Guerre en Palestine

Enjeux impérialistes et perspective prolétarienne

(«le prolétaire»; N° 550; Sept.- Oct.-Nov. 2023)

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La spectaculaire et sanglante attaque des combattants du Hamas avec le massacre de centaines de civils et la capture de centaines d’otages israéliens et la terrible riposte de l’Etat Hébreu ébranlent tout le Moyen-Orient.

Durement frappé dans son aura d’invulnérabilité, Israël veut montrer aux Etats de la région, avec l’accord des impérialismes occidentaux, qu’on ne le défie pas impunément.

La première victime est la population de Gaza soumise à des bombardements massifs et à un blocus visant à la priver de nourriture, d’eau, d’électricité et des biens de première nécessité (selon les dires du ministre israélien de la défense) et poussée à quitter le nord du territoire: des milliers de morts et blessés, des dizaines de milliers de sans-abris, des centaines de milliers de déplacés; mais la population des Territoires occupés de Cisjordanie est victime elle aussi de la violence de l’armée et des colons israéliens qui expulsent les Palestiniens de leurs villages, faisant des dizaines de morts.

En mettant de côté le rêve des partis colonialistes d’extrême droite (pourtant représentés au gouvernement) d’annexer la Cisjordanie et d’expulser tous les Palestiniens, il n’en reste pas moins que le climat politique en Israël est de profiter de la guerre pour sinon régler définitivement le «problème» palestinien (c’est-à-dire toute résistance à la colonisation), du moins de frapper durement les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, le Hezbollah au Liban et jusqu’à l’Iran qui finance et arme les diverses milices d’un dit «axe de la résistance islamique». Il semble que d’après la presse internationale, cette dernière éventualité ait été écartée, mais la riposte d’Israël aura des conséquences importantes au niveau régional. Selon des déclarations d’officiels israéliens, un objectif de cette riposte outre de détruire les institutions et les structures «gouvernementales» du Hamas, serait de réduire la bande de Gaza pour constituer une «zone tampon», un «no mans land», ce qui impliquerait le déplacement de jusqu’à un million d’habitants vers l’Egypte.

Or le gouvernement du Caire est absolument opposé à un tel afflux de réfugiés sur son territoire, non seulement en raison des problèmes économiques que cela entraînerait dans la situation de crise que traverse le pays, mais aussi en raison des risques politiques et sociaux posés par une masse de population meurtrie avide de revanche sur Israël. C’est la raison pour laquelle (en accord avec les autorités israéliennes), il se refuse jusqu’ici à laisser la moindre personne sortir de Gaza par le point de passage qu’il contrôle, alors que quelques camions d’aide humanitaire ont finalement été autorisés à y entrer.

 Les autres Etats de la région redoutent qu’une trop longue et trop meurtrière riposte israélienne entraîne des réactions incontrôlables parmi leurs populations. Pour l’instant les imposantes manifestations qui ont eu lieu dans ces pays ont servi de diversion au mécontentement social, mais l’exemple égyptien sonne comme un avertissement; pour la première fois depuis le coup d’Etat le gouvernement d’Al Sissi avait non seulement autorisé une journée de manifestation, en soutien aux Palestiniens, mais il l’avait même organisée: de nombreux manifestants en ont profité pour conspuer le régime. 

 

Enjeux impérialistes

 

Les impérialismes occidentaux ont soutenu sans hésiter et continuent à soutenir les bombardements israéliens de Gaza qui ont fait au moment où nous écrivons plus de 7000 morts, civils pour la plupart (1). Dès l’attaque du Hamas les Etats-Unis ont envoyé armes et munitions à l’armée israélienne, suivis par une imposante flottille de guerre avec 2 porte-avions (qui ont déjà bombardé des éléments «pro-iraniens» en Syrie). Ils ont envoyé également des militaires de haut rang, ayant l’expérience de la guerre urbaine en Irak, pour conseiller leurs homologues israéliens, etc.

Les dirigeants européens se sont chacun à leur tour précipités en Israël pour assurer l’Etat Hébreu de leur soutien sans faille. Macron a fait de même; mais il a tenu en plus à aller en Cisjordanie soutenir Mahmoud Abbas, le président d’une «Autorité Palestinienne» complètement discréditée pour sa corruption et ses compromissions avec Israël, à tenter de ressusciter la perspective de la création d’un Etat palestinien croupion et à faire mine de demander le respect du «droit international». Le fait que la France n’ait jamais dénoncé les violations caractérisées de ce «droit» et les «crimes de guerre» commis par Israël démontre ce que valent ces gesticulations diplomatiques et plus généralement tous ces discours: le droit international n’est en réalité que le droit du plus fort.

 Et si l’on nourrissait encore quelques doutes à cet égard, il suffirait de se rappeler qu’en matière de crimes de guerre la France a un sanglant record, notamment lors des guerres coloniales et post-coloniales, du Viet Nam au Cameroun, de l’Algérie au Rwanda, etc., qui fait pâlir les atrocités actuelles. Et les «condoléances» que Macron a présentées pour les victimes palestiniennes à M. Abbas, après avoir approuvé les représailles militaires israéliennes sont particulièrement répugnantes...

La guerre actuelle en Palestine est née sur le terreau de l’oppression nationale des Palestiniens, et si l’objectif déclaré est d’écraser le Hamas, l’objectif plus profond est d’écraser les populations de façon à leur faire perdre toute velléité de révolte (2) et qu’elles acceptent sans broncher le régime qu’on leur imposera (3): les innombrables morts et blessés dus aux bombardements et au blocus ne sont pas des victimes «collatérales»; ils sont le résultat recherché de cet objectif.

Mais la guerre s’inscrit aussi dans le cadre des changements des rapports inter-impérialistes au Moyen Orient et dans le monde. Les Etats-Unis, toujours plus préoccupés par la montée en puissance de la Chine, ont commencé à «pivoter» vers l’Asie depuis l’époque d’Obama, tandis que des puissances moyen-orientales s’affirment de plus en plus.

Les dits «Accord d’Abraham» impulsés par l’administration Trump et poursuivis par Biden visaient à établir des accords de paix et de coopérations séparés entre Israël et certains Etats arabes (Emirats Arabes Unis, Bahrein, Maroc), en laissant de côté la question palestinienne, jugée désormais sans réelle importance et donc laissée à la discrétion du gouvernement israélien (4). Des négociations discrètes étaient en cours avec l’Arabie Saoudite – protégé traditionnel des Etats Unis et puissance pétrolière majeure– pour qu’elle suive le mouvement, tandis que la Turquie se rapprochait irrésistiblement d’Israël (projet de gazoduc commun, etc.). Une des conséquences les plus importantes de ces accords déjà signés ou en préparation était l’isolement accru de l’Iran, quand à la surprise générale l’Iran et l’Arabie Saoudite signaient en mars dernier sous l’égide de la Chine un accord pour la normalisation de leurs relations!

Maintenant la guerre en Palestine sanctionne l’échec complet de la stratégie américaine d’Abraham: elle met en difficulté les pays qui ont signé ces accords, elle renvoie sine die la signature de l’Arabie Saoudite, elle pousse l’Egypte à s’opposer aux Etats Unis, elle contraint la Turquie à faire marche arrière, à interrompre sa collaboration économique avec Israël et à dénoncer ses «alliés» occidentaux...

Devant ce désastre l’impérialisme américain et, derrière lui, les impérialismes européens, n’ont d’autre choix que de montrer leur force militaire et de renforcer l’Etat israélien, seul pilier solide de l’influence occidentale dans la région: Israël a le droit de se défendre, signifie en fait: l’impérialisme occidental a le droit de se défendre!

 

Pour la reprise de la lutte de classe révolutionnaire

 

Soumises aux terribles bombardements et aux attaques terrestres actuelles, soumises depuis toujours à une oppression nationale qui aggrave l’exploitation capitaliste infligée par les bourgeoisies israélienne et arabe, et qui est soutenue par les impérialismes occidentaux, les masses prolétariennes palestiniennes ne peuvent compter sur le soutien des Etats bourgeois de la région: les pays arabes ont démontré depuis des décennies que leur sort les laissait indifférents et dans les cas de plus en plus rares où ils évoquaient leurs souffrances c’était pour faire diversion face à un mécontentement social ou pour faire avancer leurs propres intérêts étatiques. Il en va exactement de même en ce qui concerne la dictature Iranienne qui se présente en championne de la cause palestinienne pour marquer des points face à l’adversaire israélien ou la Turquie d’Erdogan (après son récent tournant). Ils ne peuvent compter sur le Hamas, organisation islamiste réactionnaire qui réprime les mouvements sociaux à Gaza. Il a été capable d’organiser l’attaque du 7 octobre, d’infliger des pertes aux soldats israéliens et de massacrer des civils femmes et enfants, mais il ne sera jamais capable de battre militairement Israël; il fait donc appel au soutien des Etats arabes et musulmans – qui ne viendra jamais comme nous avons vu. Il a déclaré publiquement qu’il était prêt à faire la paix avec Israël si celui-ci se retirait des territoires qu’il occupe et à y instaurer un Etat islamique: ce mini Etat ne serait qu’une galère pour les prolétaires et les masses palestiniennes.

En définitive la fin de l’oppression nationale, de tous les massacres et de toutes les exactions subies par les Palestiniens ne pourra être que le résultat d’un bouleversement complet de l’ordre bourgeois et impérialiste dans la région; autrement dit de la révolution prolétarienne anticapitaliste renversant tous les Etats bourgeois et instaurant sur leurs ruines la dictature internationale du prolétariat.

 Cette tâche ne peut être l’oeuvre des seuls prolétaires palestiniens; elle implique l’action unie des prolétaires de toutes les nations, y compris des prolétaires juifs d’Israël. Cela implique que ces prolétaires rompent les liens qui les unissent à leur bourgeoisie et leur Etat au nom de la nation ou de la religion pour mettre au premier plan la solidarité prolétarienne internationale: cela n’arrivera pas automatiquement ni du jour au lendemain; il y faudra des fortes secousses provoquées par les crises du capitalisme; il y faudra l’exemple concret et les effets de la reprise de la lutte de classe révolutionnaire dans les citadelles du capitalisme mondial; il y faudra l’action de minorités prolétariennes d’avant-garde pour la constitution du parti de classe, communiste, internationaliste et international. Tâche difficile mais qui est la seule perspective prolétarienne non illusoire.

 

Solidarité de classe avec les prolétaires et les masses palestiniennes!

Pour la reprise de la lutte de classe révolutionnaire!

Pour la révolution communiste internationale!

 


 

(1) Pour répondre aux accusations israéliennes et américaines de truquer les chiffres, les autorités de Gaza ont publié les identités de plus de 7000 personnes décédées (sans compter celles toujours ensevelies sous les décombres).

(2) Le président israélien Isaac Herzog, ancien président du Parti Travailliste (de «gauche») qui se disait partisan du dialogue avec les Palestiniens, a déclaré le 14/10/2023, en parlant de Gaza: «C’est une nation entière là-bas qui est responsable. Ce n’est pas vrai cette rhétorique à propos de civils pas au courant, pas impliqués, ce n’est absolument pas vrai» cf. Le Monde, 28/10/2023. Donc tous des terroristes, tous des coupables, qui méritent bien la punition collective infligée par Israël...

(3) Il semble qu’à l’heure actuelle les plans israéliens prévoient de faire administrer Gaza par l’Autorité Palestinienne après une période transitoire de maintien de l’ordre par des militaires de pays arabes amis d’Israël.

(4) Les accords stipulaient qu’Israël s’engageait à ne pas annexer de nouveaux territoires. Netanyahou déclara par la suite que cet engagement n’était que provisoire et de fait la colonisation n’a pas cessé.

 

29/10/2023

 

 

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