Correspondance

Tchéquie: quelques leçons de la grève chez Nexen Tire

(«le prolétaire»; N° 548; Mars-Avril-Mai 2023)

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Cette année, une grève a eu lieu en Tchéquie. Pour les travailleurs et les camarades hors du pays, cette information peut sembler anodine, car les grèves sont assez courantes ailleurs, mais en Tchéquie, il s’agissait de la première grève au sens plein du terme depuis 8 ans. Par conséquent, lorsque le conflit de quatre ans sur la conclusion de la convention collective à l’usine Nexen Tire a culminé le 31 janvier 2023 avec l’annonce d’une grève, certains l’ont décrit comme un tournant.

Lorsque la grève s’est terminée par un accord au bout de sept jours (7 février 2023), certains ont parlé de la grève comme d’un élément déclencheur qui aurait pu déclencher une vague d’autres grèves et relancer des années de lutte économique stagnante. De toute évidence, il était excessif d’attendre d’une telle grève, dans un pays où les grèves ne se produisent presque jamais, qu’elle change le rapport de force entre le prolétariat et les forces de conservation bourgeoises.

Mais si l’on regarde ce qui a précédé la grève et comment elle a été menée, on ne peut pas partager tout cet enthousiasme. Certes, 7 jours de grève consécutifs dans une grande usine comme Nexen Tire, ce n’est pas rien, même si cela démontre la force que possèdent encore les syndicats, une force que seule la collaboration de classe (voir ci-dessous) peut donner à des organisations qui se présentent comme représentant les intérêts des travailleurs mais qui, en réalité et dans toutes les situations, défendent les intérêts des entreprises et de l’Etat bourgeois. Cela constitue un obstacle majeur que les salariés doivent et devront surmonter pour défendre leurs intérêts économiques les plus élémentaires. En tout cas, ce que le plus grand syndicat de l’industrie, OS KOVO, n’a pas obtenu en quatre ans de prétendues négociations, les travailleurs ont réussi à l’arracher - même si ce n’est que très partiellement par rapport aux revendications formulées il y a un an - en se mettant finalement en grève à durée indéterminée.

 

NEXEN TIRE

 

Nexen Tire exploite quatre usines en Asie: deux en Corée, une en Chine et, en Europe: une en République tchèque, près de Žatec en Bohême, dans la zone industrielle stratégique dite du Triangle, un site à partir duquel elle peut fournir des pneus à pas moins de 30 constructeurs automobiles dans un rayon de 400 kilomètres, et où elle emploie 1.100 personnes. Ce dernier a été achevé en 2017, après avoir reçu de l’État tchèque une généreuse incitation à l’investissement (la deuxième plus importante jamais accordée) pour lancer ses activités: 3,6 milliards CZK (152.000 000 €), des terrains au prix symbolique d’un euro le mètre carré, un abattement fiscal de 2 milliards CZK (85.000.000 €) et 200.000 CZK (8.500 €) pour chaque emploi créé.

Néanmoins, les salaires n’ont pratiquement pas augmenté depuis le début de la production en 2018. Aujourd’hui, le salaire de départ d’un magasinier n’est que de 22.700 CZK (soit 960 €), à peine supérieur au salaire minimum de 17.300 CZK (soit 724 €) et bien en dessous du salaire moyen de la région, qui est de 37.300 CZK (soit 1.580 €).

 

LA GRÈVE COMME «DERNIER RECOURS»

 

La première observation concerne l’obstacle du durée légale nécessaire pour être autorisé à déclencher une grève.

Le plus grand syndicat de l’industrie métallurgique, OS KOVO, n’a conduit les ouvriers à la grève qu’après quatre ans de négociations infructueuses et un an après le préavis de grève, dans le but de conclure une nouvelle convention collective.

En octobre 2022, malgré le nombre suffisamment de voix recueillies pour déclencher la grève (620 travailleurs sur un total de 1.100 ont voté oui), le syndicat a attendu 4 mois de plus en multipliant les manœuvres évasives, en organisant de nouvelles négociations avec la direction et en proposant même de revenir sur l’augmentation salariale de 8,3 % demandée en acceptant une proposition de compromis du médiateur d’une augmentation de seulement 2,3 % ! Tout cela, affirmèrent les bonzes syndicaux, pour éviter l’accusation de ne pas avoir utilisé toutes leurs options et de ne pas avoir voulu... se conformer à la loi.

Ces syndicats veulent que la grève soit perçue «toujours comme le dernier instrument pour faire respecter les droits des salariés», ainsi que le dit Roman Ïurèo, président du syndicat OS KOVO, et comme ils le répètent eux-mêmes à l’envi, parce qu’ils sont les défenseurs de la paix sociale !

Le fait que la grève soit «l’ultime instrument» s’accorde aussi avec les lois strictes imposées par la bourgeoisie - contre lesquelles les syndicats ne se sont jamais opposés – pour règlementer l’organisation des grèves. En bref, en Tchéquie, une grève ne peut être déclenchée que si les parties ne réussissent pas à conclure une convention collective. Mais elle ne peut pas être déclenchée si l’employeur ne respecte pas la convention collective ou prolonge délibérément les négociations.

En fait, le syndicat doit remplir plusieurs obligations avant de pouvoir appeler à la grève:

- Il doit tenter de résoudre le conflit par l’intermédiaire d’un prétendu médiateur.

- Il doit organiser un scrutin de grève - au moins 50 % de tous les employés doivent participer au scrutin et au moins deux tiers des votants doivent se prononcer en faveur de la grève.

- Il doit annoncer la grève trois jours ouvrables à l’avance, en présentant la liste des lieux de travail concernés et le nombre total de travailleurs impliqués.

Le non-respect de n’importe quelle de ces conditions expose le syndicat, s’il organise la grève, à la responsabilité de dommages économiques causés à l’entreprise par la grève. Au contraire, l’employeur ne court aucun risque s’il prolonge indéfiniment les négociations et agit pour saboter la grève.

La loi de la République tchèque traite également des «grèves de solidarité». Mais les règles de sa mise en œuvre sont si strictes qu’elles la rendent totalement inapplicable. Elle ne peut être lancée que pour soutenir d’autres travailleurs déjà en grève, elle doit être acceptée par un nombre suffisant de travailleurs et elle ne peut avoir lieu que s’il est démontré que l’employeur manipule réellement le cours ou l’issue de la grève des travailleurs pour lesquels la grève a été déclenchée.

 

LE SYNDICAT ET SA «STRATÉGIE» BRUTALE

 

Le premier jour, le 31 janvier dernier, 191 travailleurs sur 1.100 se sont mis en grève. Pendant toute la durée de la grève, peu d’informations ont été diffusées: on ne savait pas combien de travailleurs étaient en grève, si la production s’était arrêtée et si les grévistes avaient réussi à convaincre d’autres collègues de se joindre à eux.

La stratégie du syndicat à l’égard de la grève était la suivante: au lieu de rassembler tous ceux qui avaient accepté de faire grève, au lieu de faire manifester tout le monde à l’extérieur de l’usine et de tester ainsi la force et l’unité collective des travailleurs, il a décidé que seule une équipe particulière arrêterait le travail, à un moment donné, pour «paralyser» la production. Les autres travailleurs, même ceux qui soutenaient la grève, continueraient de travailler comme d’habitude. Le syndicat entendait ainsi réduire le nombre de jours de grève par travailleur, bien entendu jours non payés. Un syndicat de classe se serait organisé pour soutenir financièrement les grévistes, en utilisant une partie des cotisations perçues et le «fonds de grève» que tout syndicat ouvrier devrait constituer précisément en vue des nécessaires journées de lutte pendant lesquelles les travailleurs perdent leur salaire, en vue d’une grève la plus longue possible; mais OS KOVO, comme tout autre syndicat collaborationniste, est organisée non pas pour soutenir la lutte ouvrière, mais pour ne pas la faire et, au cas où elle ne pourrait être évitée par la pression ouvrière, pour l’isoler, la paralyser, la fragmenter, en un mot: la saboter. Bien sûr, les mots que le syndicat utilise sont tous accordés avec son hypocrite souci de faire prendre le moins de risques aux prolétaires, tant sur le plan salarial que sur le plan juridique, mais derrière les mots, il y a les faits qui montrent que chaque acte et action du syndicat se font en faveur des intérêts patronaux et au détriment des intérêts des travailleurs.

Bien sûr, Nexen Tire a tout fait depuis le début pour briser la moindre volonté de lutte des travailleurs. Elle a tenté d’empêcher la grève par une demande de mesure provisoire, qui a toutefois été rejetée par le tribunal régional (le tribunal bourgeois a également le devoir de montrer qu’il se soucie de la légalité, même vis-à-vis des grands capitalistes); elle a tenté d’acheter les travailleurs en leur payant de généreuses heures supplémentaires; elle a publié des documents internes pour les informer que la grève était illégale; elle a empêché les travailleurs des piquets de grève d’entrer dans l’usine pour convaincre d’autres travailleurs de se joindre à la grève. En réalité, elle n’a même pas pris la peine d’enfreindre la loi en appelant des briseurs de grève pour occuper les postes laissés vacants par les grévistes, en leur offrant des salaires plus élevés. Un ouvrier qui se trouvait à l’extérieur de l’usine pendant la grève a déclaré: «Je sais que certains venaient de l’équipe des jaunes et qu’ils allaient faire du travail supplémentaire. J’ai vu les directeurs eux-mêmes démarrer la chaîne de montage lorsque personne ne venait travailler...» (1). Bien entendu, le syndicat, confronté à ces épisodes, a dû sauver la face: à cause de ces actions de la direction, il a appelé une fois la police pendant la grève; mais il n’y a eu aucun suivi juridique.

 

CE QUE LA GRÈVE A (N’A PAS) OBTENU

 

Le syndicat avait formulé les revendications suivantes: une augmentation de salaire de 8,3 %, des arriérés de salaire pour toute l’année précédente et les premiers mois de 2023 non couverts par l’augmentation, des primes pour les équipes de nuit et de week-end, et la signature immédiate d’une convention collective avec effet rétroactif à 2022.

Après 7 jours de grève, le syndicat et la direction sont parvenus à un accord et ont mis fin à la grève: le syndicat a accepté que les salaires n’augmentent que de 8% (une réduction de 0,3% peut être négligeable, mais c’est la direction qui a démontrer tenir les rênes avec ce banal changement) et que les travailleurs recevront une somme ridicule de 20.000 couronnes tchèques (858 euros) au lieu d’être entièrement indemnisés pour les salaires de l’année dernière. Les autres revendications ont été reportées à des négociations ultérieures et feront partie de la convention collective convoitée, qui n’est pas attendue avant la fin du mois de juin !

Tel est le résultat, malgré les paroles fortes du secrétaire du syndicat qui avait déclaré ne pas avoir l’intention de négocier un compromis et que la grève se prolongerait « jusqu’à ce que l’entreprise accepte notre proposition». Selon Ïurèo, «l’accord reflète ce que les travailleurs voulaient obtenir», ce qui est ridicule, notamment parce que ses revendications initiales, présentées il y a 12 mois, étaient largement dépassées: en l’espace d’un an, les conditions de vie des travailleurs se sont sévèrement détériorées, principalement à cause d’une inflation annuelle moyenne qui est passée de 3,8 % à 15,1 %, et qui continue d’augmenter.

Les travailleurs de Nexen Tire se sont mis en grève, ont tenu 7 jours consécutifs, mais n’ont pas obtenu «quelque chose en plus», une véritable augmentation de salaire. Par leur action, ils ont simplement ralenti la baisse des salaires réels de 13,6% à 6,4% (en comparant entre les chiffres de janvier 2023 et ceux de janvier 2019, lorsque les négociations collectives ont commencé). En outre, les salaires continueront de baisser à cause de l’inflation galopante, tandis que le gouvernement a annoncé des coupes sombres dans plusieurs prestations sociales et le passage de nombreux postes de la TVA à un niveau supérieur.

Cependant, les syndicats, ensembles avec les représentants de la gauche bourgeoise et même certains membres de l’extrême gauche, ont immédiatement applaudit et se sont félicités des résultats de la grève en la qualifiant de «lutte victorieuse». Le président du syndicat OS KOVO lui-même a expressément remercié non pas les travailleurs, mais le ministre du Travail, Marian Jureèka, et l’ambassadeur coréen, Kim Te-chin, qui ont, selon lui, «contribué de manière significative à l’accord». Autre exemple, dans les cercles trotskistes, les hymnes à ce qu’ils considèrent déjà comme une forte inversion de tendance parmi les travailleurs tchèques n’ont pas manqué; en effet, ils considèrent que les masses ouvrières sont en train de se réanimer et de terrifier à la fois les timoniers du grand capital et leur gouvernement, et les parasites des directions syndicales … Il suffit d’un bruissement de feuilles, pour qu’ils voient déjà... la révolution avancer...

La cerise imaginaire sur le gâteau est la déclaration commune du syndicat OS KOVO et de la direction de Nexen Tire après la fin de la grève, dans laquelle ils minimisent la grève comme un simple «malentendu entre les parties». En outre, dans le texte, le syndicat souscrit à une «coopération mutuelle pour que l’entreprise, lieu de travail de tous les employés, devienne une entreprise stable et respectée (...), pour restaurer l’honneur et le nom de l’entreprise et de ses employés», soulignant que «le syndicat et l’entreprise participeront activement à la deuxième phase d’expansion en cours et feront tout leur possible pour la stabiliser», et que le syndicat «encouragera les employés à respecter les règlementations et à travailler consciencieusement sans absentéisme» car, comme l’indique le texte, «l’entreprise et ses employés ne sont pas différents et partagent le même objectif»: construire une entreprise prospère !!!

 

LE MOUVEMENT SYNDICAL TCHÈQUE

 

En réalité, plus que la force des travailleurs locaux, la grève à Nexen Tire a mis en lumière les nombreux obstacles qu’ils doivent surmonter sur la voie de la reprise de la lutte des classes.

Le mouvement syndical tchèque manque de tradition historique; il n’y a pas d’expérience directe d’une véritable lutte de classe, une expérience que les travailleurs tchèques doivent en fait construire à partir de rien... Les syndicats mentionnés ci-dessus sont, en réalité, les héritiers des syndicats du régime d’avant novembre 1989, un régime qui se présentait comme «socialiste», mais qui n’était en rien différent des régimes capitalistes de l’Ouest. Les syndicats n’ont fait qu’assumer pleinement le rôle de gestionnaires de la force de travail, de garants de la paix sociale et de défenseurs de la collaboration entre les classes. Même de loin, il n’y a pas une seule organisation syndicale aujourd’hui qui puisse être décrite comme combative, utilisant les méthodes et les moyens de lutte classiste, c’est-à-dire une lutte qui soutient exclusivement les intérêts économiques et immédiats des travailleurs.

Un autre aspect qui caractérise le mouvement ouvrier tchèque est une sorte de défaitisme à l’égard de la lutte ouvrière en général; les racines de ce défaitisme se trouvent dans la longue série de défaites et de protestations infructueuses dans lesquelles les travailleurs ont été conduits sous la direction des syndicats collaborationnistes. La grève n’est donc pas considérée comme une arme de la lutte ouvrière, mais seulement comme l’outil ultime à utiliser et à utiliser selon les règles imposées d’en haut.

 

CONCLUSION: LA GREVE EST L’ARME QUE LES TRAVAILLEURS DOIVENT DECOUVRIR

 

Nous vivons une période de détérioration générale de l’ensemble des conditions des travailleurs - les conditions de vie des travailleurs se détériorent indépendamment de leur sexe, de leur âge, de leur profession, de leur nationalité... Tout cela se produit dans le sillage de la crise de l’économie capitaliste, au milieu d’une réaction idéologique croissante et de coups de répression contre les «dissidents» potentiels qui s’opposent à la classe bourgeoise dominante et au démantèlement des amortisseurs de sécurité sociale antérieurs que la crise exige, ou qui s’opposent à l’implication de la République tchèque dans le conflit entre les États-Unis, l’OTAN et la Russie sur le territoire de l’Ukraine, et à la perspective générale de réarmement en vue du prochain conflit guerrier qui se profile à l’horizon.

Une telle situation pourrait être objectivement propice à l’unification des revendications des travailleurs sur une base unifiée immédiate (défense des conditions de vie et de travail) contre un ennemi unique (la classe capitaliste et son État). Mais les travailleurs entrent dans cette période terriblement mal préparés, désorganisés, inexpérimentés et sans les germes - ne serait-ce que dans la sphère économique - d’une microscopique combativité ouvrière organisée. De plus, ils sont complètement coupés de la tradition historique de la lutte de classe prolétarienne et de sa direction politique révolutionnaire qui, dans les années 20 du siècle dernier, avait été un formidable pôle d’attraction dans le sillage de la révolution d’Octobre. Si pour le prolétariat allemand ou russe on peut se référer au passé et à sa formidable tradition de lutte classiste et révolutionnaire, il n’en va pas de même pour le prolétariat tchèque, comme pour celui de tant d’autres pays, notamment d’Europe de l’Est, qui, lui, ne peut être blâmé. La contre-révolution stalinienne, avec sa théorisation du socialisme dans un seul pays, et avec sa répression très concrète de toute tendance révolutionnaire survivante en faveur de la victoire contre-révolutionnaire bourgeoise à l’échelle mondiale, a largement contribué à faire reculer de cent ans non seulement la lutte révolutionnaire prolétarienne, mais aussi la lutte de défense immédiate et élémentaire des travailleurs. Ce que la contre-révolution bourgeoise de l’époque a légué à la bourgeoisie d’aujourd’hui, c’est notamment la politique de collaboration entre les classes, à tous les niveaux - économique, politique, syndical, culturel et, bien sûr, militaire. La force des syndicats d’aujourd’hui - que nous qualifions de collaborationnistes pour les raisons auxquelles ils souscrivent eux-mêmes et dont le but est d’inculquer au prolétariat qu’ils ont les mêmes objectifs que les entreprises, en liant les travailleurs à la prospérité de «leur» entreprise dans la lutte concurrentielle sur le marché -, est mise en œuvre en imposant chaque accord avec la soumission maximale des travailleurs aux exigences de l’entreprise, par la rationalisation des postes de travail, en détournant la moindre activité de protestation et de réaction des travailleurs vers la négociation et le compromis à travers les labyrinthes des organes de l’État, des avocats, et ainsi dès le début en rendant les travailleurs totalement démunis et vaincus d’avance.

Attendre de ces syndicats qu’ils jouent un rôle positif, même minime - par exemple en obtenant des améliorations dans la lutte économique qui ne représenteraient pas également un plus grand boulet pour les travailleurs eux-mêmes à l’avenir, comme la déclaration commune susmentionnée ou le maintien ou l’augmentation générale des primes de rendement et d’assiduité - est une grande illusion que d’autre part, les travailleurs paient directement de leur propre peau.

Une défense efficace des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière n’est possible qu’en brisant le levier de l’intérêt à préserver la société capitaliste actuelle basée sur l’exploitation des travailleurs, c’est-à-dire à préserver la collaboration interclassiste représentée par le syndicalisme. La défense efficace et durable des intérêts prolétariens, même sur le terrain immédiat, repose sur la reconnaissance de l’incompatibilité d’intérêts entre prolétaires et capitalistes et sur la mobilisation des forces prolétariennes vers des objectifs exclusivement prolétariens, ce qui signifie lutter avec des moyens et des méthodes classistes (grèves sans limitation préalable de durée à l’appui de revendications économiques et immédiates, négociations soumises à la lutte permanente, piquets de grève contre les briseurs de grève, manifestations de solidarité des travailleurs dans d’autres usines, grèves sauvages, etc.), des moyens et des méthodes que seules des organisations de classe, donc non collaborationnistes, peuvent mettre en œuvre dans la préparation de la lutte, sa conduite et sa conclusion. Des organisations de classe qui, renforcées par la lutte elle-même, ont pour tâche première de défendre leur indépendance car c’est cette indépendance vis-à-vis de toute institution bourgeoise qui leur permet de représenter les intérêts prolétariens non seulement dans cette lutte particulière, non seulement à ce moment particulier ou dans tout secteur particulier, mais tendanciellement dans tout le vaste cadre dans lequel on a divisé la classe prolétarienne en dressant les travailleurs les uns contre les autres. A l’indépendance vis-à-vis de toute institution bourgeoise et pour assurer la continuité organisationnelle dans les objectifs partiels ou plus généraux de la lutte ouvrière, l’organisation de classe doit combiner une lutte implacable contre la concurrence entre les travailleurs. La concurrence entre travailleurs est l’une des armes les plus insidieuses et les plus efficaces que la bourgeoisie ait utilisées depuis sa naissance historique pour contrôler et faire plier la masse du prolétariat à ses besoins. Et ce n’est pas une coïncidence si les syndicats collaborationnistes (et avec eux les partis dits de gauche, mais en réalité également collaborationnistes) sont les champions de l’utilisation de la concurrence entre travailleurs pour les maintenir soumis aux exigences «supérieures» de l’économie d’entreprise et de l’économie nationale.

Selon des paroles classiques: «Plus l’influence des réformistes sur les ouvriers est forte, et plus les ouvriers sont impuissants, plus ils sont sous la coupe de la bourgeoisie, plus il est facile pour celle-ci de réduire à néant les réformes par des subterfuges divers. Plus le mouvement ouvrier est indépendant, plus ses objectifs sont profonds et vastes, plus il est affranchi de l’étroitesse du réformisme, et mieux les ouvriers réussissent à consolider et à utiliser des améliorations isolées.» (2)

Un mouvement de classe fort n’émergera pas sur la base de la seule spontanéité des travailleurs, mais il a besoin et aura besoin du travail constant et intransigeant des véritables communistes révolutionnaires, à la fois comme porteurs de la conscience de classe organisée dans le parti et comme défenseurs de l’avenir du mouvement de classe et révolutionnaire. Il aura également besoin du travail constant et intransigeant des prolétaires les plus combatifs et sensibles à la cause de leur classe, qui devront se charger de créer l’ossature du nouveau réseau organisationnel prolétarien indépendant.

 


 

(1) https:// www.e15.cz/ byznys/ prumysl-a-energetika/ stavka-v-nexenu-po-tydnu-konci-odborum-se-podarilo-vyjednat-zvyseni-mezd-1396466

(2) Cf. Lénine, Marxisme et réformisme, Œuvres complètes, vol. 19, Rome 1967, p. 400.

 

14/04/2023

 

 

Parti Communiste International

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