montebourg, sans parler des responsables gouvernementaux qui font de la surenchère sur le contrôle de l’immigration. La désignation des travailleurs étrangers et des migrants comme bouc-émissaires est caractéristique des périodes de crise, où il faut pour les bourgeois trouver un dérivatif au mécontentement. D’autre part l’outrance même des propos d’un Zemmour, des politiciens de droite et d’extrême droite peut servir à réactiver un soutien à un politicien bourgeois classique au nom d’un anti-fascisme de pacotille qui débouche toujours sur la défense du système démocratique de domination de la bourgeoisie.

 

Climat anti-prolétarien et luttes ouvrières

 

Cette pré-campagne électorale se déroule donc clairement sous un signe anti prolétarien; elle est en phase avec le raidissement répressif du gouvernement qui sait pertinemment que les mesures anti-prolétariennes déjà prises (attaque contre le chômeurs) ou projetées (attaque contre les retraites...) de même que les attaques patronales en cours risquent d’entraîner des réactions de lutte. Il peut compter sur les organisations syndicales collaborationnistes qui n’envisagent de mobilisation que dans le cadre de négociations.

C’est le cas dans la métallurgie où les syndicats ont appelé à une journée de grève et une manifestation à Paris le 25/11 pour peser sur les négociations avec le patronat; celui-ci veut supprimer un certain nombre d’avantages (primes d’ancienneté et autres, augmentation du nombre d’heures supplémentaires, etc.) en même temps qu’il a de plus en plus recours à des travailleurs précaires (CDD) et qu’il ferme des usines: dernièrement la fonderie Sam de Decazeville (350 emplois) à la suite de la Fonderie du Poitou (290 emplois) et de la Fonderie de Bretagne (350 emplois) toutes trois travaillant pour Renault; l’usine PSA de Douvrain (1200 emplois) est également menacée de fermeture, le secteur automobile étant durement impacté par la crise.

 Alors qu’une lutte d’ampleur serait nécessaire pour faire face à ces attaques, la CGT, le syndicat soi-disant le plus combatif, se vante de négocier depuis 5 ans avec le patronat et de lui avoir... adressé une «grande pétition» cet été!

 Même si pèse encore le renforcement du contrôle social sous prétexte de la pandémie, les luttes ouvrières ne sont pas absentes.

 Mais la même attitude collaborationniste des syndicats se retrouve dans tous les secteurs; à commencer par la SNCF où les syndicats ont appelé à une grève pour protester contre le gel des salaires depuis 7 ans le 17 novembre, jour des discussions salariales avec la direction. Comme on pouvait s’y attendre ce ne sont que des miettes qui ont été concédées en dépit d’une mobilisation conséquente: là aussi une lutte d’ampleur serait nécessaire, mais elle n’est bien sûr pas envisagée par les syndicats...

Les ouvriers des Fonderies de Bretagne en lutte contre la fermeture de leur usine ont symboliquement brûlé leurs cartes d’électeurs.

Brûler ses cartes d’électeurs peut marquer la fin des illusions envers le cirque électoral; mais le pas important à accomplir c’est de passer de la rupture avec la cirque électoral à la reconnaissance que pour se défendre il faut rompre avec les pratiques défaitistes du collaborationnisme syndical et prendre la voie de la lutte et de l’organisation indépendante de classe, sans se laisser intimider par le climat anti prolétarien répandu à dessein par la bourgeoisie.

 


 

(1) Par exemple Lutte Ouvrière, qui n’a aucun député a cependant reçu plus de 260 000 euros de subvention pour l’exercice 2021 d’après le nombre de suffrages obtenus au premier tour des dernières élections législatives (158 000); le parti ayant touché la plus forte subvention d’après le nombre de voix recueillies est le mouvement macronien En Marche, avec plus de 10 millions d’euros (pour 6 millions de suffrages), et près de 11 millions d’après le nombre de députés (272).

(2) NVO, 23/11/2021

 

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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