Tchéquie

Face à une «semaine de protestation» impuissante, aux appels au «dialogue social» et aux atermoiements des directions syndicales, les prolétaires doivent prendre leur lutte en main!

Pour la lutte des classes contre toutes les attaques des capitalistes et de leur Etat!

(«le prolétaire»; N° 549; Juin-Juillet-Août 2023)

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La plus grande confédération syndicale de République tchèque, la ÈMKOS, après l’annonce d’une grève pour le 15 mai 2023, annonciatrice de la contestation ouvrière, lance une semaine de protestation fin juin contre les mesures d’austérité du gouvernement, qui inclut la réforme des retraites. Il s’agit d’une nouvelle étape pour «amener le gouvernement à la table des négociations sur les propositions de mesure pour redresser les finances publiques du pays»...; et la ÈMKOS a déjà élaboré sa «propre série de mesures» pour la reprise de l’économie nationale afin d’«atténuer» l’impact du paquet d’austérité gouvernemental contre les travailleurs et leurs familles. Toutefois, «au lieu d’un dialogue ouvert, qui est le seul moyen de trouver des solutions rationnelles», les syndicats sont, selon leurs propres termes, confrontés à un gouvernement qui blâme tous les autres pour ses propres décisions erronées.

Bien que le leader de la ÈMKOS, Støedula, ait déclaré que «l’objectif des prochaines manifestations est d’empêcher le gouvernement d’adopter ces changements législatifs», il précise en fait qu’il s’agit uniquement d’un moyen de faire pression sur le gouvernement pour qu’il rétablisse le «dialogue social», pour qu’il «écoute les travailleurs» (c’est-à-dire ses représentants, les plus grandes organisations syndicales) afin que l’impact des mesures d’austérité ne soit pas uniquement supporté par les travailleurs. Les dirigeants syndicaux ne font que se mettre du miel sur les lèvres - comme si le gouvernement n’était pas pleinement conscient de ce qu’il faisait, comme s’il ne le faisait pas seulement pour les intérêts des capitalistes, et comme si le dialogue social, c’est-à-dire la collaboration de classe, ne se faisait pas toujours aux dépens de la classe ouvrière! La ÈMKOS veut seulement être un partenaire et servir de médiateur entre les attaques de la classe dominante et les conditions de travail et de vie des travailleurs. Tel est le véritable contenu de la collaboration de classe, de ce dialogue social dans lequel les syndicats s’engagent et avec lequel ils trompent le prolétariat!

Støedula a clairement indiqué ce à quoi les syndicats auront recours si le gouvernement ne les écoute pas - mais ne vous attendez pas à la préparation de grèves massives et illimitées qui nuiraient aux profits des entreprises capitalistes et au bon fonctionnement de l’État! «J’espère que les électeurs se souviendront lors des prochaines élections - y compris les élections européennes, sénatoriales et régionales - de ce qu’ils font et qu’ils feront rendre des comptes équitables à ces formations politiques», nous dit ce candidat malheureux à l’élection présidentielle. Est-il possible qu’il veuille dire par cette phrase qu’il tentera sa chance au Sénat ou au Parlement européen la prochaine fois? Ce ne serait pas une exception: nombre de ses anciens collègues syndicalistes (Falbr, Štìch, Zavadil...) ont trouvé une place dans ces institutions.

Il est de notre devoir de montrer que seule la lutte de classe prolétarienne indépendante est la voie à suivre. En France, les formidables luttes de plus de deux millions de personnes en 1995, avec des grèves dures dans les chemins de fer et les transports parisiens, durant trois semaines, avec l’occupation des principales gares et le blocage du transport ferroviaire, et qui ont également impliqué d’autres entreprises comme la poste, etc., pour forcer le gouvernement à abolir le «plan Juppé» de l’époque (c’est-à-dire l’abolition des «régimes spéciaux de retraite» précédemment accordés à certaines catégories stratégiques de travailleurs...), malgré le retrait partiel du plan n’ont pas réussi à faire reculer définitivement la bourgeoisie sur sa volonté de prolonger la vie active des prolétaires en augmentant l’âge de la retraite et à remettre régulièrement cette mesure sur le tapis jusque récemment en début d’année. Pourquoi? Parce que les prolétaires ont toujours laissé la direction et l’organisation de leurs luttes aux mains des syndicats officiels qui se sont révélés, hier comme aujourd’hui, garants de la paix sociale et saboteurs des luttes ouvrières.

Mais il est aussi de notre devoir de souligner le mythe de la grève générale, fortement présent dans la classe ouvrière. Le succès de la grève générale, comme de toute autre grève, dépend avant tout de l’orientation et des objectifs de ceux qui la dirigent : s’agit-il des intérêts réels et de classe du prolétariat, ou d’intérêts et d’objectifs interclassistes et nationaux, c’est-à-dire démocratiques? L’exemple de mai-juin 1968 en France est parlant : ce fut la plus importante grève générale du mouvement ouvrier dans ce pays (et en Europe) – 8 à 10 millions de grévistes, des dizaines de milliers d’entreprises occupées, même les plus petites, un mouvement qui a duré deux mois... Pourtant ses résultats seront minimes, bien inférieurs au mouvement de mai-juin 1936, où les grèves ont été bien moins nombreuses; la semaine de 40 heures obtenue en 1936, abolie dans l’avant-guerre, n’a pas été rétablie en 1968; les réformes sur la sécurité sociale - aux frais des travailleurs, bien sûr! - pour lesquelles les syndicats ont mené deux grèves dites générales en 1967, n’ont pas été combattues; l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans n’a pas été atteint; les augmentations de salaires obtenues ont été englouties par l’inflation quelques mois plus tard. À l’époque, l’énorme force qui s’est formée sur les lieux de travail contre les patrons ne s’est pas traduite par une force permettant d’obtenir les revendications, car les «représentants des travailleurs» autoproclamés - les directions syndicales - en réalité de bons réformistes, sont d’abord les défenseurs des intérêts du capitalisme français, plutôt que les défenseurs des travailleurs. Dès lors, une future grève générale laissée aux mains des appareils qui sabotent les luttes ne peut être qu’un enfant mort-né.

Même en République tchèque, nous avons un exemple qui montre que la lutte - la grève sans limites préalables - est le levier pour faire avancer les intérêts des travailleurs. Comme nous l’avons écrit dans notre article «Tchéquie. Quelques leçons de la grève chez Nexen Tire», «En tout cas, ce que le plus grand syndicat de l’industrie, OS KOVO, n’a pas obtenu en quatre ans de prétendues négociations, les travailleurs ont réussi à l’arracher - même si ce n’est que très partiellement par rapport aux revendications formulées il y a un an - en se mettant finalement en grève à durée indéterminée.» Donc, s’était justement une grève sans limitation préalable de durée, une force, pour se faire entendre des patrons car les patrons, et par extension leur État capitaliste, ne comprennent que la force, pas la parole.

Mais les syndicats comme OS KOVO veulent que la grève soit toujours perçue comme «le dernier instrument pour faire respecter les droits des travailleurs», parce que, comme ils le répètent eux-mêmes sans cesse, ils sont les défenseurs de la paix sociale! Attendre de ces syndicats qu’ils préparent des grèves massives et sans limitation préalable de durée et qu’ils soient un levier de pouvoir pour les travailleurs est une grande illusion! Ces syndicats - que nous appelons collaborationnistes de classe pour les raisons qu’ils professent eux-mêmes, et dont le but est d’inculquer au prolétariat qu’eux et les entreprises, l’économie nationale, ont le même objectif, de clouer les travailleurs au succès de «leur» entreprise dans la lutte avec la concurrence sur le marché -, exercent leur pouvoir en imposant dans chaque accord la subordination maximale des travailleurs aux exigences de l’entreprise, en rationalisant les tâches de travail, en détournant la moindre activité de protestation et la moindre réaction des travailleurs vers des négociations et des compromis dans les labyrinthes des organes de l’État, des avocats, désarmant les travailleurs et assurant leur défaite  dès le début. Il n’est donc pas surprenant que le syndicat OS KOVO ait minimisé la grève de Nexen Tire comme s’il s’agissait d’un simple «malentendu entre les parties» et qu’il se soit engagé, dans une déclaration commune avec la direction de Nexen Tire, à «coopérer mutuellement pour que l’entreprise, le lieu de travail de tous les travailleurs, devienne une entreprise stable et respectée (...), afin de restaurer l’honneur et le nom de l’entreprise», et que «le syndicat et l’entreprise participeront activement à la deuxième phase de l’expansion en cours et feront tout le possible pour la stabiliser», ainsi que le fait qu’OS KOVO «encouragera les employés à respecter les règles et à travailler consciencieusement sans absentéisme» parce que «l’entreprise et ses employés ne sont pas différents et partagent le même objectif».

Il fut un temps où les travailleurs, dans leurs organisations de défense immédiate, devaient faire face à la traîtrise du visage masqué des directions syndicales dans leurs luttes pour défendre les conditions de travail et de vie; mais depuis des décennies, les syndicats d’aujourd’hui assument pleinement leur rôle de gestionnaires de la force de travail, de garants de la paix sociale et de défenseurs de la collaboration entre les classes. En fait, la confédération ÈKMOS est l’héritière du régime syndical d’avant novembre 1989, un régime qui, tout en se faisant passer comme «socialiste», n’était pas différent des régimes capitalistes de l’Ouest. Aujourd’hui, en République tchèque, il n’y a pas une seule organisation syndicale qui puisse, même de loin, être qualifiée de combattante, qui utilise les méthodes et les moyens de la lutte des classes, c’est-à-dire une lutte qui basée exclusivement sur les intérêts économiques et immédiats des travailleurs.

Le mouvement ouvrier tchèque, qui n’a pas de tradition historique, d’expérience directe d’une véritable lutte de classe, doit partir de zéro; il doit surmonter une certaine forme de défaitisme, qui trouve également ses racines dans la longue série de défaites et de protestations infructueuses par lesquelles les travailleurs sont passés sous la direction des syndicats collaborationnistes. La grève doit être une arme de la lutte ouvrière, et non pas son dernier outil à utiliser, qui plus est selon des règles imposées d’en haut!

La défense efficace et durable des intérêts prolétariens, même sur le terrain immédiat, consiste à reconnaître l’incompatibilité entre les intérêts du prolétariat, la classe des sans réserve, et ceux des capitalistes, et à mobiliser les forces prolétariennes pour des buts exclusivement prolétariens, ce qui signifie lutter avec des moyens et des méthodes classistes (grèves sans limitation préalable de durée à l’appui de revendications économiques et immédiates, discussions que dans des conditions de lutte active et continue, piquets de grève contre les briseurs de grève, manifestations de solidarité des travailleurs d’autres usines, grèves sauvages sans préavis et sans limite préalable de durée, etc.); des moyens et des méthodes qui ne peuvent être mis en pratique que par des organisations de classe, c’est-à-dire non collaborationnistes, dans la préparation de la lutte, sa conduite et sa conclusion. La défense de cette lutte, la constitution d’un pôle de classe et la tentative d’influencer les travailleurs dans ce sens, au moins en partie, fusse au sein des syndicats actuels, a toujours été notre position; avec la perspective d’unir tous les travailleurs dans une lutte économique défensive unitaire de classe - et non de fragmenter la classe ouvrière et de séparer les travailleurs les plus combatifs de ceux qui sont incertains et encore sous l’influence du collaborationnisme interclassiste.

Un mouvement de classe fort ne pourra pas émerger sur la seule base de la spontanéité des travailleurs, mais il a besoin et aura besoin du travail constant et incessant des véritables communistes révolutionnaires, soit comme porteurs de la conscience de classe organisée dans le parti, soit comme défenseurs de l’avenir du mouvement de classe et révolutionnaire. Il aura également besoin du travail constant et inflexible des prolétaires les plus combatifs, les plus déterminés, les plus sensibles à leurs objectifs de classe, qui devront assumer la tâche de former la colonne vertébrale d’un nouveau réseau organisationnel prolétarien indépendant capable d’unir dans la lutte contre les patrons, leur État et le capital, de la manière la plus homogène, des prolétaires de différents secteurs, de différentes catégories, de différents âges et de différentes nationalités.

 

- Contre la «réforme» des retraites et contre toute attaque bourgeoise, pour une orientation de classe dans la lutte qui rompt avec l’orientation défaitiste des organisations collaborationnistes!

- Unité dans la lutte de tous les prolétaires, dans le secteur public et privé, employés et chômeurs, actifs et retraités, hommes et femmes, jeunes et vieux, Tchèques et «immigrés»!

- Réduction drastique du temps de travail et de l’âge de la retraite!

- Augmentation générale des salaires, des allocations de chômage, des pensions et de tous les minima sociaux!

- Contre toute discrimination, salaire égal pour un travail égal!

- Pour une lutte révolutionnaire contre le capitalisme, contre ses préparatifs de guerre et la domination impérialiste, en union avec les prolétaires du monde entier!

 

24/06/2023

 

 

Parti Communiste International

Il comunista - le prolétaire - el proletario - proletarian - programme communiste - el programa comunista - Communist Program

www.pcint.org

 

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