Luttes contre les «réformes» des retraites et reprise de la lutte de classe

(«le prolétaire»; N° 547; Déc. 2022 - janv.-Févr. 2023)

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On sait que le gouvernement avait tout d’abord envisagé de faire rapidement passer sa «réforme» (1) en catimini pour éviter de se trouver face aux difficultés du contrôle d’un mouvement de mécontentement qui aurait eu le temps de se concrétiser pendant un long processus parlementaire.

Il y a renoncé pour des raisons politiciennes (ne pas heurter le parti des Républicains) et pour gommer son image «dirigiste», en organisant plutôt au préalable un simulacre de «concertation sociale»; il a choisi cette voie parce qu’il misait sur la résignation des prolétaires qui avaient accepté sans rechigner l’imposition de l’état d’urgence sous prétexte sanitaire lors de la Covid; et surtout parce qu’il comptait sur le rôle des pompiers sociaux syndicaux pour prévenir tout débordement: n’avaient-ils pas prouvé encore une fois leur servilité en participant à cette fumeuse concertation? Après l’annonce définitive du projet, le leader de la CGT, Martinez, a ironisé que le gouvernement avait réussi à provoquer l’unité syndicale «pour la première fois depuis 12 ans».

Il n’a pas rappelé qu’il s’agissait - déjà! - d’un mouvement contre une réforme des retraites sous Sarkozy, saboté par les syndicats (qui n’avaient jamais appelé au retrait de la réforme Woerth signant la fin des 60 ans, mais seulement à son aménagement), comme ceux de 2003 et 2007. Après avoir lanterné pendant des mois les prolétaires à coup de «journées d’action» à répétition, l’Intersyndicale, saluée par les bourgeois pour son «sens des responsabilités», mettait fin au mouvement à l’automne 2010 à la suite de la promulgation de la loi, dans un contexte marqué par des grèves reconductibles dans divers secteurs (SNCF, raffineries, éboueurs...) et la répression violente de manifestations de jeunes (2).

 En dépit de cette trahison manifeste de la défense des intérêts prolétariens par les directions syndicales qui, comme la CGT, restaient en liaison discrète avec l’Elysée, il n’y eut pas de tentatives sérieuses de débordement de l’Intersyndicale qui réussit à garder le contrôle réel du mouvement. Celui-ci avait pourtant connu des très fortes participations aux manifestations, les plus importantes depuis 1995 lors du Plan Juppé contre le régimes spéciaux des retraites et le financement de la sécurité sociale, et rencontré un soutien massif de la population (autour de 70% selon les sondages d’opinion). C’est la démonstration que les manifestations les plus puissantes, mais bien encadrées, ni les grèves reconductibles isolées ne peuvent faire reculer un gouvernement décidé à mettre en œuvre une de ses attaques;

 En 1995 ce ne sont pas les manifestations massives, mais les grèves et au premier chef les 3 semaines de grève illimitée à la SCNF avec piquets de grève, occupation des gares et des centres d’aiguillage, etc., extension de la grève à la RATP et à la Poste, qui contraignirent le gouvernement à retirer son projet de suppression des régimes spéciaux de retraite dans la Fonction Publique ainsi que le «contrat de plan» à la SNCF (qui prévoyait des dizaines de milliers de suppression de postes).

Une fois cela obtenu, la CGT-cheminots réussit à faire cesser la grève, permettant au gouvernement de faire passer le volet sur la sécurité sociale. Blondel, le dirigeant de FO qui, conseillé par les trotskystes «lambertistes», posait au syndicaliste combatif et pouvait déclarer: «Je me félicite qu’il n’y ait pas de phénomène de coordinations [c’est-à-dire d’organisation indépendante des prolétaires, comme en 1986- NdlR] et que le contrôle du mouvement soit entre les mains des organisations syndicales. (...) Je n’ai jamais parlé de grève générale, mais seulement de généralisation de la grève. La grève générale a une connotation pré-révolutionnaire et cela signifie les camions de l’armée dans les rues de Paris. Je ne veux pas que Paris soit en état de siège» (3).

Au-delà de la puissance du mouvement de lutte, le bonze syndical exprimait l’essentiel: le plus important est que le mouvement reste entre les mains des organisations de collaboration de classe; sinon il risquerait de devenir un danger pour le statuquo social. Blondel essayait de faire peur à l’idée d’une grève générale, parce qu’il était effrayé par tout perspective «pré-révolutionnaire» (sic!), mais une grève générale contrôlée par lui ses collègues n’aurait rien de révolutionnaire!

En 2019-2020 la lutte contre la réforme des retraites se centra sur les grèves des transports, ainsi que dans l’enseignement; et une nouvelle fois l’action de l’Intersyndicale (où ne participait pas la CFDT) qui gardait le contrôle du mouvement fut déterminante pour faire échouer la lutte en jouant sur l’épuisement des grévistes (4). Elle fut grandement aidée en cela par l’action des groupes dits d’ «extrême» gauche véritables rabatteurs de l’Intersyndicale même quand ils la critiquaient. Les AG interpro furent nombreuses, allant même parfois comme à Toulouse à une AG de coordination des AG de l’agglomération. Si ces initiatives répondaient à un besoin de la lutte, les forces politiques et syndicales présentes en leur sein les transformèrent le plus souvent en courroies de transmission du collaborationnisme incarné par l’Intersyndicale.

Aujourd’hui l’Intersyndicale (au complet) entend rejouer la même vieille mais efficace partition; comme Blondel il y a 28 ans elle fait tout y compris jouer la comédie de l’intransigeance et de la détermination contre le projet gouvernemental, pour garder entre ses mains le mouvement.

De leur côté, les prolétaires, se souvenant des expériences passées ne doivent pas se laisser prendre à ses discours et se défier de ceux qui comme le NPA la présentent comme un «point d’appui». Pour vaincre ils doivent se préparer à organiser et diriger eux-mêmes leurs luttes pour la défense exclusive des intérêts prolétariens et non ceux de l’entreprise ou de l’économie nationale, en revenant aux méthodes et aux moyens classistes: grèves illimitées dirigées par des comités de grève, avec occupations, piquets de grève effectifs, AG souveraines, délégations massives aux autres entreprises pour étendre la grève par-dessus les limites d’entreprise, de catégorie ou de corporation, coordination des AG et comités, etc.

Cette voie-là s’oppose radicalement aux orientations légalistes et corporatistes du pacifisme social imposé par les organisations politiques et syndicales collaborationnistes; mais c’est la seule voir efficace!

 


 

(1) Contre-réforme en fait parce que l’époque où le capitalisme en croissance concédait des réformes aux prolétaires pour mieux leur faire renoncer à la lutte ce classe, est passée: il s’agit maintenant pour le capitalisme en crise de reprendre ce qu’il avait autrefois concédé .

(2) Nous écrivions alors: «En refusant de réagir à ces agressions brutales [attaques des piquets de grève par la police, réquisitions des grévistes des raffineries, etc.] autrement que par des ‘actions symboliques’  et en dénonçant l’infiltration de provocateurs dans les manifestations (ce n’est pas les flics qui sont visés), en refusant donc d’en appeler les travailleurs à des grèves de solidarité avec leurs frères de classe réquisitionnés, c’est-à-dire soumis à la loi martiale, et avec les jeunes matraqués et flashballés, les directions syndicales donnent en fait le feu vert au gouvernement pour casser par la force le mouvement et les grèves en cours!». cf. tract du 24/10/10, à lire sur pcint.org

(3) cf. Le Prolétaire n°434

(4) Voir les articles du Prolétaire n°535 et les tracts que nous avons diffusés alors sur notre site.

 

 

 

Parti Communiste International

Il comunista - le prolétaire - el proletario - proletarian - programme communiste - el programa comunista - Communist Program

www.pcint.org

 

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