en est l’économie mondiale? (1)

(«le prolétaire»; N° 547; Déc. 2022 - janv.-Févr. 2023)

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Deux ans après la crise du Covid, quelle est la situation de l’économie mondiale?

Nous avons écrit dans les textes précédents (1) que la crise était en fait sur le point d’éclater en 2020 - voire avait déjà commencé - lorsqu’est arrivée la Covid. Les mesures prises par la bourgeoisie pour contenir une pandémie à laquelle elle avait refusé de se préparer pour des raisons économiques (bien qu’à peu près partout des plans avaient élaborés pour cela), mais aussi pour mettre fin dans de nombreux pays à l’agitation sociale, ont provoqué un effondrement historique de la production. La levée de ces mesures dites «sanitaires» de contrôle social, économiquement trop coûteuses à maintenir, a mécaniquement entraîné une reprise vigoureuse de la production, surtout dans le secteur dit «tertiaire».

Cette reprise a été alimentée par des mesures antiprolétariennes pour sauver les profits des entreprises capitalistes (baisse des «charges», des impôts...) ainsi que par des plans massifs de soutien étatiques à l’économie financés par des emprunts, par une politique des Banques centrales de création monétaire («assouplissement quantitatif» dans le jargon des banquiers) et de taux d’intérêt très bas (parfois même négatifs!), bref par le recours encore plus prononcé à ce que Marx appelle «l’économie de crédit».

Des responsables du FMI écrivent à ce sujet, en soulignant la gravité de la situation: «Nous vivons une époque dangereuse (...). L’endettement était déjà très élevé avant les premiers confinements provoqués par le coronavirus. Lorsque la pandémie a frappé, des mesures de soutien économique inédites en temps de paix ont stabilisé les marchés financiers et progressivement assoupli les conditions de liquidité et de crédit à travers le monde. Dans nombre de pays, la politique budgétaire a réussi à assurer la protection des citoyens et des entreprises pendant la pandémie. Elle a également soutenu la politique monétaire en renforçant la demande globale et en évitant une dynamique déflationniste. Tous ces facteurs ont contribué au redressement économique et financier». Et, poursuivent-ils, «au cours de la pandémie, les déficits ont augmenté et la dette s’est accumulée beaucoup plus rapidement qu’au début d’autres récessions, notamment des deux plus fortes d’entre elles, la crise de 1929 et la crise financière mondiale. L’ampleur n’est comparable qu’aux deux guerres mondiales du vingtième siècle» (2).

 

L’ Inflation, phénomène mondial

 

Le déficit budgétaire signifie que les dépenses de l’Etat sont supérieures à ses recettes, ce déficit étant financé par l’emprunt (la dette publique) et/ou la création de monnaie dont la conséquence est la dévalorisation  de la monnaie, donc l’inflation correspondante des prix des marchandises dans cette monnaie.

Prenons l’exemple de l’euro; pour en assurer la solidité, ses architectes avaient fixé dans les accords de Maastricht en 1992 une limite de 3% au déficit des Etats membres, à 60% du PIB leur dette et un objectif de 2% d’inflation à la Banque Centrale Européenne, chargée d’émettre la monnaie.

 Mais lorsqu’il faut sauver leur économie en crise, les Etats n’ont que faire des limites tracées par leurs économistes!

Lors de la grande récession de 2008-2009, les déficits étaient ainsi passés de 0,7% en moyenne dans la zone euro en 2007 à 6,38% en 2009, et aux Etats-Unis de 2,8% à 11,2%, la dette publique de 66,2% à 79,3% dans la zone euro, et de 66,4% à 84,5% aux Etats-Unis. Par contre l’inflation  baissa beaucoup: de 4,1% à 0,4% en zone euro ne remontant qu’à 3,3% en 2011; et de 4,25% à 0,1% pour remonter à 3% aux Etats-Unis; en raison de la surproduction qui était à l’origine de la crise, les marchandises avaient du mal à se vendre, les bourgeois redoutaient la déflation (ventes à perte) et il fallait donc en quelque sorte alimenter l’inflation y compris en «distribuant de l’argent» au public ce qui provoqua cette remontée de l’inflation.

Mais par la suite l’inflation resta à un faible niveau en raison de la faiblesse de la croissance économique mais aussi des politiques de retour à l’orthodoxie budgétaire avec les mesures d’austérité qu’elles impliquaient; en Europe les conséquences les plus sérieuses furent la crise grecque et les menaces de désintégration de la zone euro en raison des divergences économiques entre les divers pays.

En 2020, les réactions des Etats  furent plus massives et plus rapides.

Aux Etats-Unis en 2020 le montant des dépenses gouvernementales en tout genre pour soutenir l’économie  (le «quoi qu’il en coûte» américain) se monta à 6600 milliards de dollars entraînant le déficit budgétaire le plus élevé depuis la deuxième guerre mondiale: plus de 3000 milliards, soit l’équivalent de 15% du PIB américain).

Dans la zone euro, selon Eurostat, le déficit atteignit l’équivalent de 7,2% du PIB, soit plus de 820 milliards d’euros; il s’agit d’une moyenne, les chiffres allant de 11% pour l’Espagne à 9,6% pour l’Italie, 9,2% pour la France et la Belgique, à seulement 4,3% pour l’Allemagne.

Au-delà des différences, on voit que les chiffres, s‘ils ont fait voler en éclats les règles instituées en 1992, sont bien inférieurs à ceux américains. La poussée inflationniste fut donc logiquement plus forte et plus précoce outre-Atlantique; et des deux côtés de l’océan les Banques centrales ont poursuivi leur politique de taux d’intérêt proches de zéro (ou négatifs), et de création monétaire pour pousser au redémarrage économique et soutenir artificiellement la croissance. Etant donné les difficultés de trouver des investissements suffisamment rentables dans la production de marchandises, cela s’est traduit par une hausse des cours boursiers et des spéculations en tout genre avec la création de bulles spéculatives qui éclatent régulièrement (comme dans le cas des «crypto-monnaies) et qui menacent de provoquer un krach financier. Malgré tout une partie a pu trouver la voie de l’ «économie réelle», au prix d’alimenter l’inflation qui atteignit alors des niveaux inconnus depuis des décennies. Les conséquences de la guerre en Ukraine ont renforcé ces poussées inflationnistes en se traduisant par la pénurie de certains produits et par la flambée des prix du gaz et du pétrole, mais l’inflation avait démarré auparavant. Lorsque elles ont finalement constaté que l’inflation ne ralentissait pas, les autorités financières ont changé leur fusil d’épaule: à la suite de la Réserve Fédérale américaine, toutes les autres banques centrales dans le monde ou presque ont commencé à relever leurs taux d’intérêt à partir de l’été - ne serait-ce que pour défendre leur monnaie face à la hausse du dollar qui avait suivi.

Regardons les chiffres de l’inflation (3), en notant que les gouvernements de plusieurs pays se félicitent d’un - léger - ralentissement dans la dernière période. Les chiffres, en rythme annuel, se rapportent le plus souvent au mois de décembre.

 Europe.9,2% dans la zone euro, dont: Allemagne: 8,6%; Belgique: 10,35%; Espagne: 5,7%; France: 5,9%; Italie: 11,6%; Pologne: 16,9%.; Roumanie: 16,37%;Tchéquie: 15,8%. Hors zone euro: Grande-Bretagne: 10,5%; Russie: 11,9%.

Afrique et Moyen-Orient. Afrique du Sud: 7,2%; Algérie: 8,2%; Burkina Faso: 9,6%; Cameroun: 7,69%; Côte d’Ivoire: 5,1%; Ethiopie: 31,1%; Ghana: 54,1%; Egypte: 21,3%; Iran: 52,2%; Liban: 122%; Nigeria: 21,34%; Maroc: 8,3%; Sénégal: 12%; Soudan: 87,3%; Tunisie: 10,1%;Turquie: 64,27%.

Amérique du Nord. Etats-Unis: 6,5%; Canada: 6,3%

Amérique Latine. Argentine: 94,8%; Brésil: 5,79%; Chili: 12,8%; Colombie: 13,2%;

Mexique : 7,8%; Pérou: 8,46%;Venezuela: 156%

Asie. Australie:7,8%; Chine  1,8%; Corée du Sud: 5%; Inde: 5,72%; Indonésie: 5,51%; Japon: 4%; Pakistan: 24,5%; Philippines: 8,1%; Sri-Lanka: 57,2%

Il s’agit là des chiffres officiels qui sont souvent manipulés, parfois de façon éhontée, pour minimiser le phénomène. C’est ainsi qu’un groupe d’économistes  turcs indépendants a calculé que l’inflation dans le pays avait atteint en décembre 135,55%, plus du double du taux officiel (4)! Et même quand ils ne sont pas ainsi trafiqués, les chiffres de l’inflation sont généralement construits de façon à minorer la hausse des produits de base, donc l’impact sur les prolétaires et les masses pauvres.

Mais au-delà des doutes à avoir sur leur fiabilité, ils permettent de constater que l’inflation est un phénomène mondial. Si dans certains pays, du Liban au Venezuela, du Pakistan à la Turquie, de l’Argentine au Soudan, etc., l’inflation explose en raison de facteurs de crise particulièrement sévères, pratiquement tous les Etats sont touchés (à l’exception de la Chine mais dont les statistiques officielles sont à prendre avec des pincettes) témoignant de l’imbrication des économies nationales.

La fièvre générale des prix est le signe que l’économie mondiale est malade et que pour se soigner (rétablir ses profits) elle n’a d’autre remède que s’en prendre aux prolétaires et aux masses exploitées, premières victimes de l’inflation.

Derrière la froideur de chiffres inscrits sur le papier se cachent de véritables tragédies; à leur lecture on voit les pays où s’accumulent les éléments de futures explosions sociales (quand elles n’ont pas déjà eu lieu) lorsque la situation des masses devient intolérable. Mais même là où elle n’atteint pas les sommets les plus  vertigineux, l’inflation actuelle érode inévitablement la paix sociale en poussant les prolétaires à la lutte pour se défendre.

 

(A suivre)

 


 

(1) Voir les Prolétaire n°539 et 545

(2) https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2022/04/11. Ils concluent leur texte par un appel à «une démarche de coopération mondiale (...) pour résoudre harmonieusement les problèmes». Amen...

(3) https://fr.tradingeconomics. com

(4) https://abcnews.go.com/International/wireStory/turkey

 

 

Parti Communiste International

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www.pcint.org

 

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