Mouvements contre le pass sanitaire et lutte de classe

(«le prolétaire»; N° 543; Décembre 2021 / Janvier-Février 2022)

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Résumons brièvement les positions prises par le parti en ce qui concerne la réaction des mouvements interclassistes aux mesures prises pour faire face à la pandémie de Covid-19. Selon nous, ces mouvements ne sont pas fondamentalement différents de ceux qui, au cours des années et des décennies écoulées, se sont mobilisés contre les mesures et les interventions gouvernementales touchant les intérêts et les privilèges sociaux dont jouissent les couches petites bourgeoises ; ces couches, surtout en période de crise économique et sociale, sont menacées par la ruine et la prolétarisation.

Nous ne reprendrons pas tous les arguments développés dans les articles et textes publiés dans notre presse et sur le site du parti depuis l'apparition de la pandémie en 2020. Nous invitons les lecteurs à s’y référer sur notre site web. Nous nous limiterons à rappeler notre analyse, nos critiques et nos indications au prolétariat en ce qui concerne les manifestations promues en particulier par les couches petites bourgeoises touchées par les mesures et restrictions gouvernementales.

 

Nous réaffirmons

a) que ces mouvements sont la réponse petite-bourgeoise, et donc interclassiste, à un malaise économique et social qui touche non seulement le prolétariat mais aussi d’autres couches dans des situations de crise plus ou moins prolongées ;

b) que les mouvements petits bourgeois de ce type expriment l'aspiration à retrouver les privilèges sociaux que la crise a affectés ou annulés, en cherchant à renforcer leur protestation avec l'implication des couches prolétariennes ;

c) que la réponse sociale et politique à la dégradation générale des conditions d'existence des masses ne peut venir des mouvements interclassistes, mais seulement du mouvement de classe du prolétariat ; mouvement de classe qui, exprimant un réel antagonisme de classe avec la bourgeoisie et avec toutes les couches sociales qui lui sont fondamentalement alliées, ne peut donc naître de mouvements interclassistes ;

d) que nous nous adressons, par conséquent, particulièrement au prolétariat, en lui indiquant la seule voie pour que sa lutte de classe ait du poids dans la société et un avenir dans la perspective de l'émancipation de classe : la voie de la lutte pour la défense exclusive des intérêts prolétariens à partir du terrain « immédiat », lutte menée avec des méthodes et des moyens de classe et basée sur des associations économiques de classe, donc basée sur des critères d'organisation qui prévoient l'association des seuls prolétaires, en adoptant des plates-formes et des programmes de lutte qui sont ouvertement classistes et ne peuvent être partagés avec les autres classes sociales.

 

Nous réaffirmons également

e) la nécessité pour le prolétariat de rompre avec les politiques et les pratiques interclassistes promues par les forces politiques et syndicales collaborationnistes, et de se libérer ainsi des liens qui l'emprisonnent dans la collaboration avec les forces, les intérêts et les objectifs bourgeois et le contraignent à la concurrence entre prolétaires ;

f) que sur la voie de la réorganisation d’ organisations de défense immédiates de type syndical, et dans la formulation des objectifs, des méthodes et moyens de lutte à adopter, les communistes révolutionnaires ont la tâche de transmettre aux générations prolétariennes les expériences et les bilans des luttes prolétariennes du passé et, dans la mesure de leurs possibilités réelles d'intervention pratique, de contribuer à la formation d'organisations de lutte de classe tant du point de vue des plates-formes de lutte, que de celui des critères d'organisation à adopter ;

g) que le principal obstacle que le prolétariat rencontre dans sa lutte pour résister au capital et défendre ses conditions d'existence est la concurrence entre prolétaires que la bourgeoisie avec la petite bourgeoisie et les forces syndicales et politiques de l'opportunisme et de la collaboration interclassiste, alimente constamment afin de maintenir le prolétariat soumis aux exigences du profit, donc afin de réaliser la conservation sociale pour laquelle elle utilise les moyens les plus divers: propagande idéologique, organisation économique sociale et politique, pression économique, corruption, chantage au travail, mesures restrictives, répression policière, etc. ;

h) que le parti communiste révolutionnaire n'est pas un constructeur de syndicats, ni une association culturelle qui se fixe des objectifs uniquement de propagande ou d' « illumination » des masses prolétariennes sur leur avenir historique, déléguant aux seuls prolétaires toutes les tâches de reprise de la lutte des classes (donc non seulement d'organisation immédiate mais aussi de formulation d'objectifs politiques plus lointains) et laissant au parti la seule tâche d' « éclairer » la conscience des prolétaires ;

i) que le parti de classe n'est pas un produit immédiat de la lutte ouvrière, aussi dure soit-elle, mais un produit de l'histoire des luttes entre les classes, et qu’il représente dans le capitalisme d'aujourd'hui les objectifs historiques de la lutte et de la révolution du prolétariat. C'est pourquoi il  est la « conscience de classe » de ce dernier parce qu'il a connaissance de tout le cours historique de la lutte entre les classes conduisant au renversement révolutionnaire de l'État bourgeois, à l'établissement de la dictature du prolétariat, à l'exercice de cette dictature, à la transformation économique de la société jusqu'à l'aboutissement final représenté par la société sans classes. C'est en vertu de cette caractéristique particulière que le parti de classe est à la fois un produit et un facteur de l'histoire, et donc le seul organe politique qui puisse guider le mouvement de classe du prolétariat vers son émancipation finale du travail salarié et des rapports bourgeois de propriété et de production. Comme le disait Marx, seule l'émancipation du prolétariat du travail salarié et des relations bourgeoises de propriété et de production peut conduire à l'émancipation de l'humanité tout entière des contraintes et des oppressions de la société capitaliste.

 

Nous soulignons également :  

j) que le prolétariat, poussé par des facteurs matériels inhérents aux rapports de production, aux relations sociales bourgeoises et à leurs contradictions toujours croissantes, sera inévitablement contraint, en raison même des attaques de la classe dirigeante bourgeoise contre ses conditions d'existence, d’entrer en lutte sur un plan plus directement politique ; et que cette lutte ne pourra être couronnée de succès que dans la mesure où le parti de classe aura la volonté et la possibilité d'influencer les masses prolétariennes de manière décisive, en les arrachant à l'influence des classes bourgeoises et des forces du collaborationnisme interclassiste. Nous ne cachons pas d'autre part, que non seulement dans la situation actuelle de dépression contre-révolutionnaire et de concurrence aiguë entre prolétaires, mais aussi dans le processus de reprise de la lutte des classes, au sein du prolétariat, se forment et se formeront des couches et des groupes corrompus par la bourgeoisie, qui se heurteront au reste du prolétariat et, surtout, aux prolétaires d'avant-garde et communistes ;

k) que, en ce qui concerne la campagne de vaccination, nous avons dénoncé non seulement les intérêts spécifiques – et mondiaux – des grandes sociétés pharmaceutiques et de toutes les organisations sanitaires qui leur sont liées, à commencer par l'OMS, mais aussi la grande contradiction dans l'attitude des gouvernements bourgeois qui ont commencé par prétendre – au moins dans les pays occidentaux – qu’il n’y avait pas d‘obligation vaccinale. Cette « non-obligation » de se faire vacciner, par laquelle les gouvernements se dédouanaient de la responsabilité directe des éventuelles conséquences néfastes des vaccins, s'est rapidement transformée en une obligation de fait, camouflée derrière des mesures d'urgence qui concernaient, selon les pays, d'abord le personnel de santé, puis le personnel enseignant, puis tous les travailleurs. La principale mesure d'urgence est devenue le « pass sanitaire », sans lequel il est impossible d'entrer sur certains lieux de travail, de voyager sur les lignes à longue distance, d'entrer dans les environnements fermés, les gymnases, les restaurants, les théâtres, les cinémas, les stades, les musées, etc., sous prétexte que dans ces environnements, la contagion est plus facile pour les personnes asymptomatiques et pour les personnes vaccinées (qui n'ont donc pas la certitude d'être immunisées).

Une autre contradiction qui est un véritable foutage de gueule, est que les transports publics locaux, qui sont les plus utilisés par les travailleurs et tous ceux qui ne se déplacent pas ou ne peuvent pas se déplacer en transports privés, sont exemptés du pass sanitaire. Cette contradiction est mise en évidence, comme les milliers de contradictions qui caractérisent la politique bourgeoise, non pas pour… demander l'extension du pass aux transports publics locaux. Mais pour démontrer comment, dans ce domaine aussi, les « solutions » bourgeoises n’en sont pas: elles bouchent un trou ici et en ouvrent d'autres là, mais toujours sous le signe de la relance économique et de la chasse aux profits capitalistes.

l) que l'appel à la lutte prolétarienne, lancé par le parti en général, a trouvé un exemple concret en Italie ou aux Antilles où ce sont les prolétaires eux-mêmes qui se sont mis en grève contre l'imposition du pass sanitaire pour accéder au lieu de travail et contre la suspension du salaire pour les travailleurs non vaccinés. Le cas des dockers de Trieste (une catégorie de travailleurs bien payés, soit dit en passant) était, d'une part, emblématique car les travailleurs vaccinés et non vaccinés se sont mis en grève ensemble, surmontant ainsi la discrimination du pass sanitaire; mais, d'autre part, ce fut un exemple à ne pas suivre parce que leur lutte s'est enlisée dès le début dans le marais démocratique et interclassiste des anti-vax et anti-pass, faisant perdre à la grève toute force, ne causant pas de dommages aux patrons du port mais seulement aux grévistes.

 

De manière générale nous n'avons pas soutenu l'opposition à la vaccination, ni selon les motivations des anti-vax, ni au nom de la « liberté individuelle » ; nous n'avons pas non plus soutenu les manifestations des petits bourgeois qui fondaient et fondent encore leur protestation sur ces motivations mentionnées ci-dessus, mais nous les avons critiquées pour leur contenu interclassiste, en montrant l'impact négatif que ces positions pouvaient avoir et ont eu sur le prolétariat et sa lutte de défense immédiate.

Nous avons dénoncé – comme dans le cas, par exemple, de l'énergie nucléaire – l'utilisation capitaliste des vaccins, usage directement lié à l’absence totale de prévention et à l’état complètement insuffisant voire désastreux des systèmes de santé publique, y compris l’absence d’intérêt pour la recherche de médicaments contre l’épidémie.

La science bourgeoise n'a jamais été « neutre », au-dessus des intérêts de classe, et elle ne le sera jamais. Elle sera toujours au service du capital et sera toujours utilisée pour renforcer sa domination, et non pour l'affaiblir. Demander à la science de se placer au-dessus des intérêts du capital qui la soutient et la dirige est une illusion. Cela n’empêche pas que dans certaines limites, la science bourgeoise non seulement dans le domaine médical mais dans tous les domaines, parvient à des résultats qui pourraient potentiellement diminuer fortement la fatigue au travail et faciliter la vie sociale en donnant plus de temps aux êtres humains pour en profiter pleinement ; mais conditionnée par les rapports de propriété et de production bourgeois, elle ne peut échapper à la tâche qui lui est assignée par ceux-ci: celle de faciliter et d'accélérer la valorisation du capital, le profit capitaliste. Si une recherche particulière, avec ses résultats, ne peut pas être utilisée pour produire des bénéfices, elle est mise de côté en attendant le moment propice pour en tirer le maximum de bénéfices.

 

Le parti doit d'analyser tous les mouvements sociaux présents dans la société, donc aussi les mouvements petits bourgeois de rue et les protestations, dans leur formation et leur développement ; il doit évaluer l’influence, d‘une certaine façon inévitable que leurs revendications ou leurs mots d'ordre de même que leurs actions envers les institutions et le gouvernement, ont sur le prolétariat. Mais il doit consacrer son attention maximale, même si ses possibilités de propagande et d'intervention sont réduites, aux situations et aux luttes qui peuvent constituer un exemple, même petit, partiel, temporaire et isolé, pour les prolétaires qui entendent réagir aux impositions des patrons, du gouvernement et des forces de conservation sociale, et chercher la voie et les méthodes pour sortir de l'abîme dans lequel, depuis plus de soixante-dix ans, ils sont tombés.

S'il n'a pas la force de lutter sur le terrain élémentaire de la défense immédiate, comment le prolétariat pourrait-il lutter contre le contrôle social bourgeois, contre cette pression économique et sociale, contre ces nouvelles limitations de sa « liberté » de s'organiser, de faire grève, de se déplacer, de consacrer une partie de son temps quotidien à sa famille et à ses intérêts de classe ? Ce ne sont certainement pas les mobilisations petites bourgeoises qui lui ouvriront la voie de la reprise de la lutte de classe ; au contraire, ces mobilisations cherchent à l'associer à des objectifs totalement opposés à la lutte de classe : les revendications pour la démocratie, la défense de la Constitution, la « liberté individuelle », etc., vont toutes dans le sens de la conservation sociale et des aspirations de la petite bourgeoisie commerçante, artisanale, agricole, intellectuelle, des petits propriétaires et petits entrepreneurs.

En réalité, ce seront les contradictions mêmes du système économique, social et politique bourgeois qui pousseront les prolétaires à lutter pour survivre, pour ne pas continuer à mourir de fatigue, de faim et de maladie, pour ne pas subir une oppression et un harcèlement continuels, pour s'opposer à une pression sociale qui devient de plus en plus intolérable. Cette lutte de résistance contre le capital, comme l'appelait Engels, fera son retour dans les rangs du prolétariat parce que c’est le seul moyen par lequel les prolétaires réaliseront qu'ils représentent une force sociale capable de s’opposer réellement, avec leurs propres organisations, leurs propres objectifs, leurs propres moyens de lutte, aux attaques de la classe dominante. Ce sont ces luttes pour la défense exclusive des intérêts de classe du prolétariat, même épisodiques, isolées qui les pousseront à chercher une direction politique capable de les encadrer dans un seul grand plan de lutte contre le pouvoir des capitalistes concentré dans l'État central. Et c'est sur ce terrain que le prolétariat rencontrera son parti de classe, si ce parti a su garder le cap des objectifs de classe immédiats et historiques et a pu utiliser toutes les possibilités que les contradictions de la société capitaliste ouvrent inévitablement, tôt ou tard, à l'action de classe.

La grande bourgeoisie est l'ennemi principal du prolétariat ; mais un autre ennemi, particulièrement insidieux, est constitué par la petite bourgeoisie, par les fameuses « demi-classes » que la société capitaliste développée a fractionnées en cent stratifications différentes, comme, par ailleurs, elle l'a partiellement fait avec le prolétariat.

Sur le terrain immédiat, c'est la petite bourgeoisie qui a le plus de possibilité d'influencer le prolétariat ; cette influence est préjudiciable à la classe prolétarienne parce qu'elle dévie systématiquement sa lutte vers le terrain de la collaboration interclassiste, terrain sur lequel se créent et se développent les privilèges sociaux que les couches petites bourgeoises les plus proches de la classe prolétarienne présentent comme une amélioration sociale à laquelle elles invitent le prolétariat à aspirer.

La lutte contre les capitalistes, contre la grande bourgeoisie, donc contre la classe dominante, ne peut laisser à l'arrière-plan la lutte contre la petite bourgeoisie, contre son travail quotidien d'intoxication qui intoxique, confond et paralyse les prolétaires dès leurs premières réactions élémentaires à l'oppression capitaliste. Ce n'est pas le prolétariat qui doit rejoindre les mouvements petits bourgeois ; il doit s'en tenir bien séparé. Au contraire, mais seulement dans une situation révolutionnaire, ce seront certaines couches de la petite bourgeoisie, ruinées et prolétarisées par les crises économiques capitalistes, qui pourront être entraînées dans la lutte de classe prolétarienne, car elles reconnaîtront la grande bourgeoisie comme leur véritable ennemi.

 

Parti communiste international

www.pcint.org

 

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