Le 8 mars, une journée de lutte prolétarienne devenue une fête bourgeoise de solidarité entre les classes, doit redevenir un symbole de la lutte prolétarienne

(«le prolétaire»; N° 548; Mars-Avril-Mai 2023)

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Le 8 mars 1917 (23 février du calendrier russe), les femmes prolétaires de Petrograd, menées par les ouvrières du textile, sont descendues dans la rue pour lutter contre les dures conditions de vie qu’elles subissaient à cause de la guerre, des bas salaires, du manque de nourriture, etc. Ce soulèvement, origine réelle de la future commémoration de la journée des femmes prolétaires, a donné le signal à la plus grande révolution que l’histoire ait connue, celle qui a porté le parti bolchevique au pouvoir, au renversement de l’État bourgeois, à la victoire des soviets d’ouvriers et de paysans et à l’appel le plus large à l’insurrection prolétarienne mondiale.

Ce 8 mars, dans une Russie encore dominée par la monarchie tsariste qui l’avait amenée à participer à la première guerre mondiale aux côtés des puissances impérialistes française et britannique, les femmes prolétaires ont donné un exemple qui, en peu de temps, a provoqué l’élargissement des révoltes tant dans les usines que sur le front, où des milliers de soldats ont joué un rôle décisif dans le renforcement du pouvoir ouvrier qui s’élevait à travers les soviets.

Les femmes prolétaires souffraient non seulement des rigueurs de la vie ouvrière en temps de paix, mais aussi des conditions particulièrement dures créées par la guerre impérialiste, la pénurie de nourriture, de vêtements et de logements: tandis que les hommes travaillaient jusqu’à l’épuisement dans les usines transformées en centres de production pour l’industrie de guerre, elles portaient sur leurs épaules les conséquences d’une existence intolérable à l’être humain, imposée au nom des intérêts supérieurs du pays et des besoins de l’économie nationale.

Ces femmes prolétaires ne se sont pas soulevées au nom d’une «égalité» abstraite, elles ne se sont pas dressées contre la police tsariste pour défendre les intérêts de toutes les femmes, indépendamment de leur appartenance de classe sociale. Elles se sont soulevées, elles ont combattu et elles sont mortes en tant que prolétaires, et ainsi par leur exemple elles ont appelé le reste des prolétaires de Russie et du monde entier à se soulever et à lutter contre la guerre impérialiste, contre toutes les factions bourgeoises, contre toutes les patries et contre tous les États dans tout le monde.

Leur action n’a pas été vaine. Avec la révolution de février, le pouvoir tsariste s’est effondré et s’est ainsi ouvert le premier épisode de la révolution russe. Dès lors, les forces prolétariennes ont combattu les partis bourgeois qui avaient conduit les travailleurs à l’abattoir non plus au nom de la couronne et de la tradition russe, mais de la démocratie et de la liberté avec lesquelles la bourgeoisie cherchait à gouverner le pays. Elles s’opposèrent également aux prétendus courants prolétariens, comme les mencheviks, qui voulaient soutenir l’État bourgeois en modernisant sa structure sociale, en cherchant des accommodements parlementaires pour que les prolétaires acceptent en échange de continuer à être exploités et à servir de chair à canon sur le front. En quelques mois, les prolétaires russes ont vu se développer tous les arguments et prétextes religieux, autoritaires, démocratiques et libéraux pour que l’ordre social soit maintenu au prix de leurs efforts et de leur sang. La leçon que les prolétaires en ont tirée, est que la classe prolétarienne doit lutter pour imposer sa dictature de classe, sinon elle sera toujours soumise à la dictature de l’ennemi de classe; cela leur a donné la force d’imposer, avec le parti bolchevique, le premier véritable État prolétarien de l’histoire. A partir d’octobre 1917 et pendant plusieurs années, Petrograd et Moscou ont été le symbole du pouvoir révolutionnaire du prolétariat et les prolétaires de tous les pays y ont vu un exemple de ce que la classe ouvrière pouvait faire.

L’origine du 8 mars est la célébration de la grande révolution victorieuse du prolétariat. Et elle est célébrée au nom de la femme prolétaire parce que de la force que possède cette moitié de la classe ouvrière, de la colère et de la haine envers la bourgeoisie qui l’habitent, a jailli la première étincelle insurrectionnelle. La femme prolétaire, subissant doublement les rigueurs du monde capitaliste, qui ajoute à l’exploitation économique l’oppression sociale imposée par sa condition, fut à juste titre la première à se révolter contre la situation subie par tout le prolétariat russe et européen en 1917. Et c’est cette date et cette lutte que nous, communistes, défendons aujourd’hui, plus d’un siècle après, et que la classe prolétarienne devrait porter comme drapeau si leur sens n’avait pas été perverti, falsifié et détourné pendant tant d’années.

Aujourd’hui, le 8 mars est un jour de fête entre les mains des banquiers, des entrepreneurs et des ministres. Même les reines le célèbrent. C’est devenu une date que les femmes prolétaires sont appelées à célébrer aux côtés de leurs oppresseurs, main dans la main avec eux pour défendre des droits dont les travailleuses ne peuvent jamais vraiment jouir dans la société bourgeoise. La liberté et l’égalité revendiquées cette journée-là sont la liberté et l’égalité des femmes bourgeoises vis-à-vis des hommes bourgeois: la liberté d’exploiter le travail, l’égalité de diriger l’État pour la défense exclusive des intérêts de leur propre classe sociale, l’unité des deux sexes pour envoyer une fois de plus les prolétaires s’entretuer sur les fronts de guerre pour défendre les intérêts supérieurs de la nation.

Que reste-t-il à la femme prolétaire ? Au-delà des célébrations institutionnalisées, au-delà des ministères féministes ou des gouvernements progressistes, les travailleuses continuent d’être soumises à une condition sociale pesante: salaires toujours plus bas, prix toujours plus élevés, difficultés à se loger, à élever les enfants, etc. A cela s’ajoute la pression spécifique qu’elles subissent comme femmes, tant dans les pays où leurs droits les plus élémentaires leur sont déniés (comme en Iran où la dernière vague de protestation a débuté par le meurtre d’une jeune femme kurde pour ne pas avoir porté le voile selon les règles imposées!), que dans ceux où ces droits sont légalement reconnus mais sont sans cesse bafoués par la force d’une réalité où les femmes continuent d’occuper une place subalterne.

Le 8 mars 1917 était une date de lutte pour la classe prolétarienne; le 8 mars bourgeois d’aujourd’hui est une célébration de la solidarité entre les classes, et donc de la soumission des femmes prolétaires aux exigences de la classe bourgeoise dans son ensemble. Le triomphe de mouvements comme le mouvement féministe, reconnu dans un pays comme l’Espagne en tant qu’inspirateur de l’État, n’est que le triste triomphe de la mobilisation des femmes prolétaires derrière la bannière de l’unité nationale. Dans une période où la paix obtenue après la seconde guerre mondiale, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières des Etats, semble montrer des premiers signes d’épuisement, la mobilisation sur un terrain interclassiste de la classe prolétarienne est essentielle à la bourgeoisie pour l’éduquer à accepter les exigences qu’elle pourrait avoir besoin de lui imposer. L’exaltation de valeurs apparemment placées au-dessus des classes sociales, telles que l’égalité, les soi-disant solidarités entre «sœurs», etc., servent de drapeaux pour illusionner certains secteurs prolétariens, en l’occurrence les femmes, et les éloigner du camp de la lutte de classe.

Après la défaite de la révolution prolétarienne en 1917 face à ses ennemis extérieurs et intérieurs, ouvertement bourgeois ou déguisés en communistes comme le fut le stalinisme, les décennies suivantes et jusqu’à aujourd’hui, ont été marquées par une contre-révolution permanente et préventive. Dans cette contre-révolution, que la bourgeoisie mène par tous les moyens et à tout moment contre toute tentative de lutte indépendante du prolétariat en cherchant à le démobiliser avant même qu’il n’émerge, des courants comme le féminisme, qui promettent aux femmes prolétaires une issue aux problèmes de leur condition sans qu’il soit nécessaire de liquider le système capitaliste, agissent comme paralysant social très puissant, visant à inhiber toute forme de réponse qui pourrait être apportée aux problèmes spécifiques des femmes sur le terrain de la lutte de classe, par l’affrontement avec la classe bourgeoise et la défense intransigeante des conditions de vie du prolétariat dans son ensemble. Aux questions qui affectent particulièrement la vie des femmes prolétaires, le féminisme, aujourd’hui idéologie d’État, répond en réclamant la «fin des discriminations», l’«égalité», etc. Lorsque des femmes prolétaires perdent leur emploi parce qu’elles tombent enceintes, la bourgeoisie, usant de la doctrine féministe, invoque la «coresponsabilité parentale». A la violence sociale sourde et continue que subissent les femmes à la maison, au travail ou dans la rue, la bourgeoisie répond en redoublant les lois ultra-répressives qui permettent à l’Etat de renforcer son rôle policier. Et toujours ainsi de suite.

Du 8 mars 1917 à aujourd’hui, plus d’un siècle s’est écoulé. Nous sommes loin d’épisodes tels que celui écrit ce jour-là par les femmes prolétaires de Petrograd. Et ce n’est pas tant à cause du temps qu’à cause de la profondeur d’une contre-révolution qui a plongé la classe prolétarienne dans la plus terrible des défaites, l’empêchant même de se référer aux grands évènements de sa lutte de classe pour comprendre le monde d’aujourd’hui.

Mais tôt ou tard, les forces telluriques enfouies de la société, celles-là mêmes de la division en classes sociales opposées, tendent à éroder tout tampon susceptible d’absorber la tension qui existe entre elles, et elles finiront par faire trembler les fondements de la paix sociale. A l’horizon, peut-être pas immédiat mais proche, les nuages annonçant la tempête de la guerre réapparaissent. Partout, les bourgeoisies nationales se préparent à rengraisser la machine de propagande avec laquelle elles entendent bombarder la classe prolétarienne. Et, pendant ce temps, les conditions de vie du prolétariat continuent à se détériorer...

Pour les marxistes, la perspective révolutionnaire ne se concentre pas sur la durée d’une seule vie humaine, mais sur les rythmes historiques qui s’accélèrent ou se ralentissent, mais qui marchent toujours vers le triomphe ultime de la société sans classes. C’est pourquoi nous sommes absolument sûrs que le 8 mars prolétarien reviendra avec toute la force d’une classe prolétarienne qui semble aujourd’hui vaincue, mais se soulèvera à nouveau, comme les ouvrières russes de 1917, contre la guerre et la misère et pour la révolution sociale.

 

Vive le 8 mars prolétarien !

Pour la reprise de la lutte des classes !

 

8 /03/2023

 

 

Parti Communiste International

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